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31/05/2022 | FRANCE | N°19/02540

France | France, Cour d'appel de Caen, 1ère chambre civile, 31 mai 2022, 19/02540


AFFAIRE : N° RG 19/02540 -

N° Portalis DBVC-V-B7D-GMT3





ARRÊT N°



JB.





ORIGINE : Décision du Tribunal de Grande Instance de COUTANCES du 27 Juin 2019

RG n° 18/00790







COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 31 MAI 2022





APPELANTE :



La Société MUTUELLE ASSURANCE DES COMMERCANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE (MACIF)

N° SIRET : D 781 452 511

[Adresse 2]

[Localité 3]

prise en la personne

de son représentant légal



représentée et assistée de Me Olivier FERRETTI, avocat au barreau de CAEN





INTIMÉES :



La SA SNCF VOYAGEURS venant aux droits de l'EPIC SNCF MOBILITES



[Adresse 4]

[Local...

AFFAIRE : N° RG 19/02540 -

N° Portalis DBVC-V-B7D-GMT3

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : Décision du Tribunal de Grande Instance de COUTANCES du 27 Juin 2019

RG n° 18/00790

COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 31 MAI 2022

APPELANTE :

La Société MUTUELLE ASSURANCE DES COMMERCANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE (MACIF)

N° SIRET : D 781 452 511

[Adresse 2]

[Localité 3]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Olivier FERRETTI, avocat au barreau de CAEN

INTIMÉES :

La SA SNCF VOYAGEURS venant aux droits de l'EPIC SNCF MOBILITES

[Adresse 4]

[Localité 5]

prise en la personne de son représentant légal

La SA SNCF RESEAU, venant aux droits de l'EPIC SNCF RESEAU

N° SIRET : 412 280 737

[Adresse 1]

[Localité 6]

prise en la personne de son représentant légal

représentées par Me Antoine DE BREK, avocat au barreau de CAEN,

assistées de Me François régis CALANDREAU, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS

DÉBATS : A l'audience publique du 17 mars 2022, sans opposition du ou des avocats, Mme VELMANS, Conseillère, a entendu seule les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme COLLET

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

Mme VELMANS, Conseillère,

M. GANCE, Conseiller,

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 31 Mai 2022 par prorogation du délibéré initialement fixé au 17 Mai 2022 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Le 8 mars 2016, Madame [X] [J], assurée auprès de la MACIF, a mis fin à ses jours en se positionnant sur la voie ferrée à hauteur de la commune de [Localité 8], au passage du TER en provenance de [Localité 9] et en direction de [Localité 7].

L'enquête pénale a conclu à un suicide.

Cet accident ayant occasionné des dommages à la SNCF Mobilités devenue SNCF Voyageurs en sa qualité de transporteur et à la SNCF Réseau en sa qualité de gestionnaire d'infrastructure, elles ont sollicité la réparation de leurs préjudices auprès de la MACIF.

S'étant heurté à un refus de sa part, elles l'ont assignée devant le tribunal de grande instance de Coutances par acte d'huissier du 2 mai 2018.

Par jugement du 27 juin 2019, le tribunal a :

- condamné la MACIF à payer à la SNCF Mobilités la somme de 10.088,12 € avec intérêts au taux légal à compter du 20 octobre 2017,

- condamné la MACIF à payer à la SNCF Réseau la somme de 1.043,90 € avec intérêts au taux légal à compter du 20 octobre 2017,

- rejeté la demande de dommages-intérêts au titre de la résistance abusive,

- condamné la MACIF aux entiers dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- rejeté la demande d'indemnité formulée par la MACIF au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la MACIF à payer à la société SNCF Mobilités et à la société SNCF Réseau, ensemble, la somme de 2.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- rejeté toutes autres demandes.

La MACIF a interjeté appel de la décision le 27 août 2019.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 5 mars 2022, elle conclut au visa des articles L.113-1 du code des assurances et 1353 du code civil à l'infirmation du jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive et demande à la cour de :

- à titre principal, dire et juger que Madame [J] a commis une faute dolosive, et en conséquence débouter la SA SNCF Voyageurs venant aux droits de L'EPIC SNCF Réseau de l'intégralité de leurs demandes,

- à titre subsidiaire, dire et juger que Madame [J] a commis une faute intentionnelle, et en conséquence débouter la SA SNCF Voyageurs venant aux droits de l'EPIC SNCF Mobilités et la SA SNCF Réseau venant aux droits de l'EPIC SNCF Réseau de l'intégralité de leurs demandes,

