La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/03/2008 | FRANCE | N°06/03569

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre civile 1, 18 mars 2008, 06/03569


AFFAIRE : N RG 06 / 03569
Code Aff. :
ARRET N
J B. J B.

ORIGINE : Décision du Tribunal de Grande Instance de LISIEUX en date du 24 Novembre 2006-
RG no 05 / 01444

COUR D' APPEL DE CAEN
PREMIERE CHAMBRE- SECTION CIVILE
ARRET DU 18 MARS 2008

APPELANTE :

Madame Brigitte X...
...

représentée par la SCP GRAMMAGNAC- YGOUF BALAVOINE LEVASSEUR, avoués
assistée de Me CHANUT substitué par Me DREUX, avocats au barreau de CAEN

INTIMES :

Monsieur Laurent A...
... 14600 HONFLEUR

représenté par Me TESNI

ERE, avoué
assisté de la SELARL THILL- LANGEARD et ASSOCIES, avocats au barreau de CAEN

Le CABINET ANATOMIE CYTO- PATHOLOGIE DO...

AFFAIRE : N RG 06 / 03569
Code Aff. :
ARRET N
J B. J B.

ORIGINE : Décision du Tribunal de Grande Instance de LISIEUX en date du 24 Novembre 2006-
RG no 05 / 01444

COUR D' APPEL DE CAEN
PREMIERE CHAMBRE- SECTION CIVILE
ARRET DU 18 MARS 2008

APPELANTE :

Madame Brigitte X...
...

représentée par la SCP GRAMMAGNAC- YGOUF BALAVOINE LEVASSEUR, avoués
assistée de Me CHANUT substitué par Me DREUX, avocats au barreau de CAEN

INTIMES :

Monsieur Laurent A...
... 14600 HONFLEUR

représenté par Me TESNIERE, avoué
assisté de la SELARL THILL- LANGEARD et ASSOCIES, avocats au barreau de CAEN

Le CABINET ANATOMIE CYTO- PATHOLOGIE DOCTEUR D...
...
pris en la personne de son représentant légal

représentée par la SCP MOSQUET MIALON D' OLIVEIRA LECONTE, avoués
assistée de Me DETTWYLER, avocat au barreau de LISIEUX

DEBATS : A l' audience publique du 31 Janvier 2008 tenue, sans opposition du ou des avocats, par Mme BEUVE et M. VOGT, Conseillers, chargés du rapport, qui ont rendu compte des débats à la Cour

GREFFIER : Madame GALAND

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame BEUVE, Conseiller, faisant fonction de Président, rédacteur,
Mme CHERBONNEL, Conseiller,
M. VOGT, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 18 Mars 2008 et signé par Madame BEUVE, Conseiller, et Madame GALAND, Greffier

* * *
Le docteur Laurent A..., gynécologue- obstétricien
exerçant à Honfleur, a assuré le suivi gynécologique de Madame Brigitte X... en 2002 et 2003.

Il a notamment pratiqué en février 2002 et juin 2003 un frottis cervico- utérin confié pour analyse au CABINET ANATOMIE CYTO- PATHOLOGIE DOCTEUR D... qui concluait à l' absence de cellules suspectes de malignité.

Un cancer du col de l' utérus a été diagnostiqué en février 2004, Madame X... subissant une hystérectomie et un traitement par chimiothérapie.

Considérant que le Docteur A... et le CABINET ANATOMIE CYTO- PATHOLOGIE DOCTEUR D... ne lui avaient pas prodigué les soins consciencieux, utiles et conformes aux données de la science qui auraient permis d' éviter l' évolution pathologique, elle a obtenu, par ordonnance de référé en date du 4 novembre 2004, la désignation d' un expert.

Au résultat du rapport déposé par le docteur B..., elle a, par actes des 24 et 26 octobre 2005, fait assigner le Docteur A... et le CABINET ANATOMIE CYTO- PATHOLOGIE DOCTEUR D... en responsabilité de son préjudice et condamnation in solidum au paiement d' une indemnité provisionnelle de 30. 000 €.

Vu le jugement rendu le 24 novembre 2006 par le Tribunal de grande instance de LISIEUX déboutant Madame Brigitte X... de ses demandes.

Vu les conclusions déposées au greffe pour :

- Madame Brigitte X..., appelante, le 22 janvier 2008.

- le Docteur A..., intimé, le 16 janvier 2008.

- la SELARL CABINET ANATOMIE CYTO- PATHOLOGIE
DOCTEUR D..., intimée, le 22 juin 2007.

