La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/02/2007 | FRANCE | N°05/03000

France | France, Cour d'appel de Caen, Ct0268, 23 février 2007, 05/03000


AFFAIRE : N RG 05 / 03000
Code Aff. :
ARRET N
C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes d'ALENCON en date du 06 Septembre 2005

COUR D'APPEL DE CAEN
TROISIEME CHAMBRE-SECTION SOCIALE 1
ARRET DU 23 FEVRIER 2007

APPELANTE :

Madame Colette X... épouse Y...
...
...

Représentée par Me Gilbert LEPASTOUREL, avocat au barreau d'ALENCON

INTIMEE :

SARL ADREXO
Domaine de Collongue St Marc-Jaumegarde
13627 AIX-EN-PROVENCE CEDEX 1

Représentée par Me Dominique CHABAS, avocat au barreau d'AIX EN PROV

ENCE

DEBATS : A l'audience publique du 19 Octobre 2006, tenue par Monsieur POUMAREDE, Président, Magistrat chargé d'instruire ...

AFFAIRE : N RG 05 / 03000
Code Aff. :
ARRET N
C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes d'ALENCON en date du 06 Septembre 2005

COUR D'APPEL DE CAEN
TROISIEME CHAMBRE-SECTION SOCIALE 1
ARRET DU 23 FEVRIER 2007

APPELANTE :

Madame Colette X... épouse Y...
...
...

Représentée par Me Gilbert LEPASTOUREL, avocat au barreau d'ALENCON

INTIMEE :

SARL ADREXO
Domaine de Collongue St Marc-Jaumegarde
13627 AIX-EN-PROVENCE CEDEX 1

Représentée par Me Dominique CHABAS, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

DEBATS : A l'audience publique du 19 Octobre 2006, tenue par Monsieur POUMAREDE, Président, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé en présence de Mme PONCET, Conseiller, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Madame POSE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Monsieur POUMAREDE, Président, rédacteur
Madame CLOUET, Conseiller,
Madame PONCET, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement le 23 Février 2007 à 14 heures par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile et signé par Monsieur POUMAREDE, Président, et Madame POSE, Greffier

FAITS PROCEDURE MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Statuant sur la demande de Colette X..., épouse Y..., en paiement de diverses sommes et indemnités pour l'exécution et la rupture de son contrat de travail, dirigée contre la Sarl ADREXO le Conseil des Prud'hommes d'ALENÇON, par jugement du 6 septembre 2005, a :

DÉBOUTÉ les parties de toutes leurs demandes,

CONDAMNÉ Colette X..., épouse Y..., aux entiers dépens ;

* *
*

Par déclaration faite au Greffe de la Cour le 26 septembre 2005, Colette X..., épouse Y..., a interjeté appel de cette décision ;

* *
*

APPELANT, Colette X..., épouse Y..., demande à la Cour de :

INFIRMER le jugement,

STATUANT A NOUVEAU,

CONDAMNER la Sarl ADREXO à payer à Colette X..., épouse Y..., les sommes suivantes :

-39. 421,72, avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2003,
-2. 430,22, à titre d'indemnité de préavis,
-243,02 pour les congés payés afférents,
-1. 579,63, à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
-25. 000, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNER en outre la Sarl ADREXO à remettre les documents de rupture conformes sous astreinte de 100 par jour de retard ;

EN TOUTE HYPOOTHESE

CONDAMNER la Sarl ADREXO à payer à Colette X..., épouse Y..., la somme de 2. 000 par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;

* *
*

INTIMÉE, la Sarl ADREXO demande à la Cour de :

CONFIRMER le jugement,

DIRE inapplicable à la société ADREXO la convention collective des Entreprises de Publicités,

EN CONSÉQUENCE

DÉBOUTER Colette X..., épouse Y..., de sa demande de rappel de prime d'ancienneté fondée sur l'application de cette convention,

DEBOUTER Colette X..., épouse Y..., de l'ensemble de ses demandes au titre de la requalification de son contrat de travail, et en conséquence de sa demande de rappel de salaire et de sa demande de congés payés afférents ainsi qu'au titre du licenciement ;

CONDAMNER Colette X..., épouse Y..., à payer à la société ADREXO la somme de 3. 000, par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens ;

