La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/12/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000007632706

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale, 22 décembre 2006, JURITEXT000007632706


AFFAIRE : N RG 06/00870 Code Aff. : ARRET N C.P ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes de CAEN en date du 15 Mars 2006 COUR D'APPEL DE CAENTROISIEME CHAMBRE - SECTION SOCIALE 2ARRET DU 22 DECEMBRE 2006 APPELANTE :SA SOVIBA VILLERS BOCAGERoute d'Epinay14310 VILLERS BOCAGE Représentée par Me Xavier MORICE, avocat au barreau de CAENINTIMEE :Madame Odile X..."Les Y..."14240 TORTEVAL QUESNAYComparante en personne, assistée de Me BRAND, avocat au barreau de CAEN COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :Monsieur DEROYER, Président, rédacteurMonsieur COLLAS, Conseiller, Madam

e GUENIER-LEFEVRE, Conseiller DEBATS : A l'audience p...

AFFAIRE : N RG 06/00870 Code Aff. : ARRET N C.P ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes de CAEN en date du 15 Mars 2006 COUR D'APPEL DE CAENTROISIEME CHAMBRE - SECTION SOCIALE 2ARRET DU 22 DECEMBRE 2006 APPELANTE :SA SOVIBA VILLERS BOCAGERoute d'Epinay14310 VILLERS BOCAGE Représentée par Me Xavier MORICE, avocat au barreau de CAENINTIMEE :Madame Odile X..."Les Y..."14240 TORTEVAL QUESNAYComparante en personne, assistée de Me BRAND, avocat au barreau de CAEN COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :Monsieur DEROYER, Président, rédacteurMonsieur COLLAS, Conseiller, Madame GUENIER-LEFEVRE, Conseiller DEBATS : A l'audience publique du 6 novembre 2006GREFFIER : Mademoiselle Z... prononcé publiquement le 22 Décembre 2006 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile et signé par Monsieur DEROYER, Président, et Mademoiselle A..., Greffier 06/870 TROISIEME CHAMBRE SECTION SOCIALE 2 PAGE No2

Madame X... est employée depuis le 29 septembre 1986 en qualité d'ouvrière en triperie par la SA SOVIBA.

Soutenant avoir été victime de comportements de son supérieurs hiérarchiques attentatoires à sa dignité, avoir été victime de harcèlement moral et de discrimination fondée sur le sexe , Madame X... a saisi le conseil de prud'hommes de CAEN pour faire valoir ses droits.

Vu le jugement rendu le 15 mars 2006 par le conseil de prud'hommes de CAEN après une mesure d'enquête;

Vu les conclusions déposées et oralement soutenues à l'audience par la SA SOVIBA appelante conclusions faisant sans égard pour les doubles lectures et la nécessaire synthèse, également renvoi aux

motifs non contraires des conclusions déposées en première instance; Vu les conclusions déposées et oralement soutenues à l'audience par Madame B...

Madame X... fonde ses demandes d'une part sur l'atteinte à la dignité de sa personne dans le cadre de ses fonctions salariées, et d'autre part sur un harcèlement moral découlant en tout ou partie d'une discrimination à caractère sexiste.- Sur l'atteinte à la dignité de la salariée

Alors que la veille elle avait informé le directeur de l'établissement de sa grossesse en cours, Madame X... soutient que le 18 décembre 2002 Monsieur C... son supérieur hiérarchique, a tenu en présence de Monsieur D... chef d'atelier et de Madame E... employée de bureau en intérim, les propos suivant la concernant:" La grosse truie est en cloque, elle s'est faite (sic) engrosser elle va bientôt vêler. Elle a fait ça pour nous faire chier". Alors que Monsieur D... lui demandait d'arrêter au motif que Madame X... avait des difficultés de santé, Monsieur C... posait l'interrogation suivante " Elle s'est pété un ovaireä".

L'employeur soutient n'avoir pas été informé du comportement habituel reproché depuis par Madame X... à Monsieur C... et fait valoir que la réalité des faits allégués n'est pas établie.

Si Monsieur C... a pu attester puis déclarer devant un huissier de justice n'avoir pas tenu les propos qui lui sont imputés, confirmé en cela par le chef d'atelier qui a affirmé n'avoir pas été en présence des deux personnes citées par l'intimée, ni avoir entendu les propos prêtés à son supérieur immédiat, un faisceau d'indices permet d'acquérir la conviction de la réalité de l'incident tel qu'il est rapporté par l'intimée.

