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12/07/2024 | FRANCE | N°23/00746

France | France, Cour d'appel de Bourges, Chambre sociale, 12 juillet 2024, 23/00746


SD/CV





N° RG 23/00746

N° Portalis DBVD-V-B7H-DSKN





Décision attaquée :

du 27 juin 2023

Origine :

conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES







--------------------





CGEA [Localité 4]





C/



Mme [W] [P]



Me [T] [V], de la SELAFA MJA, mandataire liquidateur de la SAS AKAD CONSULTING







--------------------







Expéd. - Grosse



Me AGIN 12.7

.24



Me BIGOT 12.7.24



Me [V] 12.7.24





















COUR D'APPEL DE BOURGES



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 12 JUILLET 2024



N° 79 - 9 Pages





APPELANT :



CGEA [Localité 4]

[Adresse 2]



Ayant pour avocate Me Garance AGIN de la SELARL AGI...

SD/CV

N° RG 23/00746

N° Portalis DBVD-V-B7H-DSKN

Décision attaquée :

du 27 juin 2023

Origine :

conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES

--------------------

CGEA [Localité 4]

C/

Mme [W] [P]

Me [T] [V], de la SELAFA MJA, mandataire liquidateur de la SAS AKAD CONSULTING

--------------------

Expéd. - Grosse

Me AGIN 12.7.24

Me BIGOT 12.7.24

Me [V] 12.7.24

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 12 JUILLET 2024

N° 79 - 9 Pages

APPELANT :

CGEA [Localité 4]

[Adresse 2]

Ayant pour avocate Me Garance AGIN de la SELARL AGIN-PREPOIGNOT, du barreau de NEVERS

INTIMÉS :

Madame [W] [P]

[Adresse 3]

Représentée par Me Marie-Pierre BIGOT, substituée par Me Angélina MONICAULT de la SCP AVOCATS BUSINESS CONSEILS, avocates au barreau de BOURGES

Maître [T] [V], de la SELAFA MJA, mandataire liquidateur de la SAS AKAD CONSULTING

[Adresse 1]

Non représenté

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Mme VIOCHE, Présidente de chambre

en l'absence d'opposition des parties et conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE

Arrêt n° 79 - page 2

12 juillet 2024

Lors du délibéré : Mme VIOCHE, présidente de chambre

Mme de LA CHAISE, présidente de chambre

Mme CHENU, conseillère

DÉBATS : À l'audience publique du 31 mai 2024, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 12 juillet 2024 par mise à disposition au greffe.

ARRÊT : Réputé contradictoire - Prononcé publiquement le 12 juillet 2024 par mise à disposition au greffe.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE :

La SAS Akad Consulting, dont le gérant était M. [U] [X] avant qu'il ne cède ses parts à M. [R] [Y], avait pour activité le conseil en systèmes et logiciels informatiques et employait moins de 11 salariés, en l'occurrence 4 salariés et un apprenti.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 25 juin 2018, Mme [W] [P] a été engagée par cette société en qualité de développeuse et assistante technique de projet, statut ETAM, 1.4.2, moyennant un salaire brut mensuel de 1 592,54 euros contre 35 heures de travail effectif par semaine.

Suivant avenant en date du 20 mai 2021, la durée du travail de Mme [P] a été ramenée à 28 heures par semaine à compter du 10 mai précédent, et sa rémunération brute mensuelle portée à 1 618,50 euros.

Le 22 novembre 2022, invoquant l'absence de paiement de ses salaires depuis le mois de janvier 2022, Mme [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Bourges, section activités diverses, en résiliation judiciaire de son contrat de travail et paiement de diverses sommes.

L'Association Unedic Délégation AGS-CGEA [Localité 4] s'est opposée à ses demandes, en réclamant à titre principal que Mme [P] en soit déboutée et à titre subsidiaire, que le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse susceptible de lui être alloué soit minoré.

Par jugement du 11 janvier 2023, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SAS Akad Consulting et a désigné la Selafa MJA, prise en la personne de Me [T] [V], en qualité de mandataire judiciaire.

Le 26 janvier 2023, la Selafa MJA, ès qualités, a notifié à Mme [P] son licenciement pour motif économique.

