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31/10/2008 | FRANCE | N°07/03486

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale, 31 octobre 2008, 07/03486


AFFAIRE : N RG 07 / 03486 Code Aff. : ARRET N C. P ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes d'ALENCON en date du 24 Septembre 2007 RG no F 06 / 00266

COUR D'APPEL DE CAEN TROISIEME CHAMBRE-SECTION SOCIALE 2 ARRET DU 31 OCTOBRE 2008

APPELANT :
Monsieur Henri X.........

Comparant en personne, assisté de Me GASNIER, avocat au barreau d'ALENCON
INTIMEE :
EARL XAVIER Z... Les Rues 61400 MAUVES SUR HUISNE

Représentée par Me BARSEGHIAN, avocat au barreau de PARIS, en présence de Monsieur et Madame Z...
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET

DU DELIBERE :
Monsieur DEROYER, Président, Monsieur COLLAS, Conseiller, rédacteur Madam...

AFFAIRE : N RG 07 / 03486 Code Aff. : ARRET N C. P ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes d'ALENCON en date du 24 Septembre 2007 RG no F 06 / 00266

COUR D'APPEL DE CAEN TROISIEME CHAMBRE-SECTION SOCIALE 2 ARRET DU 31 OCTOBRE 2008

APPELANT :
Monsieur Henri X.........

Comparant en personne, assisté de Me GASNIER, avocat au barreau d'ALENCON
INTIMEE :
EARL XAVIER Z... Les Rues 61400 MAUVES SUR HUISNE

Représentée par Me BARSEGHIAN, avocat au barreau de PARIS, en présence de Monsieur et Madame Z...
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur DEROYER, Président, Monsieur COLLAS, Conseiller, rédacteur Madame GUENIER-LEFEVRE, Conseiller,

DEBATS : A l'audience publique du 26 Septembre 2008

GREFFIER : Madame POSE

ARRET prononcé publiquement le 31 Octobre 2008 à 14 heures par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du Code de procédure civile et signé par Monsieur DEROYER, Président, et Mademoiselle GOULARD, Greffier

Faits-Procédure :

Monsieur Henri X... a été engagé le 21 septembre 2000 pour une durée indéterminée par Monsieur Xavier Z..., représentant de l'EARL éponyme, en qualité de salarié agricole à temps complet.

Par lettre du 18 octobre 2006, son employeur lui a notifié son licenciement pour faute grave.
Contestant la légitimité de son licenciement, Monsieur X... a saisi le 13 octobre 2006 le Conseil de prud'hommes d'ALENCON pour faire valoir ce qu'il estimait être ses droits.
Vu le jugement rendu le 24 septembre 2007 par le dit Conseil de prud'hommes qui a retenu l'existence de la faute grave reprochée à Monsieur X... et, en conséquence, l'a débouté de ses demandes.
Vu les conclusions déposées le 4 février 2008 et oralement soutenues à l'audience par Monsieur Henri X..., appelant ;
Vu les conclusions déposées et oralement soutenues à l'audience par L'EARL Xavier Z..., intimée.

MOTIFS

Les motifs du licenciement de Monsieur Henri X... sont ainsi énoncés à la lettre de son employeur qui le lui notifie : " Le 18 septembre 2006, nous vous avons demandé où étaient les ficelles dont nous nous servons ; vous nous avez répondu qu'elles étaient dans votre voiture et que vous les aviez prises pour vous. Lorsque nous vous avons indiqué que vous n'aviez pas à vous servir, vous avez traité Monsieur Z... de " fumier de patron ".

Lorsque plus tard, lors de la signature du cahier des horaires, il vous a demandé s'il avait bien entendu, vous avez réitéré vos propos.
Vous lui avez même indiqué que Monsieur A..., qui habite à côté de l'exploitation, disait exactement la même chose.
Le 21 septembre 2006, à votre arrivée à 7 H 30, Madame Z... vous a vu prendre de l'huile sous le hangar et partir en courant vers votre voiture ; Monsieur Z..., prévenu par son épouse, a constaté que vous courriez effectivement à votre voiture et déversiez l'huile dans le moteur. Monsieur Z... vous a demandé ce que vous faisiez et vous avez confirmé vous êtes servi sans demander la moindre autorisation.