* *
*

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est expressément référé au conclusions d'appel déposées, régulièrement communiquées et oralement soutenues par Colette X..., épouse Y..., ainsi qu'à celles déposées, régulièrement communiquées et oralement soutenues par la Sarl ADREXO, intimée ;

* *
*

MOTIFS

Considérant qu'il résulte des écritures, des explications des parties et des pièces par elles régulièrement produites, que :

Par contrat écrit du 18 septembre 2000, la Sarl ADREXO, dont l'activité est la distribution directe de documents et objets publicitaires gratuits non adressés, a embauché Colette X..., épouse Y..., en qualité de distributeur de ces documents et de journaux gratuits dans les boites aux lettres pour une durée indéterminée, avec rattachement au dépôt d'ALENÇON moyennant une rémunération au rendement mais en tout cas au moins égale au SMIC rapporté aux nombre d'heures travaillées lui-même calculé en fonction du nombre de documents distribués et selon un tarif par type de document ; Colette X..., épouse Y..., déclarait être disponible les lundi et mercredi de chaque semaine ;

Reçue en entretien préalable le 7 novembre, Colette X..., épouse Y..., était licenciée pour faute grave le 27 novembre 2003.

Contestant la légitimité de son licenciement, a saisi la juridiction prud'homale en paiement de diverses sommes à caractère salarial sur la base d'un temps plein et indemnitaire ; déboutée, Colette X..., épouse Y..., a fait appel ;

* *
*

I-L'EXECUTION du CONTRRAT de TRAVAIL

A-La requalification

Considérant que Colette X..., épouse Y..., soutient que la Sarl ADREXO ne détruisant pas la présomption de travail à temps complet qui résulte de l'imprécision du contrat de travail sur la durée du travail et sa répartition pendant les jours de la semaine, il doit être considéré que l'horaire de travail variait d'un mois sur l'autre et que Colette X..., épouse Y..., avait été ainsi mise dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et s'était ainsi trouvée dans l'obligation de se tenir en permanence à la disposition de son employeur ;

Qu'au contraire la Sarl ADREXO affirme en substance qu'aux termes du contrat dont la teneur constitue l'application d'une convention d'entreprise valablement conclue en 1993, la salariée était seulement tenu d'effectuer une tournée hebdomadaire en fonction de ses disponibilités et que celui-ci l'effectuait en pleine autonomie en y ajoutant des tournées complémentaires à son gré en suite d'un accord à chaque fois renouvelé par la signature de sa feuille de route ;

* *
*

Considérant que selon l'article L212-4 du Code du Travail :

« La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des obligations personnelles »

Et l'article L212-4-3 du même Code dans sa version applicable :

« Le contrat de travail des salariés à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations d'aide à domicile, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Il définit en outre les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification. Toute modification doit être notifiée au salarié sept jours au moins avant la date à laquelle elle doit avoir lieu. Le contrat de travail détermine également les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié »

Que la société ADREXO affirme qu'il lui est impossible de fixer à l'avance et de façon intangible une durée de travail contractuelle pour réaliser la distribution de documents, alors que la distribution ne comporte jamais ni le même poids, ni le même nombre de documents, ces paramètres étant totalement dépendants des ordres donnés par les clients, ce qui l'a conduite à mettre en place une rémunération à l'exemplaire mis en boîte à lettre, qui est intitulée tarif de distribution, celui-ci étant accepté par le distributeur lorsqu'il signe le bon de distribution chaque fois qu'il accepte une tournée ; que sa seule obligation consiste à fournir à chaque distributeur une tournée par semaine portant sur un nombre de boîtes à lettre qui varie selon les disponibilités de chacun d'entre eux, que ceux-ci restent donc libres d'accepter ou de refuser les distributions supplémentaires et disposent d ` une totale liberté et autonomie dans l'exécution de leurs distributions et qu'ils ne sont pas à la disposition de leur employeur de manière permanente et pendant un temps donné et vérifiable ;

Mais considérant qu'alors que les dispositions du Livre II du code du travail contenant les dispositions relatives au temps de travail sont applicables dans les établissements et professions mentionnées à l'article 200-1 du même code c'est à dire dans les établissements industriels et commerciaux et leurs dépendances de quelque nature que ce soit, il apparaît que les distributeurs employés par une société commerciale ne sont pas exclus de l'application de ces dispositions, leur situation n'étant pas de celles qui sont réglées par le livre VII du code du Travail contenant des dispositions spécifiques à certaines professions ;

