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30/05/2008 | FRANCE | N°06/3685

France | France, Cour d'appel de Caen, Ct0268, 30 mai 2008, 06/3685


ORIGINE : Décision du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CAEN en date du 12 Décembre 2006- RG no 04 / 0717
TROISIEME CHAMBRE- SECTION SOCIALE 2 ARRET DU 30 MAI 2008

APPELANTE :
Société HONEYWELL MATERIAUX DE FRICTION ZI EST, rue Jean Monet- BP 88 14110 CONDE SUR NOIREAU

Représentée par Me FIESCHI, du cabinet PLICHON- PLICHON- de BUSSY, avocats au barreau de PARIS
INTIMEES :
Madame Ginette X... épouse Y...... 14110 ST DENIS DE MERE

Représentée par Me ADLER, du cabinet Michel LEDOUX et Associés, avocats au barreau de PARIS
CAISSE

PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU CALVADOS Boulevard du Général Weygand- B. P. 6048-14031 CAEN...

ORIGINE : Décision du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CAEN en date du 12 Décembre 2006- RG no 04 / 0717
TROISIEME CHAMBRE- SECTION SOCIALE 2 ARRET DU 30 MAI 2008

APPELANTE :
Société HONEYWELL MATERIAUX DE FRICTION ZI EST, rue Jean Monet- BP 88 14110 CONDE SUR NOIREAU

Représentée par Me FIESCHI, du cabinet PLICHON- PLICHON- de BUSSY, avocats au barreau de PARIS
INTIMEES :
Madame Ginette X... épouse Y...... 14110 ST DENIS DE MERE

Représentée par Me ADLER, du cabinet Michel LEDOUX et Associés, avocats au barreau de PARIS
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU CALVADOS Boulevard du Général Weygand- B. P. 6048-14031 CAEN

Représentée par Me FORVEILLE, avocat au barreau de CAEN
Société VALEO B. P. 21-61430 ATHIS DE L'ORNE

FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE- FIVA- Tour Gallieni II 36, avenue du Général de Gaulle 93175 BAGNOLET CEDEX

Non comparants ni représentés
En l'absence de Monsieur le représentant de la D. R. A. S. S régulièrement avisé selon l'article R 142-29 du code de la sécurité sociale
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COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur DEROYER, Président, Madame CLOUET, Conseiller, Madame GUENIER- LEFEVRE, Conseiller, rédacteur

DEBATS : A l'audience publique du 11 Avril 2008
GREFFIER : Mademoiselle GOULARD
ARRET prononcé publiquement le 30 Mai 2008 à 14 heures par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile et signé par Monsieur DEROYER, Président, et Mademoiselle GOULARD, Greffier
Monsieur Y..., né le 15 mars 1942 a travaillé pour le compte des Etablissements FERODO- VALEO puis pour la société HONEYWELL MATERIAUX DE FRICTION (HMF) du 22 juin 1964 au 30 novembre 1997, en qualité d'ouvrier spécialisé puis d'agent spécialisé.
Le 7 mars 2003, Monsieur Y... a déclaré une maladie liée à l'exposition à l'amiante et dont le caractère professionnel a été reconnu avec une incapacité initiale de 20 % puis de 30 % à compter du 28 septembre 2005.
Monsieur Y... a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du Calvados d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société HMF et de la société VALEO
Il est décédé le 13 décembre 2005, et son épouse, seule héritière, a repris l'instance en cours.
Vu le jugement du 12 décembre 2006 dont le dispositif est le suivant : « Dit que la maladie professionnelle déclarée le 10 mars 2003 par André Y... est due à la faute inexcusable de ses employeurs, la société VALEO (anciennement FERRODO) et la société HONEYWELL,

Fixe au maximum légal la majoration de la rente ou de capital revenant à la victime avec intérêts au taux légal à compter de la tentative de conciliation,
Dit que Ginette Y... se verra attribuer le bénéfice des arrérages qu'aurait dû percevoir André Y... du fait de la majoration maximum de sa rente,
Fixe ainsi les préjudices extra patrimoniaux : – souffrance physique : 3000 €, – préjudice moral : 20 000 €, – préjudice d'agrément 3000 €,

Dit que les intérêts seront dus pour les préjudices extra patrimoniaux à compter de la présente décision,
Ordonne le renvoi de Ginette Y... devant la caisse primaire d'assurance maladie pour la réparation de son préjudice extra patrimonial, 06 / 3685 TROISIEME CHAMBRE SECTION SOCIALE 2 PAGE No3

