AFFAIRE : N RG 08 / 02063
Code Aff. : ARRET N J B. C G.
ORIGINE : DECISION du Tribunal de Grande Instance d'AVRANCHES en date du 26 Février 2004-
RG no 02 / 590
COUR D'APPEL DE CAEN
PREMIERE CHAMBRE-SECTION CIVILE
ARRET DU 09 DECEMBRE 2008
APPELANTS :
Monsieur Eddy X...
...
Madame Geneviève Y... épouse Z...
...
représentés par la SCP PARROT LECHEVALLIER ROUSSEAU, avoués
assistés de Me ORLEAN LEGER, avocat au barreau de PARIS
INTIMES :
La SCP A... B... venant aux droits de la SCP C... A...
...
prise en la personne de son représentant légal
Maître Didier C...
...
représentés par la SCP GRANDSARD DELCOURT, avoués
assistés de la SCP SULTAN COLLIN BARRET, avocats au barreau d'ANGERS
INTERVENANT :
Monsieur Frédéric D... E...
...
représenté par la SCP MOSQUET MIALON D'OLIVEIRA LECONTE, avoués
assisté de Me UZAN, avocat au barreau de PARIS
Vu la communication de la procédure à Monsieur le Procureur général
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
M. BOYER, Président de Chambre, rédacteur,
Madame BEUVE, Conseiller,
Mme CHERBONNEL, Conseiller,
DEBATS : A l'audience publique du 04 Novembre 2008
GREFFIER : Madame GALAND
ARRET prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 09 Décembre 2008 et signé par M. BOYER, Président, et Madame GALAND, Greffier
* * *
Le 31 mars 1991, M. Didier C..., commissaire-priseur à... assisté de M. Frédéric D... E... expert, a procédé à une vente de tableaux modernes aux enchères publiques. Mme Geneviève Z... s'est portée adjudicataire d'une oeuvre dite d'Oscar Dominguez pour un prix de 42 000 F hors frais de vente.
Suivant acte sous seing privé du 15 juin 2001, les époux Z... ont cédé leurs parts – de moitié – à M. Eddy X....
Postérieurement à la vente, les acquéreurs avaient soumis ce tableau à un expert reconnu à l'époque, M. De I... qui l'avait attribué à Oscar Dominguez, mais qui s'est avéré ultérieurement dépourvu de crédibilité.
Estimant que le tableau ne répondait pas à ce qui était avancé, M. X... a assigné M. C... et la SCP C... A... qui a appelé en garantie M. D... E....
Par jugement du 26 février 2004, le tribunal de grande instance d'Avranches a déclaré irrecevables les demandes formées par M. X... et Mme Z... à l'encontre de M. D... E... et rejeté celles présentées à l'encontre de M. C... et de la SCP et C... A....
M. X... et Mme Z... ont interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt du 28 mars 2006, la présente cour a déclaré recevable l'action engagée par M. X... et irrecevable celle engagée par Mme Z... ; elle a également ordonné l'expertise du tableau.
L'expert procède à une analyse détaillée du tableau en comparaison avec des oeuvres du peintre Oscar Dominguez pour conclure qu'il ne s'agit pas d'une oeuvre authentique de celui-ci.
Il s'est aussi avéré que M. D... E... était en réalité le vendeur de ce tableau, le commissaire-priseur ayant refusé de dévoiler l'identité du vendeur avant l'introduction de la procédure.
M. X... conclut à la réformation du jugement, à l'annulation de la vente et à la condamnation de M. D... E... à lui rembourser le prix de vente outre les intérêts légaux et 35 000 € de dommages intérêts solidairement avec M. C... et la SCP C... A....
Il affirme que :
- avec les époux Z... il avait décidé d'acquérir ensemble et par moitié ce tableau et que, dans la mesure où une seule personne pouvait porter des enchères, ce rôle avait été dévolu à Mme Laurent épouse Z..., ce tableau n'ayant pas été exposé préalablement à la vente mais ajouté au dernier moment,
- lorsqu'ils ont voulu le revendre, d'autres commissaires-priseurs ont refusé d'inscrire le tableau sur leur catalogue comme une oeuvre d'Oscar Dominguez,
- le 15 juin 2001, les époux Z... lui ont vendu leurs parts,
- M. D... E... est intervenu volontairement et spontanément aux opérations d'expertise alors que, appelé en garantie par M. C... et la SCP et C... A..., il n'avait pas comparu en première instance,
- M. D... E..., marchand de tableaux, avait acheté cette oeuvre 2400 F.