Considérant que se trouve en cause la mesure du temps de travail nécessaire à l'exécution des tâches composant une distribution et non les plages horaires à l'intérieur desquelles cette exécution peut intervenir ;

Qu'il n'importe qu'une partie de la distribution s'effectue hors la vue de l'employeur et dans les lieux ne dépendant pas de lui, dès lors qu'enfermée dans des consignes précises (horaires de prise en charge subordonnés l'ouverture du dépôt, constitution des poignées, tri, sens de la tournée, délai de distribution, retour des documents non distribués, surveillance par des inspecteurs salariés, sanctions) elle est étroitement contrôlée et que le temps d'exécution ne dépend pas du salarié qui choisit seulement le moment de celle-ci mais ne maîtrise pas sa durée imposée tant par le volume de documents et les conditions de circulation sur la voie publique que les délais et itinéraires variant au gré de l'employeur ;

Qu'en outre, l'accord collectif conclu en 2004, ensuite étendu, a déterminé les temps de travail nécessaires pour accomplir les différentes tâches de distribution en fonction des paramètres influant sur la durée du travail ;

Que de même, la Sarl ADREXO a la possibilité de comparer ces heures aux données de la feuille de route et rapports journaliers de distribution qui précisent le nombre de paquets de chaque type de document pris en charge par le distributeur ainsi que la quantité globale de documents de chaque sorte ; qu'un tel enlèvement a d'ailleurs lieu en présence de l'employeur qui a préconisé une méthode d'assemblage de chacun des exemplaires et se trouve ainsi à même d'évaluer le temps de préparation du stock dont il connaît la consistance ; que, d'autre part, l'employeur connaît l'étendue du secteur sur lequel intervient le distributeur et qui figure sur un plan remis à celui-ci, qu'il connaît également, à quelques unités près, le nombre de boites aux lettres à desservir et qu'il s'est réservé contractuellement le contrôle et le suivi de l'activité des distributeurs ;

Que la Sarl ADREXO ne justifie dès lors pas de l'impossibilité de quantifier le temps de travail notamment par un système déclaratif, le cas échéant dans le cadre d'un accord définissant un barème de référence, alors qu'elle pratique déjà des contrôles a posteriori et que la convention de 2004 va dans ce sens ; qu'elle ne démontre ainsi pas se livrer à une activité caractéristique l'empêchant de déterminer le temps de travail effectif de ses distributeurs ;

Que les relations contractuelles des parties sont bien régies par les dispositions d'ordre public relatives à la durée du travail telle que définie par l'article L212-4 déjà cité ;

Qu'en l'espèce, le contrat conclu entre les parties, intitulé contrat de travail de distributeur contient notamment les clauses ci-après :

ARTICLE 1

Le signataire du présent contrat est engagé, en qualité de salarié pour une durée indéterminée... Après la période d'essai le fait de ne pas se présenter au travail durant deux semaines entraînera la rupture du présent contrat du fait du salarié, sauf présentation d'excuses d'absence conformes à la législation du travail et dans les délais règlementaires...

... ARTICLE 3 :

Votre activité consiste en la distribution de documents publicitaires ou de journaux gratuits dans les boites aux lettres. Vous êtes rattaché au dépôt d'ALENÇON, sous réserve d'une affectation ultérieure à décider d'un commun accord. Vous déclarez être disponible pour effectuer des distributions les lundi et mercredi.

Dans le cadre de vos disponibilités, l'employeur s'engage à vous fournir titre quantité minimale de boîtes aux lettres à servir de... par période hebdomadaire.

ARTICLE 4

Votre métier étant la distribution de documents publicitaires, vous serez techniquement formé et contrôlé et votre activité sera suivie par les responsables du centre dont vous dépendez et ce sous leur subordination hiérarchique.A ce titre vous devez appliquer strictement les consignes de distribution qui vous seront communiquées lors de la remise des documents. Le non respect de ces consignes pourra être considéré comme faute grave entraînant la résiliation immédiate du contrat sans préavis ni indemnité.
Pourra être constitutif d'une faute grave ou lourde les dépôts d'imprimés sur les tablettes ou la non distribution dans les boites aux lettres,
-le jet ou la destruction de prospectus et journaux.
-le gaspillage plus d'un seul prospectus par boîte aux lettres,
-les altercations avec les particuliers ou les commerçants, lors des distributions ;

... Sous réserve du respect des instructions et consignes visées aux alinéas précédents, vous resterez entièrement libre de l'organisation des distributions qui vous seront confiées.

