COUR D'APPEL de CAEN
Juridiction du Premier Président
Contentieux des personnes hospitalisées sans leur consentement.
ORDONNANCE DU 05 Novembre 2018
CONTRÔLE DE PLEIN DROIT DE L'HOSPITALISATION
No RG 18/03089 - No Portalis DBVC-V-B7C-GF72
No MINUTE : 18/56
Appel de l'ordonnance rendue le 02 Novembre 2018
par le Juge des libertés et de la détention de CHERBOURG-OCTEVILLE
APPELANT :
LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE CHERBOURG
PARTIES INTERVENANTES :
- M. Rachid Y...
actuellement hospitalisé à la Fondation du [...] - [...]
comparant assisté de Maître Mathilde Z..., avocat au barreau de CAEN,
commis d'office
- Le Directeur de la Fondation du [...] -
[...]
non comparant ni représenté
- L' UDAF de la Manche - tuteur et tiers demandeur
[...]
[...]
non comparant ni représenté
LE MINISTÈRE PUBLIC :
En la personne de Marie BESSE, avocat général auquel l'affaire a été régulièrement communiquée,
Devant Nous, Agnès QUANTIN, présidente de chambre, déléguée par ordonnance du premier président en date du 22 décembre 2017, assistée de Ghislaine LEPELLEY, greffière
DÉBATS à l'audience publique du 05 Novembre 2018;
Les parties comparantes ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance sera prononcée le même jour et leur sera immédiatement notifiée ;
ORDONNANCE prononcée publiquement le 05 Novembre 2018 et signée par Agnès QUANTIN, présidente de chambre, déléguée par le premier président, et Ghislaine LEPELLEY, greffière ;
Nous, Agnès QUANTIN, magistrat délégué,
Vu les articles L. 3211 –1 et suivants, R. 3211 – 1 et suivants du code de la santé publique et R. 91, R. 93 (-2o), R. 93-2 et R. 117 (-9o) du code de procédure pénale ;
Vu l'ordonnance du 02 Novembre 2018 du Juge des libertés et de la détention de CHERBOURG-OCTEVILLE qui a prononcé la levée de l'hospitalisation complète de Rachid Y... , hospitalisé d'office à la Fondation du [...] - [...] depuis le 23 octobre 2018;
Vu la notification de cette ordonnance le 02 novembre 2018 à 11H15 au Ministère Public, à la personne hospitalisée et aux parties ;
Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par le Ministère Public le 02 Novembre 2018à 14H40 et la requête ;
Vu l'ordonnance du 02 novembre 2018 rendue par le délégué du Premier Président de la Cour d'Appel de Caen donnant un effet suspensif à l'appel du Procureur de la République
Vu la notification de cette ordonnance le 02 novembre 2018
Vu les avis adressés le 02 novembre 2018 aux parties et au ministère public les informant de la tenue de l'audience le 05 Novembre 2018;
Vu les pièces du dossier ;
Vu les réquisitions orales de Madame l'avocat général,
Les parties comparantes ou représentées et leurs avocats ayant été entendus et la personne hospitalisée ou son avocat ayant eu la parole en dernier ;
DÉCISION :
Rachid Y... fait l'objet d'une mesure d'hospitalisation sous contrainte depuis le 27 juin 2017.
Après une hospitalisation complète, il a fait l'objet d'un programme de soins à compter du 26 octobre 2017.
Il ressort des certificats et avis médicaux au dossier qu'il souffre de schizophrénie.
Le 15 octobre 2018, le docteur A..., psychiatre a établi un certificat médical selon lequel , après une période de stabilité clinique, Rachid B... a demandé, comme à son habitude, à diminuer son traitement; il est parti cet été dans son pays d'origine pendant 2 mois.
Très récemment, à l'occasion de la visite d'une infirmière à son domicile, il s'est à nouveau présenté en rechute psychotique suite à l'arrêt de son traitement pendant ses deux mois d'absence. Il a une attitude d'opposition et de méfiance envers les soins, refuse de reprendre le traitement ou de rencontrer le médecin; il présente des troubles du jugement et le discours fait état d'éléments persécutoires délirants à caractère racial.
Il reste inaccessible à la demande de reprise des soins; il est en pleine rechute psychotique, ce qui dans le passé a amené des troubles du comportement hétéro-agressifs.
Le médecin concluait à la nécessité d'une réintégration en hospitalisation complète et, vu le risque de troubles du comportement, demandait l'intervention des forces de l'ordre.
Le 23 octobre 2018, le directeur de la fondation [...] de [...] ordonnait la transformation de la mesure de soins sans consentement en hospitalisation complète.
Le 29 octobre 2018, le docteur C..., psychiatre , établissait un avis médical motivé aux fins de saisine du juge des libertés et de la détention .
Le médecin constatait que le patient initialement calme devenait rapidement fermé et sthénique à la frustration.
"Il tient des propos insultants à mon égard car je n'accède pas à ses demandes.
Dans le service, on observe un comportement relativement adapté mais le discours est très délirant.
Il est dans le déni de ses troubles.
Il ne reconnaît en aucun cas l'intérêt des soins.
Au vu de son état clinique, il est nécessaire, adapté et proportionné que la mesure de soins sous contrainte soit maintenue, l'objectif étant de remettre en place un traitement afin de stabiliser la symptomatologie. Une sortie prématurée entraînerait un nouvel échappement aux soins et un risque de recrudescence des troubles du comportement type hétéroagressif."
Le médecin concluait au maintien de l'hospitalisation complète.
Le 2 novembre 2018, le juge des liberté et de la détention de Cherbourg ordonnait la mainlevée de l'hospitalisation complète contrainte de Rachid Y....
Le ministère public interjetait appel de cette décision le 2 novembre 2018 en demandant à Monsieur le Premier Président de la cour d'appel de Caen de donner à cet appel un caractère suspensif.
Par ordonnance du 2 novembre 2018, le magistrat délégué par Monsieur le Premier Président a fait droit à cette requête.
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Il résulte de l'ensemble des documents médicaux au dossier que Rachid Y... présente des troubles mentaux sont les symptômes et les risques de passage à l'acte hétéro-agressifs en cas de rupture de traitement sont précisément décrits.
Il résulte des derniers documents médicaux des 15 et 29 octobre 2018 que Rachid Y... est dans le déni de ses troubles et ne reconnaît pas l'intérêt des soins, ce qu'il d'ailleurs récemment démontré en partant pendant 2 mois et en refusant de reprendre à son retour son traitement.
Les conditions de l'article L 3212-1 du code de la santé publique sont donc réunies pour que la mesure d'hospitalisation complète se poursuive.
Il convient donc d'infirmer la décision du juge des libertés et de la détention du 2 novembre 2018 et d'autoriser la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète dont fait l'objet Rachid Y....
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement par ordonnance,
Infirmons l'ordonnance entreprise, et, statuant à nouveau :
Autorisons la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète dont fait l'objet Rachid Y...,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée à Monsieur Rachid Y..., son conseil Maître Mathilde Z..., Monsieur le directeur de la Fondation du [...] à [...], Monsieur le Président de l'UDAF de la Manche - tuteur,
Disons que la présente décision sera communiquée au ministère public ;
Laissons les dépens à la charge de l'Etat.
La greffière La présidente de chambre, déléguée
Ghislaine LEPELLEY Agnès QUANTIN