Les faits ont été portés à la connaissance de l'employeur dès le lendemain par Monsieur F... compagnon de Madame X... qui l'atteste.

Le 3 janvier puis le 9 janvier 2003, Madame X... a dénoncé ces faits auprès de l'inspection du travail déclenchant une intervention de cette administration et auprès du Procureur de la République en y joignant l'attestation rédigée à l'intention du Procureur de la République par Madame E... laquelle s'est déclarée témoin des faits. 06/870 TROISIEME CHAMBRE SECTION SOCIALE 2 PAGE No3

Par lettre du 11 janvier 2003 Madame E... a elle même dénoncé les faits et le comportement habituel prêté à Monsieur C... au directeur général de l'entreprise SOVIBA et non au chef de l'établissement de Villers Bocage.

Ces éléments sont confortés d'une part, par le fait que Madame X... est venu confirmer les termes de sa plainte tant devant l'employeur Monsieur G... que devant le conseil de prud'hommes lors de l'enquête, et d'autre part, par l'attestation rédigée par Monsieur H... sachant que celle ci serait produite en justice, selon laquelle en conversant avec Monsieur C... ce dernier lui avait dit s'agissant de "l'affaire Odile X..., que l'on pourrait s'arranger à l'amiable", Monsieur H... lui répondant " tu n'avais pas à lui dire des saloperies comme ça"

Conforte encore la conviction acquise, le témoignage de Madame X... mère rédigé afin d'être produit en justice et sous le risque de poursuite en faux témoignage, que le 15 janvier au soir, Madame C... (épouse) l' avait appelée au téléphone à son domicile pour lui dire "qu'il fallait que sa fille arrête qu'il en était encore temps , que cela allait lui coûter cher car elle était allée beaucoup trop loin et qu'elle ne savait pas où elle avait mis les pieds".

L'ensemble de ces éléments et des démarches faites sous le risque de

poursuites en dénonciation calomnieuse, permettent d'acquérir la conviction sur la réalité du comportement imputé à Monsieur C.... La conviction ainsi acquise ne peut être détruite par le seul fait que Madame E... et Madame X... ont refusé de venir à la confrontation organisée par l'employeur annoncée avec la présence d'un huissier de justice dont le rôle a pu être mal compris et alors qu'il n'est pas sérieusement contesté que l'assistance d'un délégué syndical autre que le mari de l'intimée leur a été refusée par la SA SOVIBA.

Il en est de même de l'absence de Madame E... lors de l'enquête au motif de l'éloignement de son domicile et des frais engendrés alors de surcroît que Monsieur C... pourtant directement mis en cause, a invoqué des raisons similaires pour faire défaut à cette mesure d'instruction, ce qui à soit seul rendait pouvait affaiblir la portée de l'audition de Madame E... en son absence.

Il est donc établi que Monsieur C... s'est rendu l'auteur d'une agression verbale d'une intensité exceptionnelle provoquant en raison des termes employés une atteinte sérieuse à la dignité de la personne visée.

Et en l'espèce, la preuve d'un manquement fautif de l'employeur en lien avec les faits dont Madame X... a été victime est rapportée. En effet, de nombreuses attestations concordent pour décrire le comportement habituel de Monsieur C... très fréquemment agressif envers ses subordonnés tenant à leur endroit des propos injurieux souvent d'une particulière grossièreté destinés à atteindre la dignité de la personne et à l'humilier, sans rapport avec les attributs du pouvoir de direction et de sanction d'un supérieur hiérarchique.

Alors que Monsieur D... chef d'atelier membre de l'encadrement, a lui même reconnu que Monsieur C... était "assez impulsif, se fâchait assez vite et n'était pas trop accepté de par sa personnalité", le caractère habituel de ce comportement ne pouvait dans ces conditions être ignoré de l'employeur qui ne soutient même pas avoir fait avant le 18 décembre 2002 de quelconques observations à son salarié à cet égard. 06/870 TROISIEME CHAMBRE SECTION SOCIALE 2 PAGE No4

La permissivité de l'employeur est encore confirmée par l'attitude adoptée lors des faits du 18 décembre qui dénoncés auprès du dirigeant de l'établissement dès le lendemain, n' ont entraîné de réaction de sa part qu'à compter du 14 janvier 2003 après réception de la lettre de l'inspection du travail portant notamment sur l'incident litigieux, en dépit de la particulière gravité de celui ci.