ARTICLE 5

Rémunération.

Les distributions effectuées en vertu du présent contrat seront rémunérées au rendement en fonction du nombre de documents distribués dans les boîtes aux lettres qui vous ont été confiées dans le présent contrat ou que vous accepterez de servir dans le cadre de vos disponibilités.
Vous reconnaissez avoir pris connaissance des tarifs en vigueur dans l'entreprise à ce jour et les accepter expressément. Les tarifs comprennent le salaire brut ainsi que les congés payés.A toutes fins utiles les tarifs en vigueur au jour de votre embauche sont disponibles auprès de votre responsable hiérarchique. Votre salaire vous sera réglé le dernier jour ouvrable, de chaque mois. Il ne pourra jamais être inférieur au montant du SMIC horaire rapporté à la durée du travail figurant sur votre fiche de paie...

... ARTICLE 8

Le soussigné déclare sur l'honneur conformément à l'article L 324-1 du Code du Travail, soumis à sa lecture ce jour :

-ne pas être salarié de la fonction publique.
-ne pas être bénéficiaire d'indemnité de préretraite.
-ne pas cumuler plusieurs emplois me permettant de dépasser la durée légale du travail,
-s'engager à déclarer sous 48 heures mon activité à l'ASSEDIC dont il perçoit des indemnités de chômage.
-être en règle avec les lois françaises en matière de séjour et d'emploi... "

Que ce contrat ne mentionne ni la durée du travail ni même s'il est conclu pour un horaire normal ou pour un horaire à temps partiel ; qu'il ne définit pas davantage la répartition de cette durée du travail entre le jours de la semaine ou les semaines du mois ni les conditions de la modification de cette répartition ;

Qu'un tel contrat de travail, qui ne répond pas aux exigences légales ci-dessus rappelées, fait présumer que l'emploi est à temps complet ; que l'employeur qui conteste cette présomption peut rapporter la preuve d'une part, qu'il s'agissait d'un emploi à temps partiel, d'autre part, que la salariée n'était pas placéee dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu'elle n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de son employeur ;

* *
*

Considérant que la Sarl ADREXO se prévaut d'abord de la convention d'entreprise du 5 juillet 1993 ; que cette convention ne fait l'objet d'aucune mention dans le contrat de travail ; qu'il n'est pas établi qu'elle a été communiquée au salarié lors de l'embauche ni que celui-ci en a eu connaissance alors ou même qu'il a été informé de son existence ; que ne saurait satisfaire à l'information requise en la matière la simple référence sur les bulletins de paie à une « convention d'entreprise » sans autre précision ; que la Cour est également à même de se convaincre que la Sarl ADREXO n'a elle-même pas respecté les prescriptions visées à l'article III-1 consacré aux distributeurs puisque le contrat de travail ne mentionne pas la possibilité pour les distributeurs de refuser les distributions supplémentaires en sus de celle garantie dont le volume n'est lui-même pas toujours précisé ;

Que la Sarl ADREXO n'est donc pas fondée à opposer au salarié la convention en cause ;

* *
*

Que la Sarl ADREXO soutient ensuite que le contrat de travail à la tâche est un contrat spécifique ne s = apparentant pas à un contrat faisant référence à un nombre d = heures de travail précis, que la rémunération servie tenait compte des conditions de distribution des documents dans les boites à lettre, et du nombre et du poids des documents à préparer pour constituer les poignées à distribuer, des temps de préparations, d = attente, de chargement, de déchargement, ainsi que des distributions à effectuer, variant en fonction du secteur géographique (urbains ou rural), respectant le SMIC rémunération minimale de la profession ;

Que selon les explications fournies les distributeurs doivent se rendre au dépôt auquel ils sont rattachés pour se faire remettre la feuille de route du travail qu'ils auront à effectuer dans la journée et recevoir les consignes nécessaires du chef de centre, préparer les documents à distribuer selon les consignes données en les triant selon leur nature et les plier, ce travail pouvant être effectué à domicile ; que le temps passé par chaque distributeur dépend uniquement de sa « dextérité » à préparer sa tournée et de la cadence de distribution qu'il adopte ; qu'un contrôleur vérifie si les tournées ont été effectuées correctement ; qu'à l'occasion la salariée est tenu de distribuer les documents dans un certain délai, voire un jour, dans un sens et suivant un horaire déterminés s'agissant par exemple de publicité promotionnelle pour des opérations fixées à des dates précises, avec obligation de ramener au dépôt les exemplaires non distribués ;

