AFFAIRE : N RG 08 / 00896
Code Aff. : ARRET N E. G
ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes de TROUVILLE S / MER en date du 10 Mars 2008 RG no F 07 / 00076
COUR D'APPEL DE CAEN
TROISIEME CHAMBRE-SECTION SOCIALE 2
ARRET DU 07 NOVEMBRE 2008
APPELANT :
Monsieur Philippe X...
...
27260 FRESNE CAUVERVILLE
Représenté par Me Xavier MORICE, substitué par Me GOURDET, avocat au barreau de CAEN
INTIMEES :
SA SAMETO HONFLEUR
Jetée de l'Est
14600 HONFLEUR
SCP BACHELIER-BOURBOULOUX, mission conduite par Me BOURBOULOUX, es-qualité d'administrateur judiciaire, puis de co-commissaire à l'éxécution du plan de la SA SAMETO HONFLEUR
215 Avenue Georges Clémenceau
92024 NANTERRE
SCP BECHERET-THIERRY, mission conduite par Me Clément THIERRY, es-qualié de représentant des créanciers, puis de co-commissaire à l'exécution du plan de la SA SAMETO HONFLEUR
3 Avenue Paul Doumer
92500 RUEIL MALMAISON
Représentés par Me Odile BLANDINO, avocat au barreau de PARIS
A. G. S-C. G. E. A. DE ROUEN
Immeuble le Normandie I
98, Route de Bretagne
76108 ROUEN CEDEX 1
Représenté par Me SALMON, avocat au barreau de CAEN
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COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur DEROYER, Président, rédacteur,
Monsieur COLLAS, Conseiller,
Mme GUENIER-LEFEVRE, Conseiller,
DEBATS : A l'audience publique du 06 Octobre 2008
GREFFIER : Mademoiselle GOULARD
ARRET prononcé publiquement le 07 Novembre 2008 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du Code de procédure civile et signé par Monsieur DEROYER, Président, et Mademoiselle GOULARD, Greffier
* *
Monsieur X... a été embauché à compter du 16 août 1972 par la SA SAMETO HONFLEUR société dépendant d'un groupe industriel comprenant plusieurs sociétés, pour exercer au dernier état de son contrat les fonctions de chaudronnier.
Le 25 juillet 2002, neuf des sociétés du groupe SAMETO dont la SA SAMETO HONFLEUR ont fait l'objet chacune d'une procédure de redressement judiciaire distincte suivie en avril 2003 de plans de redressement par voie de continuation.
En raison de difficultés, une déclaration de cessation de paiements est intervenue pour neuf sociétés du groupe et par deux jugements du 23 novembre 2004 le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire d'une part à l'égard de la société SAMETO LEVAGE et d'autre part à l'égard des sociétés SAMETO TECHNIFIL, SAMETO ENVIRONNEMENT, ACMH SAMETO, SAMET0 DINAN, SAMETO CARPI QUE T, TOLERIE DE LOUVIERS, SAMETO SHOP CONCEPT et SAMETO HONFLEUR.
Par jugement du 2 février 2005 le tribunal de commerce de Nanterre a arrêté le plan de cession totale ou partielle des sociétés ACMH SAMETO, SAMETO HONFLEUR, TOLERIE DE LOUVIERS, SAMETO ENVIRONNEMENT SAMETO SHOP CONCEPT ainsi que la cession par les commissaires à l'exécution du plan des actifs non repris des sociétés SAMETO-DINAN, SAMETO CARPIQUET et SAMETO TECHNIFIL.
S'agissant des salariés, le jugement a autorisé le licenciement des salariés correspondant aux postes non repris dans le cadre des cessions.
Monsieur X... a été licencié par lettre du 25 février 2005 pour motif économique avec préavis, par Maître BOURBOULOUX maintenue dans ses fonctions d'administrateur judiciaire et nommée en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Contestant la légitimité de son licenciement, Monsieur X... a saisi le conseil de prud'hommes pour faire valoir ses droits.
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Vu le jugement rendu le 10 mars 2008 par le conseil de prud'hommes de TROUVILLE SUR MER ayant débouté le salarié de ses demandes.
