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01/02/2008 | FRANCE | N°06/03450

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale, 01 février 2008, 06/03450


TROISIEME CHAMBRE-SECTION SOCIALE 2 ARRET DU 01 FEVRIER 2008

APPELANTE :
S. A. S. ETS GERARD MONTHEAN BELLOU 14140 LIVAROT
Représentée par Me Hubert HAMON, avocat au barreau de LISIEUX

INTIMES :
Monsieur Julien Y... ...

LE SYNDICAT GENERAL AGROALIMENTAIRE CFDT DU CALVADOS Maison des Syndicats 29, avenue Charlotte Corday 14000 CAEN

Représentés par Me BRAND, substitué par Me PLANCHE, avocats au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur DEROYER, Président, Monsieur COLLAS, Conseiller, rédacte

ur Madame GUENIER-LEFEVRE, Conseiller,

DEBATS : A l'audience publique du 26 Novembre 2007
GREFFI...

TROISIEME CHAMBRE-SECTION SOCIALE 2 ARRET DU 01 FEVRIER 2008

APPELANTE :
S. A. S. ETS GERARD MONTHEAN BELLOU 14140 LIVAROT
Représentée par Me Hubert HAMON, avocat au barreau de LISIEUX

INTIMES :
Monsieur Julien Y... ...

LE SYNDICAT GENERAL AGROALIMENTAIRE CFDT DU CALVADOS Maison des Syndicats 29, avenue Charlotte Corday 14000 CAEN

Représentés par Me BRAND, substitué par Me PLANCHE, avocats au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur DEROYER, Président, Monsieur COLLAS, Conseiller, rédacteur Madame GUENIER-LEFEVRE, Conseiller,

DEBATS : A l'audience publique du 26 Novembre 2007
GREFFIER : Mademoiselle GOULARD
ARRET prononcé publiquement le 01 Février 2008 à 14 heures par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile et signé par Monsieur DEROYER, Président, et Mademoiselle GOULARD, Greffier

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Faits-Procédure :

Monsieur Julien Y... est salarié de la société des Etablissements MONTHEAN depuis le 19 mars 1979.

Depuis janvier 1998 au moins, les pièces versées aux débats ne permettent pas de se prononcer sur sa situation antérieure, il y occupe un emploi de désosseur, ouvrier qualifié de niveau 2-coefficient 180, selon la classification de la convention collective des industries et du commerce en gros de viandes.
Sa situation à cet égard est demeurée inchangée au moins depuis cette date.
Le 10 février 2002, Monsieur Y... a été élu délégué du personnel sur la liste présentée par la CFDT.
Il exerce par ailleurs les fonctions de conseiller prud'homal au Conseil de prud'hommes de LISIEUX.
S'estimant victime, de la part de son employeur et dans l'exercice de sa profession, de discriminations à raison de son apparence à un syndicat et de l'exercice de son activité syndicale, Monsieur Y... a, au visa de l'article 47 du Nouveau Code de procédure civile, saisi le 23 juillet 2003 le Conseil de Prud'hommes de CAEN d'une demande indemnitaire formée contre son employeur et fondée sur l'article L 412-2 du Code du Travail ainsi que d'une demande de rappel de salaire dans la limite de la prescription quinquennale fondée sur la qualification d'ouvrier hautement qualifié niveau 2 et sur le coefficient 220 de la convention collective sus indiquée.
Par jugement de départage du 24 janvier 2005, le dit Conseil de Prud'hommes a fait droit, partiellement sur le quantum, à la demande indemnitaire de Monsieur Y... fondée sur l'article L 412-2 du Code du Travail mais, par contre, l'a débouté de sa demande de requalification professionnelle ainsi, naturellement, que de sa demande subséquente de rappel de salaire.
La société des ETABLISSEMENT GERARD MONTHEAN le 10 février 2005 et Monsieur Julien Y... le 4 mars 2005 ont, chacun, interjeté appel, à titre principal, de cette décision.
Motif tiré de ce que Monsieur Y... avait, en octobre 2004, déposé plainte contre son employeur pour harcèlement moral, discrimination à raison des mandats de délégué du personnel et syndical dont il était investi et entrave à l'exercice de ceux-ci et que la procédure ouverte à la suite de cette plainte demeurait alors pendante devant le juge pénal, la Cour a, par arrêt du 6 janvier 2006, sursis à statuer sur les demandes de Monsieur Y... fondées sur la discrimination dont il estime être victime dans l'attente de l'issue de la procédure pénale alors en cours.
Il a par contre, aux termes de cet arrêt, été débouté de sa demande de requalification dans l'emploi d'OH Q 2 coefficient 220 dont il revendiquait par ailleurs le bénéfice.
Conformément à l'invitation faites aux parties aux termes de l'arrêt, Monsieur Y... a déposé de nouvelles conclusions en mai 2007 en sollicitant le réenrôlement de l'affaire.
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Vu les conclusions déposées et oralement soutenues à l'audience par la société des Etablissements Gérard MONTHEAN, d'une part et par Monsieur Julien Y..., d'autre part.