Qu'il en résulte que lors de la conclusion du contrat de travail la salariée ignore tout de la quantité de travail qu'elle sera appelé à fournir c'est-à-dire également le temps qu'elle va devoir y consacrer, et qu'au cours de l'exécution de ce contrat elle n'en sait davantage qu'au moment de signer chaque semaine la feuille de route, c'est-à-dire à la dernière minute ; que pèse donc sur elle l'obligation de faire hebdomadairement une tournée sans possibilité de la refuser quelles qu'en soient les conditions, tout refus constituant un manquement, qualifié même de faute grave, en cas de répétition ;

Que cette charge de travail, à s'en tenir à la tournée obligatoire, peut, selon les dires de l'employeur lui-même varier de 1 à 4 ; que la salariée se trouve donc dans l'impossibilité absolue de prévoir à l'avance son rythme de travail ; qu'à cet égard l'existence d'une garantie contractuelle quant au nombre de boites aux lettres à servir, lorsqu'il est exceptionnellement mentionné, constitue un minimum au dessus duquel aucune faculté de refus n'est prévue ; qu'en effet, la salariée reste tenue d'effectuer sa tournée hebdomadaire dont l'ampleur, ni par suite la durée, ne sont quantifiés ;

Que dans les faits, quelque soient les jours de disponibilité, rarement mentionnés, du reste, la salariée subit la contrainte des horaires d'ouverture du dépôt ; que ces horaires variant à l'évidence selon les ordres aléatoires des clients donc de l'employeur, aggravaient encore l'incertitude dans laquelle la salariée se trouvait quant à son rythme de travail ;

Que les feuilles de route font apparaître que si la salariée passait bien au dépôt à des heures d'ailleurs variables de la journée selon ses « disponibilités contractuelles » et recevait alors des consignes précises quant au sens de la tournée et son itinéraire, elle distribuait les imprimés d'autres jours de la semaine, variant eux-mêmes d'une semaine à l'autre ; qu'ainsi, la mention de jours disponibles sur le contrat est dépourvue de signification réelle quant aux obligations des parties et permet en fait à l'employeur de s'assurer d'un salariat suffisamment disponible pour satisfaire ses besoins et de faire ainsi peser quasi exclusivement sur celui-ci ses propres risques commerciaux en tournant la réglementation sur le travail à temps partiel ; que cette répartition du travail entre de très nombreux salariés, les place chacun dans la dépendance de l'employeur qui décide du volume de distribution ; qu'elle-même est de nature à affecter le libre choix de tournées supplémentaires dont le nombre et l'importance dépendent d'abord du bon vouloir de l'employeur ;

Qu'en définitive, la Sarl ADREXO à qui cette charge incombe n'établit pas que Colette X..., épouse Y..., était en mesure de connaître, dans le délai de prévenance précité, à quel rythme elle pourrait travailler chaque semaine ; qu'en réalité Colette X..., épouse Y..., était employée selon des modalités unilatéralement décidées et modifiées par l'employeur à la disposition duquel elle était contrainte de se tenir en permanence sans pouvoir envisager, notamment, de compléter ses revenus en concluant un autre contrat de travail à temps partiel ;

* *
*

B-Les rappels

Considérant que Colette X..., épouse Y..., réclame 39. 421,72, avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2003, c'est-à-dire la différence entre la rémunération perçue et celle d'un temps plein au SMIC du 18 septembre 2000 à son départ en fin novembre 2003 ;

* *
*

1) la rémunération à temps plein

Considérant que pour le calcul du rappel de salaires il ne peut être utilement fait référence à l'annexe III de la convention collective conclue le 9 février 2004 et entrée en vigueur en juillet 2005, c'est-à-dire postérieurement à la période d'exécution concernée ;

Que Colette X..., épouse Y..., était en droit d'obtenir la rémunération d'un temps plein du 18 septembre 2000 à son départ en fin novembre 2003, la preuve d'un temps partiel n'étant pas rapportée ainsi qu'il a été dit ;

