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12/07/2024 | FRANCE | N°23/00744

France | France, Cour d'appel de Bourges, Chambre sociale, 12 juillet 2024, 23/00744


SD/CV





N° RG 23/00744

N° Portalis DBVD-V-B7H-DSKJ





Décision attaquée :

du 27 juin 2023

Origine :

conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES







--------------------





CGEA ILE DE FRANCE EST





C/



Mme [F] [B] [D]



Me [C] [R], de la SELAFA MJA, mandataire liquidateur de la SAS AKAD CONSULTING



--------------------





Expéd. - Grosse



Me AGIN 12.7.24


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Me [R] 12.7.24



















COUR D'APPEL DE BOURGES



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 12 JUILLET 2024



N° 77 - 10 Pages





APPELANT :



CGEA ILE DE FRANCE EST

[Adresse 3]



Ayant pour avocate Me Garance AGIN de la SEL...

SD/CV

N° RG 23/00744

N° Portalis DBVD-V-B7H-DSKJ

Décision attaquée :

du 27 juin 2023

Origine :

conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES

--------------------

CGEA ILE DE FRANCE EST

C/

Mme [F] [B] [D]

Me [C] [R], de la SELAFA MJA, mandataire liquidateur de la SAS AKAD CONSULTING

--------------------

Expéd. - Grosse

Me AGIN 12.7.24

Me BIGOT 12.7.24

Me [R] 12.7.24

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 12 JUILLET 2024

N° 77 - 10 Pages

APPELANT :

CGEA ILE DE FRANCE EST

[Adresse 3]

Ayant pour avocate Me Garance AGIN de la SELARL AGIN-PREPOIGNOT, du barreau de NEVERS

INTIMÉS :

Madame [F] [B] [D]

[Adresse 1]

Représentée par Me Marie-Pierre BIGOT, substituée par Me Angélina MONICAULT de la SCP AVOCATS BUSINESS CONSEILS, avocates au barreau de BOURGES

Maître [C] [R], de la SELAFA MJA, mandataire liquidateur de la SAS AKAD CONSULTING

[Adresse 2]

Non représenté

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Mme VIOCHE, présidente de chambre, rapporteur

en l'absence d'opposition des parties et conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE

Arrêt n° 77 - page 2

12 juillet 2024

Lors du délibéré : Mme VIOCHE, présidente de chambre

Mme de LA CHAISE, présidente de chambre

Mme CHENU, conseillère

DÉBATS : À l'audience publique du 31 mai 2024, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 12 juillet 2024 par mise à disposition au greffe.

ARRÊT : Réputé contradictoire - Prononcé publiquement le 12 juillet 2024 par mise à disposition au greffe.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE :

La SAS Akad Consulting, dont le gérant était M. [L] [B] [D] avant qu'il ne cède ses parts à M. [I] [H], avait pour activité le conseil en systèmes et logiciels informatiques et employait moins de 11 salariés, en l'occurrence 4 salariés et un apprenti.

Le 22 novembre 2022, se prévalant d'un contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er mars 2018 et invoquant l'absence de paiement de ses salaires depuis le mois de juillet 2022, Mme [F] [B] [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Bourges, section activités diverses, en résiliation judiciaire de son contrat de travail et paiement de diverses sommes.

L'Association Unedic Délégation AGS-CGEA Ile de France Est s'est opposée à ses demandes, en réclamant à titre principal que Mme [B] [D] en soit déboutée et à titre subsidiaire, que le montant des dommages et intérêts susceptible de lui être alloué soit minoré.

Par jugement du 11 janvier 2023, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SAS Akad Consulting et a désigné la Selafa MJA, prise en la personne de Me [T] [R], en qualité de mandataire judiciaire.

Le 26 janvier 2023, la Selafa MJA, ès qualités, a notifié à Mme [B] [D] son licenciement pour motif économique.