Il estime l'action à l'encontre de M. D... E... recevable en application de l'article 555 du code de procédure civile comme étant la suite logique et quasiment nécessaire de l'évolution du litige alors qu'il a volontairement et spontanément participé aux opérations expertales. Il soutient que le jugement de première instance ne préjudicie pas à M. D... E... puisque le tribunal avait rejeté la demande faute d'apporter la preuve que le tableau n'était pas authentique et que la question n'est finalement évoquée pour la première fois de manière utile que devant la cour.
Il soutient que M. D... E... aurait été de mauvaise foi, et qu'il ne peut valablement soutenir que le tableau avait été authentifié.
Il fait encore valoir que M. D... E... aurait changé d'adresse.
Il estime que le commissaire-priseur a engagé sa responsabilité alors que le tableau a été ajouté à la dernière minute, sans exposition préalable, que M. D... E... présenté comme expert affirme son manque de qualification pour des oeuvres de peintres surréalistes, et qu'aucun expert qualifié n'avait été contacté.
Il fait valoir les frais qu'il a engagés et le préjudice résultant de la déconvenue subie lorsqu'il a appris qu'il avait été trompé.
M. D... E... conclut à la confirmation du jugement et subsidiairement à l'irrecevabilité et au mal fondé des demandes formulées à son encontre.
Il fait valoir que le tribunal a jugé à juste titre qu'il ne pouvait pas avoir eu connaissance des demandes formulées à son encontre par Mme Z... et M. X... et que celui-ci ferait vainement appel aux dispositions de l'article 555 du code de procédure civile le litige n'ayant pas évolué depuis la première instance.
Il reconnaît s'être spontanément et volontairement présenté aux opérations d'expertise, mais sans avoir été avisé de la procédure en son entier, ayant quelques jours auparavant, pour une autre affaire, rencontrél'expert qui lui avait indiqué sa mission dans celle-ci.
Il estime aussi irrecevable l'appel en garantie formée à son encontre par le commissaire-priseur et invoque l'exigence de procès équitable énoncé à l'article six de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
Sur le fond il affirme que le tableau avait été vu par Monsieur de I... dont l'expert écrit que c'est : « l'auteur de l'unique catalogue raisonné des oeuvres du peintre Oscar DOMINGUEZ. Il a été de ce fait l'expert faisant foi de 1988 / 1989 à 1992 / 1993, date à laquelle sa bonne foi été mise en doute. Lors de ces années-là, il était expert reconnu et avoir de lui un certificat d'authenticité était la condition exigée dans le milieu des marchands d'art pour toute transaction d'une oeuvre de DOMINGUEZ » étant observé que la vente a eu lieu le 31 mars 1991 et que l'acquéreur a montré l'oeuvre à Monsieur De I... qui a établi un certificat le 6 juin 1991.
Il ajoute qu'en l'espèce lui-même n'avait pas mission d'authentifier l'oeuvre litigieuse et insiste sur la responsabilité du commissaire-priseur sous le marteau de qui la vente a été réalisée alors qu'il n'avait qu'une mission d'assistance.
Il prétend que sa qualité de vendeur ne change rien à l'affaire, tout le monde ayant été berné.
Il conteste l'indemnisation sollicitée par M. X..., indemnisation qu'il qualifie d'exorbitante en soutenant le caractère intéressé des acquéreurs.
En réponse aux conclusions adverses qu'il qualifie de diffamatoires, il soutient que le tableau litigieux, s'il n'avait pas été répertorié dans le catalogue, avait été exposé comme toutes les autres oeuvres pendant les deux jours précédant la vente.
Il conteste avoir cherché à cacher son identité.
Il insiste sur l'authentification du tableau par Monsieur De I....