Nous ne saurons tolérer vos insultes et vos vols plus longtemps ; en outre, vous avez déjà par le passé fraudé l'exploitation ".
- Sur la demande du salarié tendant à voir déclarer nul et de nul effet le jugement déféré

Motif pris de ce que les premiers juges ont affirmé dans leur décision que Monsieur X..., s'il conteste avoir insulté son employeur, ne conteste pas formellement l'attestation de l'épouse de celui-ci qui relate ses propos qu'elle a déclaré avoir entendus, alors qu'il conteste de la manière la plus formelle avoir jamais proféré quelque injure que ce soit à l'encontre de son employeur, Monsieur X..., qui fait donc valoir que les premiers juges lui ont prêté des propos contraires à ceux qu'il a tenus devant eux, estime, pour cette raison, que leur décision encourt la nullité.

Une mauvaise interprétation par les premiers juges d'éléments du débat judiciaire, ici écrits du demandeur oralement soutenus par lui à l'audience, ne constitue pas un motif d'annulation de leur décision.
- Sur la cause du licenciement
Si la lettre de licenciement évoque d'abord la question des ficelles, propriété de l'entreprise, dont, le 18 septembre 2006, sur interpellation de son employeur, le salarié a reconnu qu'elles étaient dans sa voiture, il est constant, à la lecture des conclusions des parties, de celles de l'employeur en particulier, et celles-ci entendues en leurs observations à l'audience, que l'employeur n'a pas entendu se prévaloir de ce fait particulier, auquel les parties n'ont du reste consacré aucun développement dans leurs écritures respectives, pour prétendre justifier le licenciement et, si la lettre l'évoque d'emblée, c'est parce que, selon l'employeur, il serait la cause de l'insulte envers lui proférée le même jour par son salarié.
Le licenciement de Monsieur X... est donc fondé sur les seuls griefs que sont, d'une part, l'insulte proférée à l'encontre de son employeur et, d'autre part, le vol d'huile, propriété de l'entreprise, afin d'alimenter le moteur de son véhicule personnel.
- sur l'insulte
Il est donc fait grief à Monsieur X... d'avoir traité son employeur Monsieur Z... de " fumier de patron ".
Outre que Madame Christine Z... a régulièrement attesté avoir entendu, le lundi 18 septembre 2006 vers 15 heures, cette expression sortir de la bouche de Monsieur X..., prononcée d'une voix furieuse précise-t-elle dans son témoignage, ce dernier a lui-même reconnu, lors de l'entretien préalable à son licenciement envisagé où il s'est présenté assisté de Monsieur Y..., Conseiller du salarié, avoir, dans le contexte dont fait état la lettre de licenciement, tenu ce propos.
Le témoignage de Madame Z..., parfaitement régulier, ne saurait être écarté au seul motif qu'elle est l'épouse de l'employeur visé par les propos litigieux, que conteste dans ses écritures avoir tenus Monsieur X....
La contestation, dans le cadre de l'instance judiciaire, par Monsieur X... des propos visés à la lettre de licenciement apparaît par ailleurs parfaitement vaine puisqu'il a reconnu les avoir tenus.
Monsieur Y... a ainsi transcrit, dans le compte rendu de l'entretien préalable où il était présent aux cotés de Monsieur X..., les propos de celui-ci relativement à ce premier grief : " Quant à l'insulte, je vous ai dit que je comprenais mieux pourquoi certains vous appellent " fumier de patron ". "
Ces propos s'adressaient même indirectement à Monsieur Xavier Z....
Quand bien même Monsieur X... a-t-il alors tenté d'imputer à d'autres, qu'il ne nomme pas, la paternité de l'expression litigieuse désignant Monsieur Z..., il l'a alors entièrement reprise à son compte et a donc pleinement souscrit à cette appréciation, prétendument portée par d'autres, sur son propre employeur et doit donc lui-même assumer la responsabilité de l'emploi d'une expression dont il ne peut être contesté qu'elle présente un caractère insultant pour celui qu'elle vise.
La personne visée, Monsieur Xavier Z... son employeur, pouvait donc légitimement lui faire grief de cette insulte laquelle, par nature, présente un caractère fautif.
- sur le vol de l'huile
Monsieur X... reconnaît avoir le 21 septembre 2006 au matin, pris un demi litre d'huile appartenant à l'entreprise et l'avoir versé dans le réservoir d'huile de son propre véhicule dont il dit que, sans cet apport, il risquait de tomber en panne.
Il ne conteste pas ne pas avoir demandé à son employeur l'autorisation de faire ce que lui-même qualifie d'emprunt.
