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25/07/2024 | FRANCE | N°23/00738

France | France, Cour d'appel de Bourges, 1ère chambre, 25 juillet 2024, 23/00738


SM/RP











































































COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

- SELARL ALCIAT-JURIS

- Me LE ROY DES BARRES



Expédition TC



LE : 25 JUILLET 2024

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 25 JUILLET 2024

N° - Pagesr>


N° RG 23/00738 - N° Portalis DBVD-V-B7H-DSJT



Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal de commerce de NEVERS en date du 10 Juillet 2023



PARTIES EN CAUSE :



I - S.E.L.A.R.L. JSA ès qualité de liquidateur de la SELARL EUREKA DIFFUSION INTERNATIONALE SARL, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette...

SM/RP

COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

- SELARL ALCIAT-JURIS

- Me LE ROY DES BARRES

Expédition TC

LE : 25 JUILLET 2024

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 25 JUILLET 2024

N° - Pages

N° RG 23/00738 - N° Portalis DBVD-V-B7H-DSJT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal de commerce de NEVERS en date du 10 Juillet 2023

PARTIES EN CAUSE :

I - S.E.L.A.R.L. JSA ès qualité de liquidateur de la SELARL EUREKA DIFFUSION INTERNATIONALE SARL, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :

[Adresse 3]

N° SIRET : 419 488 655

Représentée par la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES

Plaidant par la SELARL RACCAT FALIH ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

timbre fiscal acquitté

APPELANTE suivant déclaration du 21/07/2023

II - Mme [G] [I] épouse [F]

née le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 6]

[Adresse 5]

Représentée par Me Adrien-charles LE ROY DES BARRES, avocat au barreau de BOURGES

Plaidant par Me Bernard SIVAN de la SELARL DSP AVOCATS, avocat au barreau de NICE

timbre fiscal acquitté

INTIMÉE

III - M. [C] [F]

né le [Date naissance 4] 1946 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Adrien-charles LE ROY DES BARRES, avocat au barreau de BOURGES

Plaidant par Me Michel MONTAGNARD, avocat au barreau de NICE

timbre fiscal acquitté

INTIMÉ

25 JUILLET 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Juin 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. TESSIER-FLOHIC, Président chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Alain TESSIER-FLOHIC Président de Chambre

Richard PERINETTI Conseiller

Marie-Madeleine CIABRINI Conseiller

***************

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MAGIS

***************

Le dossier a été transmis au Ministère public qui a fait connaître son avis par RPVA le 25/10/2023

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

**************

EXPOSÉ

Par jugement en date du 4 novembre 2009, le tribunal de commerce de Nevers a ouvert, sur assignation de l'URSSAF, une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SARL EUREKA DIFFUSION INTERNATIONALE (également parfois dénommée EDI), dépendant du groupe EUREKA, désignant Maître [P] [H] en qualité d'administrateur judiciaire et Maître [M] [R] en qualité de mandataire judiciaire.

Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement rendu le 3 mars 2010 par le tribunal de commerce de Nevers, confirmé par arrêt de la cour de céans du 1er juillet 2010.

Estimant avoir découvert à l'occasion de sa mission de liquidateur l'existence de fautes de gestion commises par les dirigeants de la société ayant directement contribué à l'insuffisance d'actif de celle-ci, Maître [R] ès qualités a , en application de l'article L. 651-2 du code de commerce, assigné devant le tribunal de commerce de Bourges les dirigeants de la SARL EDI, aux fins de paiement de tout ou partie de l'insuffisance d'actif de la société, outre une mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale .

Par jugement rendu le 10 juillet 2023, le tribunal de commerce de Nevers a constaté la péremption de l'instance, constatant qu'il n'était versé aux débats ou justifié d'aucun acte de procédure postérieur au 9 novembre 2017 susceptible d'avoir interrompu la péremption de l'instance qui était acquise à compter du 9 novembre 2019.