Par jugement du 27 juin 2023, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé, le conseil de prud'hommes, prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [B] [D] aux torts de l'employeur avec effet à la date du 26 janvier 2023, a fixé comme suit sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Akad Consulting :

- 6 412,60 euros brut à titre de rappel de salaire de juillet à octobre 2022, outre 641,26 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 4 550,88 euros brut à titre de rappel de salaire des mois de novembre 2022 à janvier 2023, outre 455,09 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 2 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour défaut de paiement des salaires,

- 1 966,60 euros net à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 3 206,30 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 320,63 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 3 913,34 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- 8 075,15 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Arrêt n° 77 - page 3

12 juillet 2024

- 9 618,90 euros net à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 10 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat,

- 4 000 euros net à à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat,

- 700 euros à titre d'indemnité de procédure,

- les entiers dépens de l'instance.

Il a également :

- dit que ces sommes seraient incorporées par la Selafa MJA, prise en la personne de Me [R], ès qualités, à l'état des créances salariales de la procédure collective,

- ordonné à la Selafa MJA, prise en la personne de Me [R], ès qualités, de remettre à Mme [B] [D] les bulletins de salaire de juillet 2021 à janvier 2023, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail,

-débouté Mme [B] [D] de ses autres prétentions,

- déclaré la décision opposable au CGEA d'Ile de France Est dans les limites de sa garantie, en rappelant que les dépens et les sommes allouées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sont exclues de celle-ci.

Par ordonnance à effet du 1er juillet 2023, le président du tribunal de commerce de Bobigny a désigné la Selarl Asteren, prise en la personne de Me [T] [R], en remplacement de la Selafa MJA.

Le 25 juillet 2023, par voie électronique, l'Association Unedic Délégation AGS-CGEA d'Ile de France Est a régulièrement relevé appel de la décision prud'homale en toutes ses dispositions.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément à leurs conclusions.

1 ) Ceux de l'Association Unedic Délégation AGS-CGEA d'Ile de France Est :

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 19 octobre 2023, poursuivant l'infirmation du jugement dont appel, elle soulève in limine litis l'irrecevabilité des demandes de Mme [B] [D] en l'absence de lien de subordination entre elle et la SAS Akad Consulting et en conséquence sa mise hors de cause.

Subsidiairement, elle demande à la cour de juger que Mme [B] [D] a été remplie de ses droits, de la débouter de sa demande de dommages et intérêts pour non-versement des salaires ou d'en minorer considérablement le quantum, de minorer également celui des dommages et intérêts susceptibles d'être alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de débouter l'intimée de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.

Elle sollicite également qu'il soit dit que l'arrêt lui sera opposable dans les limites de sa garantie, à l'exclusion notamment de la réparation d'un préjudice financier ou moral, de la remise de documents avec ou sans astreinte.

2 ) Ceux de Mme [B] [D] :

Arrêt n° 77 - page 4

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Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 12 janvier 2024, elle demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a notamment fixé sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Akad Consulting aux sommes de 10 000 euros et 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat et à 700 euros à titre d'indemnité de procédure, et statuant à nouveau de ces seuls chefs, de fixer en conséquence sa créance comme suit :

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat,

- 1 500 euros à titre d'indemnité de procédure.

Elle réclame également que le CGEA soit débouté de toutes ses demandes, que la somme de 2 000 euros soit fixée au passif de la liquidation judiciaire de la Société Akad Consulting au titre de ses frais irrépétibles d'appel et que la Selarl Asteren, ès qualités, soit condamnée aux entiers dépens.

La Selarl Asteren, prise en la personne de Me [T] [R], ne s'est pas fait représenter.

* * * * * *

La clôture de la procédure est intervenue le 24 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1) Sur l'existence d'un contrat de travail :

Le contrat de travail est une convention par laquelle une personne s'engage à travailler pour le compte d'une autre et sous sa subordination moyennant rémunération.

L'existence de relations de travail ne dépend, ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

C'est à la partie qui invoque l'existence d'une relation salariale d'apporter la preuve du contrat de travail.

En l'espèce, l'association Unedic Délégation AGS-CGEA d'Ile de France Est fait grief aux premiers juges d'avoir fixé la créance de Mme [B] [D] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Akad Consulting sans statuer sur la recevabilité de ses demandes alors qu'étant l'épouse du président de l'entreprise, aucun lien de subordination n'a pu exister entre elle et la SAS Akad Consulting en dépit du contrat de travail produit.

