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31/05/2022 | FRANCE | N°20/00543

France | France, Cour d'appel de Caen, 1ère chambre civile, 31 mai 2022, 20/00543


AFFAIRE : N° RG 20/00543 -

N° Portalis DBVC-V-B7E-GQFP





ARRÊT N°



JB.





ORIGINE : Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de COUTANCES

du 30 Janvier 2020 - RG n° 18/00651







COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 31 MAI 2022





APPELANTS :



Monsieur [U] [G]

né le [Date naissance 5] 1960 à [Localité 9]

[Adresse 2]

[Localité 8]



Madame [S] [X] épouse [G]

née le

[Date naissance 5] 1960 à [Localité 12]

[Adresse 2]

[Localité 8]



représentés et assistés de Me Christophe VALERY, avocat au barreau de CAEN





INTIMÉS :



Monsieur [M] [B]

né le [Date naissance 6] 1936 à [Localit...

AFFAIRE : N° RG 20/00543 -

N° Portalis DBVC-V-B7E-GQFP

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de COUTANCES

du 30 Janvier 2020 - RG n° 18/00651

COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 31 MAI 2022

APPELANTS :

Monsieur [U] [G]

né le [Date naissance 5] 1960 à [Localité 9]

[Adresse 2]

[Localité 8]

Madame [S] [X] épouse [G]

née le [Date naissance 5] 1960 à [Localité 12]

[Adresse 2]

[Localité 8]

représentés et assistés de Me Christophe VALERY, avocat au barreau de CAEN

INTIMÉS :

Monsieur [M] [B]

né le [Date naissance 6] 1936 à [Localité 11]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Madame [L] [B] née [K]

née le [Date naissance 7] 1936 à [Localité 10]

[Adresse 3]

[Localité 8]

représentés et assistés de Me Nicolas MARGUERIE, avocat au barreau de COUTANCES

DÉBATS : A l'audience publique du 24 mars 2022, sans opposition du ou des avocats, M. GANCE, Conseiller, a entendu seul les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme COLLET

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

Mme VELMANS, Conseillère,

M. GANCE, Conseiller,

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 31 Mai 2022 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier

* * *

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. et Mme [G] sont propriétaires d'une maison d'habitation située au n°[Adresse 2] cadastrée CD n°[Cadastre 4] à [Localité 8].

M. et Mme [B] sont propriétaires de la maison voisine située au n°[Adresse 3] cadastrée section CD n°[Cadastre 1].

M. et Mme [G] ont fait construire en 2016 une terrasse sur pilotis devant leur maison avec claustras limitant la vue du côté de la propriété des époux [B].

Par acte du 9 avril 2018, M. et Mme [B] ont fait assigner M. et Mme [G] devant le tribunal de grande instance de Coutances afin de voir ordonner la démolition de la terrasse, de supprimer les claustras mis en place et de rétablir le grillage mitoyen préexistant sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la signification du jugement à intervenir.

Par jugement du 23 mai 2019, le tribunal de grande instance de Coutances a ordonné un transport sur les lieux qui s'est déroulé le 27 juin 2019.

Par jugement du 30 janvier 2020 auquel il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions en première instance, le tribunal de grande instance de Coutances a :

- condamné M. et Mme [G] à démolir à leurs frais la terrasse litigieuse

- condamné M. et Mme [G] à rétablir le grillage ajouré préexistant et supprimer les claustras mis en place, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 30e jour suivant signification du jugement à intervenir

- condamné M. et Mme [G] à payer 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de M. et Mme [B]

- condamné M. et Mme [G] à payer à M. et Mme [B] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné M. et Mme [G] aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

- débouté les parties de leurs autres demandes

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration du 3 mars 2020, M. et Mme [G] ont formé appel de ce jugement.

Par ordonnance du 15 juillet 2020, M. le premier président de la cour de Caen a constaté l'exécution partielle du jugement en ce que M. et Mme [G] ont procédé au retrait des claustras, ont rétabli le grillage ajouré préexistant et ont payé à M. et Mme [B] la somme de 3 000 euros au titre des condamnations indemnitaires mais a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement.

Par ordonnance du 25 novembre 2020, le conseiller de la mise en état a débouté M. et Mme [G] de leur demande d'expertise judiciaire mais a sursis à statuer dans l'attente de l'établissement d'un procès-verbal de bornage amiable.