La SCP Didier C... et James A... conclut à l'irrecevabilité des demandes à son encontre les faits étant antérieurs à sa constitution.
M. Didier C... estime n'avoir commis aucune faute et causée aucun préjudice.
Subsidiairement, ils sollicitent la garantie de M. D... E....
Ils relatent que :
- lors de la vente le commissaire-priseur était assisté d'un expert en la personne de M. D... E...,
- après la réalisation du catalogue M. D... E... a complété les tableaux mis en vente par une oeuvre d'Oscar Dominguez,
- préalablement à la vente, une exposition publique avait été organisée les 30 et 31 mars au matin,
- lorsqu'en juillet 1996 Mme Z... a sollicité M. C... pour connaître la provenance du tableau et obtenir un certificat d'authenticité, le commissaire-priseur leur a proposé de se rapprocher de M. D... E... expert de la vente.
Ils soulignent que le commissaire-priseur était assisté de M. D... E..., membre de l'alliance européenne des experts, qui certifiait que le tableau avait été authentifié par M. De I... et qu'aucune négligence à son encontre ne peut être retenue. Selon eux le commissaire-priseur n'avait aucune raison de remettre en cause l'expertise de M. D... E... qui le proposait lui-même à la vente.
Ils rappellent que M. X... a acheté les parts de Madame Laurent Z... après que les acquéreurs avaient été avertis des doutes sur l'authenticité du tableau lors de leur propre tentative de mise en vente, ce qui exclurait tout préjudice dont ils contestent par ailleurs l'évaluation.
Ils font valoir que l'acquéreur ne peut à la fois solliciter le remboursement du prix d'acquisition du tableau et l'évaluation d'un prix de revente éventuelle en fonction de la cote à ce moment-là.
A l'encontre de M. D... E..., ils invoquent l'assignation devant le tribunal qui avait été régulièrement délivrée, et qui, présent à la vente en qualité d'expert, a expertisé le tableau litigieux.
Ils insistent sur le rôle essentiel de M. D... E..., propriétaire du tableau, dont il aurait obtenu la garantie qu'il avait été vu par M. De I..., qui n'avait émis aucune réserve.
Par ordonnance du 28 mai 2008, le juge de la mise en état en a ordonné la clôture.
L'affaire a été retirée du rôle sur demande conjointe des avoués à l'audience du 26 juin 2008. Elle a été réinscrite le 2 juillet 2008.
Rapport a été dit avant les plaidoiries.
SUR QUOI
1) sur la procédure
Attendu que dans l'arrêt du 26 mars 2006 la présente cour a déclaré recevable l'action engagée par Monsieur X... ;
Que cette recevabilité ne peut donc plus être mise en cause ; qu'elle ne comporte aucune limite ; que l'irrecevabilité prononcée à l'encontre de Mme Z..., cessionnaire de ses droits, exclut tout autre titulaire de droit à l'action engagée ; que c'est donc en la personne de M. X... que sont réunis les droits sur le tableau et sur les conséquences de la vente ;
Attendu que le jugement du 26 février 2004 a constaté aussi que les demandes formulées par M. X... et Mme Laurent Z... à l'encontre de M. D... E... ne lui avaient pas été signifiées et dit que l'action des demandeurs à l'encontre de celui-ci ne pouvaient être déclarées recevables ;
Que le tribunal a relevé que dans leurs conclusions récapitulatives, les demandeurs dont Monsieur X... dirigeaient leur action en nullité à l'encontre du vendeur M. D... E... ;
Que ces conclusions n'ayant pas été signifiées à M. D... E... ont été déclarées irrecevables, et que cette décision n'est pas critiquée ;
Attendu qu'en appel, la nullité est plutôt évoquée qu'invoquée fermement, mais que M. X... demande le remboursement du prix contre restitution du dit tableau, ce qui serait la conséquence d'une résolution ou d'une annulation ;
Que la demande de responsabilité contractuelle formulée à l'encontre de M. D... E... n'est pas nouvelle en appel puisqu'elle était formulée en première instance ; mais qu'elle était irrecevable faute de lui avoir été signifiée alors qu'il ne comparaissait pas ; qu'en l'absence de signification les éventuels changements d'adresse de M. D... E... importent peu ;