Dit que les sommes dues en vertu du présent jugement seront exposées par la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados qui pourra en poursuivre le recouvrement sur la société HONEYWELL,
Déclare inopposable à la société VALEO la reconnaissance de la maladie professionnelle et déboute en conséquence la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados des demandes en paiement qu'elle formule à son encontre,
Ordonne l'exécution provisoire,
Condamne in solidum la société VALEO et la société HONEYWELL à payer et porter à Ginette Y... la somme de 1200 € sur le fondement de l'articles 700 du nouveau code de procédure civile (...) »
Vu les conclusions déposées et oralement soutenues à l'audience par la société HMF, appelante,
Vu les conclusions déposées le 31 décembre 2007 et oralement soutenues par Monsieur Y...,
Vu les conclusions déposées le 4 avril 2008 et oralement soutenues à l'audience par la CPAM du Calvados ;
Vu la convocation adressée à la société VALEO, laquelle n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter,
Vu l'avis adressé en application des articles 37 et 38 du décret du 23 octobre 2001, par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 17 décembre 2007, au Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante ;
Vu l'avis adressé le 19 mars 2008 au directeur régional des affaires sanitaires et sociales de Basse- Normandie qui n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter à l'audience.
MOTIFS
- Sur la faute inexcusable
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui ci d'une obligation de sécurité de résultat et le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait du avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Il en résulte que seules les conditions dans lesquelles un employeur a exposé la victime au risque professionnel, sont à prendre en considération pour déterminer s'il a commis ou non une faute inexcusable.
Par ailleurs, le fait que la maladie professionnelle puisse être imputée aux divers employeurs chez lesquels le salarié a été exposé au risque n'interdit pas à celui- ci, pour demander une indemnisation complémentaire, de démontrer que l'un d'eux a commis une faute inexcusable.
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S'il résulte de l'arrêt du 14 juin 2007 de la cour de justice des communautés européennes que l'article 5 de la directive 89 / 391 consacre une obligation générale de sécurité pesant sur l'employeur, sans en préciser l'étendue ou le caractère et donc sans imposer aux états membres l'obligation de prévoir à la charge des employeurs, un régime de responsabilité sans faute, cette directive contrairement à ce que soutient la société HMF ne prohibe nullement la faculté pour les états membres d'instaurer une obligation de sécurité de résultat.
Au demeurant, l'obligation de sécurité de résultat telle qu'elle est définie par la Cour de Cassation, ne peut s'assimiler au régime de l'obligation de résultat classique, dès lors qu'elle nécessite pour le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, de prouver, outre les conditions posées au tableau de la maladie en cause, que son employeur avait ou aurait du avoir conscience du danger auquel il était exposé au cours de l'exécution de son contrat de travail et que celui ci n'avait alors pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Monsieur Y... a travaillé au sein des établissements de la société du FERODO sis à Condé Sur Noireau achetée en 1980 par la société VALEO laquelle en 1991 céda l'usine de Condé sur Noireau à la société HONEYWELL MATERIAUX DE FRICTION (HMF).
Il travaillait à la fabrication de disques d'embrayage, de plaquettes de freins et de segments à l'usine de Condé sur Noireau et a participé de septembre 1964 à juin 1966 à un atelier de façonnage des matières tissées à l'usine du Rocray.
Ses conditions d'exposition à l'amiante au sein de la société HMF sont décrites dans les attestations produites, notamment celles de collègues de travail Messieurs A..., B..., H... et I... qui rapportent que l'activité de la victime consistait notamment à cintrer des colliers en amiante et à travailler sur les presses et à la cuisson des disques de freinage le tout sans protection individuelle contre les poussières nombreuses et sans qu'un système d'aspiration ait été installé ou ait été suffisant.
Ainsi est- il établi que Monsieur Y... a été régulièrement exposé à l'inhalation de poussières d'amiante auxquelles la nature et les conditions d'exercice de ses fonctions l'exposaient au sein de la société VALEO devenue HMF, sans bénéficier de mesures de protection respiratoire.
Or les sociétés VALEO puis HMF spécialistes dans le domaine de la fabrication de plaquettes de freins et d'embrayage ne pouvaient ignorer la dangerosité spécifique de l'amiante révélée notamment par les éléments suivants :- le rapport établi en 1906 par Monsieur C..., inspecteur du travail à Caen, qui, dans une étude sur l'hygiène et la sécurité des ouvriers dans les filatures d'amiante publiée par le Bulletin de l'inspection du travail, après avoir fait état des pneumoconioses d'ouvriers consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante, cite le nombre important de décès d'ouvriers survenus dans une usine du Calvados ;- l'étude publiée en 1930 dans la revue de médecine du travail par le Docteur D..., intitulée " amiante et asbestose pulmonaire ", soulignant la gravité de la maladie ;- la création, le 3 août 1945 du tableau 30 des maladies professionnelles mentionnant les silicose ;- l'inscription par décret du 31 août 1950 de l'asbestose au tableau No 30 ;- l'étude menée par R. E... en 1955 sur une population de travailleurs de l'amiante en Grande- Bretagne et mettant en relation l'asbestose et l'accroissement du risque du cancer du poumon. – le décret du 5 janvier 1976 (soit avant la cessation de l'exposition au risque) ayant inscrit parmi les maladies engendrées par les poussières de l'amiante le mésothéliome primitif avec, au titre des travaux susceptibles de provoquer ces maladies, " l'application, la destruction et l'élimination des produits d'amiante ou à base d'amiante ".- le décret du 17 aout 1977 fixant un seuil de concentration moyenne en fibres d'amiante dans l'air inhalé par le salarié pendant sa journée de travail.