La SELARL JSA, prise en la personne de Maître [M] [R], mandataire judiciaire ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL EUREKA DIFFUSION INTERNATIONALE, a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 21 juillet 2023 et demande à la cour, dans ses dernières écritures en date du 18 mars 2024, à la lecture desquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux visa combinés des articles 378, 386, 387, 388, 392 et 568 du Code de procédure civile, mais aussi L. 651-1 à L. 651-4 du Code de commerce, et encore L. 653-1, L. 653-4, L. 653-5, et L. 653-8 du Code de commerce, demande à la Cour d'appel de Bourges de :

- In limine litis constater l'irrecevabilité des écritures adverses, faute de les avoir présentées dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 du Code de procédure civile, soit dans le délai d'un mois à compter de la signification des conclusions de la SELARL JSA, prise en la personne de Maître [M] [R], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL EUREKA DIFFUSION INTERNATIONALE, en sa qualité d'Appelante ;

- dire les prétentions au fond de Monsieur [C] [F], développées au sein de ses conclusions signifiées le 14 février 2024, irrecevables, faute de les avoir présentées dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 du Code de procédure civile, soit dans le délai d'un mois à compter de la signification des conclusions de la SELARL JSA, prise en la personne de Maître [M] [R], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL EUREKA DIFFUSION INTERNATIONALE, en sa qualité d'Appelante ;

Et au contraire faisant droit à ses demandes de :

- dire que le jugement de sursis à statuer rendu par le Tribunal de commerce de Nevers en date du 27 mai 2015 a eu pour effet d'interrompre le délai de péremption de l'instance venant sur l'action en sanctions pécuniaires et personnelles de Maître [R], ès-qualités, à l'encontre de Madame [G] [F] et Monsieur [C] [F], inscrite au répertoire général sous le numéro 2012004440 ;

Et à titre subsidiaire de :

- juger les diligences réalisées dans le cadre de la procédure pénale (N° Parquet 10000002368) venant sur poursuites du Ministère Public, et ayant donné lieu au jugement du Tribunal correctionnel de NEVERS du 09 novembre 2021 comme interruptives de péremption de l'instance venant sur l'action en sanctions pécuniaires et personnelles de Maître [R], ès-qualités, à l'encontre de Madame [G] [F] et Monsieur [C] [F], inscrite au répertoire général sous le numéro 2012004440 ;

L'appelant demande en conséquence :

- d'infirmer le jugement dont appel ayant constaté la péremption de l'instance venant sur l'action en sanction pécuniaire et personnelle de Maître [R], ès-qualités, à l'encontre de Madame [G] [F] et Monsieur [C] [F], inscrite au répertoire général sous le numéro 2012004440 ;

- d'évoquer les points non jugés par le tribunal de commerce de Nevers, à savoir le fond de l'affaire venant sur l'action en sanctions pécuniaires et personnelles de Maître [R], ès-qualités, à l'encontre de Madame [G] [F] et Monsieur [C] [F], inscrite au répertoire général sous le numéro 2012004440 et au fond,

- de déclarer irrecevables tant les prétentions au fond de Madame [G] [F] épouse [I] développées au sein de ses conclusions signifiées le 16 février 2024, que celles de Monsieur [C] [F], développées au sein de ses conclusions signifiées le 14 février 2024 que faute de les avoir présentées dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 du Code de procédure civile, soit dans le délai d'un mois à compter de la signification des conclusions de la SELARL JSA, prise en la personne de Maître [M] [R], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL EUREKA DIFFUSION INTERNATIONALE, en sa qualité d'appelante ;

Et accueillant son appel de :

- dire que l'insuffisance d'actif de la SARL EUREKA DIFFUSION INTERNATIONALE s'élève à la somme1.330.745,55 € sauf à parfaire ;

- juger qu'il apparaît avec évidence que l'actif de la SARL EUREKA DIFFUSION INTERNATIONALE sera insuffisant pour payer le passif ;

