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11/01/2008 | FRANCE | N°07/00738

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale, 11 janvier 2008, 07/00738


AFFAIRE : N RG 07 / 00738 Code Aff. : ARRET N C. P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes de NANTES en date du 28 Septembre 2004 RG no F 03 / 00539 Décision de la Cour d'Appel de RENNES du 16 juin 2005 Décision de la Cour de Cassation du 21 juin 2006

COUR D'APPEL DE CAEN TROISIEME CHAMBRE-SECTION SOCIALE 2 ARRET DU 11 JANVIER 2008

APPELANT :
Monsieur Jean-Marie X... ...56400 BRECH

Comparant en personne, assisté de Me COUESPEL du MESNIL, avocat au barreau de VANNES et de la SCP GRAMMAGNAC-YGOUF-BALAVOINE-LEVASSEUR, avoués près la Cour d'Appel de C

AEN
INTIMEE :
SA A. D. T. FRANCE ...69340 FRANCHEVILLE

Représentée par Me DE...

AFFAIRE : N RG 07 / 00738 Code Aff. : ARRET N C. P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes de NANTES en date du 28 Septembre 2004 RG no F 03 / 00539 Décision de la Cour d'Appel de RENNES du 16 juin 2005 Décision de la Cour de Cassation du 21 juin 2006

COUR D'APPEL DE CAEN TROISIEME CHAMBRE-SECTION SOCIALE 2 ARRET DU 11 JANVIER 2008

APPELANT :
Monsieur Jean-Marie X... ...56400 BRECH

Comparant en personne, assisté de Me COUESPEL du MESNIL, avocat au barreau de VANNES et de la SCP GRAMMAGNAC-YGOUF-BALAVOINE-LEVASSEUR, avoués près la Cour d'Appel de CAEN
INTIMEE :
SA A. D. T. FRANCE ...69340 FRANCHEVILLE

Représentée par Me DEBESSAY, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur DEROYER, Président, rédacteur Monsieur COLLAS, Conseiller, Madame GUENIER-LEFEVRE, Conseiller,

DEBATS : A l'audience publique du 19 Novembre 2007
GREFFIER : Mademoiselle GOULARD
ARRET prononcé publiquement le 11 Janvier 2008 à 14 heures par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile et signé par Monsieur DEROYER, Président, et Mademoiselle GOULARD, Greffier
07 / 738 TROISIEME CHAMBRE SECTION SOCIALE 2 PAGE No2
Monsieur X... a été embauché le 9 septembre 1991 en qualité de VRP exclusif par la société CIPE France.
Le 1er janvier 2000 il a conclu avec cette société un nouveau contrat de travail lui faisant perdre le statut de VRP et lui reconnaissant la qualification de conseiller clientèle, niveau agent de maîtrise, avec une rémunération pour partie fixe et pour partie variable.
La société CIPE France a été rachetée en 2001 par la société ADT France qui a donc repris le contrat de travail de Monsieur X....
Ayant constaté une diminution de sa rémunération, à raison du fléchissement puis de la perte de l'activité de renouvellement de contrats, Monsieur X... soutenant que l'attitude de l'employeur s'analysait en une modification de son contrat de travail, a demandé au conseil des prud'hommes de Nantes la résiliation judiciaire de son contrat de travail au motif que le changement de politique commerciale portait atteinte à sa rémunération contractuelle sollicitant en outre la reconnaissance du statut de VRP.
Monsieur X... a été licencié pour motif économique le 2 juin 2004.
Par jugement du 28 septembre 2004 le salarié a été débouté de toutes ses demandes.
Par arrêt du 16 juin 2005, la cour d'appel de Rennes a retenu que le licenciement n'étant pas contesté l'appel était sans objet, et a confirmé en conséquence le jugement.
Cette décision a été cassée par arrêt du 21 juin 2006 de la cour de cassation retenant que lorsqu'un salarié demandait la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reprochait à son employeur tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licenciait ultérieurement pour motif économique, le juge devait d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée.
Vu le jugement du 28 septembre 2004 du conseil de prud'hommes de Nantes ;
Vu l'arrêt du 21 juin 2006 de la cour de cassation ;
Vu les conclusions déposées le 25 octobre 2007 et oralement soutenues à l'audience par Monsieur X... appelant ;
Vu les conclusions déposées le 19 novembre 2007 et oralement soutenues à l'audience par la société ADT France ;

