SM/MMC
COPIE OFFICIEUSE
COPIE EXÉCUTOIRE
à :
- SCP GERIGNY & ASSOCIES
- SCP AVOCATS CENTRE
Expédition TC
LE : 25 JUILLET 2024
COUR D'APPEL DE BOURGES
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 25 JUILLET 2024
N° - Pages
N° RG 24/00016 - N° Portalis DBVD-V-B7I-DTRV
Décision déférée à la Cour :
Jugement du tribunal de commerce de BOURGES en date du 05 Décembre 2023
PARTIES EN CAUSE :
I - S.A.S. UNITED PARCEL SERVICE FRANCE - UPS, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :
[Adresse 2]
[Localité 3]
N° SIRET : 334 175 221
Représentée par la SCP GERIGNY & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES
Plaidant par Me Aude GONTHIER, avocat au barreau de PARIS
timbre fiscal acquitté
APPELANTE suivant déclaration du 29/12/2023
II - M. [M] [K]
né le 15 Mai 2001 à [Localité 8]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représenté et plaidant par la SCP AVOCATS CENTRE, avocat au barreau de BOURGES
timbre fiscal acquitté
INTIMÉ
25 JUILLET 2024
N° /2
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Juin 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M.TESSIER-FLOHIC, Président chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Alain TESSIER-FLOHIC Président de Chambre
Richard PERINETTI Conseiller
Marie-Madeleine CIABRINI Conseillère
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MAGIS
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ARRÊT : CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
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EXPOSÉ DU LITIGE
M. [M] [K] exerce en qualité d'entrepreneur individuel, sous l'enseigne « Les Poissons Argentais », une activité d'aquaculture en eau douce.
Ayant réglé les 13 janvier et 6 mars 2023 les factures de transport de poissons d'ornement vivants en provenance de la société Fancy Goldfish Store, domiciliée aux Pays-Bas, M. [K] a effectué une réclamation auprès de la SAS United Parcel Service France (ci-après désignée « la SAS UPS France »), déclarant que les colis correspondants avaient été endommagés lors du transport. Les poissons qu'ils contenaient étaient morts à leur arrivée à destination.
À l'issue d'une démarche amiable, la SAS UPS France a proposé une indemnisation d'un montant de 2.000 euros, jugé non satisfaisant par M. [K].
Suivant acte d'huissier en date du 9 août 2023, M. [K] a fait assigner la SAS UPS France devant le tribunal de commerce de Bourges aux fins de voir, en l'état de ses dernières demandes,
déclarer son action recevable et bien fondée,
y faisant droit, déclarer la SAS UPS France intégralement responsable de plein droit du préjudice subi par l'entreprise individuelle « Les Poissons Argentais » suite à la mauvaise exécution des prestations facturées les 13 janvier et 6 mars 2023,
en conséquence, condamner la SAS UPS France à lui verser ès qualité d'entrepreneur individuel exerçant sous l'enseigne « Les Poissons Argentais », la somme de 6.000 € HT, soit 7.200 € TTC au taux de TVA de 20 % applicable, en indemnisation de la perte des marchandises transportées,
condamner la SAS UPS France à lui verser la somme de 411,36 € TTC au titre des frais de transport des marchandises perdues,
condamner la SAS UPS France à lui régler la somme de 10.000 € TTC à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices financier et d'image subie par la faute de la société UPS dans le cadre de la gestion des conséquences de sa responsabilité de plein droit,
condamner la SAS UPS France à lui payer une indemnité de 3.000 € TTC sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Et condamner la SAS UPS France aux dépens de l'instance, en ce compris les frais de greffe,
dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit attachée au jugement.
La SAS UPS France n'a pas comparu ni été représentée devant le tribunal.
