La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/07/2024 | FRANCE | N°24/00250

France | France, Cour d'appel de Bourges, Chambre sociale, 12 juillet 2024, 24/00250


SD/CV





N° RG 24/00250

N° Portalis DBVD-V-B7I-DUD7





Décision attaquée :

du 01 mars 2024

Origine :

conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES







--------------------





M. [N] [L]





C/



S..A.S. FIDUCIAL SÉCURITÉ HUMAINE









--------------------





Expéd. - Grosse



Me LIMONDIN 12.7.24



Me FOURCADE 12.7.24





















COUR D'APPEL DE BOURGES



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 12 JUILLET 2024



N° 80 - 6 Pages





APPELANT :



Monsieur [N] [L]

chez Monsieur [Z] [L] - [Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté par Me Gilda LIMONDIN de la SCP ROUAUD, avocate au barreau de BOURGES







INTI...

SD/CV

N° RG 24/00250

N° Portalis DBVD-V-B7I-DUD7

Décision attaquée :

du 01 mars 2024

Origine :

conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES

--------------------

M. [N] [L]

C/

S..A.S. FIDUCIAL SÉCURITÉ HUMAINE

--------------------

Expéd. - Grosse

Me LIMONDIN 12.7.24

Me FOURCADE 12.7.24

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 12 JUILLET 2024

N° 80 - 6 Pages

APPELANT :

Monsieur [N] [L]

chez Monsieur [Z] [L] - [Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Gilda LIMONDIN de la SCP ROUAUD, avocate au barreau de BOURGES

INTIMÉE :

S..A.S. FIDUCIAL SÉCURITÉ HUMAINE

[Adresse 3]

[Localité 4]

Ayant pour avocat postulant Me Antoine FOURCADE de la SELARL ARÈNES AVOCATS CONSEILS, du barreau de BOURGES

Représenté par Me Hugues PELISSIER, substitué par Me Sandrine NAUTIN, de la SCP FROMONT BRIENS, avocat plaidant, du barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Mme VIOCHE, présidente de chambre, rapporteur

en l'absence d'opposition des parties et conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE

Lors du délibéré : Mme VIOCHE, présidente de chambre

Mme de LA CHAISE, présidente de chambre

Mme CHENU, conseillère

Arrêt n° 80 - page 2

12 juillet 2024

DÉBATS : À l'audience publique du 31 mai 2024, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 12 juillet 2024 par mise à disposition au greffe.

ARRÊT : Contradictoire - Prononcé publiquement le 12 juillet 2024 par mise à disposition au greffe.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE :

La SAS Fiducial Sécurité Humaine exploite une activité de surveillance et de gardiennage et employait plus de 11 salariés au moment de la rupture.

Suivant contrat à durée indéterminée en date du 17 juillet 2019 , M. [N] [L] a été engagé par cette société en qualité d'agent de sécurité , statut employé, coefficient 140, moyennant un salaire brut mensuel de 1 546,99 €, contre 35 heures de travail effectif par semaine.

Suivant avenant en date du 1er octobre 2019, les parties ont convenu que M. [L] exercerait les fonctions d'ADS confirmé, coefficient 150, et que sa rémunération serait portée à 1 624,11 euros par mois, contre une durée du travail inchangée.

En dernier lieu, M. [L] percevait un salaire brut mensuel de 1 703 €.

La convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité s'est appliquée à la relation de travail.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 mai 2022, M. [L] a formé une demande de rupture conventionnelle de son contrat de travail auprès de son employeur, qui lui a répondu le 30 août 2022 qu'il n'y était pas favorable.

Par courrier du 4 décembre 2022, M. [L] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la SAS Fiducial Sécurité Humaine, en lui reprochant notamment de l'avoir discriminé par rapport à trois de ses collègues qui auraient obtenu le statut d'agent de maîtrise sans que lui-même puisse en bénéficier en dépit des promesses qui lui auraient été faites lors de son embauche.

Le 29 novembre 2023, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Bourges en sa formation de référé afin d'obtenir, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, que la SAS Fiducial Sécurité Humaine soit condamnée sous astreinte, à lui communiquer ses fiches de poste et les bulletins de salaires et fiches de poste de Mmes [G] [C] et [W] [K], ainsi que tous éléments permettant de justifier, avec le cas échéant occultation des données personnelles à l'exception des noms et prénoms, de leur date d'embauche, du niveau de diplôme, de la classification (avec dates de passage) conventionnelle (position, coefficient) et interne (grade), de la rémunération mensuelle et brute totale cumulée par année civile.

Il réclamait également une indemnité de procédure de 1 000 euros ainsi que la condamnation de l'employeur aux dépens.