MOTIFS

S'il maintient sa demande, à laquelle les premiers juges ont fait droit, fondée sur la discrimination dont il estime avoir été victime, Monsieur Y..., qui a été débouté de celle visant à se voir reconnaître la qualification D'OHQ 2, coefficient 220, présente une nouvelle demande visant à se voir reconnaître la qualification D'OHQ 1, coefficient 200.

-Sur la discrimination
Il avait été sursis sur les demandes fondées sur la discrimination alléguée dans l'attente de l'issue de la procédure pénale ouverte à la suite de la plainte déposées en octobre 2004 par Monsieur Y... contre son employeur pour harcèlement moral, discrimination et entrave à l'exercice de ses mandats.
Or, ainsi qu'il en est justifié, la plainte pour harcèlement et discrimination a été classée sans suite le 29 mars 2006 par le Procureur de la République de LISIEUX, lequel a mentionné sur l'avis de classement que l'enquête diligentée n'a pas permis d'établir si la différence de rémunération entre Monsieur Y... et son collègue A...était liée ou non à l'exercice des activités syndicales du premier.
Monsieur Y... ne soutient pas même avoir poursuivi par d'autres voies la procédure pénale que sa plainte, ainsi classée, avait mise en oeuvre.
Seule a connu une suite judiciaire la plainte pour entrave à l'exercice des mandats dont était investi Monsieur Y... puisque, par jugement devenu définitif rendu le 28 novembre 2006, le Tribunal correctionnel de LISIEUX a constaté que l'infraction de ce chef reprochée à l'employeur était amnistiée.
Or, il est constant, à lire les écritures de Monsieur Y..., que la Cour n'est saisie d'aucune demande de celui-ci fondée sur une hypothétique entrave à l'exercice de ses mandats.
Dès lors, la procédure pénale mise en oeuvre à la suite du dépôt de plainte de Monsieur Y... et l'issue de celle-ci sont sans incidence aucune sur l'examen par la Cour de sa demande fondée sur une éventuelle discrimination dont il aurait été ou dont il serait victime.
Monsieur Y..., qui s'estime discriminé par son employeur dans l'exercice de sa profession et dans l'évolution de sa carrière professionnelle à raison de son appartenance à un syndicat et de l'exercice de son activité syndicale, fonde sa demande à ce titre sur l'article L 412-2 du Code du Travail.
A titre préliminaire et en invoquant ce texte, la société MONTHEAN conteste, en page 29 (2ème alinéa) de ses écritures, la qualité de délégué syndical de Monsieur Y... et l'estime en conséquence mal fondé à invoquer lui-même ce texte au soutien de sa demande.
Or, l'article L 412-2 ne fait nullement référence à la qualité de délégué syndical du salarié qui l'invoque mais simplement à son appartenance à un syndicat ou à l'exercice d'une activité syndicale.
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Or, l'employeur de Monsieur Y... ne peut feindre d'ignorer l'appartenance de celui-ci à un syndicat puisque, après qu'il ait été élu le 10 février 2000 délégué du personnel de l'entreprise sur la liste présentée par le syndicat CFDT, laquelle élection est expressément reconnue par la société MONTHEAN, notamment dans ses écritures, le dit syndicat a, par lettre du 21 février 2000 remise en main propre le lendemain au directeur de l'entreprise, fait part à celui-ci de la désignation, par cette organisation syndicale, conformément à l'article L 412-11 du Code du Travail, de Monsieur Y... en qualité de délégué syndical au sein de l'entreprise.
Celui-ci est donc entièrement fondé à invoquer, au soutien de sa demande, l'article L 412-2 du Code du Travail.
Il est constant, à lire ses écritures, que l'employeur de Monsieur Y... conteste que celui-ci ait pu être victime, du fait de son action ou de son abstention volontaire envers lui, de discrimination à raison de son appartenance syndicale.
Il appartient donc à Monsieur Y... qui se prétend lésé par une attitude discriminatoire envers lui de son employeur, de soumettre au juge les éléments de faits susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement et, ceci étant fait, il incombera à l'employeur d'établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Monsieur Y... fait état dans ses écritures des faits qui vont être à présent examinés qui seraient révélateurs de la discrimination dont il s'estime victime.
1-Dès sa désignation en qualité de délégué syndical (cf supra), son employeur a multiplié à son égard les vexations, brimades et tentatives de pression.