Par jugement réputé contradictoire du 5 décembre 2023, le tribunal de commerce de Bourges a:
retenu sa compétence territoriale ;
jugé recevable et bien-fondé M. [K] exerçant en entreprise individuelle sous l'enseigne « Les Poissons Argentais » en ses poursuites ;
condamné la SAS UPS France à payer à M. [K] les sommes suivantes :
7.200 € TTC à titre d'indemnisation des marchandises perdues,
411,36 € TTC au titre des frais de transport des marchandises perdues,
10.000 € à titre d'indemnisation des préjudices financiers et d'image;
condamné la SAS UPS France à verser à M. [K] une indemnité de 3.000 € du chef de l'article 700 du code de procédure civile ;
dit que les dépens seraient à la charge de la SAS UPS France, taxés et liquidés concernant les frais de greffe à la somme de 60,22 € TTC ;
rappelé l'exécution provisoire du jugement.
Le tribunal a notamment retenu que les colis d'animaux vivants litigieux avaient été livrés très endommagés pour les deux premiers et dans un état de dégradation avancée pour le dernier, entraînant leur entière perte, que le transporteur avait reconnu sa défaillance, que la convention de Genève du 19 mai 1956 prévoyait une responsabilité de plein droit du transporteur, sauf à justifier d'une cause exonératoire, que la situation avait eu un grave retentissement sur la trésorerie de l'aquaculteur du fait de l'impossibilité de vendre les poissons morts et de la nécessité d'en commander d'autres en remplacement et avait porté atteinte à son image, la marchandise destinée à des influenceurs britanniques n'ayant pu leur être livrée.
La SAS UPS France a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 29 décembre 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 6 mai 2024, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'elle développe, la SAS UPS France demande à la Cour d'infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Bourges du 5 décembre 2023 en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de :
la dire et juger recevable et bien fondée en son appel,
de débouter M. [M] [K] de l'ensemble de ses demandes à l'égard de la société UPS France,
de le condamner au paiement de la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 13 mai 2024, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'il développe, M. [K] demande à la Cour de déclarer la S.A.S. UPS France mal fondée en son appel et en conséquence, de :
confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Bourges le 5 décembre 2023,
la débouter de l'intégralité de ses demandes plus amples ou contraires,
de la condamner à lui verser en sa qualité d'entrepreneur individuel, exerçant sous l'enseigne «Les Poissons Argentais », une indemnité de 4 000 € TTC sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et de
la condamner aux entiers dépens de la procédure.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mai 2024.
MOTIFS :
Sur la demande indemnitaire présentée par M. [K]
Les articles 1103 et 1104 du code civil posent pour principe que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
L'article 1353 du même code impose à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et réciproquement, à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Sur la qualité de partie aux contrats litigieux de la SAS UPS France
Il convient d'observer tout d'abord que tout en affirmant n'avoir pas été partie aux contrats de transport litigieux, qui selon elle ont été conclus entre M. [K] et la société UPS Nederland, la SAS UPS France ne soulève nullement, au dispositif de ses écritures, l'irrecevabilité de l'action initiée à son encontre par l'intimé, mais sollicite seulement qu'il soit débouté de ses demandes.
La SAS UPS France fonde tout d'abord son argumentation sur les conditions générales de transport UPS, dont elle affirme qu'elles sont identiques dans tous les pays du monde et qu'elles prévoient que le contrat est conclu avec la société UPS du pays dans lequel le colis est confié au transport. Elle en déduit que les réclamations en l'espèce ne pourraient être dirigées qu'à l'encontre de la société UPS Nederland.
Toutefois, il ne peut qu'être relevé, en premier lieu, que la SAS UPS France ne justifie nullement avoir communiqué lesdites conditions générales à M. [K] au moment de la formation du contrat, ni qu'elles soient entrées dans le champ contractuel, de quelque manière que ce soit. En effet, aucune des pièces produites ne détermine que M. [K], plutôt que la société Fancy Goldfish Store, ait lui-même procédé à la constitution de la lettre de voiture et se soit ainsi vu présenter les conditions générales UPS.
En second lieu, il sera observé que M. [K] produit aux débats deux factures établies, les 13 janvier et 6 mars 2023, au nom de la société « Les Poissons Argentais », indiquant toutes deux, pour seul cocontractant, la société United Parcel Service France SAS, précisant que toute question concernant cette facture doit être adressée à cette société et mentionnant les coordonnées d'un compte bancaire détenu dans les livres de la banque BNP Paribas par « UPS France ». Ces factures, d'un montant TTC respectif de 221,62 € et 189,74€, indiquent également que le paiement doit être effectué par « Les poissons argentais ».