Elle ajoute que même si elle allègue être séparée de son époux depuis 5 ans, Mme [B] [D] a confirmé dans ses écritures de première instance être toujours mariée et non divorcée.

Elle met également en avant que la SAS Akad Consulting, immatriculée le 3 mars 2022, date à laquelle M. [B] [D] a cédé ses parts à M. [H], a eu une brève existence puisqu'elle a

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été liquidée le 11 janvier 2023. Elle soutient encore que courant mai 2022, M. [B] [D] a fait l'objet d'une enquête du chef d'usurpation d'identité, détournement de fonds et de transfert de siège dans un local inexistant, ainsi que d'une alerte écrite auprès de la direction générale des finances publiques en date du 7 juin 2022.

Rappelant que l'existence d'une relation de travail dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs, elle s'étonne que Mme [B]-[D] ait déclaré avoir été placée en télétravail dès le mois de juillet 2018 alors que cette organisation du travail était encore peu fréquente, et en déduit que l'employeur ne pouvait pas exercer sur elle son pouvoir de contrôle.

Elle soutient ainsi que le contrat de travail versé aux débats est fictif.

Mme [B] [D] réplique qu'elle était bien salariée de la SAS Akad Consulting puisqu'elle occupait en son sein le poste d'assistante administrative et financière depuis le 1er mars 2018. Elle ajoute qu'elle a d'ailleurs été licenciée le 26 janvier 2023, que le code du travail prévoyait la possibilité d'une organisation en télétravail avant la crise sanitaire et qu'il appartient à l'association Unedic Délégation AGS-CGEA d'Ile de France Est de rapporter la preuve du caractère fictif de son contrat de travail, ce qu'elle ne fait pas. Elle en déduit que ses demandes sont recevables.

Elle verse aux débats :

- un contrat de travail à durée indéterminée en date du 29 juin 2018, aux termes duquel la SAS Akad Consulting, représentée par son président M. [L] [B] [D], l'a engagée en qualité d'assistante administratif et financier, moyennant un salaire brut mensuel de 1 498,50 euros contre 35 heures de travail effectif par semaine,

- ses bulletins de salaire du 1er janvier 2021 au 31 mars 2022, mentionnant qu'elle travaillait en cette qualité, statut employé, et qu'elle percevait en dernier lieu un salaire brut mensuel de 1 603,15 euros pour 151,67 heures de travail effectif par mois, avec une ancienneté à compter du 1er mars 2018,

- l'attestation Pôle emploi établie par la Selafa MJA, ès qualités,

- la lettre recommandée avec accusé de réception en date du 10 juin 2022 par laquelle elle a réclamé à l'employeur son salaire du mois de mai 2022 ainsi que son solde de tout compte, et a écrit qu'elle n'avait pas été informée de la cessation d'activité de l'entreprise.

Mme [B] [D] établit en conséquence l'existence d'un contrat de travail apparent.

C'est exactement qu'elle soutient qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en apporter la preuve.

Or, l'association Unedic Délégation AGS-CGEA d'Ile de France Est se limite à émettre des doutes sur l'existence de l'activité de Mme [B] [D] sans démontrer ses allégations, le fait que celle-ci soit l'épouse de l'ancien président de la société, qu'une enquête, au demeurant non discutée, ait eu lieu sur les agissements de celui-ci ou que l'intimée ait télétravaillé s'avérant insuffisant à démontrer le caractère fictif du contrat.

Il s'ensuit que Mme [B] [D] était bien liée par un contrat de travail à la SAS Akad Consulting comme l'a dit le conseil de prud'hommes et que ses demandes sont recevables.

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Il n'y a donc pas lieu de mettre hors de cause l'association Unedic Délégation AGS-CGEA d'Ile de France Est ainsi qu'elle le réclame.

2) Sur les demandes de fixation de sommes au titre d'un rappel de salaire et congés payés afférents ainsi que de dommages et intérêts pour retard dans le paiement des salaires :

L'article L. 3242-1 du code du travail dispose que le paiement de la rémunération au salarié s'effectue une fois par mois.

Il est par ailleurs acquis qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de son paiement.