Que la législation relative au SMIC est d'ordre public ; qu'elle s'applique par conséquent, même si, comme en l'espèce, les parties sont convenues d'une rémunération à la tâche, quelles que soient les stipulations du contrat de travail ou des accords collectifs en vigueur de sorte que l'accord d'entreprise dont se prévaut l'employeur ne peut y faire échec ; que les parties étant liées par un contrat réputé à temps complet, Sylvie Z..., épouse A..., aurait dû percevoir au moins un salaire correspondant au SMIC mensuel ;

Que tel n'a pas été le cas ; qu'en effet, la société ADREXO ne saurait prétendre que la salariée aurait bénéficié d'une rémunération horaire au moins égale au SMIC dès lors que la durée du travail rémunérée d'après les mentions portées sur les bulletins de paie procède d'une pure fiction consistant à diviser par le montant du SMIC horaire le produit du nombre d'imprimés distribués par le tarif unitaire en vigueur dans l'entreprise, ce qui aboutit à des nombres à deux décimales sans rapport avec une durée réelle de travail ;

Que la salariée a droit à la différence entre un salaire à temps plein sur la base du SMIC et celui effectivement perçu ;

* *
*

2o) les primes d'ancienneté

Considérant que la convention collective applicable se définit par rapport à l'activité principale de l'entreprise et que la codification APE ne constitue à cet égard qu'un indice ; que certes, les bulletins de paie émis par la Sarl ADREXO mentionnent un Code APE 744 A correspondant aux anciens Code NAF 77-10 et 77-11 ; que pour autant les activités ainsi visées, savoir respectivement celles de « créateurs et intermédiaires en publicité » pour le premier de ces codes NAF et de « régies publicitaires » pour le second, sont différentes de celle de la Sarl ADREXO vouée principalement à l'acheminement et la distribution de la publicité dans les boites aux lettres, alors que contrairement aux créateurs et aux régies, elle n'a de maîtrise ni sur le support publicitaire ni sur le contenu du message ; qu'à l'époque concernée par les rappels de salaires, la Sarl ADREXO n'était donc soumise à aucune convention collective, celle relative à la distribution directe, qui la régit désormais, ayant été conclue seulement en févier 2004 et étendue en juillet 2004 ; qu'il en résulte que la prime d'ancienneté prévue par la convention collective de la Publicité n'est pas due ; qu'il doit être observé que, malgré cette réclamation de principe, le décompte des sommes dues présenté par l'appelante n'intègre aucune somme au titre d'une telle prime ;

Que la Sarl ADREXO sera donc condamnée à payer un rappel, congés payés compris, de 39. 421,72 se décomposant de la façon ci-après :

-2000 : 3. 164,
-2001 : 12. 345,50
-2002 : 12. 163,07,
-2003 : 11. 748,28

Que le jugement sera réformé en ce sens ;

* *
*

II-La CESSATION des RELATIONS CONTRACTUELLES

Considérant que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée en ces termes :

"... En date du mercredi 22 octobre 2003, nous vous avons confié la distribution du journal " 61 Annonces " et de documents publicitaires sur le secteur 031, vous avez pour cela matérialisé votre accord par la signature d'une feuille de route.

Deux contrôles successifs, soit le jeudi 23 octobre 2003 au soir et le vendredi 24 octobre 2003 au matin ont fait apparaître que l'intégralité des documents publicitaires avait été distribuée, alors que le journal " 61 Annonces " n'avait pas été distribué sur tout le secteur.

Lors de l'entretien du 7 novembre 2003, vous ne nous avez pas donné d'explication satisfaisante, quant à la présence des documents publicitaires en boites aux lettres dans les délais impartis et la non distribution du journal " 61 Annonces " à ce même moment. Nous ne pouvons qu'en conclure que vous vous êtes abstenue délibérément de distribuer le journal " 61 Annonces "

Nous sommes au regret de vous rappeler que nous ne pouvons accepter de tels agissements, qui perturbent le fonctionnement de l'entreprise.

Par ailleurs, vos agissements vont à l'encontre des directives qui sont données par votre responsable hiérarchique, le Chef de Centre, et notamment par la note de service de Monsieur C... concernant le journal " 61 Annonces " affichée au dépôt ; ainsi vous ne pouvez prétendre que cela ne fait pas partie de vos obligations contractuelles.

C'est pourquoi, en considération de votre volonté de nuire à ADREXO, nous sommes contraints de vous licencier pour faute grave ".