Les factures produites par la SAS UPS France et établies par la société United Parcel Service Nederland BV diffèrent des précédentes tant par leur date respective (18 janvier et 8 mars 2023) que par les montants qui y figurent (295,62 € et 225,57 €). Si elles mentionnent en leur première page que le paiement de ces sommes est attendu de la part de la société Fancy Goldfish Store, leur seconde page indique qu'aucune somme n'est réclamée à cette dernière. Si ces différences ne sont nullement expliquées par la SAS UPS France, les numéros de suivi des colis sont en revanche identiques à ceux portés sur les factures produites par M. [K]. Il peut en tout état de cause être déduit de ces documents que le montant des prestations facturées par le transporteur à M. [K] a été acquitté par ce dernier et non par la société Fancy Goldfish Store.
En troisième lieu, il convient de se reporter aux échanges intervenus par courriel entre M. [K] et le transporteur pour relever que les correspondances émanant de ce dernier ont été signées « UPS [Localité 7] » (courriel du 24 janvier 2023, 7h32), « [U] [P], siège social : [Adresse 2] » (courriel du 24 janvier 2023, 8h35), « [W] [B], United Parcel Service France SAS ['] siège social : [Adresse 2] » (courriels du 31 janvier 2023, 10h35, 11h44 et 11h52), «[X] [T], United Parcel Service France SAS ['] siège social : [Adresse 2] » (courriels des 14 février 2023, 10h18 et 6 mars 2023, 11h47 et 16h27), « [E] [V], United Parcel Service France SAS ['] siège social: [Adresse 2] » (courriels du 24 février 2023, 11h39 et 16h54), « [O] [J], United Parcel Service France SAS ['] siège social : [Adresse 2] » (courriels des 6 mars 2023, 4h35, 7 mars 2023, 8h13, 14 mars 2023, 14h12 et 16h58, 15 mars 2023, 16h29).
Les courriels des 24 et 31 janvier émanent en outre d'une adresse « [Courriel 5] » confirmant qu'ils proviennent du service clients UPS français. Ceux des 14 et 24 février et 6, 7, 14 et 15 mars 2023 émanent d'une adresse « [Courriel 4] » conduisant à la même conclusion.
Il doit en outre être observé,que dans le cadre de ces échanges de courriels, les différents correspondants de M. [K] ont successivement indiqué
« nous allons faire passer un chauffeur ce jour pour qu'il puisse récupérer le colis pour effectuer l'inspection de dommages sur votre colis » ;
« j'ai remonté votre demande au département concerné et vous serez contacté dans les 24 prochaines heures ouvrables pour plus de détails » ;
« je me permets de vous informer que votre demande est en cours de traitement »
« je vous invite à contacter votre expéditeur vu que lettres de notification de réclamation ne sont pas envoyées aux destinataires. Toutes réclamations sont traitées avec l'expéditeur.»
« Je remonte de suite votre demande au service concerné et vous serez contacté dans les 24 heures ouvrables pour plus d'assistance ;
« nous traitons avec le client qui a créé l'étiquette, en somme le donneur d'ordre. La demande d'indemnisation est déjà émise. Nous vous invitons soit à patienter que votre expéditeur fournisse les documents requis, soit vous leur demandez une procuration officielle afin de gérer la demande d'indemnisation avec vous. » ;
« Comme on a bien discuté veuillez noter que ce dossier est traité directement avec votre expéditeur. ['] Si vous voulez qu'on traite le dossier avec vous veuillez nous communiquer une autorisation signée de la part de l'expéditeur. » ;
« Bonjour cher client, il faut que l'autorisation soit signée et avec le cachet de la société «Fancy Goldfish Store ». » ;
« Afin de pouvoir donner suite à votre demande, je vous prie de bien vouloir nous envoyer les documents suivants [']. Dès réception, nous ferons de notre mieux afin de finaliser le dossier dans les meilleurs délais. » ;
« Une fois ce dossier téléchargé dans notre système, nous pourrons traiter votre demande d'indemnisation dans les plus brefs délais. Merci de noter que le délai de paiement une fois le dossier finalisé est de 10 jours ouvrables. » ;
« Si vous voulez qu'on traite le dossier avec vous,veuillez s'il vous plaît nous communiquer une autorisation signée de la part de l'expéditeur » ;
« nous vous informons que votre demande en cours de traitement directement avec Fancy Goldfish Store Netherlands ».