Le ton des lettres adressées par l'employeur à Monsieur Y..., successivement les 9 juin 2000, 30 juin 2000, 19 septembre 2000 et 25 janvier 2002 (pièces no19, 20, 21 et 31 de Monsieur Y...), est clairement révélateur d'une intolérance du premier à la présence d'un délégué du personnel, également délégué syndical, au sein de son entreprise.
En effet, les griefs exprimés dans ces lettres, en termes vagues et généraux, à l'encontre de leur destinataire ne sont pas explicités et, surtout, ne sont étayés par rien.
Il doit dès lors être admis que ce qui, au travers de ces lettres, est reproché à Monsieur Y... est le simple et normal exercice des mandats dont il était investi.
La lettre datée du 19 novembre 2002 (pièce no38 de Monsieur Y...) que lui a adressée son employeur s'inscrit dans le même registre.
Il lui est en effet reproché, aux termes de celle-ci, d'avoir pris le travail à 11 heures 40 le 19 novembre 2002 alors qu'il avait demandé une demi journée de congé ce jour là, qui lui avait été accordée.
Monsieur Y... s'est expliqué, en page 9 de ses écritures, sur le contexte de cet " incident ".
Il avait effectivement demandé ce jour là une demi journée de congé à raison d'une audience prévue devant le tribunal administratif où sa présence était requise.
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Or, l'affaire a été renvoyé à une audience ultérieure. D'où son retour anticipé au travail.
Alors que la société MONTHEAN ne soutient pas même que ce retour, imprévu à cette heure, de Monsieur Y... ait désorganisé le travail ce jour là, la seule signification qui doit être donnée à ce courrier est qu'il exprime le mécontentement de l'employeur à la présence de celui-ci dans l'entreprise sentiment que seule son appartenance à un syndicat et son activité dans ce cadre, peut expliquer en l'absence d'autre explication avancée par l'employeur.
2-il est le seul ouvrier de l'atelier de production à travailler le vendredi matin, le reste du personnel travaillant quatre jours par semaine seulement, soit jusqu'au jeudi inclus.
La société MONTHEAN reconnaît que Monsieur Y... est le seul ouvrier à travailler la viande le vendredi matin.
Elle prétend justifier ce régime dérogatoire par rapport au rythme de travail sur quatre jours seulement dont bénéficient ses collègues de l'atelier en excipant que c'est le seul à avoir exigé le respect d'un délai de prévenance de trois jours dans l'hypothèse d'une modification de son planning de travail alors que le travail en quatre jours seulement, compte tenu de l'impératif de régulation du flux des commandes, rend impossible le respect de ce délai, délai dont ont accepté de s'affranchir ses collègues qui pratiquent la semaine de quatre jours.
Monsieur Y... n'a pas contesté cet argument tiré des impératifs d'organisation de la production confrontés à ceux du respect de la durée légale du travail mis en avant par son employeur pour expliquer le régime dérogatoire qui lui est, à cet égard, appliqué et il ne soutient pas par ailleurs être prêt à renoncer au respect du délai de prévenance de trois jours afin de pouvoir travailler sur quatre jours seulement par semaine.
Dès lors, le fait qu'il travaille le vendredi matin ne présente aucun caractère discriminatoire par rapport à ses collègues.
3-Il est le seul salarié de l'entreprise à qui la direction a imposé de récupérer, en étant placé en situation de congé, ses heures de travail accomplies en dépassement de la durée légale, ses collègues étant quant à eux payés des dites heures.
La lettre, déjà évoquée, datée du 25 janvier 2002, que son employeur a adressée à Monsieur Y..., est parfaitement explicite quant au traitement particulier qui lui a été réservé à cet égard.
Celui-ci fait valoir que, aux termes de cette lettre, son employeur lui a imposé de récupérer ses heures de travail excédentaires d'ici le 31 janvier 2002, soit dans un délai imparti de six jours, à la seule fin de l'éloigner de l'entreprise au cours d'une période coïncidant avec les élections de délégués du personnel, étant précisé qu'il sollicitait de ses collègues électeurs d'être renouvelé dans son mandat.
Cette coïncidence de dates est reconnue par la société MONTHEAN qui n'avance aucune justification pertinente à la situation qu'elle a réservée à Monsieur Y... que dénonce celui-ci.
En cette absence de justification à celle-ci, il doit être admis, comme le soutient ce dernier, que la décision de son employeur à son égard, objet de la lettre du 25 janvier 2002, caractérise la discrimination dont il se dit victime.

