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31/05/2022 | FRANCE | N°19/02099

France | France, Cour d'appel de Caen, 1ère chambre civile, 31 mai 2022, 19/02099


AFFAIRE : N° RG 19/02099 -

N° Portalis DBVC-V-B7D-GLVY

 



ARRÊT N°



JB.





ORIGINE : DÉCISION du Tribunal de Grande Instance de CAEN du 03 Juin 2019 - RG n° 16/01247







COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 31 MAI 2022





APPELANTE :



La SCI LILIA

N° SIRET : 493 014 161

[Adresse 1]

[Localité 5]

prise en la personne de son représentant légal



représentée et assistée de Me Jéré

mie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN





INTIMÉE :



La mutuelle MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

N° SIRET : 775 652 126

[Adresse 3]

[Localité 4]

prise en la personne de son représentant légal



représentée et assist...

AFFAIRE : N° RG 19/02099 -

N° Portalis DBVC-V-B7D-GLVY

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DÉCISION du Tribunal de Grande Instance de CAEN du 03 Juin 2019 - RG n° 16/01247

COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 31 MAI 2022

APPELANTE :

La SCI LILIA

N° SIRET : 493 014 161

[Adresse 1]

[Localité 5]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN

INTIMÉE :

La mutuelle MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

N° SIRET : 775 652 126

[Adresse 3]

[Localité 4]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Christophe VALERY, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

Mme VELMANS, Conseillère,

M. GANCE, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 01 mars 2022

GREFFIER : Mme COLLET

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 31 Mai 2022 par prorogation du délibéré initialement fixé au 17 Mai 2022 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier

* * *

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par compromis sous seing privé en date du 5 novembre 2005, les consorts [N] constitués en indivision successorale se sont engagés à vendre une maison d'habitation située [Adresse 2] (14) moyennant le prix de 40 000 euros à M.[P] [O].

Ce compromis de vente stipulait que le vendeur devait être assuré contre le risque d'incendie auprès de la compagnie Thélem, cela par le ministère de Me [U], notaire à [Localité 5], alors en charge de la succession [N].

La maison a été incendiée le 11 mars 2006.

Une expertise amiable a été diligentée par la compagnie Thélem Assurances qui a missionné M.[J] en qualité d'expert. L'expert a déposé son rapport le 15 mars 2006.

Par acte authentique reçu le 24 janvier 2007 par Me [U], la vente de la maison a été régularisée par la SCI Lilia subrogée dans le droits de M.[O] pour le prix de 52 308,11 euros.

La société Thélem Assurances refusant de régler l'indemnité due suite à l'incendie du 11 mars 2006, par acte d'huissier du 3 juin 2008, la société Lilia a fait assigner la société Thélem devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Caen afin que soit diligentée une expertise judiciaire et d'obtenir une provision.

Par ordonnance du 15 novembre 2007, le juge des référés du tribunal de grande instance de Caen a rejeté les demandes de la société Lilia.

Par acte du 3 juin 2008, la société Lilia a une nouvelle fois fait assigner le société Thélem Assurances devant le tribunal de grande instance de Caen.

Par jugement du 12 octobre 2009, le tribunal de grande instance de Caen a déclaré que l'action de la société Lilia était irrecevable car prescrite.

Par arrêt du 5 avril 2011, la cour a confirmé ce jugement.

Par acte du 30 mars 2016, la société Lilia a fait assigner son avocat Me [W] [V] dans la procédure l'opposant à la société Thélem Assurances devant le tribunal de grande instance de Caen aux fins de voir engager sa responsabilité contractuelle pour manquement à ses obligations et de le voir condamner à lui payer la somme de 155 000 euros à titre d'indemnité pour perte de chance de gagner son procès.

Me [V] est décédé en [Date décès 6] 2016.

La société Mma Iard Assurances Mutuelles alors assureur responsabilité civile professionnelle de Me [V], est intervenu volontairement à l'instance.