Par jugement du 27 juin 2023, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé, le conseil de prud'hommes, prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [P] aux torts de l'employeur avec effet à la date du 26 janvier 2023, a fixé comme suit sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Akad Consulting :

- 16 185 euros brut à titre de rappel de salaire de janvier à octobre 2022, outre 1 618,50 euros brut au titre des congés payés afférents,

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- 4 594,45 euros brut à titre de rappel de salaire des mois de novembre 2022 à janvier 2023, outre 459,44 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 2 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour défaut de paiement des salaires,

- 1 856,94 euros net à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 3 237 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 323,70 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 3 364,20 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- 8 090 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 9 708 euros net à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 4 000 euros net à à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat,

- 700 euros à titre d'indemnité de procédure,

- les entiers dépens de l'instance.

Il a également :

- dit que ces sommes seraient incorporées par la Selafa MJA, prise en la personne de Me [V], ès qualités, à l'état des créances salariales de la procédure collective,

- ordonné à la Selafa MJA, prise en la personne de Me [V], ès qualités, de remettre à Mme [P] les bulletins de salaire de juillet 2021 à janvier 2023, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail,

- débouté Mme [P] de ses autres prétentions,

- déclaré la décision opposable au CGEA d'[Localité 4] dans les limites de sa garantie, en rappelant que les dépens et les sommes allouées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sont exclues de celle-ci.

Par ordonnance à effet du 1er juillet 2023, le président du tribunal de commerce de Bobigny a désigné la Selarl Asteren, prise en la personne de Me [T] [V], en remplacement de la Selafa MJA.

Le 25 juillet 2023, par voie électronique, l'Association Unedic Délégation AGS-CGEA d'[Localité 4] a régulièrement relevé appel de la décision prud'homale en toutes ses dispositions.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément à leurs conclusions.

1 ) Ceux de l'Association Unedic Délégation AGS-CGEA d'[Localité 4] :

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 19 octobre 2023, poursuivant l'infirmation du jugement dont appel, elle demande à la cour de débouter Mme [P] de sa demande de rappel de salaire et de dommages et intérêts pour non-versement des salaires ou à tout le moins, de minorer le quantum des dommages et intérêts, de minorer également celui des dommages et intérêts susceptibles d'être alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de débouter l'intimée de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.

Elle sollicite également qu'il soit dit que l'arrêt lui sera opposable dans les limites de sa garantie, à l'exclusion notamment de la réparation d'un préjudice financier ou moral, de la remise de documents avec ou sans astreinte.

2 ) Ceux de Mme [P] :

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Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 12 janvier 2024, elle demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a notamment fixé sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Akad Consulting à la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat et à 700 euros à titre d'indemnité de procédure, et statuant à nouveau de ces seuls chefs, de fixer en conséquence sa créance comme suit :

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat,

- 1 500 euros à titre d'indemnité de procédure.

Elle réclame également qu'il soit ordonné à la Selafa MJA, ès qualités, sous astreinte, de lui remettre un bulletin de salaire, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte, et une attestation Pôle emploi conformes, que l'arrêt soit rendu opposable au CGEA, que la somme de 2 000 euros soit fixée au passif de la liquidation judiciaire de la Société Akad Consulting au titre de ses frais irrépétibles d'appel et que la Selarl Asteren, ès qualités, soit condamnée aux entiers dépens.

La Selarl Asteren, prise en la personne de Me [T] [V], ne s'est pas fait représenter.

* * * * * *

La clôture de la procédure est intervenue le 24 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1) Sur les demandes de fixation de sommes au titre d'un rappel de salaire et congés payés afférents ainsi que de dommages et intérêts pour le retard dans le paiement des salaires :

L'article L. 3242-1 du code du travail dispose que le paiement de la rémunération au salarié s'effectue une fois par mois.

Il est par ailleurs acquis qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de son paiement.

En l'espèce, Mme [P] prétend que la SAS Akad Consulting ne lui a plus payé ses salaires à compter du mois de janvier 2022, ce alors qu'elle s'est maintenue à sa disposition, et que la somme de 16 185 euros lui reste donc due, outre les congés payés afférents, pour la période de janvier à octobre 2022 ainsi que celle de 4 594,45 euros, outre les congés payés afférents, pour la période du 1er novembre 2022 au 26 janvier 2023, date à laquelle elle a été licenciée.