Qu'il ne s'agit pas d'une évolution du litige mais de l'objet même de ce litige en première instance ;
Que M. X... ne peut donc pas invoquer l'article 555 du Code de procédure civile pour formuler cette demande devant la cour sans l'avoir formulée de manière régulière en première instance ;
Que cette demande portée régulièrement à la connaissance de M. D... E... pour la première fois en appel est irrecevable ;
Attendu en revanche, que par acte du 25 octobre 2002, la SCP Didier C... et James A... et M. C... avaient assigné M. D... E... pour l'entendre condamner à les garantir de toute condamnation qui serait prononcée à leur encontre sur les demandes de M. X... ; que cette assignation avait été remise en mairie après que le domicile avait été certifié par la gardienne qui avait refusé le pli ; que les énonciations de cet acte ne sont pas critiquées par M. D... E... et que sa nullité n'est pas demandée ; que la demande de garantie rappelait les demandes formulées par M. X... et notamment la demande de 15 300 € de dommages intérêts outre le remboursement du prix d'acquisition ; que la demande de garantie était valablement signifiée à M. D... E... ; qu'elle peut donc être formulée à nouveau en appel, au moins dans la limite de ce montant, en respectant les règles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, et notamment l'exigence du procès équitable ;
2) sur les caractéristiques du tableau
Attendu que l'expert judiciaire fustige les défauts du tableau :
- à propos du taureau : " on ne retrouve pas la fougue et la puissance des taureaux que l'artiste faisait dans cette période où il était proche de Picasso... Ce n'est pas davantage le taureau stylisé des années 50. C'est un taureau quasi fantomatique, dont le corps finit par se noyer dans la masse rocheuse dont il a les dimensions "
- à propos des rochers " appliqués sans intelligence sans esthétique sur le ventre du taureau, on y reconnaît habituellement l'influence d'un Max Ernst dont il admirait les oeuvres surréalistes. On est ici en face d'un vague fouillis mal peint, sans relief et sans la recherche de couleur délicate et onirique. L'artiste avait mis au point cette technique de rochers à partir de décalcomanie. Ici il n'en est rien et le résultat est faux "
- à propos de l'arbre " « l'arbre « qui saigne », traité par Dominguez est ici un petit bout de bois mort calciné et insipide. La touche et puérile, sans épaisseur, est appliqué comme un enfant peut le faire pour « colorier » un espace, qui n'est ni nuancé ni modelé "
- à propos de la colonne et de la fumée " quant à la colonne ? cheminée ?, enfin qui se voudrait peut-être un tourbillon ? Il s'en échappe une fumée au dessin enfantin qui traverse un ciel sans fond. Rien à voir avec les volutes étranges et tourbillonnantes sur un ciel travaillé, dans une harmonie de couleurs qu'on est loin de retrouver dans l'oeuvre litigieuse "
- à propos de la mise en page " les éléments constituant le tableau sont disposés de manière éparse et tout à fait incohérente. Les proportions entre les trois figures, malingres et mal peintes, augmentent encore cet effet de vide sans proportion et sans grâce. Rien que l'ensemble des éléments constituant du tableau, dans leurs juxtapositions incohérentes, et déjà suffisante pour voir que ne s'agit pas d'une oeuvre du maître "
- et globalement " il s'agit d'un paysage sombre dont seul l'horizon est éclairé. Dans cet horizon, au centre, un taureau blanc, mal dessiné dont les cornes sont à une distance invraisemblable l'une de l'autre, entre autres erreurs de dessin. Devant lui, un épisode chaotique de rochers est mal peint et mal placé. A droite, un arbre décharné qui ressemble davantage à un arbre de bande dessinée qu'à un arbre fait par l'artiste. La touche est puérile et la composition d'une naïveté évidente. Tous ces éléments pris individuellement montrent une faiblesse et une mollesse d'exécution qui, comparées aux oeuvres authentiques, sont fausses ".