Par jugement du 3 juin 2019 auquel il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions en première instance, le tribunal de grande instance de Caen a :

- constaté l'intervention volontaire des Mma Iard Assurances Mutuelles ;

- dit n'y avoir lieu à constater l'interruption de l'instance à l'égard des ayants droit de Me [V] ;

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action, soulevée par les Mma Iard Assurances Mutuelles ;

- débouté la société Lilia de toutes ses demandes ;

- condamné la société Lilia à payer aux Mma Iard Assurances Mutuelles la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toute demande plus ample ou contraire ;

- condamné la société Lilia aux dépens de la présente instance.

Par déclaration du 11 juillet 2019, la société Lilia a formé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 1er avril 2020, la société Lilia demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Caen le 3 juin 2019 en ce qu'il a :

*constaté l'intervention volontaire des Mma Iard Assurances Mutuelles ;

*dit n'y avoir lieu à constater l'interruption de l'instance à l'égard des ayants droit de Me [V] ;

*rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action, soulevée par les Mma Iard Assurances Mutuelles ;

- infirmer le jugement sur le surplus et statuant à nouveau :

- constater la recevabilité de son action introduite ;

- condamner la société Mma Iard à lui payer la somme de 5 155,50 euros euros à titre de dommages et intérêts

- condamner la société Mma Iard à lui payer la somme de 127 244,65 euros euros à titre de dommages et intérêts ;

- dire que la somme de 127 244,65 euros sera indexée sur l'indice BT01 à compter du 1er trimestre 2007 jusqu'à parfait paiement ;

- débouter la société Mma Iard de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner la société Mma Iard à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

- faire application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 6 janvier 2020, la société Mma Iard Assurances Mutuelles demande à la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il a dit que l'action de la société Lilia contre Me [V] et contre elle est recevable ;

- constater que la prescription quinquennale est acquise, et en conséquence déclarer les demandes de la société Lilia à son encontre, assureur de Me [V], irrecevables en raison de la prescription ;

- réformer le jugement qui a dit que Me [V] avait commis une faute contractuelle ;

- dire que Me [V] n'a commis aucune faute et en conséquence débouter la société Lilia de l'intégralité de ses demandes ;

- dans l'hypothèse où la cour confirmerait le jugement qui a déclaré l'action de la société Lilia recevable et dit que Me [V] avait commis une faute :

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société Lilia n'apportait pas la preuve d'un préjudice, car elle n'avait aucune chance d'obtenir une indemnisation, et la débouter de l'intégralité de ses demandes ;

- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour jugerait qu'il existe un préjudice indemnisable :

- dire que la société Lilia ne pouvait prétendre à une indemnité au titre de la valeur de reconstruction supérieure à 31 800 euros ;

- dire que ce préjudice est une perte de chance qui ne saurait être supérieure à 10 % ;

- en conséquence, fixer le montant du préjudice concernant la perte de la valeur de reconstruction à neuf à 3 180 euros ;

- débouter la société Lilia de toute autre demande ;

- dire que le préjudice correspondant au montant des frais de la procédure s'élevant à 5 155,50 euros est une perte de chance, et que le préjudice ne saurait être supérieur à 10 % de ce montant ;

- en conséquence, dire que ce préjudice s'élève à 515,55 euros ;

- débouter la Société Lilia de toute autre demande, et notamment de sa demande d'indexation des indemnités ;

En toute hypothèse :

- condamner la société Lilia à lui payer une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Lilia aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture de l'instruction a été prononcée le 2 février 2022.

Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

- Sur la recevabilité de l'action tirée de la prescription :

Considérant que la société MMA IARD Assurances Mutuelles soutient que c'est à tort que le tribunal a retenu que le délai de prescription commençait à courir à compter de l'arrêt du 5 avril 2011, car cette décision n'a fait que confirmer le jugement du 12 octobre 2009 qui a retenu la prescription ;

Qu'ainsi la SCI Lilia savait dés le 12 octobre 2009, que son action contre la société Thelem risquait d'être rejetée ;

Qu'ainsi, c'est à compter du 12 octobre 2009, que la SCI Lilia pouvait envisager que son avocat avait commis une faute engageant sa responsabilité, que le fait que maître [V] a été le conseil de la société Lilia devant la cour ne constitue pas une cause de suspension de la prescription au sens des articles 2233 à 2239 du code civil ;