- juger que Madame [G] [F] épouse [I], en sa qualité de dirigeante de droit, et Monsieur [C] [F], en sa qualité de dirigeant de fait ont commis plusieurs fautes de gestion, à savoir notamment :

L'omission de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal de quarante-cinq (45) jours ;

L'absence de tenue d'une comptabilité conforme aux dispositions légales de la SARL EUREKA DIFFUSION INTERNATIONALE ;

La poursuite abusive d'une activité déficitaire dans un intérêt personnel, d'une exploitation déficitaire ne pouvant conduire qu'à la cessation des paiements ;

Le détournement des actifs de la SARL EUREKA DIFFUSION INTERNATIONALE au détriment des créanciers ;

le paiement, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, d'un créancier au préjudice des autres créanciers ;

L'utilisation irrégulière de la marque NF ;

L'encaissement de moyens de paiements avant l'expiration du délai légal de rétractation.

- juger que les fautes commises par Madame [G] [F] épouse [I], en sa qualité de dirigeante de droit, et Monsieur [C] [F], en sa qualité de dirigeant de fait de la EUREKA DIFFUSION INTERNATIONALE ont contribué directement à l'insuffisance d'actif et en conséquence les condamner solidairement la première en sa qualité de dirigeante de droit, et le second en sa qualité de dirigeant de fait de la SARL EUREKA DIFFUSION INTERNATIONALE à payer à la SELARL JSA, prise en la personne de Maître [R], ès-qualités, tout ou partie de l'insuffisance d'actif de la SARL EUREKA DIFFUSION INTERNATIONALE, en application des dispositions de l'article L. 651-2 du Code de commerce, avec intérêts au taux légal de droit, conformément à l'article 1344-1 du Code civil ;

- juger que les intérêts se capitaliseront pour ceux échus depuis une année entière au moins en application de l'article 1343-2 du Code civil ;

et faisant application de l'article L. 653-2 du Code de commerce de prononcer la faillite personnelle à l'encontre de Madame [G] [F] épouse [I], en sa qualité de dirigeante de droit, et Monsieur [C] [F], en sa qualité de dirigeant de fait de la SARL EUREKA DIFFUSION INTERNATIONALE ;

À titre subsidiaire, faisant application de l'article L. 653-8 du Code de commerce de prononcer une mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale et toute exploitation agricole, ainsi que toute personne morale à l'encontre de Madame [G] [F] épouse [I], en sa qualité de dirigeante de droit, et Monsieur [C] [F], en sa qualité de dirigeant de fait de la SARL EUREKA DIFFUSION INTERNATIONALE;

- condamner solidairement Madame [G] [F] épouse [I] et Monsieur [C] [F] à payer à Maître [R], ès-qualités, la somme de 20.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner solidairement Madame [G] [F] épouse [I] et Monsieur [C] [F] aux entiers dépens de l'instance et de ses suites, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

[G] [F] épouse [I], intimée, demande pour sa part à la cour, dans ses dernières écritures en date du 22 mai 2024, à la lecture desquelles il est également expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, au visa des articles 378 et 392 du Code de Procédure Civile et 16, 89 et 568 du Code de Procédure Civile à titre liminaire après les avoir accueillis en leur prétentions de :

- rejeter toutes demandes contraires formulées par la SELARL JSA, prise en la personne de Maître [M] [R], agissant ès-qualités de liquidateur de la société EUREKA DIFFUSION INTERNATIONALE ;

- le déclarer mal fondé, et dès lors de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour infirmerait le jugement frappé d'appel, de

- dire n'y avoir lieu à évocation et de renvoyer la cause et les parties devant le tribunal de commerce de NEVERS pour qu'il soit statué sur les demandes du liquidateur.

A titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour infirmant le jugement frappé d'appel déciderait d'évoquer, de :

- déclarer irrecevable la demande tendant à la faillite personnelle ou l'interdiction de gérer, au motif que le liquidateur n'indique pas les cas de faillites personnelles ou d'interdictions de gérer applicables en l'espèce, mai aussi de dire :

que le liquidateur n'établit pas la poursuite abusive d'une activité déficitaire,

que la déclaration tardive de l'état de cessation des paiements n'est pas établie,

que les dirigeants sociaux n'ont commis aucune irrégularité comptable,

qu'aucun détournement d'actif n'est établi,

qu'en toute hypothèse, les faits invoqués par le liquidateur à l'encontre du dirigeant social d'EDI n'ont pas contribué à l'insuffisance d'actif,

- le débouter en conséquence de sa demande en paiement de tout ou partie de l'insuffisance d'actif à l'encontre de [G] [F] épouse [I].

- de ne pas prononcer de mesure de faillite personnelle à l'encontre de [G] [F] épouse [I].

- de ne pas prononcer d'interdiction de gérer à l'encontre de [G] [F] épouse [I].

En toute hypothèse,

- débouter, la SELARL JSA et le Procureur Général de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.

- condamner la SELARL JSA ès-qualités de liquidateur de la société EUREKA DIFFUSION INTERNATIONALE à payer à Madame [G] [F] épouse [I], la somme de 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

[C] [F] demande pour sa part à la cour, dans ses dernières écritures en date du 22 mai 2024, à la lecture desquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens, au visa des dispositions des articles 378, 385 à 388, 392, 696 et 700 du Code de procédure civile, 11 du Code de procédure pénale, 226-13 du Code pénal, L 651-2, L 653-4, L 653-5 et L653-8 du Code de commerce à titre liminaire, de le déclarer recevable en ses prétentions au fond, rejeter toutes demandes contraires formulées par la SELARL JSA, prise en la personne de Maître [M] [R], agissant ès-qualités de liquidateur de la société EUREKA DIFFUSION INTERNATIONALE ;

A titre principal, il conclut au mal fondé del'appel, et à confirmation du jugement attaqué et à titre subsidiaire, et dans l'hypothèse où la Cour infirmerait le jugement frappé d'appel,

- juger n'y avoir lieu à évocation et renvoyer la cause et les parties devant le Tribunal de Commerce de NEVERS pour qu'il soit statué sur les demandes du liquidateur,

A titre infiniment subsidiaire, en cas d'évocation,

- de constater que Maître [R] produit aux débats des extraits de pièces prélevées sur le dossier pénal dont elle a eu communication, de :

- juger que cette communication de pièces porte atteinte aux droits de la défense,

- rejeter lesdites pièces et dire qu'il n'en sera fait aucune mention dans le jugement à intervenir,

- prononcer la nullité de la saisine du Tribunal pour violation des principes fondamentaux régissant le déroulement de l'instance et atteinte aux droits de la défense,

A titre plus infiniment subsidiaire, de :

- déclarer irrecevable la demande tendant à la faillite personnelle ou l'interdiction de gérer, au motif que le liquidateur n'indique pas les cas de faillites personnelles ou d'interdictions de gérer applicables en l'espèce, en ce que :

le liquidateur n'établit pas la poursuite abusive d'une activité déficitaire,

la déclaration tardive de l'état de cessation des paiements n'est pas établie,

les dirigeants sociaux n'ont commis aucune irrégularité comptable,

le détournement d'actif n'est nullement établi,

- juger en toute hypothèse, que les faits invoqués par le liquidateur à l'encontre du dirigeant social d'EDI n'ont pas contribué à l'insuffisance d'actif,

- débouter l'appelant en conséquence de sa demande en paiement de tout ou partie de l'insuffisance d'actif à l'encontre de [C] [F],

- dire n'y avoir lieu à prononcer une mesure de faillite personnelle à l'encontre de [C] [F],

- dire n'y avoir lieu à prononcer une interdiction de gérer à l'encontre de [C] [F],

En toutes hypothèses,

- débouter la SELARL JSA, prise en la personne de Maître [M] [R], agissant ès-qualités de liquidateur de la société EUREKA DIFFUSION INTERNATIONALE et le Procureur Général de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;