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4-Il lui a été interdit, à compter du 1er février 2002, d'effectuer des heures supplémentaires.
Cette interdiction ressort explicitement du dernier alinéa de la lettre du 25 janvier 2002 de l'employeur qui vient d'être évoquée, employeur qui y reconnaît par ailleurs que des heures supplémentaires sont effectuées par le personnel.
La société MONTHEAN, qui ne soutient pas le contraire, n'a jamais interdit à son personnel, globalement considéré, d'effectuer des heures supplémentaires.
Monsieur Y... n'a lui même jamais demandé à être dispensé de l'exécution d'heures supplémentaires.
L'interdiction qui lui a été faite d'en effectuer désormais par lettre du 25 janvier 2002 revêt dès lors un caractère discriminatoire à son égard, sans autre explication plausible que son activité syndical.
Alors en effet que les lettres supra évoquées de la direction de la société à Monsieur Y... sont clairement révélatrices d'une intolérance de la première à la présence du second dans l'entreprise, intolérance motivée par sa qualité de délégué du personnel, la seule explication pouvant être avancée à cette interdiction, l'employeur n'en avançant lui-même aucune pouvant apparaître sérieuse, est la volonté de ce dernier de limiter au minimum incompressible le temps de présence de Monsieur Y..., dont les interventions en qualité de délégué du personnel indisposent la direction, dans l'entreprise.
5-Alors que ses collègues ont vu imputer sur leurs compteurs d'heures la journée de solidarité 2006, il lui a été imposé de récupérer celle-ci selon un cadre horaire précis fixé par son employeur.
Ce point ressort explicitement de la note de service diffusée le 10 juin 2006 par la direction de l'entreprise.
La société MONTHEAN n'avance aucune explication sérieuse à l'existence de ce traitement différencié qui serait de nature à écarter la discrimination alléguée par Monsieur Y... et cette discrimination sera donc ici retenue.
6-Monsieur Y... aurait délibérément été écarté de certaines manifestations (repas de fin d'année, soirée dansante) auxquelles était convié tout le personnel.
La société MONTHEAN réplique à sa mise en cause sur ce point que le personnel est informé de ces manifestations par affichage sur les panneaux prévus, notamment à cet effet, installés dans l'entreprise et non pas par invitation adressée à chacun.
Alors que ce mode opératoire en de telles circonstances dans le cadre d'une entreprise apparaît très vraisemblable, cette affirmation de l'employeur n'est pas utilement contestée par Monsieur Y... qui ne verse aux débats aucun élément de nature à accréditer la sienne et, quand bien même aurait-il été absent des manifestations qu'il évoque, rien ne permet de dire que cette situation soit imputable à une volonté de son employeur de le discriminer.
7-Monsieur Y... aurait été exclu du bénéfice de la médaille du travail et, en conséquence, de celui de la gratification qui accompagne sa remise.
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Il ne conteste pas que la remise de cette médaille implique une démarche volontaire du salarié candidat à celle-ci.
La société MONTHEAN verse aux débats (sa pièce no61 bis) une liste nominative du personnel susceptible d'être décoré sur laquelle, à l'exception de Monsieur Y..., chaque salarié a coché la case " accepte ".
Or, il ne soutient pas même que, à dessein, cette liste ne lui a pas été transmise comme elle l'a été à ses collègues qui y ont apposé une croix dans la case " accepte " au regard de leur nom.
Rien ne permet de considérer que l'exclusion de Monsieur Y... du bénéfice de la médaille du travail procède d'une volonté de son employeur de l'en exclure et cette hypothèse sera donc écartée.
8-La comparaison des rémunérations de Monsieur Y... et de son collègue Monsieur Gérard A...serait révélatrice d'une discrimination du premier par rapport au second.
La réalité d'une différence de rémunération entre Messieurs Y... et A..., en faveur du second, est incontestable.
Or, cette différence ne peut être constitutive d'une discrimination au préjudice du salarié qui perçoit la rémunération la plus faible qu'autant que celui-ci accomplit les mêmes fonctions que celui qui perçoit la rémunération la plus élevée.
Monsieur Y... conteste d'autant moins ce principe qu'il s'en prévaut expressément (page 16 de ses écritures).
Or, alors qu'il ne conteste pas que ses fonctions étaient, exclusivement, celles de pareur-désosseur, il reconnaît expressément (page 18 de ses écritures) que Monsieur A...est affecté, à hauteur de 50 % de son temps, au désossage et, à hauteur des 50 % restant, à la préparation des commandes et que, pour cette tâche, il utilise un ordinateur, ce que lui-même ne fait pas.
Il n'existe donc aucune identité des fonctions exercées par chacun d'eux qui imposerait à leur employeur commun, au nom du principe " à travail égal, salaire égal ", de leur verser, sous réserve de l'application de critères propres à chacun d'eux, tels que l'ancienneté, la même rémunération.
Si tant est que, comme il l'affirme, Monsieur Y... soit apte à l'utilisation d'un ordinateur, ce dont il n'y a pas lieu de douter à priori, il n'est pas contesté par lui qu'il n'utilise pas celui-ci pour exécuter les tâches qui sont les siennes.
Il ne soutient par ailleurs pas avoir jamais demandé à son employeur d'effectuer les mêmes tâches que son collègue A...et, a fortiori, ne justifie pas qu'une telle hypothétique demande se serait heurtée à une fin de non recevoir de celui-ci.
La seule illustration d'une prétendue discrimination salariale dont il serait victime que fournit Monsieur Y... est la comparaison de sa situation à cet égard avec celle de son collègue A....