Vu l' ordonnance de clôture rendue le 30 janvier 2008.

Un rapport oral de l' affaire a été fait à l' audience.

MOTIFS

Madame Brigitte X... reproche aux premiers juges d' avoir, par une analyse erronée du rapport d' expertise, retenu que celui- ci, du fait de conclusions hypothétiques, ne permettait pas de retenir l' existence d' un retard de diagnostic imputable aux défendeurs.

Le diagnostic du cancer du col de l' utérus a été posé suite à l' analyse d' un prélèvement effectué au cours d' une exploration endoscopique pratiquée par le Docteur G..., gynécologue exerçant à l' hôpital de Honfleur, consulté par Madame Brigitte X....

L' expert judiciaire a indiqué que l' absence de diagnostic au cours des années 2002 et 2003 pouvait tenir soit à un problème d' exécution ou d' interprétation des frottis soit au fait qu' il s' agissait d' un cancer à évolution rapide.

Elle a toutefois éliminé cette dernière hypothèse à raison du fait qu' il existait dés 1999 des anomalies révélées par des frottis effectués de ladite année, confirmés par celui pratiqué en juin 2003 et conclut, de manière claire et non dubitative, que l' état pathologique présenté par Madame Brigitte X... est antérieur d' environ trois années à la prise en charge de la patiente par le Docteur A....

Elle fait état de ce que l' examen clinique ne permettait pas de détecter la pathologie et que le seul symptôme significatif à savoir des saignements provoqués par les rapports sexuels n' a pas été porté à la connaissance du Docteur A... par Madame Brigitte X....

Il s' en déduit que les seuls examens qui permettaient au Docteur A... de détecter la pathologie étaient les frottis effectués en 2002 et 2003.

Il est constant que le médecin n' a pas eu connaissance des deux frottis effectués en septembre et décembre 1999 à la demande du gynécologue qui suivait alors Madame Brigitte X....

Ces deux frottis faisaient état d' anomalies non classées et le second concluait qu' elles justifiaient " un contrôle colposcopique et histologique ", contrôle qui n' a pas été effectué.

C' est à juste titre que l' appelante soutient qu' il appartenait au Docteur A... qui, en février 2002, assurait le suivi d' une nouvelle patiente, âgée d' environ 45 ans, de s' enquérir du passé médical de celle- ci et de demander son dossier médical.

Or, le Docteur A... n' allègue pas avoir effectué des diligences pour se procurer le dossier médical de Madame Brigitte X...

Par ailleurs, l' expert estime que le frottis cervico- vaginal pratiqué en février 2002 par le Docteur A... n' était pas " satisfaisant pour l' interprétation " dés lors qu' il ne mettait pas en évidence de cellules appartenant à la région endocervicale, concernée par la tumeur.

Les termes dubitatifs employés par l' expert ne concernent que la cause de cette absence de cellules qui pourrait être la conséquence d' un prélèvement trop superficiel.

C' est donc par une mauvaise appréciation que la SELARL CABINET ANATOMIE CYTO- PATHOLOGIE DOCTEUR D... a, dans son compte- rendu d' analyse, a indiqué que le prélèvement était de qualité satisfaisante.

Il convient, par ailleurs, de relever que ce compte- rendu mentionne l' absence de cellules de la région de l' endocol, élément qui aurait dû alerter le Docteur A... sur le caractère insuffisant du prélèvement.

S' agissant du second frottis, l' expert qui a pris connaissance des documents se trouvant en possession de la SELARL CABINET ANATOMIE CYTO- PATHOLOGIE DOCTEUR D... affirme que les prélèvements contiennent un certain nombre de cellules présentant des anomalies, de signification indéterminée, et qui sont passées inaperçues lors de la première lecture.

Elle conclut que la relecture des observations et des documents cytologiques révèle " un défaut de mise en évidence des anomalies..., signes d' une maladie tumorale évolutive de diagnostic particulièrement difficile "

Si la difficulté du diagnostic est ainsi reconnue, tant le Docteur A... que le cabinet d' anatomie cyto- pathologique ont, à l' occasion des deux frottis, commis des erreurs et négligences qui ont en tout état de cause, empêché l' identification de la pathologie.

Il convient, en effet, de préciser que les anomalies non lues sur le second frottis, sont, selon l' expert, superposables à celles constatées sur les prélèvements effectués en 1999 dont elle indique qu' elles " peuvent correspondre pour certains auteurs à des lésions précancéreuses de haut grade pour une moyenne de 7, 3 % et même pour d' autres auteurs jusqu' à 4 % d' authentiques cancers ".