L'association Unedic Délégation AGS-CGEA d'[Localité 4] s'oppose à cette prétention, en faisant valoir que la salariée n'a pas saisi le conseil de prud'hommes en référé pour obtenir paiement de ses salaires. Par ailleurs, elle s'interroge sur le fait que la salariée se soit vraiment tenue à la disposition de son employeur et sur ses moyens de subsistance pendant cette période.

Cependant, ainsi que l'avance Mme [P], la saisine du juge prud'homal en référé en paiement des salaires est seulement une faculté avant une action au fond et d'autre part, il est constant qu'il appartient à l'employeur qui veut s'exonérer de son obligation de payer les salaires de démontrer que son salarié ne s'est pas tenu à sa disposition. Le représentant de la SAS Akad Consulting ne s'étant pas fait représenter ne l'allègue ni a fortiori ne le démontre, ni ne produit

le moindre élément pour établir que les salaires réclamés ont été payés. Dès lors, c'est exactement que le conseil de prud'hommes a fixé la créance de Mme [P] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Akad Consulting à la somme de 20 779,45 euros au titre des

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salaires dus pour la période allant du 1er janvier 2022 au 26 janvier 2023, outre les congés payés afférents. Le jugement est donc confirmé de ce chef.

Par ailleurs, le CGEA réclame que la cour déboute Mme [P] de sa demande de fixation d'une somme de 2 000 euros au titre du retard survenu dans le paiement de ses salaires, en arguant de l'absence de démonstration d'un préjudice. La salariée réplique qu'elle a nécessairement subi un préjudice au moins moral puisqu'elle s'est retrouvée sans revenus alors qu'elle continuait à exercer son activité.

Cependant, dans les obligations qui se bornent au paiement de sommes au salarié, l'octroi de dommages et intérêts en plus du paiement des sommes dues est subordonné, en application de l'article 1153 du code civil, à la mauvaise foi du débiteur et à l'existence d'un préjudice distinct du retard.

Par ailleurs, contrairement à ce qu'elle prétend, depuis l'abandon de la jurisprudence sur le préjudice nécessaire par un arrêt de principe du 13 avril 2016, la Cour de cassation a jugé qu'il appartenait au salarié de démontrer le préjudice qu'il invoque, et n'a pas dit que le retard ou le défaut de paiement des salaires justifiait de faire exception à cette règle.

La SAS Akad Consulting s'est trouvée en cessation des paiements à la date du 17 juin 2022 ce qui, en l'absence de tout autre élément, justifie de ne pas écarter sa bonne foi, qui reste présumée, et à défaut pour Mme [P] de justifier d'un préjudice distinct du simple retard dans le paiement de ses salaires, elle doit être déboutée de cette demande. Le jugement est donc infirmé en ce qu'il a accueilli sa réclamation de ce chef à hauteur de 2000 euros.

2) Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et les demandes financières subséquentes :

Le salarié est fondé à obtenir la résiliation judiciaire du contrat de travail s'il établit à l'encontre de son employeur des manquements suffisamment graves empêchant la poursuite de la relation contractuelle.

La résiliation judiciaire prononcée aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse.

Il résulte des articles 1224 et 1227 du code civil qu'en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date et que le salarié est toujours au service de l'employeur. Lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement, ou au jour à partir duquel le salarié a cessé de se tenir à la disposition de l'employeur.

À l'appui de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, Mme [P] invoque le non-paiement de ses salaires à compter du mois de janvier 2022 et jusqu'à son licenciement, ainsi que l'absence de versement par l'employeur des cotisations dues aux organismes sociaux à compter du mois de juillet 2021.

Ces éléments de fait, qui ne sont pas contestés par le CGEA, constituent des manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles suffisamment graves pour justifier la résiliation aux torts de ce dernier du contrat de travail de Mme [P], produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse .

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Dès lors, l'intimée a droit aux indemnités de rupture (indemnité compensatrice de préavis et indemnité de licenciement) ainsi qu'à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Mme [P] ayant une ancienneté supérieure à deux ans, elle a droit à un préavis de deux mois conformément aux dispositions légales et conventionnelles. C'est donc exactement que le conseil de prud'hommes a fixé sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Akad Consulting à la somme de 3 237 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 323,70 euros brut au titre des congés payés afférents.

En outre, au regard du montant du salaire des trois derniers mois (1 618,50 euros) et de son ancienneté (4 ans et 215 jours), elle est fondée, selon son calcul non discuté, à réclamer la somme de 1 856,84 euros net au titre de l'indemnité légale de licenciement.

Aux termes de l'article L. 1235-3 alinéa 3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, dans une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés, le juge octroie au salarié, en l'absence de réintégration, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre 1 et 5 mois de salaire brut pour un salarié ayant 4 années complètes d'ancienneté, comme c'est le cas de Mme [P].

Au regard des pièces et explications fournies, et compte tenu notamment des circonstances de la rupture du contrat de travail, du montant de la rémunération de la salariée déjà rappelée, de son âge lors de la rupture (28 ans) et en l'absence d'élément sur sa situation professionnelle depuis celle-ci ou sur ses recherches d'emploi, l'allocation de la somme de 3 000 euros apparaît suffisante pour réparer le préjudice moral et financier résultant de la perte injustifiée de son emploi. Cette somme sera accordée en brut, dès lors que l'article précité prévoit que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est calculée sur la base du salaire brut. Le jugement déféré est donc infirmé de ce chef.

Enfin, il résulte des articles L. 3141-28 et L. 3141-29 du code du travail que le salarié dont le contrat de travail est résilié avant qu'il ait bénéficié de la totalité du congé auquel il avait droit doit recevoir une indemnité compensatrice de congés. Le CGEA ne discutant pas que Mme [P] avait acquis au 26 janvier 2023 35,5 jours ouvrables de congés payés qu'elle n'a pas pris, il convient, au regard de ses explications et des mentions qui figurent sur les bulletins de salaire produits, de confirmer la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'il a fixé sa créance de ce chef à la somme de 3 364,20 euros.

3) Sur la demande de fixation d'une somme au titre de l'indemnité pour travail dissimulé :

Aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur ces derniers un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux

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cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

La dissimulation d'emploi salarié prévue par le dernier alinéa de l'article L. 8221-5 du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures inférieur à celui réellement effectué.

En l'espèce, le CGEA fait grief au jugement d'avoir fait droit, sans motivation spécifique, à la demande en paiement de Mme [P] d'une indemnité pour travail dissimulé alors que l'intention dissimulatrice de l'employeur ne se trouverait pas démontrée. La salariée réplique que le travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié est caractérisé dès lors que l'employeur n'a pas remis de bulletin de paie à un collaborateur, ce qui était son cas depuis plusieurs mois lors de la rupture de son contrat de travail. Elle ajoute que la SAS Akad Consulting ne réglait plus non plus les cotisations dues aux organismes sociaux et que de toute façon, les exactions de M. [X] caractérisent l'élément moral.

La dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L. 8221-5 alinéa 2 du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures inférieur à celui réellement effectué.

Or, ainsi qu'il a été dit précédemment, la SAS Akad Consulting s'est trouvée en cessation de paiement le 17 juin 2022, ce qui explique que confrontée à des difficultés financières, elle n'ait plus payé les salaires ni les cotisations dues aux organismes sociaux, ni délivré de bulletins de salaire. Son intention dissimulatrice ne peut donc être retenue, d'autant qu'aucune pièce ne démontre que M. [X] ait commis des infractions pénales en lien avec sa qualité de gérant de la société, de sorte que par infirmation du jugement déféré, aucune somme ne sera fixée de ce chef au passif de la liquidation judiciaire de celle-ci.

4) Sur la demande de fixation d'une somme à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat :

En vertu de l'article L. 1234-19 du code du travail, à l'expiration du contrat de travail l'employeur délivre un certificat de travail.

Aux termes de l'article R. 1234-9 alinéa 1 du code du travail, l'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi.