- Condamner la SELARL JSA, prise en la personne de Maître [M] [R], ès-qualités de liquidateur de la société EUREKA DIFFUSION INTERNATIONALE à payer à Monsieur [C] [F], la somme de 20.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions en date du 25 octobre 2023, le ministère public demande à la cour :

- d'écarter la péremption de l'instance retenue par le tribunal de commerce de Nevers

- de juger que compte tenu de la complexité fort relative de ce dossier, il est nécessaire de le juger dans un délai raisonnable, et donc évoquer sur le fond les points non tranchés par le tribunal de commerce de Nevers (et déjà largement débattus), du fait de son interprétation erronée sur la péremption de l'instance

- de juger que la dirigeante de droit et le dirigeant de fait sont responsables de l'insuffisance d'actif de la SARL EDI,

- de les condamner solidairement à verser tout ou partie de cette insuffisance d'actif

- de prononcer à leur encontre la faillite personnelle ou à titre subsidiaire une interdiction de gérer.

L'affaire a bénéficié des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.

SUR QUOI

I) Sur la demande formée à titre liminaire par la SELARL JSA ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL EUREKA DIFFUSION INTERNATIONALE tendant à l'irrecevabilité, en application de l'article 905-2 du code de procédure civile, des prétentions au fond de Madame [F] développées dans les conclusions du 16 février 2024 et des prétentions au fond de Monsieur [F] développées dans les conclusions du 14 février 2024 :

En application de l'article 568 du code de procédure civile, « lorsque la cour d'appel infirme ou annule un jugement qui a ordonné une mesure d'instruction, ou qui, statuant sur une exception de procédure , a mis fin à l'instance, elle peut évoquer les points non jugés si elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive, après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d'instruction. L'évocation ne fait pas obstacle à l'application des articles 554,555 et 563 à 567 ».

Conformément au principe du contradictoire contenu à l'article 16 du même code, l'exercice d'une telle faculté d'évocation ' qui reste à la libre appréciation de la cour ' suppose que les parties aient été mises en mesure de conclure sur les points susceptibles de faire l'objet de cette évocation (Cass. soc., 25 oct. 2011, n° 10-17.968).

En l'espèce, l'affaire a fait l'objet d'un premier appel devant la cour à l'audience du 6 décembre 2023, à l'issue de laquelle son examen a été renvoyé à une audience ultérieure, précisément pour permettre à Monsieur [F] et à Madame [F] de conclure sur le fond du dossier dont la SELARL JSA ès qualités avait sollicité l'évocation.

Cette dernière ne saurait, dès lors, utilement solliciter l'irrecevabilité des conclusions respectivement déposées par Monsieur [F] et Madame [F] les 14 et 16 février 2024 pour satisfaire aux exigences du principe du contradictoire ci-dessus rappelé.

La demande liminaire ainsi formée par la SELARL JSA tendant à l'irrecevabilité desdites conclusions devra donc être rejetée.

II) Sur la péremption d'instance :

Il résulte de l'article 386 du code de procédure civile que « l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans ».

En application de l'article 392 du même code, « l'interruption de l'instance emporte celle du délai de péremption. Ce délai continue à courir en cas de suspension de l'instance sauf si celle-ci n'a lieu que pour un temps ou jusqu'à la survenance d'un événement déterminé ; dans ces derniers cas, un nouveau délai court à compter de l'expiration de ce temps ou de la survenance de cet événement (...) ».

Par ailleurs, selon l'article 378 du même code, « la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine ».

En l'espèce, il est constant que par assignation en date du 22 octobre 2012, la SELARL [M] [R], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la SARL EUREKA DIFFUSION INTERNATIONALE, a assigné Monsieur [F] et Madame [F] devant le tribunal de commerce de Nevers, sollicitant de cette juridiction qu'il soit prononcé à leur encontre une mesure de faillite personnelle ou une interdiction de gérer et qu'ils soient condamnés solidairement à combler tout ou partie de l'insuffisance d'actif de ladite SARL (pièce numéro 92 du dossier de Monsieur [F]).