Il ressort de ces correspondances échangées plusieurs mois durant qu'à aucun moment, les différents représentants de la SAS UPS France n'ont dénié la qualité de cocontractante de M. [K] de celle-ci, ni n'ont laissé entendre que la réclamation dusse être adressée à la société UPS Nederland en raison de son éventuelle qualité de partie au contrat.
Enfin, l'argument évoqué par la société UPS Deutschland dans sa correspondance datée du 21 juin 2023 adressée au conseil de M. [K], selon lequel les relations contractuelles pouvant engendrer d'éventuelles réclamations contre UPS n'existeraient qu'entre l'expéditeur Fancy Goldfish Store et la société UPS du pays de remise du colis, et toutes réclamations relatives aux colis litigieux en l'espèce,ne pourraient intervenir qu'entre Fancy Goldfish Store et UPS Netherlands, n'est pas juridiquement pertinent :en effet, il ne saurait être envisagé que le client payeur des frais d'expédition, à savoir M. [K], ne dispose d'aucune possibilité de recours contre le transporteur et que seul l'expéditeur se voie attribuer une telle option, bien qu'il ait reçu paiement intégral de ses propres prestations et n'ait aucun grief personnel à faire valoir à l'encontre du transporteur auquel il n'a au demeurant pas versé d'argent.
En considération de l'ensemble de ces éléments, il sera jugé que la qualité de partie aux contrats litigieux est valablement imputée par M. [K] à la SAS UPS France.
Sur la responsabilité de la SAS UPS France
L'article 1, 1. de la convention de Genève du 19 mai 1956 relative au contrat de transport international de marchandises, dite CMR 1956, prévoit que ladite convention s'applique à tout contrat de transport de marchandises par route, à titre onéreux, au moyen de véhicules, lorsque le lieu de la prise en charge de la marchandise et le lieu prévu pour la livraison, tels qu'ils sont indiqués au contrat, sont situés dans deux pays différents dont l'un au moins est un pays contractant. Il en est ainsi quels que soient le domicile et la nationalité des parties.
L'article 17 de cette convention dispose que :
1. Le transporteur est responsable de la perte totale ou partielle, ou de l'avarie, qui se produit entre le moment de la prise en charge de la marchandise et celui de la livraison, ainsi que du retard à la livraison.
2. Le transporteur est déchargé de cette responsabilité si la perte, l'avarie ou le retard a eu pour cause une faute de l'ayant droit, un ordre de celui ci ne résultant pas d'une faute du transporteur, un vice propre de la marchandise, ou des circonstances que le transporteur ne pouvait pas éviter et aux conséquences desquelles il ne pouvait pas obvier.
3. Le transporteur ne peut exciper, pour se décharger de sa responsabilité, ni des défectuosités du véhicule dont il se sert pour effectuer le transport, ni des fautes de la personne dont il aurait loué le véhicule ou des préposés de celle-ci.
4. Compte tenu de l'article 18, paragraphes 2 à 5, le transporteur est déchargé de sa responsabilité lorsque la perte ou l'avarie résulte des risques particuliers inhérents à l'un des faits suivants ou à plusieurs d'entre eux:
a) Emploi de véhicules ouverts et non bâchés lorsque cet emploi a été convenu d'une manière expresse et mentionné dans la lettre de voiture;
b) Absence ou défectuosité de l'emballage pour les marchandises exposées par leur nature à des déchets ou avaries quand elles ne sont pas emballées ou sont mal emballées;
c) Manutention, chargement, arrimage ou déchargement de la marchandise par l'expéditeur ou le destinataire ou des personnes agissant pour le compte de l'expéditeur ou du destinataire;
d) Nature de certaines marchandises exposées, par des causes inhérentes à cette nature même, soit à perte totale ou partielle, soit à avarie, notamment par bris, rouille, détérioration interne et spontanée, dessiccation, coulage, déchet normal ou action de la vermine et des rongeurs;
e) Insuffisance ou imperfection des marques ou des numéros de colis;
f) Transport d'animaux vivants.
