La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/07/2024 | FRANCE | N°24/00172

France | France, Cour d'appel de Bourges, 1ère chambre, 18 juillet 2024, 24/00172


SM/RP













































































COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

- SELARL ALCIAT-JURIS

- Me Myriam PREPOIGNOT



Expédition TJ



LE : 18 JUILLET 2024

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 18 JUILLET 2024

r>
N° - Pages







N° RG 24/00172 - N° Portalis DBVD-V-B7I-DT5Q



Décision déférée à la Cour :

Ordonnance d'incident du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de NEVERS en date du 15 Février 2024





PARTIES EN CAUSE :



I - S.A.R.L. POUSSEAUX BATIMENT agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège s...

SM/RP

COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

- SELARL ALCIAT-JURIS

- Me Myriam PREPOIGNOT

Expédition TJ

LE : 18 JUILLET 2024

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 18 JUILLET 2024

N° - Pages

N° RG 24/00172 - N° Portalis DBVD-V-B7I-DT5Q

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance d'incident du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de NEVERS en date du 15 Février 2024

PARTIES EN CAUSE :

I - S.A.R.L. POUSSEAUX BATIMENT agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social:

[Adresse 1]

[Localité 3]

N° SIRET : 344 037 098

Représentée et plaidant par la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES

timbre fiscal acquitté

APPELANTE suivant déclaration du 21/02/2024

II - M. [F] [I]

né le 11 Avril 1966 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté et plaidant par Me Myriam PREPOIGNOT, avocat au barreau de NEVERS

timbre fiscal acquitté

INTIMÉ

18 JUILLET 2024

N° /2

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mai 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CIABRINI, Conseillère chargée du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Odile CLEMENT Présidente de Chambre

M. Richard PERINETTI Conseiller

Mme Marie-Madeleine CIABRINI Conseillère

***************

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme SERGEANT

***************

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

**************

EXPOSÉ DES FAITS :

Indiquant que son ancien salarié [F] [I] a édifié une maison d'habitation entre 2014 et 2020 sur un terrain dont il avait fait l'acquisition en 2013 grâce à la main-d''uvre, les matériaux et le matériel qu'elle lui a fournis en raison de relations amicales avec son gérant, la SARL POUSSEAUX BATIMENT a assigné Monsieur [I] par acte du 6 août 2021 devant le tribunal judiciaire de Nevers sur le fondement de l'enrichissement injustifié, sollicitant sa condamnation au paiement de la somme de 113 226,40 € sur le fondement des dispositions de l'article 1303-3 du code civil, correspondant au montant des matériaux et de la main d'oeuvre fournis.

Par conclusions d'incident signifiées le 10 octobre 2023, Monsieur [I] a saisi le juge de la mise en état aux fins de voir déclarer prescrite l'action de la SARL POUSSEAUX BATIMENT.

Par ordonnance d'incident de mise en état en date du 15 février 2024, le juge de la mise en état a :

- Déclaré prescrite l'action sur le fondement de l'enrichissement injustifié de la SARL POUSSEAUX BATIMENT,

- Condamné celle-ci à verser à Monsieur [I] la somme de 2500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Le juge de la mise en état a, en effet, considéré que les travaux de construction avaient cessé d'être pris en charge par la SARL POUSSEAUX le 31 juillet 2016, date à laquelle la dernière facture avec la mention du chantier « Tiphaine » a été établie, qu'il s'agissait d'une « matière commerciale » et qu'en conséquence, le point de départ du délai quinquennal de prescription de l'action pour enrichissement injustifié était le jour de la livraison du produit commandé.

La SARL POUSSEAUX BATIMENT a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 21 février 2024 et demande à la cour, dans ses dernières écritures en date du 27 mai 2024, à la lecture desquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, de :

Vu les articles 1303 et suivants du code civil.

Vu l'article 2224 du code civil

Vu les articles 122,561 et 562 du code de procédure civile

- DEBOUTER Monsieur [I] de sa demande [tendant] à voir prescrite l'action en paiement sur le fondement contractuel

- INFIRMER l'ordonnance du Juge de la Mise en Etat en date du 15 février 2024

Y faisant droit,

- JUGER que l'action pour enrichissement injustifié de la SARL POUSSEAUX BATIMENT n'est pas prescrite

- REJETER la fin de non-recevoir soulevée par Monsieur [I]

- CONDAMNER Monsieur [I] à payer à la SARL POUSSEAUX BATIMENT la somme de 4.000 Euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- STATUER ce que de droit sur les dépens.