Que la SCI Lilia répond qu'il n'est pas reproché à maître [V] d'avoir engagé une action en référé qui a échoué, mais qu'il lui est reproché de ne pas avoir introduit en parallèle dans le délai de deux ans imparti, une action au fond afin de préserver ses droits ;

Que, selon elle, cependant si maître [V] a interjeté appel contre le jugement du 12 octobre 2009, c'est bien qu'il considérait que les juges de 1ère instance avaient commis une erreur ;

Que la SCI Lilia n'a pu se rendre compte de l'erreur d'appréciation commise par maître [V] qu'au prononcé de l'arrêt du 5 avril 2011 ;

SUR CE

Considérant qu'il est constant que maître [V] est intervenu à l'appui des intérêts de la SCI Lilia avec une mission judiciaire, soit d'assister et de représenter ladite SCI tant devant les premiers juges que devant la cour d'appel, sur l'appel du jugement rendu le 12 octobre 2009 ;

Que maître [V] a été l'avocat constitué de la SCI Lilia lors de ces deux procédures ;

Qu'il s'ensuit que la prescription de l'action en responsabilité de maître [V] doit être envisagée selon les dispositions de l'article 2225 du code civil, dont il résulte que la mission d'assistance et de réprésentation en justice de l'avocat prend fin au jour du prononcé de la décision qui termine l'instance pour laquelle il a reçu mandat d'assister et de représenter son client ;

Que le délai de prescription de l'action en responsabilité de l'avocat commence à courir à la fin de ladite mission qui est constituée en l'espèce par l'arrêt de la cour d'appel en Caen en date du 5 avril 2011, fin de la mission judiciaire de maître [V] ;

Que l'exploit introductif d'instance étant du 30 mars 2016, c'est de manière justifiée que les 1ers juges ont écarté la prescription, retenu la recevabilité de l'action, et que dans ces conditions le jugement entrepris sera confirmé ;

- Sur la responsabilité de maître [V] :

Considérant que la SCI Lilia en application des dispositions de l'article 1147 du code civil, explique que maître [V] a manqué à son devoir de conseil, de diligence et de compétence en ce qu'il a :

- fait le choix de saisir la juridiction des référés aux lieu et place du juge du fond, en n'initiant pas de procédure au fond dans les deux années aménagées, et pour n'avoir pas préservé les intérêts de la SCI Lilia en cas d'échec du référé ;

- qu'il y a eu un manque d'information de maître [V] envers la SCI Lilia sur le peu de chance de succès de l'action, que de plus si la garantie de l'assurance n'avait aucune chance d'être actionnée, maître [V] aurait dû également assigner en responsabilité les consorts [N] et le notaire qui a souscrit le contrat d'assurance pour l'indivision [N], car ces parties n'auraient pas dû se déclarer comme propriétaires occupants lors de la souscription du contrat, cette déclaration ayant provoqué un refus d'assurance, dont maître [V] a eu connaissance au cours de la procédure de référé ;

Considérant que les MMA Iard Assurances Mutuelles rappellent que l'avocat est tenu à une obligation de moyens qui ne découle pas de la seule constatation d'un résultat défavorable ;

Que maître [V] avait judicieusement engagé une procédure en référé pour obtenir une mesure d'expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, alors qu'il y avait un motif légitime à obtenir celle-ci, et qu'il ne pouvait pas être raisonnablement envisagé que cette mesure d'instruction serait refusée ;

Que s'agissant de la mise en cause des consorts [N] et du notaire instrumentaire de l'acte de vente, les MMA Iard soutiennent que la SCI Lilia ne pouvait pas ignorer que l'immeuble était squatté, qu'il avait été incendié, ce qui rendait sans intérêt les recours réclamés ;

SUR CE

Considérant que l'avocat est débiteur envers son client d'un devoir de conseil, de diligence et de compétence, qui consiste à orienter la décision du client sur ses différentes demandes, sur les voies et moyens utilisables, à évaluer les options envisageables, à apprécier les chances de succès, à mettre en garde sur les risques d'échec, sur les incertitudes du droit positif et en particulier de la jurisprudence, que cette obligation n'est en principe que de moyens ;