5. Si, en vertu du présent article, le transporteur ne répond pas de certains des facteurs qui ont causé le dommage, sa responsabilité n'est engagée que dans la proportion ou les facteurs dont il répond en vertu du présent article ont contribué au dommage.
L'article 18 de ladite convention énonce que :
1. La preuve que la perte, l'avarie ou le retard a eu pour cause un des faits prévus à l'article 17, paragraphe 2, incombe au transporteur.
2. Lorsque le transporteur établit que, eu égard aux circonstances de fait, la perte ou l'avarie a pu résulter d'un ou de plusieurs des risques particuliers prévus à l'article 17, paragraphe 4, il y a présomption qu'elle en résulte. L'ayant droit peut toutefois faire la preuve que le dommage n'a pas eu l'un de ces risques pour cause totale ou partielle.
3. La présomption visée ci-dessus n'est pas applicable dans le cas prévu à l'article 17, paragraphe 4 a, s'il y a manquant d'une importance anormale ou perte de colis.
4. Si le transport est effectué au moyen d'un véhicule aménagé en vue de soustraire les marchandises à l'influence de la chaleur, de froid, des variations de température ou de l'humidité de l'air, le transporteur ne peut invoquer le bénéfice de l'article 17, paragraphe 4 d, que s'il fournit la preuve que toutes les mesures lui incombant, compte tenu des circonstances ont été prises en ce qui concerne le choix, l'entretien et l'emploi de ces aménagements et qu'il s'est conformé aux instructions spéciales qui ont pu lui être données.
5. Le transporteur ne peut invoquer le bénéfice de l'article 17, paragraphe 4 f, que s'il fournit la preuve que toutes les mesures lui incombant normalement, compte tenu des circonstances ont été prises et qu'il s'est conformé aux instructions spéciales qui ont pu lui être données.
La France et les Pays-Bas figurent au nombre des états signataires originels de cette convention. Elle est de ce fait applicable au cas d'espèce.
La Cour de cassation a rappelé le principe de la responsabilité de plein droit du transporteur, en application de l'article 17 précité, concernant les pertes et avaries présentées à l'issue de leur transport par les marchandises transportées, précisant que la société de transport ne pouvait être déchargée de sa responsabilité dès lors qu'elle n'établissait ni que ces avaries existaient avant qu'elle ne prenne en charge les marchandises, ni que leur perte résultait d'une faute ou d'un ordre de l'expéditeur ou du destinataire (voir notamment en ce sens Cass. Com., 15 février 1982, n°79-16.347).
Il est également constant que l'application de la convention CMR n'est pas liée à la qualité de propriétaire des biens mais peut être opposée par l'expéditeur ou par le destinataire, qui ont qualité à agir en responsabilité à l'encontre du transporteur (voir notamment en ce sens Cass. Com., 2 octobre 2012, n°11-21.039).
La SAS UPS France soutient tout d'abord que dans la mesure où les colis litigieux ne présentaient pas, au vu des photographies communiquées par M. [K], de choc externe laissant penser qu'un incident ait pu advenir au cours du transport, il est impossible d'établir un lien entre le transport et le mauvais état des poissons dont la mort a été constatée par le destinataire à l'arrivée des colis.
Toutefois, cet argument est inopérant au regard de la présomption de responsabilité du transporteur posée par les textes ci-dessus reproduits.