Quand bien même le volume d'huile " emprunté " était-il minime, le fait que cet " emprunt " ait était fait à l'insu de son employeur qui ne l'a découvert que fortuitement, de surcroît sans nécessité impérative avérée qui aurait pu légitimer un tel mode opératoire du mis en cause dès lors qu'il en aurait rapidement rendu compte au propriétaire du bien emprunté, un tel acte, qui s'analyse incontestablement en une soustraction d'un bien à son propriétaire, présente un caractère frauduleux et fautif.
Il est donc reproché à Monsieur X... deux faits présentant un caractère fautif commis au préjudice de son employeur en l'espace de quatre jours.
Eu égard à leur nature, ces faits pouvaient légitimement amener l'employeur à perdre toute confiance en son salarié, laquelle confiance est l'une des conditions d'une bonne exécution d'une relation de travail en particulier, dans le contexte d'une petite entreprise.
Ces faits constituaient donc une cause réelle et sérieuse autorisant son employeur à licencier Monsieur X....
S'ils sont incontestablement fautifs, ces faits n'étaient pas d'une gravité telle qu'ils empêchaient le maintien du salarié, lequel comptait six ans d'ancienneté au moment du licenciement.
Le jugement entrepris, en ce qu'il a dit bien fondée la décision de l'employeur de licencier Monsieur X... pour faute grave, sera donc réformé, le licenciement de celui-ci ne reposant que sur une cause réelle et sérieuse non privative des indemnités, légales ou conventionnelles, de rupture.
Le salarié est par ailleurs en droit de réclamer un rappel de salaire correspondant à la période où il a été mis à pied à titre conservatoire.
Si son licenciement a été notifié à Monsieur X... par lettre du 18 octobre 2006, dès le 21 septembre précédant en effet, son employeur lui avait signifié sa mise à pied conservatoire.
Il est donc en droit d'être payé de la période séparant ces deux dates.
En l'absence de discussion sur le montant du rappel de salaire que réclame à ce titre Monsieur X..., il sera fait droit à sa demande de ce chef.
Monsieur X... travaillait depuis six ans au service de l'EARL Xavier Z....
Il a droit à percevoir des indemnités conventionnelles de rupture (préavis et licenciement) n'apparaît pas contestable et n'est du reste pas contesté.
De la même façon que pour le rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied, le montant des indemnités par lui réclamées à ce titre n'est pas discuté.
Il y a donc lieu de faire droit à sa double demande de ce chef.
Il convient de faire droit à la demande de Monsieur X... visant à ce que lui soit remis un bulletin de paie mentionnant les sommes, de caractère salarial, dont il est reconnu créancier aux termes du présent arrêt, ainsi qu'une attestation ASSEDIC rectifiée ainsi que qu'un nouveau certificat de travail.
Il convient par ailleurs de limiter le montant de l'astreinte devant assortir l'injonction faite à cet égard à l'employeur et d'en limiter la durée.
Il convient enfin, en équité, de condamner l'EARL Xavier Z... à supporter une partie des frais de procédure irrépétibles qu'a dû exposer Monsieur X... pour voir ses demandes satisfaites.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Réforme le jugement entrepris ;

Dit fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement de Monsieur Henri X... ;
Condamne L'EARL Xavier Z... à lui payer :-1. 652, 31 € à titre de rappel de salaire ;-5. 230, 17 € à titre d'indemnité de préavis ;-1. 103, 51 € à titre d'indemnité de licenciement ;

Ordonne à L'EARL Xavier Z... de remettre à Monsieur X..., dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt :- un bulletin de paie mentionnant les sommes de caractère salarial dont il présentement reconnu créancier sur celle-ci ;- une attestation ASSEDIC rectifiée sur ce point et un nouveau certificat de travail ;

Dit que passé ce délai et s'il n'a été satisfait à cette demande de Monsieur X..., L'EARL Xavier Z... sera redevable envers lui, pendant trois mois, d'une astreinte de 10 € par jour de retard ;
Déboute Monsieur X... du surplus de ses demandes ;
Déboute L'EARL Xavier Z... de sa demande indemnitaire au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Condamne L'EARL Xavier Z... aux entiers dépens de première instance et d'appel et à verser à Monsieur X... une indemnité de 1. 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
E. GOULARDB. DEROYER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07/03486
Date de la décision : 31/10/2008
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes d'Alençon, 24 septembre 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.caen;arret;2008-10-31;07.03486 ?
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