En l'espèce, Mme [B] [D] prétend que la SAS Akad Consulting ne lui a plus payé ses salaires à compter du mois de juillet 2022, ce alors qu'elle ne l'a pas dispensée d'exercer son activité, et que la somme de 6 412,60 euros lui reste donc due, outre les congés payés afférents, pour la période de juillet à octobre 2022 ainsi que celle de 4 550,88 euros, outre les congés payés afférents, pour la période du 1er novembre 2022 au 26 janvier 2023, date à laquelle elle a été licenciée.

L'association Unedic Délégation AGS-CGEA d'Ile de France Est s'oppose à cette prétention, en faisant valoir d'une part, que la salariée n'a pas saisi le conseil de prud'hommes en référé pour obtenir paiement de ses salaires et d'autre part, qu'elle lui a réglé, notamment dans le cadre de l'exécution provisoire assortissant le jugement déféré, la somme de 10 963,48 euros au titre de ses arriérés de salaire, de sorte que sa demande est selon elle devenue sans objet.

Cependant, ainsi que l'avance Mme [B] [D], d'une part, la saisine du juge prud'homal en référé en paiement des salaires est seulement une faculté avant une action au fond et d'autre part, le CGEA critiquant le jugement en ce qu'il a fixé à la somme totale de 12 059,83 euros les rappels de salaires dus à l'intimée, il y a lieu de dire si elle doit être inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société. Or, faute de démonstration par l'employeur que les salaires de l'intimée lui ont été payés à compter du mois de juillet 2022, c'est exactement que le conseil de prud'hommes a fixé cette somme dans la créance de Mme [B] [D] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Akad Consulting. Le jugement est donc confirmé de ce chef.

Par ailleurs, le CGEA réclame que la cour déboute Mme [B] [D] de sa demande de fixation d'une somme de 2 000 euros au titre du retard survenu dans le paiement de ses salaires, en arguant de l'absence de démonstration d'un préjudice. La salariée réplique qu'elle n'a perçu ses arriérés de salaire que dans le cadre de l'exécution provisoire assortissant la décision déférée, qu'elle en a nécessairement subi un préjudice au moins moral puisqu'elle s'est retrouvée dans une situation précaire avec deux enfants à charge, sans aucune contribution financière de son époux.

Cependant, dans les obligations qui se bornent au paiement de sommes au salarié, l'octroi de dommages et intérêts en plus du paiement des sommes dues est subordonné, en application de l'article 1153 du code civil, à la mauvaise foi du débiteur et à l'existence d'un préjudice distinct du retard.

La SAS Akad Consulting s'est trouvée en cessation des paiements à la date du 17 juin 2022 ce qui, en l'absence de tout autre élément, justifie de ne pas écarter sa bonne foi, qui reste présumée, et à défaut pour Mme [B] [D] de justifier d'un préjudice distinct du simple

retard dans le paiement de ses salaires, elle doit être déboutée de cette demande. Le jugement est donc infirmé en ce qu'il a accueilli sa réclamation de ce chef à hauteur de 2 000 euros.

3) Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et les demandes financières subséquentes :

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Le salarié est fondé à obtenir la résiliation judiciaire du contrat de travail s'il établit à l'encontre de son employeur des manquements suffisamment graves empêchant la poursuite de la relation contractuelle.

La résiliation judiciaire prononcée aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse.

Il résulte des articles 1224 et 1227 du code civil qu'en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date et que le salarié est toujours au service de l'employeur. Lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement, ou au jour à partir duquel le salarié a cessé de se tenir à la disposition de l'employeur.

À l'appui de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, Mme [B] [D] invoque le non-paiement de ses salaires à compter du mois de juillet 2022 et jusqu'à son licenciement, ainsi que l'absence de versement par l'employeur des cotisations dues aux organismes sociaux.

Ces élements de fait, qui ne sont pas contestés par le CGEA, constituent des manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles suffisamment graves pour justifier la résiliation aux torts de ce dernier du contrat de travail de Mme [B] [D], produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse .

Dès lors, l'intimée a droit aux indemnités de rupture (indemnité compensatrice de préavis et indemnité de licenciement) ainsi qu'à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Mme [B] [D] ayant une ancienneté supérieure à 2 ans, elle a droit à un préavis de deux mois conformément aux dispositions légales et conventionnelles. C'est donc exactement que le conseil de prud'hommes a fixé sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Akad Consulting à la somme de 3 206,30 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 320,63 euros brut au titre des congés payés afférents.