La SAS UPS France entend ensuite se prévaloir des dispositions de l'article 17 CMR prévoyant que le transporteur est déchargé de sa responsabilité lorsque la perte ou l'avarie résulte des risques particuliers inhérents à l'un des faits qu'il énonce, au nombre desquels figurent la défectuosité de l'emballage (b), la nature de certaines marchandises exposées, par des causes inhérentes à cette nature même, soit à perte totale ou partielle, soit à avarie (d) et le transport d'animaux vivants (f). Elle estime que ces dispositions renversent la charge de la preuve et imposent à M. [K] de prouver, au regard notamment de la nature de la marchandise, que l'avarie n'était pas liée à l'état et à la nature même des poissons.
Une telle interprétation n'est néanmoins pas conforme aux dispositions de l'article 18 CMR, qui rappelle qu'il revient au transporteur d'établir que la perte ou l'avarie a pu résulter d'un ou de plusieurs des risques particuliers prévus à l'article 17, eu égard aux circonstances de fait, afin de bénéficier de la présomption qu'elle en résulte.
Il sera en outre observé que le caractère vivant des animaux transportés ne détermine pas à lui seul l'existence d'un risque particulier au sens de l'article 17, 4 précité, la preuve d'un tel risque (maladie affectant les animaux, par exemple) devant être rapportée par le transporteur.
Par ailleurs, il y a également lieu de relever que l'article 18 CMR 5., énonce que transporteur ne peut invoquer le bénéfice de l'article 17, paragraphe 4 f (relatif au transport d'animaux vivants) que s'il fournit la preuve que toutes les mesures lui incombant normalement, compte tenu des circonstances ont été prises et qu'il s'est conformé aux instructions spéciales qui ont pu lui être données. Or, la SAS UPS France ne produit sur ce point aucun élément de preuve et soutient à tort qu'il appartiendrait à M. [K] de prouver que le défaut d'emballage ne serait pas à l'origine de l'avarie, tentant ainsi d'opérer un renversement de la charge de la preuve qui lui incombe en vertu de la convention CMR.
La SAS UPS France fait valoir que l'emballage et le conditionnement des colis, dont l'adéquation incombe à l'expéditeur aux termes des conditions générales de transport UPS, n'était manifestement pas suffisant, alléguant ainsi une faute de l'expéditeur.
Au-delà du défaut de preuve par la SAS UPS France de l'opposabilité à l'intimé desdites conditions générales qui a été précédemment mentionnée, M. [K] réplique à juste titre que l'insuffisance d'emballage ne constitue pas une cause exonératoire de la responsabilité de plein droit du transporteur selon la convention CMR, dont l'article 41 énonce qu'est nulle et de nul effet toute stipulation qui, directement ou indirectement, dérogerait aux dispositions de ladite convention.
Si la SAS UPS France prétend n'avoir à vérifier que l'état apparent de l'emballage des colis qui lui sont confiés, sans avoir à examiner leur présentation intérieure en les ouvrant, il ne peut qu'être rappelé qu'un tel parti pris, relève de ses seules décisions et qu'il lui appartient, en sa qualité de transporteur sur lequel la convention CMR fait peser une responsabilité de plein droit, de prendre les mesures appropriées au recueil des preuves qu'elle pourrait être amenée à fournir dans l'éventualité d'une mise en cause de sa responsabilité.
La SAS UPS France indique qu'en raison de la nature particulièrement fragile des marchandises transportées en l'occurrence, à savoir des poissons vivants, un rembourrage spécifique et adapté au transport d'animaux vivants offrant la garantie d'un minimum d'air et un niveau de température stable aurait été nécessaire.
Toutefois, ainsi que le soulève valablement M. [K], la société Fancy Goldfish Store avait protégé les sacs plastique contenant les poissons de polystyrène et de cartons de protection positionnés à l'intérieur du colis, sans qu'il soit par ailleurs nécessaire de prévoir un apport d'air s'agissant de poissons. Les cartons comportent des autocollants spécifiques indiquant de façon visible la présence de poissons vivants à l'intérieur, ainsi pour l'un d'entre eux qu'une étiquette précisant le sens de positionnement approprié. Les étiquettes de suivi apposées sur les colis précisent également qu'ils contiennent des poissons ornementaux. Cette configuration apparaît conforme aux exigences évoquées par la SAS UPS France. Aucune faute ne saurait en conséquence être reprochée à l'expéditeur.