L'obligation de remettre un certificat de travail et une attestation Pôle emploi pesant sur l'employeur est quérable.

Il appartient au salarié de démontrer qu'il s'est heurté à une inertie ou un refus de son employeur et de justifier de l'existence d'un préjudice.

En l'espèce, Mme [P] a obtenu des premiers juges la somme de 4 000 euros en réparation du préjudice résultant de la remise tardive de ses documents de fin de contrat. Elle fait valoir à cet égard que le mandataire liquidateur, lors de l'audience devant le juge prud'homal, ne lui avait toujours pas remis ses documents de fin de contrat de sorte qu'elle ne pouvait pas recevoir d'indemnités de chômage. Elle ajoute que ce retard lui a causé un préjudice évident et ce d'autant que le CGEA a refusé de lui régler ses indemnités de rupture et ses arriérés de salaire au motif du litige prud'homal en cours alors que l'indemnité de licenciement, pour le moins, était due quelle que soit l'issue de celui-ci.

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Mme [P] a été licenciée le 26 janvier 2023.

Il résulte de sa pièce 6 que par mail du 22 mars 2023, la Selafa MJA a indiqué au conseil de Mme [P] qu'elle avait fourni au mandataire liquidateur un dossier incomplet puisqu'il manquait les bulletins de salaire de juillet à décembre 2020 de sorte que ses arriérés de salaire ne pouvaient être régularisés. Le conseil de la salariée réclamait certes ses documents de fin de contrat depuis un mail du 8 mars 2023, en déplorant un délai de réponse trop long de la part du mandataire liquidateur, mais il n'est produit strictement aucun élément démontrant qu'elle s'est trouvée sans ressources ou a perçu avec retard ses indemnités de chômage, et qu'elle a donc subi un préjudice.

Dès lors, sa demande indemnitaire ne peut prospérer, si bien que le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a fixé de ce chef au passif de la liquidation judiciaire de la société Akad Consulting la somme précitée.

5) Sur les autres demandes, les dépens et les frais irrépétibles :

Compte tenu de ce qui précède, le jugement est confirmé en ce qu'il a ordonné au mandataire liquidateur de remettre à la salariée des bulletins de salaire de juillet 2021 à janvier 2023, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi, sans qu'il soit cependant nécessaire de prévoir une astreinte.

La présente décision est opposable au CGEA d'[Localité 4], dans les limites prévues aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, et les plafonds prévus aux articles L. 3253-17 et D. 3252-5 du code du travail

Le CGEA ne garantissant pas les sommes qui seraient allouées en application de l'article 700 du code de procédure civile, il y a lieu d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société la somme de 700 euros sur ce fondement et de débouter la salariée de la demande qu'elle forme au titre des frais irrépétibles engagés devant la cour.

La Selarl Asteren, prise en la personne de Me [T] [V], ès qualités, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition du greffe :

CONFIRME le jugement déféré SAUF en ce qu'il a notamment fixé la créance de Mme [W] [P] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Akad Consulting aux sommes de 2 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour absence de paiement des salaires, de 8 090 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 4 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat et de 9 708 euros net à titre d'indemnité pour travail dissimulé, ainsi qu'en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ;

STATUANT À NOUVEAU DES CHEFS INFIRMÉS et AJOUTANT :

FIXE la créance de Mme [W] [P] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Akad Consulting, outre les sommes qui ont fait l'objet d'une confirmation, à la somme de 3 000 € brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Arrêt n° 79 - page 9

12 juillet 2024

DÉBOUTE Mme [W] [P] de ses demandes tendant à la fixation de sommes à titre d'indemnité pour travail dissimulé, dommages et intérêts pour absence de paiement des salaires ainsi que pour remise tardive des documents de fin de contrat et d'indemnité de procédure ;

DÉCLARE la présente décision opposable au CGEA d'[Localité 4], dans les limites prévues aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, et les plafonds prévus aux articles

L. 3253-17 et D. 3252-5 du code du travail ;

CONDAMNE la Selarl Asteren, prise en la personne de Me [T] [V], ès qualités, aux dépens de première instance et d'appel.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

S. DELPLACE C. VIOCHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00746
Date de la décision : 12/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-12;23.00746 ?
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