La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/01/2009 | FRANCE | N°08/00587

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale, 09 janvier 2009, 08/00587


AFFAIRE : N RG 08 / 00587
Code Aff. : ARRET N C. P
ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes de CAEN en date du 11 Février 2008 RG no F04 / 00709

COUR D'APPEL DE CAEN
TROISIEME CHAMBRE-SECTION SOCIALE 1
ARRET DU 09 JANVIER 2009

APPELANTE :

Madame X...
...
14000 CAEN

Comparante en personne, assisté de Me MORICE, avocat au barreau de CAEN

INTIMEE :

Madame Soukanh Y...
...
14123 CORMELLES LE ROYAL

Comparante en personne, assistée de Monsieur Z..., délégué syndical, substitué par Me PLANCHE du cabinet

BRAND, avocats au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame GERAUD-CHARVET, Prés...

AFFAIRE : N RG 08 / 00587
Code Aff. : ARRET N C. P
ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes de CAEN en date du 11 Février 2008 RG no F04 / 00709

COUR D'APPEL DE CAEN
TROISIEME CHAMBRE-SECTION SOCIALE 1
ARRET DU 09 JANVIER 2009

APPELANTE :

Madame X...
...
14000 CAEN

Comparante en personne, assisté de Me MORICE, avocat au barreau de CAEN

INTIMEE :

Madame Soukanh Y...
...
14123 CORMELLES LE ROYAL

Comparante en personne, assistée de Monsieur Z..., délégué syndical, substitué par Me PLANCHE du cabinet BRAND, avocats au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame GERAUD-CHARVET, Président de Chambre, rédacteur
Monsieur COLLAS, Conseiller,
Madame PONCET, Conseiller,

DEBATS : A l'audience publique du 13 Novembre 2008

GREFFIER : Madame POSE

ARRET prononcé publiquement le 09 Janvier 2009 à 14 heures par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du Code de procédure civile et signé par Madame GERAUD-CHARVET, Président, et Mademoiselle GOULARD, Greffier

08 / 587 TROISIEME CHAMBRE SECTION SOCIALE 1 PAGE No2

Faits et procédure

Madame Soukanh Y... a été embauchée le 1er octobre 1990 par Madame X... exerçant sous l'enseigne " Extrême Orient " une activité de préparation et vente d'alimentation exotique. Elle a travaillé jusqu'au 31 mars 2005, date à laquelle elle a fait valoir ses droits à la retraite.

Le 6 octobre 2004 elle a saisi le conseil de prud'hommes de Caen de diverses demandes salariales et indemnitaires.

Par jugement du 11 février 2008, le conseil de prud'hommes a :

- condamné Madame X... à verser à Madame Y... les sommes de :
* 2 259, 56 € à titre de rappel de salaire sur le niveau N1B, coefficient 110,
* 225, 95 € au titre des congés payés afférents,
* 21 685, 77 € à titre de rappel des heures supplémentaires et congés payés afférents,
ces sommes portant intérêts au taux légal à compter de la convocation en conciliation valant mise en demeure,
* 5 390, 54 € à titre de dommages et intérêts pour repos compensateur non pris,
* 6. 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier,
* 860 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
ces sommes portant intérêts au taux légal compter de la notification du jugement ;
- ordonné à Madame X... de remettre à Madame Y... : une attestation Assedic rectifiée, un certificat de travail rectifié, les bulletins de salaire des mois d'octobre 1999 à mars 2005, et ce sous astreinte de 15 € par jour de retard suivant un mois après la notification de la décision ;
- débouté Madame Y... du surplus de ses demandes,
- débouté Madame X... de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire de Madame Y... s'élevait à la somme de 1 200 €,
- condamné Madame X... aux dépens.
08 / 587 TROISIEME CHAMBRE SECTION SOCIALE 1 PAGE No3

Madame X... a interjeté appel de cette décision.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes ;

Vu les conclusions déposées et oralement soutenues par l'appelante ;

Vu les conclusions déposées et oralement soutenues par Madame Y... intimée et appelante incidente.