Ces anomalies existant en 1999 et 2003 auraient pu être
détectées à l' occasion du frottis effectué en février 2002 si le prélèvement avait été complet et ainsi donner lieu à des examens complémentaires tels que ceux préconisés dans le compte- rendu du frottis de décembre 1999, lesquels n' ont finalement été effectués qu' au début de l' année 2004 alors que le cancer avait évolué.

La SELARL CABINET ANATOMIE CYTO- PATHOLOGIE DOCTEUR D... qui n' a pas rempli ses obligations, faisant preuve de négligence lors du premier frottis et commettant une erreur de lecture lors du second, ne peut s' exonérer de sa responsabilité en faisant état de ce qu' il s' agissait " d' un examen de routine " et qu' il n' existait pas de suspicion de maladie.

Quant au Docteur A..., il n' a pas, en négligeant de demander le dossier médical et en acceptant les conclusions d' un frottis insuffisant, pris les mesures qui lui auraient permis d' identifier dés 2002 la pathologie et de poser un diagnostic permettant un traitement précoce.

C' est donc à tort que les premiers juges ont retenu que la responsabilité du Docteur A... et du cabinet d' anatomie cyto- pathologique n' était pas engagée.

Madame Brigitte X... soutient que le retard de diagnostic lui a fait perdre une chance d' être soignée par un traitement plus léger et moins long.

Les défendeurs soutiennent qu' en tout état de cause une hystérectomie aurait été nécessaire.

L' expertise judiciaire ne permet pas de déterminer le
préjudice résultant du retard de diagnostic, l' expert n' ayant pas reçu la mission précise d' évaluer le préjudice résultant de ce retard.

Il convient, par suite, d' ordonner un complément d' expertise sur ce point.

L' étendue du préjudice directement lié à la faute des défendeurs ne pouvant en l' état être apprécié, il n' y a pas lieu en l' état à versement d' une provision.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement.

Infirme la décision déférée.

Déclare le Docteur A... et la SELARL CABINET ANATOMIE CYTO- PATHOLOGIE DOCTEUR D... responsables du retard de diagnostic et de traitement de la pathologie présentée en 2002 par Madame Brigitte X....

Ordonne un complément d' expertise et commet pour y procéder le docteur Joëlle B... ANJOU- PRIGENT, laquelle aura pour mission de :

- se faire communiquer tous documents utiles à l' exécution de sa mission.

- procéder à un examen de Madame Brigitte X... et décrire son état de santé et l' évolution de celui- ci depuis la précédente expertise.

- donner son avis sur les conséquences du défaut d' identification, en 2002, de la pathologie présentée par Madame Brigitte X....
- préciser si ce retard de diagnostic a fait perdre à Madame Brigitte X... une chance d' être soignée par un traitement moins lourd et mutilant ; dans l' affirmative, évaluer cette perte de chance.

- d' une manière générale, faire toutes constatations permettant à la Cour d' apprécier le montant de la réparation du préjudice de la victime.

- faire toutes observations utiles à la solution du litige.

Dit que l' expert devra déposer son rapport avant le 15 septembre 2008.

Dit qu' avant de déposer son rapport, l' expert fera connaître aux parties ses premières conclusions, leur impartira un délai pour formuler dires et observations qu' il annexera avec ses réponses à son rapport.

Fixe à 800 € la consignation que devront opérer in solidum le Docteur A... et le CABINET ANATOMIE CYTO- PATHOLOGIE DOCTEUR D... au greffe de cette Cour, par chèque à l' ordre de Monsieur le Régisseur d' avances et de recettes, avant le 15 avril 2008, afin de provisionner les frais et honoraires de l' expert.

Dit qu' à défaut de consignation dans le délai imparti, la désignation de l' expert sera caduque.

Commet le conseiller de la mise en état de la première chambre de la Cour pour surveiller les opérations d' expertise.

Dit qu' en cas d' empêchement de l' expert commis, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance de ce magistrat rendue sur simple requête ou même d' office.

Sursoit à statuer sur la demande d' indemnisation jusqu' au dépôt du rapport d' expertise.

Réserve les dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

C. GALAND J. BEUVE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 06/03569
Date de la décision : 18/03/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Lisieux, 24 novembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.caen;arret;2008-03-18;06.03569 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award