En outre, au regard du montant du salaire des trois derniers mois (1 603,15 euros) et de son ancienneté (4 ans et 331 jours) elle est fondée, selon son calcul non discuté, à réclamer la somme de 1 966,61 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement.

Aux termes de l'article L. 1235-3 alinéa 3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, dans une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés, le juge octroie au salarié, en l'absence de réintégration, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre 1 et 5 mois de salaire brut pour un salarié ayant 4 années complètes d'ancienneté, comme c'est le cas de Mme [B] [D] .

Au regard des pièces et explications fournies, et compte tenu notamment des circonstances de la rupture du contrat de travail, du montant de la rémunération de la salariée déjà rappelée, de son âge lors de la rupture (47 ans ) des justificatifs établis par la CAF de Haute-Garonne et Pôle emploi, en date des 7 avril 2023 et 30 mars 2023, et en l'absence d'élément sur sa situation professionnelle actuelle ou sur ses recherches d'emploi, l'allocation de la somme de 3 000 euros apparaît suffisante pour réparer le préjudice moral et financier résultant de la perte injustifiée de son emploi. Cette somme sera accordée en brut, dès lors que l'article précité prévoit que

Arrêt n° 77 - page 8

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l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est calculée sur la base du salaire brut. Le jugement déféré est donc infirmé de ce chef.

Enfin, il résulte des articles L. 3141-28 et L. 3141-29 du code du travail que le salarié dont le contrat de travail est résilié avant qu'il ait bénéficié de la totalité du congé auquel il avait droit doit recevoir une indemnité compensatrice de congés. Le CGEA ne discutant pas que Mme [B] [D] avait acquis au 26 janvier 2023 62,5 jours ouvrables de congés payés qu'elle n'a pas pris, il convient, au regard de ses explications et des mentions qui figurent sur les bulletins de salaire produits, de confirmer la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'il a fixé sa créance de ce chef à la somme de 3 913,34 euros.

4) Sur la demande de fixation d'une somme au titre de l'indemnité pour travail dissimulé :

Aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur ces derniers un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

La dissimulation d'emploi salarié prévue par le dernier alinéa de l'article L. 8221-5 du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures inférieur à celui réellement effectué.

En l'espèce, le CGEA fait grief au jugement d'avoir fait droit, sans motivation spécifique, à la demande en paiement de Mme [B] [D] d'une indemnité pour travail dissimulé alors que l'intention dissimulatrice de l'employeur ne se trouverait pas démontrée. La salariée réplique que le travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié est caractérisé dès lors que l'employeur n'a pas remis de bulletin de paie à un collaborateur, ce qui était son cas depuis plusieurs mois lors de la rupture de son contrat de travail. Elle ajoute que la SAS Akad Consulting ne réglait plus non plus les cotisations dues aux organismes sociaux et que de toute façon, les exactions de M. [B] [D] caractérisent l'élément moral.

La dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L. 8221-5 alinéa 2 du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures inférieur à celui réellement effectué.

Or, ainsi qu'il a été dit précédemment, la SAS Akad Consulting s'est trouvée en cessation de paiement le 17 juin 2022, ce qui explique qu'à compter du mois suivant, elle n'ait plus payé les salaires ni les cotisations dues aux organismes sociaux, ni délivré de bulletins de salaire. Son intention dissimulatrice ne peut donc être retenue, d'autant qu'aucune pièce ne démontre que M. [B] [D] ait commis des infractions pénales en lien avec sa qualité de président de la société, de sorte que par infirmation du jugement déféré, aucune somme ne sera fixée de ce chef au passif de la liquidation judiciaire de celle-ci.

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5) Sur la demande de fixation d'une somme à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat :

En vertu de l'article L. 1234-19 du code du travail, à l'expiration du contrat de travail l'employeur délivre un certificat de travail.

Aux termes de l'article R. 1234-9 alinéa 1 du code du travail, l'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi.