MOTIFS DE LA DÉCISION

-Sur les demandes relatives au salaire

-rappel de salaire tenant compte de la classification conventionnelle

Madame X... produit une lettre d'embauche en date du 16 septembre 1990, dont la salariée conteste la réalité. En tout état de cause, l'employeur ne conteste pas que Madame Y..., après plusieurs contrats à durée déterminée depuis 1987, a été embauchée à compter du 1er octobre 1990 par contrat à durée indéterminée à temps complet et que la convention collective applicable est celle du " Commerce de détail de fruits et légumes, épicerie et produits laitiers, no 3244 ".

Les bulletins de salaire de Madame Y... font apparaître l'emploi " toute mains " mais sans mention du niveau et du coefficient tels qu'il résultent de la convention collective applicable. Au regard de celle-ci, Madame Y..., après 6 mois d'ancienneté, devait se trouver au niveau N1B coefficient 110. Or il ressort de l'examen des bulletins de salaire pour la période non prescrite d'octobre 1999 à avril 2005, que le taux horaire applicable à sa classification n'a pas été respecté.

C'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes a fait droit en son principe à la demande de rappel de salaire. Toutefois sur le montant sollicité, le calcul opéré par la salariée ne peut être retenu, ni celui proposé par l'employeur qui ne prend pas en considération l'ensemble de la période. La

08 / 587 TROISIEME CHAMBRE SECTION SOCIALE 1 PAGE No4

Cour renverra donc les parties à faire leurs comptes en se fondant sur la base des horaires mentionnés sur les bulletins de paie et en appliquant le taux horaire conventionnel correspondant au niveau N1B coefficient 110 ou le taux horaire du SMIC lorsque celui-ci est plus favorable à la salariée. Il sera en outre ajouté les congés payés y afférents.

- sur l'établissement de bulletins de salaire réguliers, d'un certificat de travail et d'une attestation ASSEDIC rectifiés et conformes

Il est justifié de faire droit à la demande de Madame Y... relative à la remise de bulletins de salaires, d'un certificat de travail et d'une attestation ASSEDIC rectifiés portant mention du niveau N1B coefficient 110 et du salaire conventionnel ; la Cour confirmera le jugement du conseil de prud'hommes sur ce point, y compris sur l'astreinte prononcée. Toutefois, s'agissant des bulletins de salaire pour lesquels la demande est limitée à la période d'octobre 1999 à décembre 2004, l'employeur pourra remplir son obligation en remettant à Madame Y... un bulletin récapitulatif pour la période considérée portant les mêmes mentions.

- Sur les demandes relatives aux congés

Madame Y... ne reprend pas en cause d'appel sa demande relative aux congés pour événements familiaux, mais maintient ses demandes relatives à la non prise de congés depuis 1999. Elle soutient que malgré les mentions figurant sur certains de ses bulletins de salaire (26 jours de congés payés notés sur les bulletins des mois d'août pour les années 1999 à 2003), elle n'a pas bénéficié des congés auxquels elle avait droit, sauf en 2004 où elle a pris cinq semaines. Elle sollicite la somme de 6 497, 20 € à titre d'indemnité compensatrice de congés non pris et non payés ou subsidiairement que lui soit allouée la somme de 1. 500 € de dommages et intérêts pour le reliquat de congés non pris (4 jours pour les années 1999, 2000, 2001, 2002 et 2003 = 20 jours).

08 / 587 TROISIEME CHAMBRE SECTION SOCIALE 1 PAGE No5

S'il ressort des plannings figurant sur les cahiers que la salariée produit au débat en cause d'appel qu'elle a travaillé pendant les mois d'août considérés ce qui n'est pas contesté par l'employeur, Madame Y... qui a perçu l'intégralité de son salaire, n'établit pas qu'elle ait été empêchée de prendre ses congés par l'employeur ; l'indemnité de congés payés ne lui est donc pas due.