Par jugement rendu le 28 mai 2014, le tribunal de commerce de Nevers a débouté la SARL EDI de sa demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision devant être prise par la juridiction pénale ensuite de l'instruction en cours devant le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Nevers et dans laquelle Monsieur [F] et Madame [F] avaient été mis en examen (pièce numéro 83 du même dossier).

Par arrêt du 29 janvier 2015, la cour de ce siège a déclaré recevable l'appel formé contre ce jugement, l'a réformé et, statuant à nouveau, a ordonné le sursis à statuer jusqu'à la décision à intervenir à la suite de l'instruction ouverte au tribunal de grande instance de Nevers à l'encontre de Monsieur [F] et de Madame [F]. Cet arrêt a été cassé par la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation le 10 novembre 2016 qui a déclaré irrecevable l'appel formé par Monsieur [F] et Madame [F] contre le jugement rendu le 28 mai 2014 par le tribunal de commerce de Nevers (pièce numéro 86).

Par jugement rendu le 27 mai 2015, le tribunal de commerce de Nevers a « prononcé le sursis à statuer de la présente instance et dit que l'instance sera poursuivie à l'initiative de la partie la plus diligente (...) » (pièce numéro 85 du même dossier).

Le 9 novembre 2017, Maître [M] [R], mandataire judiciaire, a sollicité auprès du greffe du tribunal de commerce de Nevers la réinscription de l'affaire au rôle (pièce numéro 90).

Il convient donc de déterminer si, au sens de l'article 392 du code de procédure civile précité, le jugement rendu le 27 mai 2015 par le tribunal de commerce de Nevers a eu pour effet de suspendre l'instance « pour un temps ou jusqu'à la survenance d'un événement déterminé », auquel cas un nouveau délai de péremption aurait couru à compter de l'expiration de ce temps ou de la survenance de cet événement.

Il doit être rappelé à cet égard que si les motifs d'un jugement n'ont aucune autorité de chose jugée, fussent-ils le soutien nécessaire du dispositif (Cass. Ass. Plen. 13 mars 2009 n°08-16.033), 'il n'est pas interdit au juge d'interpréter au besoin une décision sur les suites de laquelle il est appelé à se prononcer en éclairant par ses motifs la portée de son dispositif',(Civ. 3e, 22 mai 2013, n°12-17.348 et surtout Com. 9 janvier 1990 n°88-14.194 deuxième moyen).

La lecture du jugement rendu le 27 mai 2015 par le tribunal de commerce permet de constater que celui-ci est rédigé dans les termes extrêmement succincts suivants : « (') Motifs de la décision : attendu que l'affaire est saisie au pénal. Attendu que les défendeurs demandent le sursis à statuer jusqu'à l'issue de la procédure au pénal. Par ces motifs : le tribunal de commerce de Nevers, statuant publiquement, par jugement contradictoire, vu les articles 378 et 379 du code de procédure civile, prononce le sursis à statuer de la présente instance et dit que l'instance sera poursuivie à l'initiative de la partie la plus diligente (') ».

Il résulte nécessairement de la courte motivation ainsi adoptée par le tribunal ' faisant référence à la procédure pénale en cours et à l'issue de celle-ci ' qui éclaire la portée du dispositif de la décision, que le tribunal de commerce a entendu surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale engagée à l'encontre de Monsieur [F] et de Madame [F] dans le cadre de l'instruction judiciaire alors en cours, c'est-à-dire jusqu'au prononcé d'une décision soit de non-lieu par le juge d'instruction, soit sur la culpabilité par le tribunal correctionnel de Nevers.

En outre, le dispositif de la décision prescrivait une remise au rôle à l'initiative de la partie la plus diligente, ce qui a été le cas par la demande formée par Me [M] [R].