Un procès-verbal de bornage amiable a été établi le 2 juillet 2021.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 17 février 2022, M. et Mme [G] demandent à la cour de :

à titre principal

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Coutances le 30 janvier 2020 en ce qu'il les a condamnés à :

* démolir à leur frais la terrasse litigieuse

* rétablir le grillage ajouré préexistant et supprimer les claustras mis en place, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la signification du jugement à intervenir

* payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages-et-intérêts en réparation du préjudice de M. et Mme [B] et 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

statuant à nouveau

- déclarer irrecevable la demande de M. et Mme [B] de démolition de la terrasse fondée sur la prétendue violation de l'article Ub 7 comme étant nouvelle en cause d'appel

- constater que M. et Mme [B] avaient jusqu'au 15 août 2020 pour soulever l'intégralité de leurs prétentions au fond

- constater que la prétention nouvelle de démolition fondée sur la prétendue violation de l'article

Ub 7 du Plu de [Localité 8] a été formulée pour la première fois en cause d'appel par des conclusions du 2 février 2022

- déclarer en conséquence irrecevable la prétention de M. et Mme [B] de démolition de la terrasse fondée sur la prétendue violation de l'article Ub 7 car n'ayant pas été soulevée dans le délai légalement imparti

- déclarer irrecevable la demande de M. et Mme [B] de démolition de la terrasse fondée sur la prétendue violation de l'article Ub 7 pour défaut de qualité à agir

- déclarer irrecevable la demande de M. et Mme [B] de démolition de la terrasse fondée sur la prétendue violation de l'article Ub 7 car se heurtant à l'autorité de la chose jugée tirée du jugement rendu par le tribunal administratif de Caen le 31 mai 2017 sur le fond,

- débouter M. et Mme [B] de toutes leurs demandes à leur encontre

- condamner M. et Mme [B] à leur payer une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner M. et Mme [B] aux entiers dépens.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 1er mars 2022, M. et Mme [B] demandent à la cour de :

- juger recevables leurs demandes

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. et Mme [G] à supprimer les claustras et à remettre un grillage ajouré comme à l'origine, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la signification du jugement à intervenir

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. et Mme [G] à démolir à leurs frais la terrasse litigieuse

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. et Mme [G] au paiement des sommes suivantes :

* 1 500 euros à titre de dommages et intérêts

* 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

* outre les dépens

- débouter M. et Mme [G] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions

- y additant, condamner M. et Mme [G] à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles en cause d'appel

- condamner M. et Mme [G] aux dépens d'appel.

L'ordonnance de clôture de l'instruction a été prononcée le 9 mars 2022.

Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

M. et Mme [G] sont propriétaires d'une maison d'habitation avec terrain sise [Adresse 2] cadastrée CD n°[Cadastre 4] à [Localité 8].

M. et Mme [B] sont propriétaires de la maison et du terrain voisins situés au [Adresse 3] cadastrée section CD n°[Cadastre 1].

M. et Mme [G] ont fait construire courant 2016 une terrasse sur pilotis devant leur maison qui a fait l'objet d'une déclaration de travaux préalable à laquelle le maire de la commune ne s'est pas opposée.

Le litige porte sur cette terrasse ainsi que sur les claustras installés par les époux [G].

Sur la démolition de la terrasse :

M. et Mme [B] sollicitent la démolition de la terrasse édifiée par leurs voisins aux motifs que cet ouvrage leur permet d'avoir une vue sur leur propriété en violation de l'article 678 du code civil et qu'il ne respecte pas en outre les dispositions de l'article Ub 7 du plan local d'urbanisme de [Localité 8].

L'article 678 du code civil dispose qu'on ne peut avoir de vue droites ou fenêtres d'aspect, ni balcons ou autres semblables saillies sur l'héritage clos ou non clos de son voisin s'il n'y a dix-neuf décimètres de distance entre le mur où on les pratique et ledit héritage (..). L'article 679 ajoute que l'on ne peut avoir des vues par côté ou obliques sur le même héritage s'il n'y a six décimètres de distance.

Conformément à l'article 680, les distances susvisées se comptent depuis la ligne extérieure du balcon jusqu'à la ligne de séparation des deux propriétés.

Il résulte du procès-verbal de constat du 3 octobre 2016 que les maisons de M. et Mme [B] et M. et Mme [G] sont mitoyennes.

Les époux [G] ont fait édifier une terrasse en bois sur pilotis dans le prolongement de leur balcon. Cette terrasse est située à proximité immédiate de la propriété des époux [B] comme cela résulte des photographies et du plan de bornage. Elle surplombe ainsi la propriété de ces derniers et se trouve pratiquement à la même hauteur que leur balcon.

Initialement, les époux [G] avaient installé des claustras dans le prolongement du grillage séparant les deux propriétés, jusqu'à une hauteur de 1m25 à partir du plancher de la terrasse en partie basse et jusqu'à une hauteur de 1m 65 du plancher en partie haute et ce afin de limiter la vue chez leurs voisins.

Toutefois, il était possible à un adulte de voir au-dessus de ces claustras compte tenu de leur hauteur.

Les claustras installés initialement n'empêchaient donc pas les époux [G] de bénéficier d'une vue directe sur le jardin de leurs voisins, et d'une vue oblique donnant sur la partie habitation. En particulier, il résulte des photographies du procès-verbal de constat du 3 octobre 2016 que la terrasse litigieuse offrait aux époux [G] une vue oblique sur le séjour et le salon de leurs voisins situés à quelques mètres seulement et à une hauteur voisine.

La terrasse nouvellement construite en prolongement du balcon préexistant, même avec les claustras posés initialement a donc été édifiée en violation des dispositions des articles 678 à 680 du code civil puisque cette terrasse est située à quelques centimètres de la limite séparative.