Il peut au surplus être relevé que la SAS UPS France affirme sans le démontrer que M. [K] aurait refusé que ses services examinent le colis livré le 3 mars 2023, allégation d'autant plus contestable que les multiples échanges de courriels intervenus entre les parties ne font aucune mention d'une telle opposition.
La SAS UPS France avance encore que M. [K] ne démontrerait pas que l'état des poissons avant le transport ou la manière dont ils ont été emballés ne se trouvent pas à l'origine de leur éventuelle dégradation à leur arrivée.
Il sera une nouvelle fois renvoyé aux dispositions de la convention CMR affectant la charge de la preuve au transporteur et non au destinataire.
La SAS UPS France soutient enfin que les conditions générales UPS prévoient son exonération de toute responsabilité en cas de remise pour transport d'un colis contenant des articles prohibés. Elle souligne que ces conditions générales renvoient au guide des services UPS qui indique que constituent des articles prohibés les animaux vivants, « excepté s'il existe un contrat spécifique ».
Il doit tout d'abord être indiqué que contrairement à ce qu'elle affirme, la SAS UPS France ne rapporte aucune preuve de la communication des conditions générales et du guide des services UPS à M. [K] et de l'acceptation que celui-ci aurait formulée. Les pièces versées aux débats ne permettent en effet nullement, ainsi qu'il a été précédemment souligné, d'établir que M. [K] ait procédé lui-même, plutôt que la société Fancy Goldfish Store, à la constitution de la lettre de voiture.
Par ailleurs, si elle avance que les conditions générales dont elle se prévaut posent la nécessité d'un «contrat spécifique» pour le transport d'animaux vivants, la SAS UPS France n'indique, ni les caractéristiques qui devraient être celles d'un tel contrat, ni en quoi le contrat litigieux ne répondrait pas auxdites caractéristiques.
M. [K] relève à juste titre que chacune des factures émises par la SAS UPS France porte, à la rubrique « description marchandise », la mention « ornamental fish », de même que les étiquettes de suivi apposées sur les colis. Une telle mention ne peut se concevoir qu'au sujet d'animaux vivants. Il s'en déduit que l'expéditeur n'a nullement dissimulé à la société de transport, la nature des marchandises confiées, que celle-ci aurait aisément pu refuser à la simple vue des étiquettes et autocollants posés sur les colis ou à la lecture de ses propres factures, si elle avait estimé que les poissons vivants puissent constituer des marchandises prohibées au vu des stipulations contractuelles applicables.
En l'absence de tout comportement fautif imputable à l'expéditeur ou destinataire, et en application de la convention internationale précitée, la responsabilité de la SAS UPS France dans la survenance des dommages subis par les marchandises qui lui avaient été confiées pour être remises à M. [K] sera jugée engagée.
Sur le préjudice subi
Perte de la chose
Aux termes de l'article 23 de la convention de Genève du 19 mai 1956,
1. Quand, en vertu des dispositions de la présente Convention, une indemnité pour perte totale ou partielle de la marchandise est mise à la charge du transporteur, cette indemnité est calculée d'après la valeur de la marchandise au lieu et à l'époque de la prise en charge.[']
4. Sont et outre remboursés le prix du transport, le droits de douane et les autres frais encourus à l'occasion du transport de la marchandise, en totalité en cas de perte totale, et au prorata en cas de perte partielle; d'autres dommages-intérêts ne sont pas dus.
5. En cas de retard, si l'ayant droit prouve qu'un préjudice en est résulté, le transporteur est tenu de payer pour ce préjudice une indemnité qui ne peut pas dépasser le prix du transport.
6. Des indemnités plus élevées ne peuvent être réclamées qu'en cas de déclaration de la valeur de la marchandise ou de déclaration d'intérêt spécial à la livraison, conformément aux articles 24 et 26.