La société s'est opposée à ses demandes, notamment en soulevant in limine litis l'incompétence territoriale du conseil de prud'hommes de Bourges, et a réclamé également une somme pour ses frais de procédure ainsi que la condamnation de M. [L] aux entiers dépens.

Arrêt n° 80 - page 3

12 juillet 2024

Par décision du 1er mars 2024 , auquel il est renvoyé pour plus ample exposé, le conseil de prud'hommes, après avoir rejeté dans les motifs de son ordonnance l'exception d'incompétence soulevée par l'employeur, a débouté M. [L] de l'ensemble de ses prétentions et l'employeur de sa demande d'indemnité de procédure, et a condamné le salarié aux entiers dépens.

Le 16 mars 2024, par voie électronique, M. [L] a régulièrement relevé appel de cette décision.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément à leurs conclusions.

1 ) Ceux de M. [L] :

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 27 mai 2024, poursuivant l'infirmation de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et condamné aux entiers dépens, il sollicite que la cour, statuant à nouveau :

- déboute la SAS Fiducial Sécurité Humaine de l'ensemble de ses prétentions,

- le déclare recevable en ses demandes,

- condamne la SAS Fiducial Sécurité Humaine à lui communiquer, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard, ses fiches de poste, les bulletins de salaires et fiches de poste de Mmes [G] [C] et [W] [K], ainsi que tous éléments permettant de justifier, avec le cas échéant occultation des données personnelles à l'exception des noms et prénoms, de leur date d'embauche, du niveau de diplôme, de la classification (avec dates de passage) convention-nelle (position, coefficient) et interne (grade), de la rémunération mensuelle et brute totale cumulée par année civile (en distinguant tous les éléments de rémunération: salaire fixe et part variable, primes de toute nature),

- condamne la SAS Fiducial Sécurité Humaine à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

2 ) Ceux de la SAS Fiducial Sécurité Humaine :

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 12 avril 2024, elle demande à la cour, à titre principal, de confirmer l'ordonnance entreprise et de débouter en conséquence M. [L] de l'ensemble de ses prétentions.

À titre subsidiaire, elle réclame que la cour juge que les demandes de communication de documents formée par M. [L] sont disproportionnées au but recherché et de limiter leur communication aux seuls contrats et avenants contractuels de Mmes [C] et [F], en déboutant M. [L] de ses plus amples demandes.

En tout état de cause, elle sollicite que M. [L] soit débouté de sa demande d'astreinte et condamné à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution

Arrêt n° 80 - page 4

12 juillet 2024

d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

En l'espèce, M. [L] expose que l'employeur lui a indiqué, lors de son embauche, qu'il obtiendrait rapidement le statut d'agent de maîtrise mais n'a pas tenu sa promesse de sorte qu'il est resté agent de sécurité alors que dans le même temps, ses deux collègues, Mmes [W] [K] et [G] [C], pourtant moins qualifiées que lui, ont été promues chef de poste. Il ajoute qu'il n'a jamais, durant la relation de travail, été rémunéré conformément à son niveau de qualification ni aux tâches accomplies.

S'estimant victime d'une discrimination, il précise qu'il a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur, le manquement de celui-ci rendant impossible la poursuite de la relation contractuelle, et qu'il a saisi le conseil de prud'hommes au fond afin de faire produire à la rupture les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

ll réclame ainsi qu'il soit ordonné à la SAS Fiducial Securité Humaine de produire des pièces destinées à être produites dans l'instance au fond parallèlement engagée devant le conseil de prud'hommes saisi au principal.

Il reproche aux premiers juges d'avoir dit que sa demande était irrecevable au motif que l'article 145 du code de procédure civile serait inapplicable lorsqu'une instance a été introduite au fond.

Ainsi qu'il le soutient, il est constant que l'absence d'instance au fond, qui constitue une condition de recevabilité d'une demande de mesure d'instruction in futurum, s'apprécie à la date de saisine du juge des référés.

Or, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes en sa formation de référé le 29 novembre 2023, date à laquelle aucune instance au fond n'était encore engagée puisque celle-ci ne l'a été que le 4 décembre 2023. Il en résulte qu'en l'absence d'instance au fond à la date à laquelle le salarié a saisi le conseil de prud'hommes en sa formation de référé, sa demande de production de pièces est recevable contrairement à ce qu'a retenu celui-ci.

Par ailleurs, l'employeur, qui conteste avoir jamais promis à M. [L] un statut d'agent de maîtrise, s'oppose à la demande en objectant que la mesure d'instruction sollicitée doit être, en application du texte précité, légalement admissible et donc limitée et proportionnée au but poursuivi. Il fait également valoir que le salarié ne produit aucun élément objectif démontrant la possibilité des faits dont il prétend avoir été victime et que dès lors, la preuve d'un intérêt légitime n'est pas rapportée.