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Si l'utilisation de l'amiante n'a pas été interdite avant le milieu des années 1990, elle n'était possible que pour autant que l'employeur ait pu garantir à ses salariés une utilisation sans risque pour leur santé, et malgré l'absence avant 1977 de réglementation spécifique aux poussières d'amiante, il existait néanmoins une réglementation générale sur les poussières qui s'appliquait également à celles- ci (Loi du 12 juin 1893, décret du 10-11 mars 1894 en son article 6).
Ainsi, à l'époque où Monsieur Y... a travaillé pour le compte des sociétés en cause, était- il établi de façon indiscutable que l'inhalation des poussières d'amiante exposait les travailleurs à des dangers graves de sorte qu'il est exclu que les employeurs successifs, n'ait pas eu conscience du danger auquel ils exposaient ce salarié.
Par ailleurs, alors que les pièces produites par la victime établissent qu'aucune des sociétés en cause n'a pris les mesures nécessaires pour préserver ses salariés du danger résultant de l'exposition à l'inhalation des poussières d'amiante, rien ne fait apparaître que l'affection dont souffrait Monsieur Y..., résulte exclusivement d'une cause étrangère aux conditions dans lesquelles les sociétés VALEO et HMF l'ont exposé au risque considéré y compris qu'elle résulterait exclusivement des conditions d'emploi chez un précédent employeur ou d'un cas de force majeure.
En l'absence de cette démonstration il doit être retenu que les sociétés VALEO et HMF ont commis une faute inexcusable au sens de l'article L 452- l du code de la sécurité sociale, en relation avec la maladie professionnelle dont Monsieur Y... a été victime.
Alors que l'interprétation des textes législatifs ou réglementaires relève de l'office du juge, la société HMF ne peut prétendre à une interprétation immuable de la notion de faute inexcusable depuis 1941 et le principe de sécurité juridique qu'allègue l'employeur ne peut être opposé à la nécessaire évolution jurisprudentielle qui caractérise une nécessaire adaptation par les juridictions des règles de droit aux évolutions techniques et à leurs conséquences.
Enfin il importe peu de se prononcer sur le point de savoir si, en tardant à élaborer une réglementation de protection spécifique des travailleurs de l'amiante, l'Etat a, ou non, commis une faute puisqu'en toute hypothèse, la société HMF qui soutient ce moyen ne démontre pas qu'une telle faute serait la cause exclusive de l'inexécution par elle de l'obligation de résultat qui lui incombait en matière de sécurité, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante.
- sur la majoration de rente
Compte- tenu des éléments de fait sur les conditions de travail de la victime, la faute commise par les sociétés VALEO et HMF est d'une gravité telle qu'il est justifié de fixer au maximum la majoration de la rente, alors qu'aucune faute n'est alléguée contre le salarié.
Atteint d'un taux d'incapacité de 20 % porté à 30 % en septembre 2005, André Y... s'est vu attribuer une rente.
Du fait de son décès, et alors que les conditions dans lesquelles sa veuve, seule héritière a repris l'action n'ont pas été critiquées, les arrérages qu'aurait du percevoir Monsieur Y... jusqu'à son décès du fait de la majoration de la rente à son taux maximum seront versés à Madame Y....
Le jugement sera confirmé sur ce point.
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- Sur la réparation du préjudice
Monsieur Y... né en mars 1942 et aujourd'hui décédé, était âgé de 61 ans au moment de la découverte de ses pathologies, liées à l'amiante.
Il présentait une asbestose pulmonaire et des plaques pleurales.
Les nombreuses attestations versées aux débats et émanant de ses collègues, de ses amis et de sa famille permettent de constater qu'il souffrait d'un essoufflement important et de douleurs thoraciques, le certificat médical en date du 27 juin 2003 du Docteur F... confirmant que l'intéressé souffrait d'une importante insuffisance respiratoire restrictive qui diminue de 50 % en moyenne la capacité vitale sa capacité pulmonaire totale et le VEMS..
Ces éléments sont suffisants pour apprécier la nature et l'étendue des préjudices extra patrimoniaux sans qu'une expertise apparaisse nécessaire.
Il lui a été reconnu une incapacité de 20 % puis de 30 % par la sécurité sociale.
En raison du taux d'incapacité résultant d'une telle affection, il apparaît que le préjudice de douleurs de Monsieur Y... âgé de 61 ans au moment de la découverte de sa maladie été exactement apprécié par le premier juge et le jugement sera confirmé de ce chef.
