AFFAIRE : N° RG 21/01161 -
N° Portalis DBVC-V-B7F-GXRV
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DECISION du Tribunal de Commerce de LISIEUX en date du 02 Avril 2021
RG n° 2020.1616
COUR D'APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 28 AVRIL 2022
APPELANTE :
Madame [C] [Z] [P] [T] [K] épouse [W]
née le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 7] ([Localité 7])
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée et assistée de Me Gaël BALAVOINE, substitué par Me BENNETT, avocats au barreau de CAEN
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 141180022021003866 du 24/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN)
INTIMES :
Monsieur [E] [W]
né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 7] ([Localité 7])
[Adresse 5]
[Localité 4]
non représenté, bien que régulièrement assigné
S.E.L.A.R.L. [V] [G] mandataire à la liquidation judiciaire de Mme [C] [K] épouse [W] et M. [E] [W]
[Adresse 3]
[Localité 6]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de Me Noël LEJARD, avocat au barreau de CAEN
DEBATS : A l'audience publique du 17 février 2022, sans opposition du ou des avocats, Madame EMILY, Président de Chambre et M. GOUARIN, Conseiller, ont entendu les plaidoiries et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme EMILY, Président de Chambre,
M. GANCE, Conseiller,
M. GOUARIN, Conseiller,
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT prononcé publiquement le 28 avril 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier
* * *
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS
M. [E] [W] exerce la profession de plaquiste en tant qu'entrepreneur individuel, inscrit au registre du commerce et des sociétés de Lisieux depuis le 3 mars 1982.
Mme [C] [K], épouse [W], a travaillé au sein de cette entreprise comme conjoint collaborateur.
Mariés sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts depuis le 2 septembre 1978, les époux [W] sont propriétaires d'un bien immobilier acquis en 2007.
Selon acte authentique du 20 octobre 2007 auquel est intervenue son épouse, M. [W] a fait établir une déclaration d'insaisissabilité de ce bien immobilier, publiée le 29 novembre 2007 au service de publicité foncière de [Localité 6].
Par jugement du 23 décembre 2009, le tribunal de commerce de Lisieux a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de M. [W].
Selon un autre jugement du même jour, le tribunal de commerce de Lisieux a ouvert une procédure de sauvegarde distincte concernant Mme [K], épouse [W], motif pris de l'existence d'une communauté d'intérêts et d'une société de fait entre les époux.
Par jugement du 30 juin 2010, le tribunal de commerce de Lisieux a ordonné la jonction de ces deux procédures de sauvegarde et dit que les opérations se poursuivront en une seule masse active et passive.
Suivant jugement du 23 septembre 2011, la procédure de sauvegarde a été convertie en redressement judiciaire.
Un plan de redressement par apurement du passif a été arrêté par deux jugements du 23 juillet 2012.
Selon deux jugements du 8 juillet 2015, ce plan a été résolu et la procédure de redressement convertie en liquidation judiciaire à l'égard de chacun des deux époux.
Par arrêt de cette cour en date du 9 juin 2016, le jugement concernant M. [W] a été annulé.
Le 8 février 2017, le tribunal de commerce de Lisieux a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de M. [W], converti en liquidation judiciaire le 2 août 2017.
Sur requête de la SELARL [V] [G] ès qualités de liquidateur judiciaire de Mme [K], épouse [W], le juge-commissaire a, suivant ordonnance du 26 avril 2019 confirmée par arrêt de cette cour du 20 janvier 2022, autorisé celui-ci à rechercher un acquéreur pour le bien immobilier appartenant aux époux [W].
Suivant acte d'huissier du 11 septembre 2020, Mme [K], épouse [W], a fait assigner la SELARL [V] [G] ès qualités de liquidateur judiciaire des époux [W] devant le tribunal de commerce de Lisieux aux fins, notamment, de voir ordonner l'extension à M. [W] de la procédure de liquidation ouverte à l'égard de Mme [K], épouse [W].
Par jugement du 2 avril 2021, le tribunal de commerce de Lisieux a :
-débouté Mme [K], épouse [W], de toutes ses demandes,
-condamné celle-ci aux entiers dépens, lesquels seront employés en frais privilégiés de procédure.
Selon déclaration du 23 avril 2021, Mme [K], épouse [W], a interjeté appel de cette décision.
Par dernières conclusions du 1er février 2022, l'appelante, outre une demande de « juger » ne constituant pas une prétention sur laquelle il y a lieu de statuer, demande à la cour d'infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, d'ordonner l'extension à M. [W] de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à son égard, de juger que les auxiliaires de justice désignés dans les procédures de liquidation judiciaire de M. [W] et de son épouse seront maintenus, d'ordonner les mesures de publicité prescrites par la loi, de débouter l'intimée de toutes ses prétentions et de juger que les dépens seront relevés en frais privilégiés de liquidation.
Par dernières conclusions du 20 janvier 2022, la SELARL [V] [G] ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de Mme [K], épouse [W] et de M. [W], demande à la cour de déclarer recevable mais non fondé l'appel relevé par Mme [K], épouse [W], de confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions et de statuer ce que de droit quant aux dépens qui seront employés en frais privilégiés de procédure collective.
M. [W] n'a pas constitué avocat, la déclaration d'appel lui ayant été signifiée à personne habilitée le 5 octobre 2021.
La mise en état a été clôturée le 9 février 2022.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens, il est référé aux dernières écritures des parties.
MOTIVATION
Selon l'article L. 621-2 alinéa 2 du code de commerce, à la demande de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale.
