ORIGINE : Décision du Tribunal paritaire des baux ruraux de PONT L'EVEQUE en date du 17 Mai 2005
COUR D'APPEL DE CAEN TROISIEME CHAMBRE-SECTION SOCIALE 1 ARRET DU 30 JUIN 2006
APPELANT :
Monsieur Joël X... ...
Comparant en personne, assisté de Me DELCOURT, avoué près la Cour d'Appel et par Me Michel BARON, avocat au barreau d'EVREUX
INTIME :
Monsieur Philippe A... ......
comparant en personne, assisté de Me TOUSSAINT, avocat au barreau de RENNES
DEBATS : A l'audience publique du 17 Mars 2006, tenue par Monsieur VILLETTE, Conseiller, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré
GREFFIER : Madame POSE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Monsieur POUMAREDE, Président, Madame CLOUET, Conseiller, Monsieur VILLETTE, Conseiller, rédacteur
ARRET prononcé publiquement le 30 Juin 2006 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile et signé par Monsieur POUMAREDE, Président, et Madame POSE, Greffier
Monsieur Joël X... est appelant suivant déclaration reçue au greffe le 24 mai 2005 d'un jugement rendu le 17 mai 2005 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Pont l'Évêque.
Aux termes de cette décision à laquelle il est en tant que de besoin expressément renvoyé pour le plus ample exposé des faits et de la procédure en son état antérieur, les premiers juges ont fait droit au bénéfice de l'exécution provisoire à la demande de résiliation pour agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, fondée sur les dispositions des articles L. 411-31 et L. 411-53 du Code rural, du bail rural qui lui avait été consenti à effet du mois d'avril 1996 sur des terres propriété de Monsieur Philippe A....
Ils l'ont également condamné à payer à Monsieur Philippe A... la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des dommages causés aux herbages.
Aux termes de ses conclusions en date du 13 mars 2006, il demande que la décision entreprise étant infirmée, il soit dit n'y avoir lieu à résiliation du bail, ou subsidiairement que soit ordonnée une expertise afin que soit donné un avis technique sur l'état des lieux.
Il demande enfin que Monsieur Philippe A... soit condamné à lui payer la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions déposées le 16 mars 2006, Monsieur Philippe A... demande par voie d'appel incident que la décision entreprise soit réformée et que le montant des dommages-intérêts qui lui ont été alloués soit porté à 8 915, 85 euros.
Il demande en outre que Monsieur Joël X... soit condamné à lui payer la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur quoi,
Sur la demande de résiliation pour agissements du preneur de nature à compromettre l'exploitation du fonds loué.
Monsieur X... fait valoir au soutien de son appel que de tels agissements ne sont pas établis à son égard.
Ainsi soutient-il que :
- le constat effectué le 9 avril 2003 l'a été à une époque où il n'est pas d'usage que les herbages aient été nettoyés,
- le mauvais état des clôtures et du hangar est imputable non à un défaut d'entretien du preneur, mais à leur vétusté, observation étant faite que le bailleur n'a pas mis à sa disposition les matériaux nécessaires à leur remise en état,
- la présence de ronces et de branchages dans les haies ne traduit pas un défaut d'entretien du preneur en ce qu'elle ne constitue pas une situation exceptionnelle ou anormale, en l'état des usages en vigueur en Pays d'Auge,
- la présence d'une mare non enclose ne constitue pas un manquement du preneur aux obligations nées du bail,
- la présence d'un animal mort constatée le 24 septembre 2004 et ayant donné lieu à la délivrance le même jour d'un arrêté municipal aux fins de destruction de l'animal, laquelle n'a pu être effectuée que le 10 octobre 2004, ne saurait constituer la preuve d'un faute ou d'un manquement à la charge du preneur,
- Monsieur Philippe A... n'établit ni même n'allègue en quoi les faits ainsi invoqués à l'appui de sa demande de résiliation auraient pu compromettre la bonne exploitation du fonds, observation étant faite que les terres aujourd'hui reprises par le bailleur sont dans le même état que lors de la reprise.