De même, en raison notamment de l'anxiété que génère indubitablement le fait de savoir être atteint d'une pathologie liée à l'amiante et des conséquences que celle- ci avait sur la vie courante de l'intéressé, qui ne pouvait plus jardiner ou devait limiter l'activité de bricolage, les indemnités allouées par le premier juge pour le préjudice moral et le préjudice d'agrément seront entièrement confirmées.
- Sur l'opposabilité de la reconnaissance de la maladie professionnelle à la société HMF
Il résulte des pièces du dossier que la demande de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie a été déposée à la caisse le 7 mars 2003 accompagnée d'un certificat médical en date du 6 mars 2003 précisant que Monsieur Y... présentait au vu de deux scanners des 20 juillet 2000 et 6 mars 2003 une asbestose débutante du tableau 30 A et de plaques pleurales diaphragmatiques gauches.
Suite à la communication de ces documents à la société HMF, cette dernière a adressé un questionnaire rempli le 17 mars 2003 et permettant de connaître le parcours professionnel de monsieur Y... au sein de l'établissement.
La caisse primaire d'assurance maladie qui ne méconnaît pas avoir reçu le questionnaire renseigné a adressé par lettre recommandée reçue le 11 juin suivant selon lequel la décision relative au caractère professionnel de la maladie ne pouvait être arrêtée dans le délai de trois mois et qu'un délai supplémentaire de trois mois maximum était nécessaire.
Par lettre recommandée reçue le 23 juillet 2003 la société HMF était informée de la clôture de l'instruction et de ce qu'elle pouvait venir consulter les pièces du dossier pendant un délai de 10 jours à compter de la date d'établissement du courrier.
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Par application des dispositions de l'article R. 441-11 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, la caisse de sécurité sociale doit avant de se prononcer sur le caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie, informer l'employeur de la fin de la procédure d'instruction, des éléments susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision.
Selon ce même article en l'absence de réserve de l'employeur, la caisse primaire n'est pas tenue d'effectuer une enquête administrative.
Aucune des pièces versées par la société HMF n'établit qu'après avoir été avisée de la déclaration effectuée par monsieur Y..., elle ait formulé une quelconque réserve permettant de considérer qu'une enquête devait avoir lieu ou ait sollicité comme elle le soutient la transmission du dossier sur la base d'un accord qu'elle allègue mais ne prouve pas, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie ne reconnaissant d'engagement de sa part à adresser le dossier qu'en cas d'impossibilité de la société HMF de se déplacer situation dont il n'est en l'espèce aucunement justifié et l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale ne soumettant à aucune forme particulière la communication du dossier.
Dès lors qu'en l'espèce l'employeur a reçu de la caisse, le 23 juillet 2003 un courrier daté du 21 juillet précédent, l'informant de la fin de la procédure d'instruction et de la possibilité de consulter le dossier pendant un délai de 10 jours à compter de la date d'établissement de cette lettre, il convient de considérer qu'il a été ainsi avisé de la date à partir de laquelle l'organisme de sécurité sociale envisageait de prendre sa décision, et de l'existence en conséquence d'éléments susceptibles de lui faire grief dont il lui était rappelé qu'il pouvait en prendre connaissance.
Ainsi, la caisse primaire d'assurance maladie a suffisamment respecté l'obligation d'information découlant du texte susvisé, la société HMF ne pouvant arguer d'un délai effectif trop court (six jours ouvrables) puisque n'ayant fait dans la suite de ce courrier et alors même que la décision d'admission ne devait intervenir finalement que le 11 aout suivant aucune demande ni de communication des pièces ni de consultation du dossier.
Quant au contenu même du dossier mis à disposition de l'employeur, il convient de rappeler qu'aux termes de l'article R 441-13 du Code de la Sécurité Sociale, la teneur des examens tomodensitométriques mentionnés au tableau numéro 30 B des maladies professionnelles, qui constituent un élément du diagnostic, n'a pas à y figurer.
En conséquence, la société HMF n'est pas fondée à faire grief à la caisse de n'avoir pas mis à sa disposition ni de ne pas lui avoir pas adressé l'examen tomodensitométrique exigé par le tableau numéro 30 B, de même que les clichés radiologiques.