L'obligation de remettre un certificat de travail et une attestation Pôle emploi pesant sur l'employeur est quérable.

Il appartient au salarié de démontrer qu'il s'est heurté à une inertie ou un refus de son employeur et de justifier de l'existence d'un préjudice.

En l'espèce, Mme [B] [D] a obtenu des premiers juges les sommes de 10 000 euros et de 4 000 euros en réparation du préjudice résultant de la remise tardive de ses documents de fin de contrat. Elle fait valoir à cet égard que le mandataire liquidateur a fait preuve d'un retard excessif dans l'établissement de ses documents de fin de contrat ce qui aurait entraîné pour elle des répercussions financières considérables et que de plus, le CGEA a refusé de lui régler son indemnité de licenciement au motif du litige prud'homal en cours alors qu'elle lui était due quelle que soit l'issue de celui-ci.

Mme [B] [D] a été licenciée le 26 janvier 2023.

Si le CGEA, qui prétendait que le contrat de travail était fictif, était ainsi fondé à refuser le paiement de l'indemnité de licenciement, il résulte de la pièce 16 de l'intimée que la Selafa MJA, prise en la personne de Me [R], n' a adressé à celle-ci son solde de tout compte, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi que le 28 mars 2023, quand par sa pièce 15, la salariée démontre ne s'être inscrite à Pôle emploi que le 30 mars 2023. Elle justifie par ailleurs avoir réclamé à l'employeur, dès le 10 juin 2022 , après avoir eu connaissance de la cessation d'activité, ses documents de fin de contrat.

Le retard pris dans la remise des documents de fin de contrat a occasionné à l'intimée un préjudice caractérisé par le fait qu'elle n'a perçu ses indemnités de chômage qu'à compter du 5 mai 2023, soit plus de trois mois après la rupture, et a donc été pendant ce délai privée des ressources auxquelles elle pouvait prétendre. L'allocation de la somme de 1 500 euros est justifiée pour réparer le préjudice en résultant, si bien que le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a fixé de ce chef au passif de la liquidation judiciaire de la société Akad Consulting les deux sommes précitées.

6) Sur la garantie du CGEA, les dépens et les frais irrépétibles :

La présente décision est opposable au CGEA d'Ile de France Est, dans les limites prévues aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, et les plafonds prévus aux articles L. 3253-17 et D. 3252-5 du code du travail.

Le CGEA ne garantissant pas les sommes qui seraient allouées en application de l'article 700 du code de procédure civile, il y a lieu d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société la somme de 700 euros sur ce fondement et de débouter la salariée de la demande qu'elle forme au titre des frais irrépétibles engagés devant la cour.

Arrêt n° 77 - page 10

12 juillet 2024

La Selarl Asteren, prise en la personne de Me [T] [R], ès qualités, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition du greffe :

REÇOIT les demandes de Mme [F] [B] [D] ;

CONFIRME le jugement déféré SAUF en ce qu'il a notamment fixé la créance de Mme [F] [B] [D] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Akad Consulting aux sommes de 2 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour absence de paiement des salaires, de 8 075,15 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 10 000 euros net et 4 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat et de 9 618,90 euros net à titre d'indemnité pour travail dissimulé, ainsi qu'en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ;

STATUANT À NOUVEAU DES CHEFS INFIRMÉS et AJOUTANT :

FIXE la créance de Mme [F] [B] [D] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Akad Consulting, outre les sommes qui ont fait l'objet d'une confirmation, aux sommes suivantes :

-3 000 € brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-1 500 € à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat,

DÉBOUTE Mme [F] [B] [D] de ses demandes tendant à la fixation de sommes à titre d'indemnité pour travail dissimulé, dommages et intérêts pour absence de paiement des salaires et indemnité de procédure ;

DÉCLARE la présente décision opposable au CGEA d'Ile de France Est, dans les limites prévues aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, et les plafonds prévus aux articles

L. 3253-17 et D. 3252-5 du code du travail ;

CONDAMNE la Selarl Asteren, prise en la personne de Me [T] [R], ès qualités, aux dépens de première instance et d'appel.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

S. DELPLACE C. VIOCHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00744
Date de la décision : 12/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-12;23.00744 ?
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