Que l'avocat a également une obligation, qui repose sur l'art. 1134 du Code civil, c'est à dire l'exigence de bonne foi contractuelle, de loyauté voire même de collaboration avec son client, ce qui constitue dans ce cas une obligation de résultat ;

Qu'en l'espèce au regard des prétentions et arguments soulevés par la SCI Lilia, l'obligation dont il est fait état est celle de moyens ;

Que comme les 1ers juges le rappellent avec justesse, la SCI Lilia reproche à maître [V], au titre du fait dommageable, la prescription de l'action en paiement diligentée sur ses conseils et son assistance contre la société Thelem, prescription qu'elle s'est vue opposer, ce qui l'a privée de la possibilité selon elle d'obtenir le paiement de l'indemnité d'assurance qu'elle revendiquait ;

Qu'il convient donc d'apprécier si l'engagement tardif de la procédure par maître [V] constitue une erreur fautive dans l'appréciation du droit applicable, dans la mise en oeuvre des diligences utiles et a manifesté un manque de compétence ;

Que si la cour peut estimer effectivement qu'à partir du moment où la mesure d'expertise présentée en référé reposait sur les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, maitre [V] pouvait raisonnablement penser qu'il serait fait droit à sa demande, ce qui n'a pas été le cas, il ne s'agit pas là du grief à retenir ;

Qu'en effet, l'ordonnance ayant refusé l'expertise est en date du 15 novembre 2007, et il appartenait à maître [V] de déterminer quel était le point de départ du délai de prescription, pour agir au fond et que ce dernier a commis une faute d'appréciation en ayant fixé celui-ci le 24 janvier 2007, comme les 1ers juges l'ont parfaitement analysé par des motifs que la cour adopte ;

Qu'en tout état de cause, il convenait pour maître [V] d'assigner au fond sans délai, puisque la décision de rejet de l'ordonnance de référé du 15 novembre 2007 emportait application des dispositions de l'article 2243 du code civil, ce qu'il appartenait au conseil de vérifier, que dans ces conditions, comme les 1ers juges l'ont relevé, les erreurs d'analyse commises par maître [V], qui ont conduit à ne pas régulariser d'action au fond dans le temps utile constitue une faute contractuelle ;

Que s'agissant du défaut de mise en cause du notaire en charge de la vente et des consorts [N] au motif que ceux-ci n'ont pas correctement assuré le bien vendu entrainant ainsi un refus de garantie de l'assurance, qu'il convient de retenir ce que suit ;

Que la souscription de l'assurance est du 5 janvier 2004, qu'il a été mentionné en tête du contrat litigieux : succession [N], en précisant qu'il s'agissait de :' propriétaire occupant total', alors que dans le compromis de vente il est indiqué le 5 novembre 2005 que la maison se trouve occupée par des personnes sans titre ;

Qu'il ne peut pas être affirmé que la maison était d'ores et déjà squattée en 2004, la cour ne disposant pas des éléments probants à cette fin ;

Qu'en tout état de cause, comme le juge des référés l'a noté dans son ordonnance, l'inoccupation des lieux n'a pas été déclarée à l'assureur pas plus que la dégradation de la structure, alors que la destruction de la maison était envisagée antérieurement à la survenance de l'incendie ;

Qu'il résulte de ces éléments que la mise en cause du notaire n'était pas impérative et qu'elle ne peut pas être reprochée à maitre [V] puisque l'officier ministériel instrumentaire n'était pas chargé du suivi de la police d'assurances, et de vérifier la déclaration d'origine avec celle de circonstances nouvelles pouvant modifier l'appréciation des risques garantis ;

Que par contre la mise en cause des membres de l'indivision [N] pouvait être envisagée par maître [V], qu'il s'ensuit que la cour peut admettre la négligence fautive de ce dernier pour avoir omis de mettre en cause la responsabilité des vendeurs qui n'ont pas effectué des déclarations correspondant à la réalité à l'origine du contrat ou modifiant par la suite les conditions de la police d'assurance du bien vendu ;

Qu'il résulte de ces éléments qu'il y a eu manifestement une faute contractuelle commise par maître [V] dont la responsabilité se trouve engagée ;