Monsieur Philippe A... fait essentiellement valoir en réponse que le mauvais état des haies et clôtures est imputable au défaut d'entretien du preneur et que la présence sur les terres louées d'un animal mort, en état de décomposition, qui a dû être enterré sur place, ce qui affecte la qualité du sol, de même que celle d'un oiseau mort, lui-même en état de décomposition, dans un abreuvoir destiné au bétail, démontrent suffisamment que le preneur avait en réalité abandonné ses animaux sur les terres louées, un tel comportement suffisant à établir l'existence des agissements visés à l'article L. 411-53 du Code rural.
Il résulte des énonciations du procès verbal de constat établi le 9 avril 2003 par Maître C..., huissier de justice à Lisieux, ainsi que des photographies qui y sont annexées qu'en de très nombreux endroits, les clôtures n'ont fait l'objet d'aucun entretien ainsi qu'en témoignent l'absence de ronces artificielles tant en limite de parcelles qu'au pourtour d'une mare anciennement enclose, ou l'affaissement de certaines d'entre elles dont rien n'établit qu'il soit dû à la vétusté des piquets, tandis que la " prospérité " de la végétation des haies témoigne du fait que la nature y a repris ses droits en même temps que le preneur y a oublié le respect de ceux de son bailleur.
De même résulte-t-il des énonciations d'une procédure établie par la brigade de gendarmerie de Villers sur Mer qu'un animal provenant de l'élevage du preneur a été découvert mort dans l'un des herbages objet du bail et qu'il était au moment de sa découverte dans un tel état de putréfaction que la gendarmerie relève que le cadavre était en " liquéfaction ", cette constatation suffisant à caractériser l'état d'abandon de son cheptel par Monsieur Joël X... qui est ainsi bien mal fondé à venir prétendre que la situation serait le résultat de la tardiveté de l'intervention du service d'équarrissage après la découverte du cadavre de l'animal.
Ces éléments établissant l'abandon de l'exploitation du fonds par le preneur, il apparaît sans qu'il soit besoin de recourir à une expertise que le tribunal a justement prononcé la résiliation du bail sur le fondement des dispositions cumulées des articles L. 411-31 et L. 411-53 du Code rural, les effets d'un tel abandon étant soit la nécessité de travaux de remise en état importants pour rétablir le potentiel d'exploitation du fonds, soit la détérioration de la qualité des terres, notamment par voie de pollution de celles-ci.
Sur la demande de dommages-intérêts de Monsieur Philippe A....
Le bailleur justifie suffisamment par les pièces aujourd'hui produites par lui devant la cour que le coût des travaux de remise en état des parcelles louées s'élève à 8 915, 85 euros, pareille somme devant ainsi lui être allouée à titre de dommages-intérêts.
Sur le bénéfice des intérêts au taux légal.
Le bénéfice des intérêts au taux légal sur la condamnation prononcée à titre indemnitaire doit être alloué à compter de la décision entreprise à concurrence de la somme de 1 500 euros et du présent arrêt pour le surplus, le tout pour valoir complète indemnisation du préjudice subi.
Sur les dépens et les demandes relatives à l'indemnisation des frais irrépétibles.
Les dépens seront supportés par Monsieur Joël X... qui succombe dans son appel.
Aucune considération d'équité ne s'oppose à ce qu'il soit fait droit aux prétentions de Monsieur Philippe A... fondées sur les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Il lui sera alloué de ce chef une indemnité justement évaluée à la somme mentionnée au dispositif ci-après.
Par ces motifs,
et ceux des premiers juges en ce qu'ils ne sont pas contraires aux énonciations du présent arrêt,
la cour,
déboute Monsieur Joël X... de sa demande subsidiaire tendant à ce que soit ordonnée une expertise,
réforme la décision entreprise, et y ajoutant,
condamne Monsieur Joël X... à payer à Monsieur Philippe A... la somme de 8 915, 85 euros à titre de dommages-intérêts,
confirme pour le surplus,
dit que la condamnation prononcée à titre indemnitaire portera intérêts au taux légal comme il est dit aux motifs ci-dessus et ce jusqu'à parfait règlement,
condamne Monsieur Joël X... aux dépens,
condamne le même à payer à Monsieur Philippe A... la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile outre les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et ce jusqu'à parfait réglement.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
V. POSEA. POUMAREDE