Par ailleurs, et concernant le document établi à l'intention d'un autre médecin, le docteur G... à supposer même que cette pièce puisse être considérée comme ne comportant pas la teneur des examens pratiqués, HMF ne peut se plaindre de sa non communication alors même qu'il vient d'être rappelé que rien ne démontre qu'elle ait d'une manière ou d'une autre sollicité la communication du dossier.
Dès lors que l'entier dossier tel que prévu à l'art. R 441-13 du Code de la Sécurité sociale était à sa disposition pour être consulté, et que rien ne vient établir que la société HMF, venue le consulter se serait heurtée à un refus définitif d'y accéder du dossier, c'est en vain qu'elle fait valoir le non respect du caractère contradictoire de la procédure pour exciper de l'inopposabilité.
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Au fond, Comme l'a relevé le juge du premier degré, les pièces versées aux débats par la caisse d'assurance maladie, et notamment le document établit par le docteur F... en analyse des examens radiologiques et tomodensitométriques effectués, permettent de constater que monsieur Y... était atteint d'une pathologie liée à l'exposition à l'amiante résultant des conditions de travail qui lui étaient imposées tout au long de son activité au sein de l'entreprise Valeo puis Honeywell, cette pathologie justifiant la reconnaissance d'un taux de 20 % puis de 30 % d'IPP d'ailleurs non contestés.
La reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de Monsieur Y... est donc opposable en la forme et au fond à la société HMF
- Sur l'opposabilité de la reconnaissance à la société VALEO
Comme l'a rappelé le juge du premier degré la société VALEO n'a jamais été destinataire d'une quelconque information dans le cadre de la procédure de reconnaissance de maladie professionnelle. Dès lors, c'est à bon droit que la décision d'admission lui a été déclarée inopposable.
- Sur l'action récursoire de la caisse
La mise au compte spécial visé à l'article D 242-6-3 du Code de la Sécurité Sociale, en application des dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 16 octobre 1995, des dépenses afférentes à la majoration de rente à la maladie professionnelle des salariés exposés au risque dans des entreprises différentes sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie, ne relève pas de la compétence des juridictions du contentieux de la sécurité sociale.
Cependant, il n'en va pas de même des indemnités attribuées à la victime en réparation des préjudices personnels de la victime dont le recouvrement ne se fait pas au moyen de cotisations supplémentaires, et qui échappent de ce fait aux dispositions de l'article D. 242-6-3 du Code de la sécurité sociale et de l'arrêté ministériel du 16 octobre 1995.
L'employeur devra donc rembourser à la Caisse primaire d'assurance maladie les sommes avancées par celle- ci au titre de ces préjudices.
Il apparaît équitable d'allouer à Monsieur Y... et à la charge de l'employeur, une indemnité au titre des frais irrépétibles dont le montant sera fixé au dispositif de la présente décision.
De même il apparaît équitable d'allouer à la CPAM une indemnité sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a dit que la maladie professionnelle dont était atteint Monsieur Y... est due à la faute inexcusable des sociétés VALEO et HMF en ce qu'il a ordonné la majoration au taux maximal du capital ou de la rente servie à la victime, et dit que Ginette Y... ès qualités se verrait attribuer le bénéfice des arrérages qu'aurait dû percevoir André Y... du fait de la majoration maximum de sa rente ainsi qu'en ce qu'il a fixé les préjudices extra patrimoniaux selon les modalités suivantes : – souffrances physiques : 3000 €, – préjudice moral : 20 000 €, – préjudice d'agrément : 3000 €, 06 / 3685 TROISIEME CHAMBRE SECTION SOCIALE 2 PAGE No9

Condamne la société HMF à payer à madame Ginette Y... la somme de 1300 € et à la caisse primaire d'assurance maladie la somme de 1300 € au titre de l'articles 700 du code de procédure civile
Renvoie Madame Y... ès qualités devant la CPAM du Calvados pour la liquidation des droits de son époux décédé ;
Condamne la société HMF à payer un droit de 225 € sur le fondement des dispositions de l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
E. GOULARDB. DEROYER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Ct0268
Numéro d'arrêt : 06/3685
Date de la décision : 30/05/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Caen, 12 décembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.caen;arret;2008-05-30;06.3685 ?
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