Pour refuser d'étendre à M. [W] la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'égard de Mme [K], épouse [W], le tribunal a retenu que celle-ci avait le statut de conjoint collaborateur de son époux, qu'elle ne rapportait pas la preuve de l'existence de relations financières anormales ou d'une imbrication de patrimoines avec son conjoint, ce d'autant que la communauté d'intérêts constatée lors de l'ouverture de la procédure de sauvegarde le 23 décembre 2009 avait cessé avec le jugement prononçant la résolution du plan de continuation.
Mme [K], épouse [W], soutient que son défaut de qualité de commerçant ne la prive pas de la possibilité de solliciter l'extension à son époux de la procédure de liquidation judiciaire dont elle fait l'objet, soulignant que les procédures de sauvegarde dont les époux faisaient chacun l'objet avaient été jointes en 2010.
Elle fait valoir que la résolution du plan de redressement ne fait pas obstacle à ce qu'une nouvelle extension de procédure soit décidée après cette date, l'existence d'une confusion des patrimoines devant dans ce cas s'apprécier exclusivement au regard de faits postérieurs au jugement ayant ouvert la première procédure, soit en l'espèce après le 23 décembre 2009.
L'appelante affirme qu'une confusion de patrimoines existe entre elle et son mari et que la communauté d'intérêts les unissant depuis le début d'activité de M. [W] n'a pas cessé. Elle fait observer que les procédures ouvertes à l'égard de chacun d'eux concernent l'exploitation de la même entreprise, que le passif à recouvrer à titre professionnel est identique, que le 30 juin 2010 le tribunal de commerce de Lisieux avait joint les procédures de sauvegarde ouvertes à l'égard de chacun d'eux, qu'entre le 23 décembre 2009 et le 8 juillet 2015, date de résolution du plan, Mme [K], épouse [W], a continué d'assurer comme conjoint collaborateur les tâches administratives et comptables de l'activité d'artisan plâtrier de son mari, qu'un seul et même compte « RJ » a été ouvert entre les époux, que des fonds provenant de l'un comme de l'autre ont été perçus par le commissaire à l'exécution du plan, que, même après la résolution du plan ayant fait cesser les effets de l'extension de la procédure, le mandataire judiciaire a fait inscrire au passif de l'appelante les dettes professionnelles de son époux.
Elle estime qu'il résulte de ces éléments et du fait qu'elle a contribué au paiement de dettes professionnelles de son mari l'existence d'une trésorerie commune excédant la solidarité des époux communs en biens prévue à l'article 1414 du code civil et une imbrication de leurs patrimoines justifiant une extension de procédure au sens de l'article L. 621-2 du code de commerce.
La SELARL [V] [G], ès qualités, réplique d'abord que le statut de conjoint collaborateur dont disposait Mme [K], épouse [W], l'empêche d'obtenir le bénéfice d'une procédure collective en vertu de l'article L. 623-8 du code de commerce et exclut l'application du droit des procédures collectives dès lors que le conjoint collaborateur participe directement et régulièrement à l'activité commerciale en vertu du mandat qu'il a reçu du chef d'entreprise en application de l'article L. 621-6.
Or, en l'espèce, il est constant que le tribunal de commerce de Lisieux a, par décisions devenues irrévocables, décidé d'ouvrir une telle procédure collective à l'égard de Mme [K], épouse [W], en connaissance de son statut de conjoint collaborateur, les procédures ouvertes à l'égard de chacun des époux ayant d'ailleurs été jointes à la requête de la SELARL [V] [G], ès qualités.
Par ailleurs, il souligne que l'appelante ne caractérise pas l'imbrication des patrimoines qui justifierait une extension de procédure, l'existence d'une communauté de biens et l'exploitation en commun de l'activité artisanale de son époux ne résultant que du régime de la communauté de biens réduite aux acquêts choisi par les époux [W].
Comme le soutient à juste titre l'intimée, si la jonction des procédures de liquidation judiciaire ouvertes après la résolution du plan peut être prononcée, c'est à la condition de caractériser l'existence d'une confusion des patrimoines par des faits postérieurs au jugement arrêtant le plan, soit en l'espèce postérieurs au 23 juillet 2012.
Contrairement à ce que soutient l'appelante, le seul fait pour Mme [K], épouse [W], d'assurer, sous le statut de conjoint collaborateur, les tâches administratives et comptables de l'entreprise artisanale exploitée par son mari ne suffit pas à caractériser la confusion de leurs patrimoines en ce qui concerne les biens nécessaires à cette exploitation, ces actes relevant du mandat reçu de M. [W].
Il importe peu que les procédures de sauvegarde ouvertes à l'égard de chacun des époux aient été jointes par jugement du tribunal de commerce de Lisieux du 30 juin 2010.
En effet, à supposer que cette simple jonction de procédures puisse s'analyser en une extension de procédure, les effets de celle-ci ont cessé à la date de résolution du plan de redressement, le 8 juillet 2015.
En outre, la mise en commun des dettes professionnelles de M. [W] et des dettes personnelles de son épouse, le règlement de celles-ci au moyen d'un compte « RJ » commun durant l'exécution du plan de redressement ne sauraient révéler une imbrication des éléments d'actif et de passif des patrimoines respectifs des époux [W] ni l'existence de flux financiers anormaux au sens de l'article L. 621-2 du code de commerce, dès lors que ces opérations ont été accomplies pour les besoins de la procédure collective alors en cours.
Le jugement entrepris sera donc confirmé.
Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens de première instance, fondées sur une exacte appréciation, seront confirmées.
Les dépens d'appel seront compris dans les frais privilégiés de procédure collective.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris ;
Dit que les dépens d'appel seront compris dans les frais privilégiés de la procédure collective.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
N. LE GALLF. EMILY