En conséquence, la décision sur l'action publique prononcée le 9 novembre 2021 par le tribunal correctionnel de Nevers (pièce n°89 du dossier de Monsieur [F]) doit être considérée, au sens de l'article 392 du code de procédure civile précité, comme constituant l'événement déterminé jusqu'à la survenance duquel le sursis à statuer avait été prononcé, et ayant donc pour effet de faire courir un nouveau délai de péremption d'instance d'une durée de 2 ans.

Il en résulte que la péremption d'instance n'était pas acquise lorsque la SELARL JSA ès qualités de liquidateur de la SARL EDI a déposé le 7 mars 2022 ' soit moins de 2 ans après la décision de la juridiction pénale ' des écritures devant le tribunal de commerce pour solliciter le bénéfice des demandes contenues dans son exploit introductif d'instance.

En conséquence, c'est à tort que le premier juge a retenu que la péremption de l'instance était acquise le 9 novembre 2019, et la décision de première instance devra donc être infirmée en l'intégralité de ses dispositions.

III) Sur la faculté d'évocation par la cour :

Selon l'article 568 du code de procédure civile, « lorsque la cour d'appel infirme ou annule un jugement qui a ordonné une mesure d'instruction, ou qui, statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l'instance, elle peut évoquer les points non jugés si elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive, après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d'instruction. L'évocation ne fait pas obstacle à l'application des articles 554,555 et 563 à 567 ».

L'appelante demande à la cour de faire application desdites dispositions en évoquant les points non jugés par le premier juge, en l'occurrence les demandes relatives aux sanctions pécuniaires et personnelles, estimant qu'il est de bonne justice de donner à son action en sanction une solution définitive.

Les intimés s'y opposent, exprimant leur souhait de pouvoir bénéficier du double degré de juridiction.

Il est de principe que la possibilité d'évocation prévue par le texte précité ne constitue qu'une faculté pour la cour, à laquelle il incombe de déterminer, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, s'il est de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive.

Au cas d'espèce, l'enjeu du litige et l'ampleur des sanctions réclamées par l'appelante à l'égard de Monsieur [F] et de Madame [F] empêchent de considérer qu'il serait dans l'intérêt d'une bonne justice de faire obstacle au principe du double degré de juridiction et d'évoquer devant la cour les points non jugés par le premier juge pour y donner une solution définitive.

Il y aura lieu, en conséquence, de dire n'y avoir lieu à évocation et de renvoyer la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Nevers afin qu'il soit statué au fond sur les demandes formées par le mandataire liquidateur.

IV) Sur les autres demandes :

La décision de première instance se trouvant infirmée, les entiers dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge des intimés.

La cour n'exerçant pas, pour les motifs rappelés ci-dessus, sa faculté d'évocation sur le fond du dossier, aucune considération d'équité ne commande à ce stade de la procédure de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

' Déboute la SELARL JSA ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL EUREKA DIFFUSION INTERNATIONALE de sa demande tendant à l'irrecevabilité des prétentions au fond de Madame [F] développées dans les conclusions du 16 février 2024 et des prétentions au fond de Monsieur [F] développées dans les conclusions du 14 février 2024

' Infirme le jugement entrepris

Et, statuant à nouveau,

' Dit que l'instance engagée par la SELARL JSA ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL EUREKA DIFFUSION INTERNATIONALE à l'encontre de Monsieur et Madame [F] n'est pas atteinte par la péremption

Y ajoutant,

' Dit n'y avoir lieu à évocation de l'affaire devant la cour et renvoie en conséquence la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Nevers pour qu'il soit statué sur les demandes du mandataire liquidateur

' Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

' Dit que les entiers dépens de première instance et d'appel seront à la charge de Monsieur et Madame [F].

L'arrêt a été signé par A. TESSIER-FLOHIC, Président, et par S. MAGIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

S. MAGIS A. TESSIER-FLOHIC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23/00738
Date de la décision : 25/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-25;23.00738 ?
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