Attendu que ces analyses ne sont pas critiquées ; qu'elles font apparaître une oeuvre de mauvaise qualité, dont l'expert souligne les traits enfantins ; que l'approche d'une oeuvre attribuée à un peintre célèbre ne peut se limiter à vérifier qu'y figure une signature, sauf à vider de tout sens le tableau lui-même ;
Que l'expert relève aussi des reprises sur la signature qui, au surplus " correspond bien à celle des années 40 " ;
Attendu que l'officier ministériel qui organisait une vente de tableaux modernes ne pouvait pas éviter toute inquiétude sur un tel tableau ;
Que l'expert en tableaux, même s'il n'était pas spécialiste des peintures surréalistes, devait avoir quelques connaissances sur les techniques picturales devant attirer son attention sur la mauvaise qualité de l'oeuvre ;
Que d'ailleurs, dans ses conclusions, M. D... E... qualifie l'oeuvre de mineure ;
3) sur l'organisation de la vente
Attendu qu'une vente aux enchères publiques présidée par un officier ministériel doit répondre aux garanties que le public est en droit d'attendre de cette qualité ;
Que cette nécessité de confiance est encore accrue lorsque la vente se déroule en présence d'un expert, cette qualité supposant une connaissance approfondie des caractéristiques des objets vendus, et une neutralité dans les transactions de manière à ce que sa présence n'est pas d'autre signification que cet apport de connaissance ;
Attendu que ce devoir n'est pas respecté lorsque le commissaire-priseur ou l'expert deviennent parties aux actes d'achat ou de vente et donc intéressés directement à la négociation, au-delà du pourcentage d'honoraires clairement énoncé ;
Que ce devoir de confiance est d'autant moins respecté lorsque la qualité de vendeur de l'expert n'est pas annoncée, le public n'étant donc pas averti de la confusion des deux rôles ;
Qu'en l'espèce, le commissaire-priseur n'a annoncé l'identité du vendeur qu'au cours de la procédure ;
Attendu en outre que cette confusion s'accompagne d'une mise en vente tardive et hors catalogue, de nature à limiter les vérifications, même en admettant que l'oeuvre ait été exposée ;
Que si M. D... E... qualifie l'oeuvre de mineure, il ne prétend pas en avoir averti quiconque, ce qui se comprend en sa qualité de vendeur mais caractérise l'ambiguïté de sa position de d'expert ;
Attendu que M. D... E... affirme avoir fait authentifier le tableau préalablement par l'expert M. De I... dont il ne sera révélé qu'ultérieurement qu'il a faussement publié des oeuvres attribuées à Oscar Dominguez ;
Que cependant, il n'a pas demandé de certificat, le tableau étant, selon lui, simplement " vu " par M. De I... qui dans son certificat ultérieur ne fera pas mention d'un examen préalable à la vente ;
Que le commissaire-priseur fait écrire dans ses conclusions :
« l'expertise de M. D... E... était d'autant moins douteuse qu'elle était confortée par l'authentification de l'oeuvre réalisée par Monsieur de I... alors reconnu comme expert de l'oeuvre de DOMINGUEZ » ;
Mais qu'une authentification écrite n'est intervenue qu'après la vente et qu'il ne pouvait donc s'agir que de l'affirmation verbale par M. D... E... ;
Que M. D... E... était aussi le vendeur, ce que le commissaire-priseur ne pouvait ignorer ; qu'eu égard à cette double qualité, et à l'intérêt du vendeur d'obtenir le meilleur prix, une telle affirmation était insuffisante ;
Que M. D... E... figure en tant qu'expert au catalogue de la vente ; que s'il affirme ne pas être compétent pour des tableaux de cet ordre, il n'explique pas comment il a pu ajouter ce tableau à la vente où il apparaissait en tant qu'expert et dissimuler sa qualité de vendeur sans se rendre compte qu'il accréditait personnellement l'authenticité de ce tableau " mineur " ;
Attendu en conséquence que le commissaire-priseur a laissé l'expert présent à la vente mettre en vente hors catalogue un tableau personnel de qualité médiocre sans en aviser les vendeurs ni se soucier des conséquences cette confusion des rôles ; qu'il n'a pris aucune garantie particulière et s'est contenté des affirmations du vendeur ;