- à titre très subsidiaire, juger qu'en l'absence de tout préjudice matériel établi aucun préjudice immatériel ne saurait être garanti, en conséquence débouter la SA SNCF Voyageurs venant aux droits de l'EPIC SNCF Mobilités et la SA SNCF Réseau venant aux droits de l'EPIC SNCF Réseau de l'intégralité de leurs demandes,

- à titre infiniment subsidiaire, dire et juger que la SA SNCF Voyageurs venant aux droits de l'EPIC SNCF Mobilités et la SA SNCF Réseau venant aux droits de l'EPIC SNCF Réseau ne justifient pas de leurs demandes et, en conséquence, les en débouter,

En toute hypothèse, de :

- débouter la SA SNCF Voyageurs venant aux droits de l'EPIC SNCF Mobilités et la SA SNCF Réseau venant aux droits de l'EPIC SNCF Réseau de leurs demandes de dommages-intérêts pour résistance abusive,

- débouter la SA SNCF Voyageurs venant aux droits de l'EPIC SNCF Mobilités et la SA SNCF Réseau venant aux droits de l'EPIC SNCF Réseau de leur demande de capitalisation des intérêts,

- condamner la SA SNCF Voyageurs venant aux droits de l'EPIC SNCF Mobilités et la SA SNCF Réseau venant aux droits de l'EPIC SNCF Réseau à lui restituer la somme de 13.815,36 € payée au titre de l'exécution provisoire avec intérêts au taux légal à compter du règlement,

- débouter la SA SNCF Voyageurs venant aux droits de l'EPIC SNCF Mobilités et la SA SNCF Réseau venant aux droits de l'EPIC SNCF Réseau de l'intégralité de leurs demandes,

- condamner solidairement la SA SNCF Voyageurs venant aux droits de l'EPIC SNCF Mobilités et la SA SNCF Réseau venant aux droits de l'EPIC SNCF Réseau à lui payer une somme de 3.500,00 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

- condamner solidairement la SA SNCF Voyageurs venant aux droits de l'EPIC SNCF Mobilités et la SA SNCF Réseau venant aux droits de l'EPIC SNCF Réseau aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de leurs dernières écritures en date du 1er mars 2022, les intimées concluent au visa des articles 1240 et suivants du code civil, L.113-1 du code des assurances à :

- la recevabilité des interventions volontaires de la SA SNCF Voyageurs aux lieu et place de L'EPIC SNCF Mobilités et de la SA SNCF Réseau aux lieu et place de l'EPIC SNCF Réseau,

- la confirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté leur demande de dommages-intérêts au titre de la résistance abusive,

- la condamnation de la MACIF à leur payer une somme de 3.000,00 € de dommages-intérêts pour résistance abusive,

- la condamnation de la MACIF en tous les dépens avec droit de recouvrement direct en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- la condamnation de la MACIF à payer à chacune d'entre elles, la somme de 3.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 mars 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'intervention volontaire des SA SNCF Réseau et SNCF Voyageurs

Les interventions volontaires de la SA SNCF Voyageurs aux lieu et place de l'EPIC SNCF Mobilités et de la SA SNCF Réseau aux lieu et place de l'EPIC SNCF Réseau seront déclarées recevables.

Sur la garantie de la MACIF

L'article L.113-1 du code des assurances dispose :

' Les pertes et dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

Toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré'.

Sur la faute dolosive

Il convient de distinguer la faute intentionnelle de la faute dolosive, et de définir cette dernière comme un comportement délibéré de l'assuré, qui emporte disparition de l'aléa, l'agent sachant que son geste allait entraîner inévitablement un dommage.

En l'espèce, il n'est pas démontré par l'appelante que Madame [J] dont l'intention était de mettre fin à ses jours, avait conscience des conséquences dommageables de son acte pour la SNCF, de telle sorte que l'assurance n'avait pas perdu son caractère aléatoire.

La faute dolosive ne saurait donc être retenue.

Sur la faute intentionnelle

La MACIF se prévaut à titre subsidiaire d'une clause du contrat qui exclut 'les dommages de toute nature causés ou provoqués intentionnellement par l'assuré ou avec sa complicité, ou résultant de sa faute dolosive'.

 Comme il a été vu ci-dessus, l'existence d'une faute dolosive a été écartée.

La faute intentionnelle suppose quant à elle, la volonté de son auteur de créer le dommage tel qu'il est survenu.

