RG : 10/ 03885
----------------22 Février 2013---------------- Patrick X... C/ MINISTERE DE LA DEFENSE-----------------
COUR D'APPEL DE CAEN COUR REGIONALE DES PENSIONS
ARRET DU 22 FEVRIER 2013
APPELANT :
Monsieur Patrick X...... 35400 ST MALO
Représenté par maître DE TIENDA-JOUHET, avocate au barreau de PARIS
INTIME :
MINISTERE DE LA DEFENSE Sous-direction des Pensions Place de Verdun 17016 LA ROCHELLE CEDEX
représenté par monsieur Y..., commissaire du gouvernement,
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame BOISSEAU, président de chambre, présidente, Madame CLOUET, conseiller, assesseur titulaire, Madame GUENIER-LEFEVRE, conseiller, assesseur titulaire
désignés par ordonnance de monsieur le premier président du 23 décembre 2011.
GREFFIERE :
Madame ANDRE,
A l'audience publique du 4 juin 2012 la cour a mis l'affaire en délibéré au 26 octobre 2012 ARRET
contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 février 2013 par prorogation du délibéré initialement fixé au 26 octobre 2012, et signé par madame BOISSEAU, présidente, et madame ANDRE, greffière, à laquelle la minute a été remise.
Exposé du litige
Titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux de 60 % concédée par arrêté du 3 mars 1972, M. Patrick X... a demandé au ministère de la défense par courrier du 19 février 2008, l'alignement par voie de revalorisation de sa pension d'adjudant de l'armée de terre sur l'indice équivalent dans la marine nationale.
Le ministère lui ayant indiqué par courrier du11 mars 2008 qu'aucune réponse définitive ne pouvait lui être adressée actuellement dans la mesure où ce dossier faisait l'objet d'expertises par les instances ministérielles concernées, M. X... a, par courrier du 3 mai 2008 enregistré au greffe le 5 mai 2008, saisi le tribunal départemental des pensions d'Ille-et-Vilaine d'un recours contre le courrier précité du ministère qu'il estimait être une décision implicite de rejet de sa demande.
Par jugement du 9 juin 2009, le tribunal a déclaré M. X... irrecevable en son recours au motif que la lettre du ministère en date du 11 mars 2008 ne pouvait constituer une décision de rejet de la requête mais M. X... ayant interjeté appel, la cour régionale des pensions de Rennes, par arrêt rendu le 5 mars 2010, infirmant le jugement, a accordé à l'appelant la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité, calculée initialement au grade d'adjudant de l'armée de terre, en fonction du grade équivalent de premier maître de la marine nationale, et ce, à compter du 19 février 2008.
Statuant sur le pourvoi formé par le ministère de la défense, le Conseil d'État, par ordonnance rendue par le président de la quatrième sous-section de la section du contentieux en date du 16 décembre 2010, a annulé l'arrêt de la cour régionale des pensions de Rennes du 5 mars 2010 et renvoyé l'affaire devant la cour régionale des pensions de Caen.
Par conclusions déposées le 22 mai 2012 et soutenues à l'audience et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample informé, M. Patrick X... demande, notamment, à la cour de le dire recevable et bien-fondé en son recours contentieux en annulation de l'arrêté ministériel de liquidation de sa pension en date du 3 mars 1972 et d'ordonner la délivrance d'un nouvel arrêté ministériel du liquidation de pension modifiant le seul indice et le portant à 312, 2, avec effet au 14 février 1971, date d'entrée en jouissance de la pension.
Selon mémoire en date du 29 mai 2012 soutenu à l'audience et auquel il convient de se reporter pour plus ample informé, le ministère de la défense demande à la cour de dire que la requête de M. X... est irrecevable comme frappée de forclusion et non fondée au regard des dispositions de l'article 78 du code des pensions militaires.