- Sur les préjudices :

Considérant que la SCI Lilia sollicite en 1er lieu le remboursement des montants qu'elle a dû exposer pour engager des procédures, alors que la prescription était acquise, et cela à hauteur de 5155,50 euros ;

Qu'elle réclame également l'indemnisation de la perte de chance de voir son action introduite prospérer contre Thelem, les consorts [N] et le notaire, alors qu'elle était subrogée dans les droits du vendeur pour bénéficier des indemnités à recevoir de la compagnie d'assurance ;

Qu'elle réclame à ce titre, l'évaluation faite par le Cabinet Style et Construction pour reconstruire l'immeuble à neuf à hauteur de la somme de 127244, 65 euros, sachant que la SCI Lilia avant l'incendie explique qu'elle n'avait pas envisagé une destruction complète de l'immeuble, et que le rapport de monsieur [J] est largement insuffisant à cet effet ;

Que l'indemnisation à accorder selon elle, ne peut pas être réduite à la somme de 31800 euros, qui correspond à une indemnisation supplémentaire venant en sus pour compenser la prise en compte de la vétusté ;

Que par ailleurs et de surcroît, dans le cadre d'une action contre les consorts [N] et le notaire, maître [V] aurait pu solliciter le montant de la somme qui aurait dû être versée par l'assurance contre ces derniers si la police n'avait pas pû être actionnée du fait de la fausse déclaration des intéressés lors de la souscription ;

Que dès lors que monsieur [J] avait proposé une réparation, l'assureur ne pouvait pas, par la suite opposer la nullité du contrat ;

Considérant que les MMA Iard répondent qu'elles démontrent que la SCI Lilia n'avait aucune chance d'obtenir la condamnation de la société Thelem à l'indemniser ;

SUR CE

Considérant s'agissant des demandes présentées portant sur l'indemnisation de la valeur de l'immeuble, égale à celle d'une reconstruction à neuf, que la cour peut adopter de ce chef, les motifs des 1ers juges qui ont parfaitement analysé la situation ;

Qu'en 1er lieu, il convient de noter que la police souscrite en litige était la Formule Harmonie H2, ce qui n'est pas contesté et comme cela résulte des Conditions particulières en date du 5 janvier 2004, qui prévoyaient selon le tableau récapitulatif des garanties desdites conditions particulières en cas d'incendie comme indemnisation : la valeur de reconstruction à neuf ;

Que pour la suite, il doit être retenu qu'en tout état de cause, la SCI Lilia ne pouvait pas raisonnablement envisager de percevoir une indemnité égale à la valeur d'une reconstruction à neuf et cela en ce que :

- les consorts [N] ont déclaré lors de la souscription du 5 janvier 2004 être propriétaires de l'immeuble dont s'agit comme occupant total, et que le bien était inhabité 60 jours par an maximum en une ou plusieurs périodes en Formules Harmonie, or au jour du sinistre pour le moins, cette situation déclarée était fausse puisque lors du compromis de vente les consorts [N] n'ont en aucune manière, mentionné être domiciliés à l'adresse du bien sinistré ;

- que lors de la main courante établie à la suite de l'incendie, le 13 mars 2006, il a été précisé que selon les dires des voisins, l'immeuble était souvent squatté, que de nombreux détritus ainsi que des bouteilles d'alcool jonchaient le sol et que le pavillon devait faire l'objet d'une démolition suite à un projet de construction de logements par la société Sodelka ;

Qu'en conséquence de la fausse déclaration ci-dessus relatée, caractérisée au jour du sinistre, même si celle-ci ne l'était pas à celui de la souscription, il s'avère que la société Thelem pouvait se prévaloir pour refuser sa garantie, de l'article 5 B des Conditions générales selon lequel, l'assuré avait l'obligation de déclarer toute circonstance nouvelle ayant pour conséquence d'aggraver le risque, et de la sanction de cette omission prévue à l'article 5, constituée par la nullité du contrat ;

Que ces éléments ont été retenus par le juge des référés pour estimer qu'en présence de cette contestation sérieuse sur la garantie de l'assureur, dans son ordonnance du 15 novembre 2007, il lui ppartenait de rejeter la demande d'expertise ;