Or, c'est inexactement que le conseil de prud'hommes a jugé que la procédure prévue par l'article 145 du code de procédure civile doit être écartée en matière de discrimination au motif que les textes prévoient en cette matière un mécanisme probatoire spécifique résultant des dispositions de l'article L. 1134-1 du code du travail (Soc. 22 sept. 2021, n° 19-26.144).

En outre, il résulte de l' article 6-1de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que le droit à la preuve peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle à la condition que cette production soit nécessaire à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi. Pour pouvoir présenter des éléments à l'appui d'une éventuelle discrimination, M. [L] a besoin d'éléments d'information factuels lui permettant d'établir une comparaison avec d'autres salariés placés dans une situation semblable.

Arrêt n° 80 - page 5

12 juillet 2024

Dès lors, sa demande de voir produire ses fiches de poste et celles de ses deux collègues, accompagnées de leurs bulletins de salaire, n'est pas disproportionnée par rapport au but poursuivi, qui est la preuve de la discrimination alléguée, et il en est de même s'agissant des précisions réclamées quand aux dates d'embauche, du niveau de diplôme, de la classification conventionnelle, de la rémunération mensuelle et brute totale cumulée par année civile, avec distinction de tous les éléments de rémunération, tels que salaire fixe et part variable, primes de toute nature.

Ces éléments, relevant de la vie privée de Mmes [W] [K] et [G] [C] sans cependant que cette considération puisse faire obstacle à l'application de l'article 145 du code de procédure civile, sont nécessaires à M. [L] pour pouvoir le cas échéant présenter devant le juge du fond les éléments laissant présumer qu'il a subi une discrimination.

La mesure d'instruction sollicitée a par ailleurs pour but d'obtenir la communication de documents nécessaires à la protection de ses droits, dont seul l'employeur, s'agissant notamment de bulletins de salaire de deux de ses collègues, dispose et qu'il refuse de communiquer. L'appelant, qui a invoqué une discrimination salariale dans son courrier de prise d'acte ce que l'employeur a contesté dans un courrier du 20 avril 2023, versé aux débats, justifie donc bien d'un motif légitime à réclamer une telle mesure, qui lui permettra de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits de discrimination et de harcèlement qu'il invoque pour faire produire à sa prise d'acte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La production de ces éléments lui est enfin utile sans qu'il ait à démontrer la réalité de ses allégations relatives à la discrimination invoquée, l'employeur, qui prétend que le salarié confond discrimination et inégalité de traitement, se contentant d'alléguer que Mmes [W] [K] et [G] [C] n'étaient pas placées dans une situation équivalente, et de mettre en avant que M. [L] a obtenu une promotion à compter du 1er octobre 2019.

Enfin, il est acquis que les dispositions de l'article 146 alinéa 2 du code de procédure civile, dont se prévaut la SAS Fiducial Securité Humaine, et qui prévoient qu'aucune mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence des parties dans l'administration de la preuve, sont inapplicables, la mesure d'instruction étant réclamée sans examen du fond de l'affaire.

Il résulte de ces considérations que l'ordonnance déférée mérite infirmation, la cour ordonnant la communication de documents dans les termes du dispositif sans qu'il soit utile de prononcer une astreinte, M. [L] ne justifiant pas de circonstances de nature à compromettre la bonne exécution de la présence décision.

La SAS Fiducial Securité Humaine succombant sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée en conséquence de sa demande d'indemnité de procédure. En équité, elle sera condamnée à payer à M. [L] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition du greffe :

INFIRME l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

STATUANT À NOUVEAU DES CHEFS INFIRMÉS :

Arrêt n° 80 - page 6

12 juillet 2024

REÇOIT la demande de mesure d'instruction in futurum formée par M. [N] [L] ;

CONDAMNE la SAS Fiducial Sécurité Humaine à communiquer à M. [N] [L], dans le délai d'un mois suivant la signification de l'arrêt, ses fiches de poste, les bulletins de salaires et fiches de poste de Mmes [G] [C] et [W] [K], ainsi que tous éléments permettant de justifier, avec le cas échéant occultation des données personnelles à l'exception des noms et prénoms, de leur date d'embauche, du niveau de diplôme, de la classification (avec dates de passage) conventionnelle (position, coefficient) et interne (grade), de la rémunération mensuelle et brute totale cumulée par année civile (en distinguant tous les éléments de rémunération : salaire fixe et part variable, primes de toute nature), mais DIT n'y avoir lieu à astreinte ;

CONDAMNE la SAS Fiducial Sécurité Humaine à payer à M. [L] la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS Fiducial Sécurité Humaine aux dépens de première instance et d'appel et la déboute en conséquence de sa demande d'indemnité de procédure.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

S. DELPLACE C. VIOCHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 24/00250
Date de la décision : 12/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-12;24.00250 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award