Vu les conclusions déposées le 18 septembre 2008 et à l'audience oralement soutenues par Monsieur X... appelant ;
Vu les conclusions déposées le 26 septembre 2008 et oralement soutenues à l'audience par la SA SAMETO HONFLEUR, la SCP BACHELIER BOURBOULOUX en sa qualité d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de cession de la SA SAMETO HONFLEUR et de la SCP BECHERET THIERRY en sa qualité de représentants des créanciers et commissaire à l'exécution du plan.
Vu les conclusions déposées le 19 septembre 2008 et oralement soutenues à l'audience par l'AGS CGEA de l'Ile de France ;
MOTIFS
Sur la recevabilité de l'action.
Licencié par lettre du 25 février 2005 portant conformément aux dispositions de l'article L. 321-16 alinéa 2 du code du travail, l'indication du délai de 12 mois à compter de la notification du licenciement pour en contester la régularité ou la validité, Monsieur X... a saisi le 24 avril 2006 le conseil de prud'hommes d'une contestation du motif économique de son licenciement.
Les intimés concluent à la prescription de l'action du salarié introduite plus de douze mois après la notification de son licenciement, par application des dispositions du texte précité devenu l'article L 1235-7 alinéa 2 du code du travail.
En fixant le point de départ du délai de contestation de la régularité de la validité du licenciement à compter de la dernière réunion du comité d'entreprise, l'alinéa 2 de l'article L 1235-7 du code du travail vise nécessairement le cas des licenciements collectifs d'au moins 10 salariés sur la même période de 30 jours, dans les entreprises employant au moins 50 salariés, licenciements nécessitant la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi. Dès lors que le texte litigieux évoque dans la même phrase, le droit individuel du salarié à contester la régularité ou la validité de son licenciement, il faut en déduire qu'il vise encore cette même hypothèse du licenciement collectif avec plan de sauvegarde de l'emploi et que le délai de 12 mois ne concerne que le droit propre reconnu au salarié inclus dans une telle hypothèse de contester la régularité de son licenciement ou l'en poursuivre l'annulation en cas d'absence ou d'insuffisance du plan, le point de départ de ce délai étant alors la notification du licenciement.
En conséquence l'action en contestation du motif économique de la rupture n'est pas visée par les dispositions de l'article L 1235-7 alinéa 2 du code du travail et relève du délai de droit commun, précision étant faite que ce texte, désormais inséré dans le chapitre V titre III du livre 2 du code du travail sur les contestations et sanctions des irrégularités du licenciement, doit être interprété strictement dès lors qu'il restreint le délai de recours du salarié par rapport au droit commun.
Le moyen tenant à la prescription de l'action sera donc rejeté.
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Sur le motif économique du licenciement.
C'est vainement que Monsieur X... soutient que son licenciement n'aurait pas été autorisé par le jugement arrêtant le plan de cession qui ne visait que des emplois de chaudronnier alors que selon lui il occupait le poste de fraiseur de 1994 à 2005. En effet, l'ensemble des documents bulletins de paie des certificats de travail, démontre qu'il était constamment désigné sous la qualification de chaudronnier, peu important qu'il exerçait des tâches différentes, ce qui permet de retenir que c'est en cette dernière qualité que son poste figure dans la liste des postes supprimés.
Monsieur X... sans remettre en cause le motif économique énoncé dans la lettre de licenciement, invoque l'absence de recherche sérieuse de reclassement.
En l'espèce, huit des 14 sociétés composant le groupe SAMETO dont la SA SAMETO HONFLEUR, ont fait l'objet depuis le 23 novembre 2004 d'une procédure de redressement judiciaire puis par jugement du 2 février 2005 d'une cession totale ou partielle à divers repreneurs, le jugement autorisant des licenciements correspondant aux postes de travail non repris.
Autre société du groupe, la société SAMETO LEVAGE en redressement judiciaire depuis le 23 novembre 2004 a fait l'objet par jugement distinct du 2 février 2005 d'un plan de redressement par voie de cession totale avec la reprise de huit postes de travail sur 14.