Qu'il peut être afirmé qu'en l'espèce la société Thelem était en mesure de constater ce que suit :

- que les consorts [N] n'avaient pas signalé à leur assureur que l'immeuble était à l'abandon, occupé par des squatteurs et que n'ayant pas de ce fait déclaré l'aggravation du risque que cela représentait, l'assureur pouvait se prévaloir des dispositions de l'article L.113-8 du code des assurances et de l'article L.113-9 du même code ;

Qu'il s'ensuit qu'indépendamment de la mauvais foi démontrée ou non des consorts [N], la société Thelem était en capacité de revendiquer soit la nullité du contrat d'assurance en cause, opposer celle-ci à la SCI Lilia, soit les dispositions de l'article L.113-9 du code des assurances, au sujet duquel, la SCI Lilia ne rapporte pas la preuve de la réduction proportionnelle qui lui aurait été appliquée, et de son importance ;

Qu'ainsi, il est juste de noter comme y procèdent les MMA Iard qu'en ne justifiant pas de la différence applicable qu'il y aurait eu entre les primes, en application des dispositions de l'article L.113-9 précité, la SCI Lilia ne démontre pas à quelle indemnité elle aurait pû prétendre et qu'elle aurait perdue, si le contrat n'avait pas été annulé ;

Qu'en conséquence, comme le notent les 1ers juges, la défense de la société Thelem tendant à voir prononcer la nullité du contrat d'assurance ou à défaut celle de la réduction proportionnelle était tout à fait efficiente et rendait improbable la garantie réclamée ;

Que de plus, la SCI Lilia ne peut pas soutenir que l'assureur aurait été privé de la possibilité d'invoquer la nulllité du contrat d'assurance en cause en application de l'article 1338 du code civil, au motif qu'une évaluation d'indemnité a été faite par monsieur [J] expert désigné par la société Thelem, car comme les 1ers juges l'ont relevé :

- seul le paiement de l'indemnité ou une proposition d'indemnisation effectuée en bonne et due forme par l'assureur et non comme en l'espèce le rapport d'un expert mandaté par lui, constitue une offre d'indemnité ;

Que le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs ;

Considérant sur la réparation portant sur une indemnisation égale à la valeur à neuf du bâtiment sinistré, que la cour comme les 1ers juges l'ont justement relevé, retiendra que de toute manière la société Thelem disposait d'un moyen décisif pour refuser sa garantie et le paiement de l'indemnité d'assurance, soit invoquer les dispositions de l'article L.121-1 du code des assurances selon lesquelles l'assurance relative aux biens est un contrat d'indemnité, et que l'indemnité due par l'assureur ne peut pas dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre ;

Que la cour peut retenir comme les 1ers juges y ont procédé que l'immeuble en litige était voué à la destruction car les preuves suivantes en attestent :

- le rapport de monsieur [J] du 14 août 2007, qui certes n'est pas contradictoire et qui émane d'un expert mandaté par la société Thelem, mais qui fournit des éléments factuels qui ne sont pas démentis par d'autres pièces versées par la SCI Lilia, qui n'a même pas fait établir un procès-verbal de constat sur l'état de l'immeuble, alors que le rapport contesté mentionne :

- que la maison en raison de l'état de sa structure antérieure au sinistre était vouée à la démolition, qu'un devis du 18 janvier 2006 avait été établi à cette fin, et que l'incendie avait touché une maison désaffectée ;

- la lettre de monsieur [J] du 10 octobre 2007 qui confirme que le bâtiment présentait d'importantes fissures structurelles ne permettant pas la réhabilitation du bâti ;

- la vente qui a eu lieu pour une somme de 40 000 euros, ce qui correspond à une valeur terrain nu minorée de la démolition du bâtiment, quand la valeur du bâti est de l'ordre de 2000 euros le m2 dans le quartier, élément contre lequel la SCI Lilia ne produit strictement aucun justificatif de nature à démontrer la fausseté de cette affirmation ;