* *
*

Qu'il est ainsi fait grief à Colette X..., épouse Y..., alors qu'elle avait normalement mis dans les boites aux lettres tous les autres documents publicitaires, de n'avoir pas distribué le journal 61 Annonces sur l'ensemble du secteur ; que cette non distribution aurait été constatée par deux contrôles les jeudi 23 octobre 2003 au soir et vendredi 24 octobre 2003 au matin ; que cette faute a été qualifiée de grave parce qu'elle serait résultée d'une intention de nuire à l'employeur ;

Que la Sarl ADREXO confirme que ce journal devait être distribué dans les 48 heures ; que ce délai courait nécessairement à compter de la prise en charge des exemplaires du journal au dépôt par la salariée ; que l'examen de la feuille de route du 22 octobre 2003 permet de constater que ce journal a été pris en charge dans la journée de ce mercredi sans aucune précision d'heure ; que la distribution pouvait donc être effectuée jusqu'au vendredi soir ; que le contrôle du vendredi en fin de matinée était donc prématuré et ne prouve rien ; que Colette X..., épouse Y..., fournit des attestations prouvant que le journal était bien dans les boites avant le vendredi soir (D..., E..., F..., G..., H... ; qu'il n'existe aucune consigne de l'employeur imposant la distribution de ce journal en même temps que les autres documents ; que, de toute façon, leur séparation ne saurait constituer une faute justifiant un licenciement au motif peu convaincant d'un risque de mécontentement des propriétaires de boites aux lettres (qui ne sont pas les clients de la Sarl ADREXO) de les voir remplies de publicités plusieurs fois en un seul jour ; que le reproche de lenteur dans l'exécution du contrat de travail est lui-même très étonnant s'agissant d'un travail rémunéré à la tâche qu'il en résulte qu'en l'absence de grief avéré, le licenciement de Colette X..., épouse Y..., est sans cause réelle et sérieuse ;

Que ce licenciement ouvre droit aux indemnités compensatrice de préavis correspondant à deux mois de salaires à temps plein (2. 430) outre congés payés (243,02) et de licenciement (1. 579,63 = 1. 215 x 13 mois x 10 %) ;

Que compte tenu de son ancienneté supérieure à deux années et de ce que la Sarl ADREXO occupait plus de 11 salariés lors du licenciement, Colette X..., épouse Y..., qui ne fournit aucune indication sur l'évolution de sa situation personnelle après la rupture, est en droit d'obtenir l'indemnité minimale de l'article L122-14-4 du Code du Travail c'est-à-dire 1. 215 x 6 = 7. 650 ; que le jugement sera réformé sur ce point ;

* *
*

Qu'il convient de condamner la Sarl ADREXO à remettre à Colette X..., épouse Y..., un certificat de travail et l'attestation ASSEDIC conformes, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et sous astreinte de 50 par jour passé ce délai ;

* *
*

III-Les DÉPENS et les FRAIS

Considérant que la Sarl ADREXO qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel ; qu'elle ne peut, de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; que l'équité commande, en revanche de faire droit partiellement à la demande de Colette X..., épouse Y..., fondée sur ce texte ; qu'il lui sera alloué de ce chef une indemnité de 800 ;

* *
*

PAR CES MOTIFS

REFORME le jugement,

CONDAMNE la Sarl ADREXO à payer à Colette X..., épouse Y..., les sommes suivantes :

-39. 421,72, à titre de rappel de salaires,
-2. 430,22, à titre d'indemnité de préavis,
-243,02, pour les congés payés sur préavis,
-7. 650, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONFIRME le jugement en toutes ses autres dispositions frappées d'appel à l'exception de ce qui sera dit sur les dépens et les frais ;

Y AJOUTANT

CONDAMNE la Sarl ADREXO à payer à Colette X..., épouse Y..., la somme de 800 par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

CONDAMNE la Sarl ADREXO à remettre à Colette X..., épouse Y..., un certificat de travail et l'attestation ASSEDIC conformes, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et sous astreinte de 50 par jour de retard passé ce délai ;

DEBOUTE la Sarl ADREXO de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

CONDAMNE la Sarl ADREXO aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Mme POSE A. POUMAREDE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Ct0268
Numéro d'arrêt : 05/03000
Date de la décision : 23/02/2007

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes d'Alençon, 06 septembre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.caen;arret;2007-02-23;05.03000 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award