Tant dans le plan de sauvegarde de l'emploi établi le 7 février 2005 que dans la lettre de licenciement, l'administrateur judiciaire a indiqué qu'en raison de la cessation d'activité de la société SAMETO Honfleur objet de cession partielle, et des jugements arrêtant le plan de cession des sociétés du groupe SAMETO et déterminant les effectifs repris par chaque cessionnaire, il n'avait pas été possible d'envisager le reclassement de Monsieur X..., ni au sein de la société SAMETO ni au sein des autres sociétés.
Cependant si les jugements arrêtant à la même date, la cession totale ou partielle de 9 des sociétés du groupe, autorisaient des licenciements par catégorie professionnelle compte tenu des postes non repris, conformément à la loi ils ne désignaient pas nominativement les salariés licenciés, de sorte que l'adoption des plans de cession n'entraînait pas le transfert immédiat des salariés auprès des repreneurs tant que l'administrateur judiciaire n'avait pas mis en oeuvre les critères d'ordre de licenciement.
Ainsi dans l'hypothèse de plans de cession simultanés de plusieurs sociétés dépendant d'un même groupe, le périmètre de reclassement des salariés dont le licenciement a été autorisé, s'étend aux sociétés objet des plans de cession jusqu'à la mise en oeuvre des critères d'ordre de licenciement et au transfert effectif des salariés repris et jusqu'à la signature des actes de cession.
En l'espèce tant que la détermination des salariés à transférer et à licencier n'était pas effectuée, et que les actes de cession n'étaient pas signés, le périmètre de l'obligation de reclassement s'étendait à l'ensemble des sociétés du groupe de sorte que l'administrateur judiciaire ne pouvait s'abstenir comme il l'a annoncé, de rechercher les possibilités de reclassement tant au sein de la société SAMETO HONFLEUR qu'auprès des autres sociétés cédées, pour lesquelles il n'est pas soutenu que leurs activités ne permettaient pas la permutation de tout ou partie de leurs personnels.
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De plus, les organes de la procédure collective de la société SAMETO Honfleur n'apportent aucun élément sur les salariés effectivement transférés auprès des repreneurs des sociétés du groupe, et donc de l'impossibilité d'assurer dans la limite de l'offre de chaque repreneur, le reclassement de Monsieur X....
Au surplus quant aux autres sociétés du groupe, s'il résultait des mentions de jugement du 2 février 2005 que les SCI TREVAL et SAMETO Immobilier n'avaient pas de salarié à l'ouverture de leur redressement judiciaire le 12 janvier 2005, et que les sociétés SAMETO Innovation et Flexi métal étaient sans activité au 2 février 2005, aucun élément n'est fourni quant à l'impossibilité de reclassement au sein de la société SAMETO PARTICIPATION objet d'un plan de continuation depuis avril 2003.
Faute de justifier d'une recherche réelle et sérieuse de reclassement et de l'impossibilité d'y procéder, le licenciement de Monsieur X... sera déclaré sans cause réelle et sérieuse, sans qu'il soit besoin d'examiner l'ordre des licenciements.
Monsieur X... avait 32 ans d'ancienneté à la date du licenciement dans une entreprise employant habituellement plus de 10 salariés.
Compte tenu de ces éléments la réparation de son préjudice doit être fixée à 9 050 € faute de preuve d'un préjudice supérieur.
En raison des circonstances de l'espèce, il apparaît équitable de lui allouer une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles, dont le montant sera fixé au dispositif.
Les intimés parties perdantes seront déboutés de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La COUR,
Infirme le jugement entrepris ;
Déclare non prescrite l'action de Monsieur X... ;
Fixe la créance de Monsieur X... sur le passif de la procédure collective de la SA SAMETO HONFLEUR à :
-9 050 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la SCP BACHELIER-BOU RBOU LOUX en ses qualités d'Administrateur Judiciaire et de Commissaire à l'Exécution du Plan de la SA SAMETO HONFLEUR à verser à Monsieur X... 800 € d'indemnité par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Déclare le présent arrêt opposable à l'AGS CGEA de Rouen dans les limites de la garantie légale et des plafonds applicables selon les dispositions des articles L 3253-8 et suivants et D 3253-5 du code du travail.
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Déboute les parties intimées de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge de la procédure collective de la SA SAMETO HONFLEUR.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
E. GOULARDB. DEROYER