- le prix de vente conclu comme le soutient justement l'assureur qui n'a pas été modifié suite au sinistre, ce qui rapporte la preuve que le bâtiment avant incendie présentait un état tel que le sinistre n'a pas minoré sa valeur puisque celui-ci était destiné à être démoli, les MMA Iard pouvant alléguer le fait que la SCI Lilia a accepté de payer le même prix après l'incendie que celui qu'elle avait accepté avant l'incendie, ce qui tend à prouver que le bâtiment sur le terrain n'avait aucune importance et qu'elle avait le projet de le démolir, la SCI Lilia ne s'expliquant aucunement sur la problématique du prix ;

- le devis de démolition produit aux débats qui est en date du 6 février 2006, soit antérieur au sinistre qui est du 11 mars 2006, et qui ne se limite pas à la démolition d'un cabanon puisque les travaux visés englobent le démontage de la charpente et de la couverture, le déblaiement des gravats, le triage des déchets et la démolition de la clôture ;

- la main levée réalisée le 13 mars 2006 à la suite de l'incendie, qui mentionne que le pavillon devait faire l'objet d'une démolition suite à un projet de construction de logements par la société immobilière Sodelka (permis affiché) ;

Que ces constats ne sont pas modifiés par le permis de démolir accordé le 16 janvier 2007 et le permis de construire du 12 mars 2007, puisque le projet de construction lié à ces actes, n'est pas justifié et ne correspond pas à une reconstruction avec une valeur à neuf du bâti sinsitré qui n'en avait plus aucune et dont la destruction était prévue comme cela a été ci-dessus explicité ;

Qu'il résulte de tout ce qui précède comme les 1ers juges l'ont affirmé, que l'action en paiement intentée par la SCI Lilia à l'encontre de la société Thelem n'avait aucune chance de prospérer, de sorte que son préjudice résultant de la faute commise sur la prescription de l'action, est inexistant ;

Que cette solution s'étend à l'absence de mise en cause des consorts [N] et du notaire instrumentaire, puisque le refus de garantie tenait sur l'impossibilité pour la SCI Lilia de revendiquer une indemnité égale à la valeur de reconstruction à neuf, ce qui constitue la demande de dommages-intérêts principale de l'appelante ;

Que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Considérant s'agissant du montant des frais de procédure engagés par la SCI Lilia tant en 1ère instance qu'en cause d'appel, que le montant en cause est à hauteur de la somme de 5155, 50 euros, comme correspondant aux condamnations prononcées en article 700 du code de procédure civile et en frais ;

Que le montant en lui-même de cette prétention n'est pas contesté ;

Que la somme à allouer à ce titre doit être envisagée sous la nature d'une perte de chance pour la SCI Lilia d'avoir pu renoncer à poursuivre et engager la procédure en cause, dans le cas où elle aurait eu connaissance que ladite procédure était vouée à l'échec, ce qui lui aurait permis de ne pas débourser lesdits frais ;

Que la cour estime que la perte de chance en cause peut être évaluée à 50% du montant dont s'agit, au regard des circonstances de l'espèce tant factuelles que juridiques ;

Qu'en conséquence, il convient d'accorder à la SCI Lilia de ce chef la somme de 2577,50 euros qui sera versée par les MMA, le jugement étant infirmé de ce chef ;

- Sur les autres demandes :

Considérant que l'équité permet d'écarter les demandes respectivement formées par les parties au titre des frais irrépétibles, le jugement entrepris étant principalement confirmé, ce qui conduit la cour à rejeter les réclamations respectivement présentées en appel, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens d'appel étant mis à la charge de la SCI Lilia.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe.

- Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté la SCI Lilia de sa demande portant sur l'indemnité correspondant aux frais de procédure ;

- L'infirme de ce seul chef et statuant à nouveau :

- Condamne la SA MMA IARD Assurances Mutuelles à payer à la SCI Lilia la somme de 2577,50 euros de dommages-intérêts au titre des frais de procédure engagés ;

- Déboute les parties de toutes leurs autres demandes en ce compris de celles respectivement présentées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la SCI Lilia aux dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de l'avocat en ayant fait la demande.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

M. COLLETG. GUIGUESSON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/02099
Date de la décision : 31/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-31;19.02099 ?
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