En revanche il apparaît que Madame Y... n'a pas bénéficié de l'intégralité de ses congés payés puisque ses bulletins de salaire pour les années 1999 à 2003 mentionnent 26 jours de congés payés au lieu de 30 jours. Madame Y... a nécessairement subi un préjudice du fait de ce décompte erroné de ses jours de congé lequel sera réparé par l'allocation de la somme de 500 € de dommages et intérêts. Le jugement du conseil de prud'hommes sera réformé sur ce point.

- Sur les demandes relatives aux heures supplémentaires et repos compensateurs

Il résulte des dispositions de l'article L 3171-4 (L212-161 ancien) du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, le juge formant sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié lequel doit, pour ce qui le concerne, préalablement fournir des éléments de nature à étayer sa demande.

A l'appui de sa demande et du tableau récapitulatif des heures supplémentaires qu'elle soutient avoir réalisées, Madame Y... produit en cause d'appel des plannings où sont notés dans un cahier puis dans un bloc-note puis sur des fiches volantes, jour après jour, ses heures d'arrivée et de départ, et ce depuis 1992 et jusqu'à sa cessation d'activité en 2005. Ces documents, crédibles en leur forme, corroborés par la lettre de réclamation adressée à son employeur le 15 mai 1992 ainsi que par l'attestation de son mari qui a travaillé avec elle à partir de 2001, sont suffisants à étayer sa demande.

08 / 587 TROISIEME CHAMBRE SECTION SOCIALE 1 PAGE No6

Les pièces versées au débat par Madame X... ne permettent pas de considérer qu'elle justifie des horaires effectivement réalisés par la salariée ; en effet à supposer que le tableau des horaires de travail produit (lundi 14H30- 18H30 et du mardi au samedi inclus 9H-12 H et 14H30- 18H30) ait effectivement été affiché dans le magasin, rien ne démontre que l'employeur l'ait respecté et fait respecter, les cahiers de pointage, dont l'existence est au demeurant contestée par l'intimée, n'étant pas signés par la salariée ; les attestations établies en 2008 par Madame A... et par Monsieur B... qui affirment que Madame Y... n'arrivait jamais au magasin avant 9 heures (heure d'ouverture), n'apparaissent pas convaincantes alors qu'il n'est pas contesté que Madame Y... préparait les plats destinés à la vente et qu'il est établi que les clés du magasin lui étaient confiées, de sorte qu'il est réaliste de penser que la salariée commençait son travail avant l'ouverture du magasin, sans que sa présence puisse nécessairement être notée de l'extérieur. De même l'employeur ne produit aucun élément permettant de corroborer son affirmation selon laquelle la salariée bénéficiait d'une pause entre 12 H et 14 H, et sa contestation des horaires de travail au mois d'août n'est pas pertinente alors qu'il a été démontré que Madame Y... a travaillé pendant des périodes mentionnées sur ses bulletins de salaire comme congés payés. Enfin les quelques incohérences relevées par l'employeur (arrêt maladie du 9 au 15 juillet 2000 et travaux de la journée du 14 février 2003) ne permettent pas de remettre en cause l'ensemble du décompte présenté pas la salariée qui sera donc retenu.

Au vu de ces éléments, la Cour confirmera la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'il a fait droit à la demande relative aux heures supplémentaires réalisées, tant dans son principe que dans son montant.

Les heures supplémentaires accomplies donnent droit à un repos compensateur dont Madame Y... n'a pas bénéficié. La Cour confirmera le jugement en ce qu'il a alloué à la salariée une indemnité compensatrice de repos compensateur d'un montant de 5390, 50 €.

08 / 587 TROISIEME CHAMBRE SECTION SOCIALE 1 PAGE No7

- Sur la demande relative au travail dissimulé

Selon les dispositions de l'article L 8221-5 alinéa 2 du code du travail, est réputé travail dissimulé le fait pour un employeur de mentionner sur un bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli. L'article L 8223-1 du même code (article L 324-11-1 ancien) prévoit qu'en cas de rupture du contrat de travail, le salarié auquel l'employeur a eu recours dans ces conditions a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire ; toutefois cette indemnité n'est due que s'il est établi que l'employeur a minoré de façon intentionnelle le nombre d'heures de travail.