Les époux [G] soutiennent qu'il serait possible de prévoir des mesures correctives, notamment la pose de claustras supplémentaires ou d'une haie végétalisée.

Toutefois, il résulte du procès-verbal de constat du 3 octobre 2016 que les claustras en bois initiaux occultaient une partie de la vue depuis le séjour et le salon des époux [B]. Ce préjudice de vue apparaît évident sur les photographies n° 6 et 7 annexés par l'huissier de justice à son procès-verbal de constat.

Il en serait donc de même a fortiori d'une haie, de claustras ou de tout autre dispositif d'une hauteur supérieure.

Dans le cas présent, il n'est donc pas envisageable que des travaux correctifs soient réalisés sans qu'ils n'occasionnent aux époux [B] un préjudice de vue important depuis leurs séjour et salon.

L'autorisation administrative délivrée par le maire de la commune ne prive pas les consort [B] de la possibilité d'obtenir la démolition de l'ouvrage édifiée en contravention avec leurs droits, une telle autorisation étant toujours délivrée sous réserve des droits des tiers.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a ordonné la démolition de la terrasse litigieuse, c'est à dire de la terrasse nouvellement édifiée dans le prolongement du balcon préexistant (qui n'est donc pas concerné par la démolition).

Il sera aussi confirmé en ce qu'il a condamné M. et Mme [G] à payer à M. et Mme [B] la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts, la présence de la terrasse litigieuse leur ayant causé un préjudice lié à une perte d'intimé (comme le confirment les photographies de l'huissier de justice), préjudice qu'il convient d'évaluer à hauteur de cette somme.

Sur les claustras :

Les époux [G] ont enlevé le grillage constituant l'ancienne clôture séparative et installé des claustras afin d'isoler partiellement leur terrasse du fonds voisin.

M. et Mme [B] sollicitent la confirmation du jugement qui a ordonné le retrait de ces claustras et la remise en état du grillage préexistant aux motifs que les claustras contreviennent aux dispositions de l'article 662 du code civil ainsi qu'à l'article IV/1 du chapitre IV du cahier des charges du lotissement dont dépendent les deux propriétés.

L'article 662 dispose que l'un des voisins ne peut pratiquer dans le corps d'un mur mitoyen aucun enfoncement ni y appliquer ou appuyer aucun ouvrage sans le consentement de l'autre ou sans avoir à son refus, fait régler par experts les moyens nécessaires pour que le nouvel ouvrage ne soit pas nuisible aux droits de l'autre.

M. et Mme [G] soutiennent que les claustras se trouvent sur leur propriété et ne s'appuient pas sur le muret mitoyen.

Il résulte en effet des photographies produites ainsi que du procès-verbal de bornage et du procès-verbal de transport sur les lieux que les claustras se trouvent sur la propriété des époux [G] et qu'ils ne s'appuient pas sur le muret mitoyen même s'ils sont à quelques centimètres de la ligne séparative.

En revanche, ces claustras constituent une clôture séparant les deux terrains, clôture qui contrevient au cahier des charges du lotissement qui stipule notamment que les clôtures séparatives doivent être végétales et grillagées et d'une hauteur de 1m50.

Il résulte de l'acte de propriété des époux [G] que leur propriété dépend d'un lotissement dénommé 'Le Printemps' dont l'arrêté et les pièces ont fait l'objet des formalités de publicité au bureau des hypothèques lors de sa création, et ce en 1971.

Il résulte de l'acte d'acquisition que le cahier des charges dudit lotissement dont il est rappelé qu'il est annexé à l'arrêté susvisé, a pour objet de définir les charges et conditions sous lesquelles seraient consenties les ventes des lots établis ainsi que les diverses obligations et servitudes instituées dans le lotissement.

Il est soutenu que l'existence d'un plan local d'urbanisme a rendu caduc ce cahier des charges en application de l'article L 442-9 du code de l'urbanisme.

Toutefois, les dispositions susvisées du cahier des charges se rapportant à la hauteur et à la nature des clôtures, dispositions qui ont une valeur contractuelle entre les colotis, peuvent être invoquées par M. et Mme [B] à l'encontre de M. et Mme [G], nonobstant l'existence d'un plan local d'urbanisme imposant de nouvelles règles d'urbanisme.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a ordonné l'enlèvement des claustras (qui constituent des clôtures non conformes aux règles du cahier des charges) et le rétablissement du grillage préexistant sous astreinte (étant constaté que la décision a déjà été exécutée sur ce point comme cela résulte des photographies produites).

Confirmé sur le principal, le jugement sera aussi confirmé sur les dépens et frais irrépétibles.

Succombant en appel, M. et Mme [G] seront condamnés aux dépens d'appel.

Il est en outre équitable de les condamner à payer à M. et Mme [B] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme [G] seront déboutés de leur demande sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort par mise à disposition au greffe ; 

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Condamne M. et Mme [G] aux dépens d'appel ;

Condamne M. et Mme [G] à payer à M. et Mme [B] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les époux [G] de leur demande au titre des frais irrépétibles.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

M. COLLETG. GUIGUESSON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/00543
Date de la décision : 31/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-31;20.00543 ?
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