Que celui-ci a cultivé la confusion des rôles en faisant état d'une visite préalable de M. De I... qu'il n'établit pas et qui n'est donc pas retenue, son double rôle ne permettant pas d'accréditer son affirmation d'expert ;
Attendu en conséquence que, pour ce tableau, la vente a été organisée en occultant la qualité, au mieux médiocre, du tableau et la confusion entre l'expert et le vendeur, hors catalogue ;
Que cette occultation constitue une faute envers les acquéreurs en droit d'attendre une loyauté d'autant plus certaine que la vente se déroule sous le ministère d'un officier public ;
Que cette faute a été commise par le commissaire-priseur et par l'expert ;
4) sur l'authentification ultérieure
Attendu que les consorts X...- Z... ont ultérieurement présenté le tableau à M. De I... qui l'a authentifié ; mais que cette authentification intervenue ultérieurement n'avait pas la même force que si elle était intervenue antérieurement à la vente ;
Que l'invoquer pour cette vente revient à s'interroger sur ce qu'aurait fait M. De I... si on lui avait demandé un certificat antérieurement à la vente ; que l'on ne peut pas recréer ainsi l'histoire ;
Que M. De I... aurait peut-être été plus prudent s'il était consulté par un expert en vue d'une vente de ce tableau de mauvaise catégorie ; qu'en toute hypothèse, il aurait engagé sa responsabilité dans le cadre de cette vente, alors que, intervenant ultérieurement, sa responsabilité ne pouvait être recherchée ;
Attendu en conséquence que l'intervention ultérieure de M. De I... ne permet pas de l'insérer dans le rapport causal entre les fautes et le préjudice subi du fait de cette vente ;
5) sur les rapports juridiques
Attendu que le commissaire-priseur n'est pas contractuellement lié à l'acheteur dans le cadre de la vente ;
Que sa responsabilité est d'ordre délictuel ; qu'en l'espèce le manque de loyauté sur l'identité du vendeur-expert et l'imprudence de laisser cette personne ajouter ainsi au dernier moment un tableau de mauvaise qualité assorti d'une signature prestigieuse caractérisent les fautes de M. C... ;
Attendu que si la responsabilité de M. D... E... ne peut pas être recherchée par l'acquéreur, le commissaire priseur avec qui il a partagé les fautes peut lui demander garantie, comme il l'avait régulièrement fait en première instance ;
6) sur le préjudice et les demandes de M. X...
Attendu qu'il est reproché à M. X... d'avoir recherché un profit spéculatif ; mais que cela n'est pas interdit ni fautif quand aucun abus n'apparaît ;
Qu'il reste que M. X... était un particulier qui devait pouvoir bénéficier de la confiance que doivent garantir un officier ministériel et un expert ;
Que la recevabilité de son action a été jugée par l'arrêt du 28 mars 2006 ;
Attendu qu'il a été induit en erreur sur la qualité du tableau dont la valeur marchande est finalement négligeable ;
Qu'il subit un préjudice correspondant à la valeur du tableau et des frais qu'il a engagés pour l'acquisition ;
Attendu en revanche que l'espoir de parvenir à un bénéfice en spéculant sur une oeuvre d'artiste repose sur des aléas considérables ;
Attendu qu'il a acheté le tableau 7. 025 euros ; qu'il faut retenir une indemnité de 7. 500 euros ;
Attendu qu'il était légitime d'assigner la société qui continuait l'activité de M. C... ; que celui-ci et M. D... E... doivent supporter l'intégralité des dépens, y compris ceux relatifs à la mise en cause de cette société ;
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement,
Déclare l'action irrecevable à l'encontre de la SCP C... A... et de la société A... B...,
Déclare irrecevable la demande de M. Eddy X... tendant au remboursement du prix du tableau moyennant restitution du dit tableau, et en nullité de la vente,
Condamne M. Didier C... à payer à M. Eddy X... la somme de 7. 500 euros de dommages intérêts outre 2. 000 euros d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile, et M. Frédéric D... E... à garantir M. Didier C... pour moitié,
Les condamne in solidum aux dépens avec application de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
C. GALANDJ. BOYER