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Pour les raisons qui viennent d'être exposées, cette comparaison n'illustre en rien la discrimination alléguée.
Dès lors, de même qu'il ne peut se prévaloir de cette comparaison pour établir la réalité de la discrimination dont il s'estime victime, Monsieur Y... ne saurait prétendre voir aligner sa rémunération sur celle de son collègue A....
Sa demande visant à obtenir le bénéfice de la prime de polyvalence dont bénéficiait ce dernier, celle-ci a en effet été intégrée dans son salaire de base de mai 2005, est pareillement infondée puisqu'il est établi, d'une part, la polyvalence de Monsieur A...dans les fonctions qu'il exerce et, d'autre part, la non polyvalence de Monsieur Y....
Il n'en demeure pas moins que les éléments qui viennent d'être évoqués sous les numéros 1, 2, 3, 4 et 5 établissement la réalité de la discrimination par rapport à ses collègues dont a été ou dont est victime, de la part de la direction de la société qui l'emploie, Monsieur Y... et, en considération des relations de travail telles que celles-ci viennent d'être analysées, la cause de cette discrimination repose, à l'évidence, dans les mandats dont est, ou était, investi celui-ci et dans l'exercice de ceux-ci.
Monsieur Y... est en conséquence bien fondé en sa demande indemnitaire à ce titre.
En considération à la fois de la façon dont s'est exprimée l'attitude discriminatoire à son égard de l'employeur et du temps pendant lequel il a eu à souffrir de celle-ci, il apparaît que les premiers juges ont justement évalué son préjudice et leur décision sera en conséquence confirmée de ce chef.
-Sur la demande de requalification
Monsieur Y... a été débouté par les premiers juges de sa demande visant à obtenir la qualification d'ouvrier hautement qualifié-niveau 2-coefficient 220.
Par arrêt, devenu définitif sur ce point, prononcé le 6 janvier 2006, la Cour a confirmé cette décision.
Monsieur Y... demande désormais le bénéfice de la qualification d'ouvrier hautement qualifié-niveau 1-coefficient 200.
La convention collective ici applicable décrit comme suit cette qualification : " ouvrier avec initiative et responsabilités ayant des connaissances étendues et une maîtrise complète de la production. Il peut mettre en oeuvre un cahier des charges. Il peut apporter une aide technique à d'autres ouvriers ".
Il s'agit là de critères cumulatifs.
Or, quand bien même serait-il admis, comme le soutient Monsieur Y..., qu'il apporte une aide technique ponctuelle à d'autres ouvriers, il n'allègue pas même remplir les autres conditions exigées pour prétendre au bénéfice de cette qualification et il convient en conséquence de le débouter de sa demande à ce titre.
Le jugement entrepris est confirmé en toutes ses dispositions.
La société MONTHEAN est appelante, à titre principal, du jugement.
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Il apparaît dans ces conditions équitable d'allouer au salarié une indemnité de 800 € au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

Monsieur Y... étant bien fondé en l'une de ses demandes, la société MONTHEAN supportera les entiers dépens d'appel et sera débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 24 janvier 2005 par le Conseil de prud'hommes de CAEN ;

Déboute Monsieur Julien Y... de sa demande de requalification en ouvrier hautement qualifié-niveau 1-coefficient 200 ;
Condamne la société Gérard MONTHEAN à verser à Monsieur Julien Y... 800 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Condamne la société Etablissement Gérard MONTHEAN aux entiers dépens d'appel et la déboute de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT

E. GOULARD B. DEROYER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 06/03450
Date de la décision : 01/02/2008
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Caen, 24 janvier 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.caen;arret;2008-02-01;06.03450 ?
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