[F] [I], intimé, demande pour sa part à la cour, dans ses dernières écritures en date du 24 mai 2024, à la lecture desquelles il est pareillement expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, de :

Vu les moyens de fait et de droit ci-dessus exposés,

Vu l'article 789 du Code de Procédure Civile,

Vu l'article L218-2 du Code de la Consommation,

Vu l'article 2224 du Code Civil,

- DÉCLARER la Société POUSSEAUX BATIMENT irrecevable et mal-fondée en son appel à l'encontre de l'ordonnance rendue sur incident par le Juge de la Mise en Etat près le Tribunal Judiciaire de NEVERS le 15 février 2024,

En conséquence,

- CONFIRMER la décision entreprise en ce qu'elle a jugé que l'action en paiement formée par la société POUSSEAUX BATIMENT à l'encontre de Monsieur [F] [I] est atteinte par la prescription,

- REJETER la pièce numéro 19 en ce qu'elle est particulièrement illisible sur de nombreuses pages

- CONFIRMER la prescription qu'elle agisse sur le fondement contractuel ou sur l'enrichissement injustifié,

En conséquence, déclarer et juger la Société POUSSEAUX BATIMENT irrecevable en son action et la débouter de toutes ses prétentions,

- DÉBOUTER la société POUSSEAUX BATIMENT de son argument tiré de l'existence d'un aveu extrajudiciaire comme étant irrecevable, et plus globalement, la débouter de toutes ses conclusions, fins et prétentions

- CONDAMNER la société POUSSEAUX BATIMENT à porter et payer à Monsieur [F] [I] une indemnité de 2.500 € en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- CONDAMNER la même aux entiers dépens.

SUR QUOI :

Il doit être rappelé, à titre liminaire, qu'en application des articles 561 et 562 du code de procédure civile, « l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel. Il est statué à nouveau en fait et en droit dans les conditions et limites déterminées aux livres premier et deuxième du présent code » et « l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ».

Il résulte de l'assignation délivrée le 6 août 2021 par la société POUSSEAUX BATIMENT que celle-ci a sollicité du tribunal judiciaire de Nevers la condamnation de [F] [I] à lui verser la somme de 113 226,40 €, invoquant un « enrichissement du patrimoine » de celui-ci, un « appauvrissement » de son patrimoine et une corrélation entre ces deux éléments, au visa des « articles 1301-1 et suivants du code civil » (pièce numéro 19 du dossier de l'intimée).

Dans le dispositif de l'ordonnance de mise en état dont appel, le premier juge, saisi de conclusions d'incident émanant de [F] [I], a « déclaré prescrite l'action sur le fondement de l'enrichissement injustifié de la SARL POUSSEAUX BATIMENT » et condamné celle-ci au paiement d'une indemnité au titre des frais irrépétibles.

Dans sa déclaration d'appel en date du 21 février 2024, la société POUSSEAUX BATIMENT a précisé qu'elle critiquait ladite ordonnance « en ce qu'elle a déclaré prescrite l'action de la SARL POUSSEAUX BATIMENT sur le fondement de l'enrichissement injustifié, condamné la SARL POUSSEAUX BATIMENT à payer à [F] [I] la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la SARL POUSSEAUX BATIMENT aux entiers dépens ».

En raison de l'effet dévolutif de cet appel, il appartient à la cour d'infirmer ou de confirmer lesdites dispositions critiquées du premier jugement.

En conséquence, et sauf à méconnaître cet effet dévolutif, la cour ne saurait valablement statuer sur des prétentions qui n'ont pas été soumises à l'appréciation du premier juge.

Dès lors, il n'y a pas lieu de statuer sur les prétentions formées par [F] [I] au titre de la prescription de l'action de la société POUSSEAUX BATIMENT « sur le fondement contractuel » ' lequel n'est pas allégué par l'appelante ' en application des dispositions de l'article L218-2 du code de la consommation.

Selon les articles 1303 et 1303-1 du code civil, « en dehors des cas de gestion d'affaires et de paiement de l'indu, celui qui bénéficie d'un enrichissement injustifié au détriment d'autrui doit, à celui qui s'en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l'enrichissement et de l'appauvrissement » et « l'enrichissement est injustifié lorsqu'il ne procède ni de l'accomplissement d'une obligation par l'appauvri ni de son intention libérale ».

Les articles 1303-2 et 1303-3 du même code disposent qu' « il n'y a pas lieu à indemnisation si l'appauvrissement procède d'un acte accompli par l'appauvri en vue d'un profit personnel. L'indemnisation peut être modérée par le juge si l'appauvrissement procède d'une faute de l'appauvri » et que « l'appauvri n'a pas d'action sur ce fondement lorsqu'une autre action lui est ouverte ou se heurte à un obstacle de droit, tel que la prescription ».