MOTIFS DE L'ARRET
Attendu que le Conseil d'État a retenu que la demande tendant à la revalorisation de sa pension telle que présentée par M. X... doit s'analyser comme une demande de révision de pension au sens des dispositions de l'article L. 78 du CPMI et, que le décalage défavorable invoqué par celui-ci entre les indices des pensions d'invalidité servies à plusieurs grades de sous-officiers des armées de terre et de l'air et de la gendarmerie et les indices afférents aux pensions servies aux personnels de grade équivalent de la marine nationale ne figure pas pas au nombre des cas permettant la révision, sans condition de délai, d'une pension militaire d'invalidité ;
Que le Conseil d'État a retenu, par ailleurs, que les dispositions de l'article L. 78 précité s'appliquent aux pensionnés comme à l'administration et qu'elles ne font, en tout état de cause, pas obstacle à ce que les pensionnés puissent faire valoir utilement leurs droits devant la juridiction des pensions, pour quelque motif que ce soit, dans le délai de recours prévu par l'article 5 du décret du 20 février 1959, dont la durée de six mois, dérogatoire au droit commun, n'apparaît pas manifestement insuffisant à cet effet, de sorte que ces dispositions ne sont pas contraires aux stipulations de la CESDH et du premier protocole additionnel à cette convention garantissant le droit à un recours effectif devant une juridiction ;
Que, tirant les conséquences de ses énonciations, le Conseil d'État a jugé qu'en faisant droit à la demande de M. X... tendant à la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité, sans examiner si, à défaut d'être dans un des cas prévus par l'article L. 78 du CPMI permettant de demander la révision d'une pension militaire d'invalidité sans condition de délai, l'intéressé était néanmoins recevable, eu égard à la date et aux conditions de la notification de l'arrêté lui ayant concédé sa pension, à solliciter la révision de cette dernière pour quelque motif que ce soit, la cour régionale des pensions avait commis une erreur de droit, de sorte que le ministre de la défense était fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Attendu qu'il est constant que M. X... s'est vu concéder sa pension militaire d'invalidité définitive au taux de 60 % par arrêté du 3 mars 1972, avec jouissance au 14 février 1971 ;
Attendu que le délai de six mois prévu par l'article 5 du décret du 20 février 1959, visé par l'ordonnance du Conseil d'Etat, dans sa rédaction applicable au présent litige, imparti au pensionné pour contester l'arrêté lui concédant sa pension, court à compter de la réception par l'intéressé de la notification de la décision ;
Qu'en l'espèce sont versés aux débats un document émanant du ministère d'État chargé de la Défense nationale (service des pensions des armées), intitulé « descriptif des infirmités ayant donné lieu à attribution d'une pension militaire d'invalidité » portant des mentions relatives notamment à l'identité de M. X..., à l'arrêté de concession du 3 mars 1972 et à l'entrée en jouissance et aux infirmités ouvrant droit à pension (diagnostic, origine, curabilité, degré d'invalidité...), ainsi qu'un document émanant du ministère de l'économie et des finances (direction de la dette publique ¿ sous-direction des pensions), intitulé « pensions militaires d'invalidité ¿ brevet d'inscription », comportant les éléments concernant l'identité de M. X..., l'arrêté de concession de la pension, le décompte de cette dernière, les textes applicables ainsi que des observations diverses ;
Que ce deuxième document, auquel fait d'ailleurs référence le premier cité, mentionne, en outre, divers « avis aux pensionnaires » relatifs non seulement aux réclamations possibles et au paiement de la pension, mais également aux voies de recours ouvertes ;
Qu'il est, ainsi et en particulier, précisé que le pensionné peut contester la pension qui lui est accordée en formant un recours devant le tribunal départemental des pensions de son domicile par lettre recommandée adressée au greffier du tribunal des pensions et que « ce recours doit, à peine de déchéance, être formé dans le délai de six mois à dater de la réception du présent brevet de pension » ;
Que ce document intitulé brevet d'inscription comporte, en outre, une rubrique libellée « procès-verbal de remise de brevet » aux termes duquel le percepteur de Bourgtheroulde, commune où était domicilié M. X..., « certifie avoir remis ce jour à celui-ci le présent brevet » et certifie en outre que l'intéressé a apposé en sa présence sa signature type sur les fiches mobiles destinées à la trésorerie générale du département, ce procès-verbal de remise du brevet étant signé et daté du 13 avril 1972 par le percepteur et portant le cachet de la perception ;
Qu'il résulte de ce qui vient d'être exposé que lors de la notification de sa pension d'invalidité, M. X... a été précisément et régulièrement informé des voies de recours qui lui étaient offertes et de leurs modalités d'exercice ;
Que, dans ces conditions, M. X..., qui n'indique au demeurant pas sur quels textes il fonde son argumentation, ne peut valablement invoquer un défaut de notification régulière ;
Que, par ailleurs, les documents qu'il produit, sans au demeurant les expliciter ou les commenter, concernant d'autres pensionnés, sont relatifs à des pensions concédées par des arrêtés récents puisque datant de 2008 et 2010, de sorte qu'ils sont dénués de caractère probant en l'espèce ;
Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. X... qui n'a pas formé son recours dans le délai de six mois imparti par l'article 5 du décret du 20 février 1959, est irrecevable, eu égard à la date et aux conditions de la notification de l'arrêté lui ayant concédé sa pension, à solliciter la révision de cette dernière ;
Que, dès lors, le jugement rendu le 9 juin 2009 par le tribunal départemental des pensions l'Ille-et-Vilaine doit être confirmé, mais par les motifs différents et propres à la cour qui viennent d'être exposés, en ce qu'il a déclaré M. X... irrecevable en son recours ;
Sur les dépens et la demande fondée sur l'article L. 761 ¿ 1 du code de la justice et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991
Attendu que la loi du 15 mars 1963 a exonéré du droit de timbre, d'enregistrement et du droit de frais de justice toutes les procédures en matière de pensions, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens.
Attendu que les dispositions combinées de l'article L. 761 ¿ 1 du code de la justice administrative et de l'article 37 de la loi numéro 91 ¿ 647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique, font obstacle à que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme de 3500 ¿ que l'avocat de M X... demande sur le fondement de ces dispositions.
PAR CES MOTIFS
La cour,
statuant par arrêt contradictoire,
Vu l'ordonnance rendue le 16 décembre 2010 par le président de la quatrième sous-section de la section du contentieux du Conseil d'État.
Confirme le jugement rendu par le tribunal départemental d'Ille-et-Vilaine en ce qu'il a déclaré M. Patrick X... irrecevable en son recours.
Dit n'y avoir lieu à application des articles L 761 ¿ 1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 11 juillet 1991 sur l'aide juridique au profit de M. X... ou de son avocat.