Dès lors la SA SOVIBA qui ne pouvait sérieusement ignorer le comportement habituel de son cadre a commis une faute qui est en relation directe avec l'agression grave dont Madame X... a été victime. - Sur le harcèlement

L'article L 122-49 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Si le salarié qui prétend avoir été victime de harcèlement moral n'est pas tenu de dater les faits qu'il invoque, il a l'obligation d'alléguer des faits précis qui lui paraissent caractériser ce

harcèlement, cette obligation ayant pour portée de permettre à l'employeur de se défendre utilement en établissant que ces faits procédaient de motifs objectifs étrangers au harcèlement invoqué.

Madame X... ne cite pas de faits précis autres que celui du 18 décembre 2002, concernant des agressions verbales dont elle aurait pu avoir été la victime et l'attestation de Monsieur I... se bornant à une affirmation très générale ne peut être retenue.

Alors que l'organisation des congés relève des attributions de l'employeur , des demandes de congé déposées par Madame X... ont été rejetées mais aucun élément précis n'autorise à retenir que ces refus étaient destinés à porter atteinte aux droits ou à la dignité de la salariée. De même le caractère tardif des refus n'est pas établi. Enfin il n'apparaît pas explicitement que la demande du 10 octobre 2003 aurait été acceptée puis refusée in extremis, la date et la signature portée par l'employeur pouvant également se rapporter au seul refus de la demande.

Enfin par lettre du 14 mars 2003 l'employeur a pris soin de motiver son refus de la demande de congé pour mars 2003 en raison de la planification globale des congés de l'atelier, affirmation non autrement contestée.

Le reproche de Monsieur C... adressé à Madame X... d'être allée aux élections des conseils de prud'hommes avec son véhicule personnel ne revêt pas le caractère d'un acte participant d'un harcèlement.

Il en est de même de l'opposition à ce que Madame X... secouriste porte des secours à des salariés blessés alors que l'employeur fait observer soit la présence d'une infirmière lors d'un incident précis, soit la présence dans l'entreprise d'autres secouristes et l'intérêt à ne pas faire quitter le poste de travail dans la chaîne sur laquelle la salariée était affectée.

Quant à la discrimination fondée sur le sexe, les trois attestations produites par Madame X..., outre que celle de Monsieur J... est peu explicite, rapportent soit une affirmation générale sur les femmes, soit des considérations grossières de Monsieur C... sur sa propre épouse. Mais il n'est allégué aucune sanction, ni aucune mesure discriminatoire directe ou indirecte notamment parmi celles citées à l'article L 122-45 alinéa 1 du code du travail que ce comportement (par ailleurs non dirigé spécifiquement contre Madame X...) aurait pu engendrer.06/870 TROISIEME CHAMBRE SECTION SOCIALE 2 PAGE No5

Ainsi, hormis les faits du 18 décembre 2002, il n'apparaît donc pas des pièces versées par les parties, d'agissements répétés de harcèlement moral exercés par le supérieur hiérarchique, non justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, et ayant eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail, susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité de Madame X...

Le jugement entrepris sera donc confirmé mais par substitution de motifs, sur la réalité d'une atteinte à la dignité de la personne ainsi que sur la somme allouée par les premier juge qui constitue l'exacte réparation du préjudice moral consécutif aux agissements que l'employeur à laisser s'instaurer.

Le jugement sera également confirmé sur l'indemnisation des frais de procédure de première instance. Il y sera ajouté une indemnité de 750 ç au titre des frais d'appel.

La SA SOVIBA partie perdante sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile.PAR CES MOTIFSLA COUR Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, notamment celle retenant la faute de l'employeur dans l'atteinte à la dignité de la personne de la salariée. Y additant ,Condamne la SA

SOVIBA à verser à Madame X... 750 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en cause d'appel.Déboute Madame X... de ses autres demandes.Déboute la SA SOVIBA de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile et la condamne aux dépens.LE GREFFIER

LE PRESIDENTE. A...

B. DEROYER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : JURITEXT000007632706
Date de la décision : 22/12/2006
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.caen;arret;2006-12-22;juritext000007632706 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award