En l'espèce, les parties conviennent que les factures émises par la SAS UPS France comportent, à la rubrique « valeur déclarée », des mentions « 40,00 » et « 20,00 » correspondant à des tranches de 100 € de valeur déclarée au transporteur.
M. [K] peut ainsi valablement réclamer indemnisation du préjudice matériel subi du fait de la perte des poissons commandés à hauteur de la somme de 6.000 € HT, soit 7.200 € TTC.
Il y a lieu d'ajouter à cette somme le coût du transport, soit 221,62 € et 189,74 €.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné la SAS UPS France à payer à M. [K] les sommes de 7.200 € TTC à titre d'indemnisation des marchandises perdues et 411,36 € TTC au titre des frais de transport des marchandises perdues.
Préjudice financier et d'image
S'agissant de ces préjudices invoqués par M. [K], dont il réclame réparation sur le fondement de l'article 1240 du code civil comme relevant d'une faute distincte commise par la SAS UPS France dans le cadre de sa gestion des conséquences des dommages subis lors du transport des poissons, il ne peut tout d'abord être opéré aucun lien entre le prêt souscrit par l'intéressé pour un montant de 11.485,15 €, remboursable à compter du 10 août 2023, et la perte de trésorerie occasionnée par la défaillance de la SAS UPS France dans la livraison des marchandises commandées.
Par ailleurs, concernant le préjudice d'image et la perte de confiance de sa clientèle (notamment d'influenceurs anglais) que M. [K] indique avoir subis, il sera relevé que les échanges survenus via WhatsApp entre l'intéressé et Mme [C] [D] concernent manifestement une livraison de poissons expédiés par M. [K] depuis la France vers le Royaume-Uni. Il en va de même des échanges intervenus entre M. [K] et M. [S] [H]. Dès lors, il ne peut s'agir des transports de marchandises qui se trouvent à l'origine de la présente instance judiciaire.
À titre surabondant, il peut être observé que ces échanges, s'ils font état de difficultés de livraison des poissons commandés par ces tiers à M. [K], ne laissent apparaître aucune appréciation négative de leur part envers ce dernier, Mme [D] précisant au contraire n'avoir aucun reproche à formuler à l'encontre de M. [K] et M. [H] soulignant l'injustice de la situation pour son expéditeur et le plaisir qu'il a eu à faire affaire avec lui.
Aucun préjudice financier ou d'image ne pouvant ainsi être caractérisé en l'espèce, M. [K] sera débouté de ses demandes formées à ce titre et le jugement entrepris infirmé en ce sens.
Sur l'article 700 et les dépens
L'équité et la prise en considération de l'issue du litige commandent de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la SAS UPS France, partie principalement succombante, à verser à M. [K] la somme de 2.500 € au titre des frais qu'il aura exposés en cause d'appel qui ne seraient pas compris dans les dépens.
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. Au vu de l'issue du litige déterminée par la présente décision, il convient de condamner la SAS UPS France à supporter la charge des dépens de l'instance d'appel.
Le jugement entrepris sera enfin confirmé de ces chefs.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
- Infirme partiellement le jugement rendu le 5 décembre 2023 par le tribunal de commerce de Bourges en ce qu'il a condamné la SAS United Parcel Service France à payer à M. [M] [K], entrepreneur individuel exerçant sous l'enseigne « Les Poissons Argentais », la somme de 10.000 € à titre d'indemnisation de ses préjudices financiers et d'image ;
- Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ;
Et statuant de nouveau du seul chef infirmé,
- Déboute M. [M] [K], entrepreneur individuel exerçant sous l'enseigne « Les Poissons Argentais »de sa demande indemnitaire relative à ses préjudices financier et d'image ;
- Rejette toutes autres demandes, plus amples ou contraires ;
- Condamne la SAS United Parcel Service France à verser à M. [M] [K], entrepreneur individuel exerçant sous l'enseigne « Les Poissons Argentais » la somme de 2.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne la SAS United Parcel Service France aux entiers dépens de l'instance d'appel.
L'arrêt a été signé par A. TESSIER-FLOHIC, Président, et par S. MAGIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,
S. MAGIS A. TESSIER-FLOHIC