MOTIFS

Le contrat de travail du 1er janvier 2000 applicable au litige, définissait en ces termes les fonctions de conseiller clientèle :
" 1) animation de la clientèle aux fins de susciter la décision de poursuivre ses relations avec la société CIPE, voire les étendre ;
2) succession de transfert des dossiers clients

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3) traitement et règlement des litiges clients
4) traitement du courrier de résiliation et des réclamations des clients
5) analyse du marché et de la concurrence
D'une façon générale toute opération visant à l'assistance, la satisfaction du parc clients, l'optimisation d'une relation privilégiée que la clientèle avec l'objectif constant du maintien du parc clients. "
À titre accessoire, il était prévu la vente de tous les produits et services commercialisés par la société CIPE, et le recouvrement des impayés.
La rémunération était composée d'une partie fixe et d'une partie variable dont les modalités de calcul étaient précisées aux annexes 1 du 1er janvier 2000 puis du 2 mai 2000.
Ces annexes énuméraient les divers types d'opérations commerciales prises en compte pour le calcul de la rémunération variable, parmi lesquelles figurent les contrats de renouvellement, (renouvellement sur 48 mois ou renouvellement annuels reconductibles) et indiquaient l'assiette et le coefficient multiplicateur permettant de calculer la rémunération variable pour chacune de ces opérations commerciales et donc pour les contrats de renouvellement.
Monsieur X... soutient que l'employeur a unilatéralement décidé le 1er janvier 2002 de diminuer le nombre de contrats de renouvellement puis de les supprimer totalement à compter du mois d'août 2002 générant ainsi une baisse importante de sa rémunération variable, et procédant ainsi à une modification unilatérale de son contrat de travail.
Si l'employeur tient de son pouvoir de direction la faculté de procéder à des changements de conditions de travail ou de fonctions, celle-ci est limitée par l'impossibilité pour lui de modifier le contrat de travail sans l'accord du salarié.
Si effectivement la société CIPE a mis fin le 31 décembre 1999 aux fonction de VRP renouveleur de contrats, le contrat du 1er janvier 2000 changeant le statut de Monsieur X... de VRP en conseiller clientèle, n'a pas eu pour effet de supprimer la fonction de renouvellement des contrats, puisqu'au contraire, celle ci était expressément prévue à la fois dans le projet de proposition de réseaux de conseillers clientèle du 19 novembre 1999 (qui s'agissant des renouvellements des contrats prévoyaient le maintien de la situation ancienne avec une augmentation du taux de commission pour les renouvellements sur 48 mois), et surtout dans les annexes 1 qui définissaient les modalités de calcul de la rémunération variable pour chaque opération commerciale.
De plus, les pièces versées au débat par le salarié démontrent que l'activité de renouvellement de contrats, a été poursuivie par l'employeur après le 1er janvier 2000 et jusqu'au courant du deuxième semestre 2002, et le passage au statut de conseiller clientèle ne préfigurait en rien l'abandon ultérieur des renouvellements de contrat.
C'est en vain que l'employeur soutient l'absence de volonté de sa part de faire cesser les contrats de renouvellement.
Les attestations de collègues de travail versées par Monsieur X... et les propres chiffres d'activité de ce dernier, rapportent qu'en août 2002 l'employeur a cessé de leur adresser les listings de contrats arrivant à échéance et qu'ainsi les conseillers clientèle ne bénéficiaient plus de cette information leur permettant de relancer cette fraction de leur clientèle déjà constituée.