En application de l'article 2224 du code civil, « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».

Il résulte de la combinaison de ces textes, d'une part, que l'action fondée sur l'enrichissement sans cause constitue une action mobilière soumise à la prescription de droit commun (Cass. 1re civ., 29 mai 2019, n° 18-18.376) et, d'autre part, que le point de départ de l'action fondée sur l'enrichissement injustifié est situé au jour où l'appauvri a connu les faits d'appauvrissement et d'enrichissement corrélatif.

Pour établir si l'action exercée par la SARL POUSSEAUX BATIMENT sur le fondement de l'enrichissement injustifié se heurte à la prescription quinquennale précitée, il convient donc de déterminer si celle-ci a connu les faits d'appauvrissement et d'enrichissement corrélatif dans les 5 ans précédant l'assignation introductive d'instance délivrée le 6 août 2021.

À cet égard, l'appelante soutient que son appauvrissement est caractérisé par l'intervention de son gérant dans la réalisation des travaux afférents à la maison d'habitation de [F] [I], par l'approvisionnement des matériaux nécessaires à l'édification de celle-ci ainsi que par le prêt de matériel qui se trouvait encore sur place lorsque la maison a été mise en vente en 2020, pour être finalement vendue par acte notarié du 24 juin 2021.

Elle fait valoir que [F] [I], en dépit de ses engagements, n'a pas réglé l'intervention de la SARL, encaissant le prix de vente de la maison dans son intégralité.

Si [F] [I] ne conteste pas la réalité d'une intervention de la société appelante dans le cadre de l'édification de sa maison d'habitation, il soutient toutefois que la SARL POUSSEAUX BATIMENT n'a participé aux travaux que jusqu'en 2015, avant de s'en désintéresser, de sorte que l'action « se trouve prescrite depuis 2020 ».

L'appelante produit au soutien de ses allégations, en pièce 19 de son dossier, diverses factures, dont certaines s'avèrent peu lisibles comme le soutient à juste titre [F] [I].

Toutefois, il résulte de la facture 0178052 établie par la société SERVET DUCHEMIN le 31 juillet 2016 que diverses fournitures ont été facturées à la SARL POUSSEAUX BATIMENT avec comme références « CHANTIER [I] » et « CHT [I] », ce qui correspond au patronyme de l'intimé.

Il résulte de la mention figurant au bas de cette facture que celle-ci a été acquittée par la SARL POUSSEAUX BATIMENT le 19 septembre 2016.

Un tel règlement correspond, au sens des textes précités, à un appauvrissement de la SARL POUSSEAUX BATIMENT, avec enrichissement corrélatif de [F] [I] qui a bénéficié des matériaux ainsi acquis, et constitue donc le point de départ de la prescription quinquennale applicable à l'action engagée par la société appelante.

Cette dernière disposait donc d'un délai s'achevant 5 ans plus tard, soit le 19 septembre 2021, pour solliciter la condamnation de [F] [I] sur le fondement de son enrichissement injustifié.

L'assignation introductive d'instance ayant été délivrée avant cette date ' soit le 6 août 2021 ' il s'en déduit, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la pertinence du moyen tenant à l'existence éventuelle d'un aveu extrajudiciaire de l'intimé, que l'action de la SARL POUSSEAUX BATIMENT ne se heurte pas à la prescription quinquennale applicable en l'espèce, de sorte qu'il y aura lieu d'infirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état ayant déclaré prescrite l'action de la SARL POUSSEAUX BATIMENT et ayant condamné celle-ci au paiement d'une indemnité au titre des frais irrépétibles. Il appartiendra en conséquence au tribunal judiciaire, statuant au fond, de statuer, au vu des pièces soumises à son appréciation, sur le bien-fondé de l'action engagée par l'appelante sur le fondement des articles 1303 et suivants du code civil.

L'équité commandera par ailleurs d'allouer à la SARL POUSSEAUX BATIMENT une indemnité de 1200 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la présente instance.

Les entiers dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de [F] [I], qui succombe en ses demandes.

PAR CES MOTIFS

La cour

- INFIRME l'ordonnance entreprise

Et, statuant à nouveau

- DIT que l'action pour enrichissement injustifié de la SARL POUSSEAUX BATIMENT n'est pas prescrite

- DÉBOUTE [F] [I] de l'intégralité de ses demandes

- Le CONDAMNE à verser à la SARL POUSSEAUX BATIMENT une indemnité de 1200 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'arrêt a été signé par O. CLEMENT, Président, et par S. MAGIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

S. MAGIS O. CLEMENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24/00172
Date de la décision : 18/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-18;24.00172 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award