Tel n'est manifestement pas le cas en l'espèce, l'intention de Madame [J] en se positionnant sur la voie, étant uniquement de mettre fin à ses jours et non de causer un dommage à la SNCF, ce que ne démontre d'ailleurs par la MACIF.

La preuve d'une faute intentionnelle de l'assurée n'est donc pas davantage rapportée.

Il est constant par ailleurs qu'en matière de contrat d'assurance, les clauses d'exclusion doivent être formelles et limitées, c'est à dire qu'elles doivent se référer à des faits, circonstances ou obligations définies avec précision de telle sorte que l'assuré puisse connaître exactement l'étendue de sa garantie. Elles doivent être dépourvues de toute ambiguïté.

Le caractère général de ladite clause qui ne répond pas aux conditions de validité rappelées ci-dessus, ne permettait pas en tout état de cause d'en faire application.

Sur les dommages

La MACIF soutient en outre que les dommages dont il est demandé réparation ne correspondent pas à la définition des dommages matériels tels que prévus par le contrat, et se prévaut d'une clause d'exclusion de garantie figurant à l'article 29 des conditions générales relative aux dommages immatériels consécutifs à un dommage matériel ou corporel garanti.

Les dommages matériels se définissent selon le contrat d'assurance, comme 'la détérioration, destruction ou disparition d'un bien'.

La clause d'exclusion visée concerne 'les dommages immatériels non consécutifs à un dommage matériel ou corporel garanti'.

Il sera relevé tout d'abord que s'agissant d'un préjudice très spécifique que seule la SNCF est à même d'évaluer, il ne peut lui être reproché de produire des décomptes définitifs établis par elle-même, qui l'ont été sur la base du protocole d'évaluation des dommages consécutifs à des accidents causés par des tiers aux biens ferroviaires signé par la SNCF et la Fédération Française de l'assurance en juin 2005, à laquelle la MACIF est adhérente.

Il résulte du décompte de l'EPIC SNCF Mobilités devenu la SA SNCF Voyageurs (Cf. Pièce N°2), ainsi que l'a indiqué le premier juge, qu'elle a subi un préjudice matériel de 4.414,63 € comprenant l'immobilisation du matériel et le coût de la main d'oeuvre pour le nettoyage et la réparation de l'engin qui correspond à la définition donnée par le contrat d'assurance, ainsi qu'un préjudice économique qui lui est consécutif pour un montant de 5.673,49 €, et qui est donc garanti.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande présentée à ce titre.

Le décompte produit par l'EPIC SNCF Réseau devenu la SA SNCF Réseau concerne l'intervention d'un agent de l'INFRA-Equipement pour les constatations et le contrôle des infrastructures ferroviaires et l'intervention d'un agent chef incident local pour un montant de 1.043,90 €.

Il s'agit là aussi de dommages consécutifs à un dommage matériel garanti.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il fait droit à la demande présentée à ce titre.

La cour n'étant tenu de répondre qu'aux prétentions énoncées dans le dispositif des conclusions ainsi que le prévoit l'article 954 du code de procédure civile, il ne sera pas statué sur la demande de capitalisation des intérêts sollicitée par les intimées dans les motifs de leurs conclusions mais non reprise dans le dispositif.

Sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive

Il est constant que le fait de défendre à une action en justice en contestant sa responsabilité ou l'évaluation d'un préjudice, ce qui est un droit de toute partie à un procès, ne saurait s'analyser comme une résistance abusive.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté les intimées de leur demande à ce titre.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'équité commande de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la MACIF à payer aux intimées le somme de 2.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner à leur payer une somme globale de 3.000,00 € au titre des dépens d'appel.

La MACIF sera déboutée de sa demande d'indemnité sur ce fondement.

Succombant, la MACIF sera condamnée aux dépens d'appel, le jugement étant confirmé en ce qu'il l'a condamnée aux dépens de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

DÉCLARE recevables les interventions volontaires de la SA SNCF Voyageurs et de la SA SNCF Réseau aux lieu et place respectivement de l'EPIC SNCF Mobilités et de l'EPIC SNCF Réseau,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Coutances du 27 juin 2019,

Y ajoutant,

CONDAMNE la MACIF à payer à la SA SNCF Voyageurs et la SA SNCF Réseau unies d'intérêts, une somme de 3.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la MACIF aux dépens d'appel dont distraction en application de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

M. COLLETG. GUIGUESSON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/02540
Date de la décision : 31/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-31;19.02540 ?
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