En l'espèce la volonté de Madame X... de dissimuler les heures supplémentaires réalisées par Madame Y... ressort d'une part du volume important des heures supplémentaires réalisées et ce sur une longue période, et d'autre part du fait que la salariée ait, dès 1992, réclamé par lettre à son employeur le paiement de ces heures. La Cour retiendra donc le caractère intentionnel de la dissimulation et, réformant le jugement, fera droit à la demande indemnitaire de la salariée.

- Sur la demande relative au préjudice financier

Madame Y..., en étant privée pendant plusieurs années du salaire correspondant à sa classification et du paiement des heures supplémentaires réalisées, a subi un préjudice financier qui va au delà du simple rétablissement à posteriori dans ses droits. Il en est conséquence justifié de lui allouer des dommages et intérêts que la Cour fixera à la somme de 1 500 €.

- Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire

Madame Y... qui n'a pas cherché à faire exécuter la décision du conseil de prud'hommes assortie de l'exécution provisoire, ne démontre pas que Madame X... ait fait un usage abusif ou dilatoire de son droit d'appel ; elle sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

08 / 587 TROISIEME CHAMBRE SECTION SOCIALE 1 PAGE No8

- Sur les dépens et les frais irrépétibles

Madame X... qui succombe en son appel supportera les dépens de l'instance. Il n'est ni inéquitable ni économiquement injustifié d'accorder à Madame Y... la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en plus de la somme accordée sur ce même fondement en première instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

CONFIRME le jugement entrepris :

- en ce qu'il a condamné Madame X... exerçant sous l'enseigne " Extrême Orient " à verser à Madame Y... les sommes suivantes :

* 21 685, 77 € à titre de rappel des heures supplémentaires et congés payés afférents,
cette somme portant intérêts au taux légal à compter de la convocation en conciliation valant mise en demeure,
* 5 390, 54 € à titre de dommages et intérêts pour repos compensateur non pris, cette somme portant intérêts au taux légal compter de la notification du jugement,
* 860 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- en ce qu'il a ordonné à Madame X... de remettre à Madame Y... une attestation Assedic et un certificat de travail rectifiés, sous astreinte de 15 € par jour de retard suivant un mois après la notification de la décision ;

- en ce qu'il a débouté Madame Y... de sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés.

08 / 587 TROISIEME CHAMBRE SECTION SOCIALE 1 PAGE No9

REFORMANT le jugement pour le surplus :

Renvoie les parties à faire leurs comptes sur les rappels de salaire pour la période d'octobre 1999 à fin mars 2005 en se fondant sur la base des horaires mentionnés sur les bulletins de paie et en appliquant le taux horaire conventionnel correspond au niveau N1B coefficient 110 ou le taux horaire du SMIC lorsque celui-ci est plus favorable à la salariée, et en ajoutant les congés payés y afférents.

Dit qu'il en sera référé à la Cour en cas de difficulté.

Ordonne à Madame X... de remettre à Madame Y... des bulletins de salaire rectifiés correspondant aux rappels de salaire ci-dessus, étant précisé que l'employeur pourra remplir son obligation en remettant à Madame Y... un bulletin récapitulatif pour la période considérée portant les mêmes mentions.

Condamne Madame X... exerçant sous l'enseigne " Extrême Orient " à payer à Madame Y... les sommes de :
* 500 € de dommages et intérêts au titre des congés payés non pris
* 6 847, 56 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
* 1 500 € au titre du préjudice financier ;

Déboute Madame Y... de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire ;

Condamne Madame X... aux entiers dépens et à payer à Madame Y... la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

E. GOULARD L. GERAUD-CHARVET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08/00587
Date de la décision : 09/01/2009
Type d'affaire : Sociale

Références :

ARRET du 08 juillet 2010, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 juillet 2010, 09-40.932, Inédit

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Caen, 11 février 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.caen;arret;2009-01-09;08.00587 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award