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Si effectivement la fourniture de listings de contrats à échéance ne résultait pas d'une obligation contractuelle, ces attestations démontrent la volonté de l'employeur de faire cesser l'activité de renouvellement.
C'est encore vainement que la société ADT France soutient que la cessation progressive des contrats de renouvellement résultait de l'augmentation corrélative des clauses de tacite reconduction. D'une part, la présence aux contrats de clauses de tacite reconduction était déjà ancienne ainsi que les pièces du dossier le démontrent et que le reconnaît l'employeur.

D'autre part les annexes 1 ne prévoyaient de rémunération variable que dans le cas où le client souscrivait un nouveau contrat en dehors des cas de simple renouvellement par tacite reconduction.
En effet ces annexes 1 définissaient les contrats de renouvellement générant un droit à rémunération variable comme étant ceux proposés à un client déjà sous contrat avec l'employeur et acceptant de poursuivre son contrat hors tacite reconduction en signant un nouveau contrat pour une durée de 48 mois soit ferme soit avec clause de résiliation annuelle.
Monsieur X... verse au débat des tableaux récapitulant le nombre des propositions de renouvellement de contrats reçues de son employeur et le nombre de renouvellements effectués pour chaque année, éléments non contestés, qui traduisent d'une part l'arrêt de l'activité de renouvellement de contrats à compter d'août 2002, et d'autre part une diminution corrélative de l'ordre de 60 % de sa rémunération, ce que confirme les attestations de ses collègues qui attestent de la suppression à compter d'août 2002 de la fourniture des listings de contrats à renouveler et d'une diminution importante de leur rémunération en conséquence.
Ainsi est établie la décision de l'employeur de supprimer l'activité de renouvellements de contrat des conseillers clientèle.
Si effectivement l'activité renouvellement de contrat n'était pas la seule activité susceptible de générer des commissions, Monsieur X... établit sans être contesté que la suppression des renouvellements de contrat a entraîné une diminution de l'ordre de 60 % de sa rémunération.
Aucun élément ne fait apparaître que le salarié aurait, comme le soutient l'employeur, manifestement négligé les autres activités définies depuis janvier 2000 également génératrice de rémunération variable, aucun rappel à l'ordre n'ayant été fait à cet égard.
Ainsi, la suppression d'une des composantes habituelles de l'activité du conseiller qui ne procédait pas d'éléments étrangers à l'employeur et qui a corrélativement entraîné une diminution conséquente de la rémunération variable du salarié, sans que celle-ci puisse être compensée par de nouvelles activités ou de nouvelles modalités de travail génératrices de commissions, constitue une modification du contrat de travail qui ne pouvait dès lors être imposée comme l'a fait la société CIPE sans l'accord de Monsieur X....
En conséquence ce dernier est bien fondé en sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur.
Le jugement entrepris sera donc infirmé.
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Monsieur X... avait plus de 12 ans d'ancienneté à la date de la rupture effective du contrat de travail par le licenciement économique ultérieur dans une entreprise n'invoquant pas avoir employé habituellement moins de 11 salariés. Il ne justifie pas d'une période de chômage indemnisé et produit seulement une attestation de sa banque faisant état de ses difficultés de trésorerie fin 2002.
Compte tenu de ces éléments la réparation de son préjudice doit être fixée à 25 000 €.
En raison des circonstances de l'espèce, il apparaît équitable d'allouer à Monsieur X... une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles dont le montant sera fixé au dispositif pour l'ensemble de l'instance.
La société ADT France, partie perdante sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR
Infirme le jugement entrepris ;
Déclare Monsieur X... fondé en sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur ; Condamne la société ADT France à verser à Monsieur X... les sommes suivantes :-25 000 € de dommages-intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse ;-4 000 € d'indemnité par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Ordonne le remboursement à l'organisme les ayant servies, des indemnités de chômage payées au salarié au jour du présent arrêt dans la limite de 6 mois d'indemnités.
Déboute les parties de leurs autres demandes.
Déboute la société ADT France de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile et la condamne aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
E. GOULARD B. DEROYER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07/00738
Date de la décision : 11/01/2008
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Nantes, 28 septembre 2004


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.caen;arret;2008-01-11;07.00738 ?
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