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25/06/2024 | FRANCE | N°22/00470

France | France, Cour d'appel de Bourges, Chambre premier président, 25 juin 2024, 22/00470


R.G : N° RG 22/00470 - N° Portalis DBVD-V-B7G-DOMH



















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Mme [O] [F] épouse [D]





C/





M. AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT,



M. LE PROCUREUR GÉNÉRAL

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COPIE + CE







LE :



COUR D'APPEL DE BOURGES



PREMIÈRE PRÉSIDENCE



ORDONNANCE DU 25 JUIN 2024



N° 24 - 6 Pag

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NOUS, Alain VANZO, premier président, assisté de Annie SOUBRANE greffier.



Statuant sur requête en réparation à raison d'une détention provisoire,





ENTRE :





I - Madame [O] [F] épouse [D]

[Adresse 1]

Représentée par Me Béatrice BOUILLAGUET, avocat au barreau de BOURGES



REQUER...

R.G : N° RG 22/00470 - N° Portalis DBVD-V-B7G-DOMH

-------------------

Mme [O] [F] épouse [D]

C/

M. AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT,

M. LE PROCUREUR GÉNÉRAL

-------------------

COPIE + CE

LE :

COUR D'APPEL DE BOURGES

PREMIÈRE PRÉSIDENCE

ORDONNANCE DU 25 JUIN 2024

N° 24 - 6 Pages

NOUS, Alain VANZO, premier président, assisté de Annie SOUBRANE greffier.

Statuant sur requête en réparation à raison d'une détention provisoire,

ENTRE :

I - Madame [O] [F] épouse [D]

[Adresse 1]

Représentée par Me Béatrice BOUILLAGUET, avocat au barreau de BOURGES

REQUERANTE

ET :

II - Monsieur L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Pascale LÉAL de la SELARL AVELIA AVOCATS, avocat au barreau de CHATEAUROUX

Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL

COUR D'APPEL DE BOURGES

[Adresse 2]

PARTIES DEFENDERESSES

La cause a été appelée à l'audience publique tenue par Monsieur le premier président, assisté de Madame SOUBRANE, greffier ;

MINISTÈRE PUBLIC : Monsieur le Procureur Général,

DÉBATS :

- Monsieur le premier président ayant donné lecture des éléments du dossier,

- Maître BOUILLAGUET avocat au soutien des intérêts du requérant en ses observations,

- Maître LÉAL, avocat représentant l'Agent Judiciaire de l'Etat, en ses observations,

- Monsieur le procureur général, en ses réquisitions,

- Le requérant ayant eu la parole en dernier.

Monsieur le premier président a, pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'ordonnance contradictoire à l'audience publique du 25 Juin 2024

A la date ainsi fixée a été rendue l'ordonnance dont la teneur suit :

***************

Le 21 juin 2018, le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Châteauroux a mis en examen Madame [O] [F] épouse [D] du chef de blanchiment de fraude fiscale.

Madame [F] épouse [D] a été placée en détention provisoire le même jour, puis remise en liberté sous contrôle judiciaire le 19 octobre 2018.

Par ordonnance du 20 mai 2020, le juge d'instruction a ordonné le renvoi de Madame [F] épouse [D] devant le tribunal correctionnel de Châteauroux.

Par jugement du 24 septembre 2021, devenu définitif, ce tribunal a renvoyé Madame [F] épouse [D] des fins de la poursuite.

Selon requête reçue au greffe de la cour d'appel le 23 mars 2022, Madame [F] épouse [D] a demandé l'indemnisation des préjudices résultant de la détention provisoire dont elle a fait l'objet entre le 21 juin 2018 et le 19 octobre 2018, sollicitant le versement des indemnités suivantes :

- 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- 9 683 euros au titre de la perte de revenus, se décomposant comme suit :

. 8 573 euros à titre de pertes de salaires ;

. 1 110 euros à titre de perte de congés payés ;

- 8 191,20 euros au titre de frais d'avocat.

A l'audience, elle maintient ces demandes.

Par conclusions écrites, développées à l'audience, l'agent judiciaire de l'Etat ne conteste pas le droit à réparation de Madame [F] épouse [D] mais demande à la juridiction de :

- juger satisfactoire son offre de lui verser les sommes de :

. 8 000 euros au titre de son préjudice moral ;

. 9 683 euros au titre du préjudice matériel ;

- fixer à la somme de 8 191,20 euros le montant de l'indemnité due par lui au titre des frais irrépétibles exposés à l'occasion de la période de détention.

Aux termes de ses conclusions écrites, développées à l'audience, le ministère public conclut à la recevabilité de la requête de Madame [O] [F] épouse [D] et propose de lui allouer :

- 10'000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- 9 683 euros en indemnisation de son préjudice matériel ;

- 4 000 euros au titre des frais d'avocat.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens respectifs.

DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes

Aux termes de l'article 149 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.

L'article 149-2 du même code précise que le premier président doit être saisi à cette fin par une requête dans le délai de six mois de la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive.

Ce délai ne court que si, lors de la notification de la décision, la personne a été avisée de son droit de demander une réparation ainsi que des dispositions des articles 149-1, 149-2 et 149-3 (1er alinéa) du code de procédure pénale, qui en fixent les modalités procédurales.

En l'espèce, ni le jugement ni aucune autre pièce ne permet de se convaincre que cette information ait été délivrée à Madame [F] épouse [D], de sorte qu'il doit être considéré que le délai de six mois n'a pas commencé à courir.

En conséquence, les demandes de Madame [F] épouse [D] sont recevables.

Sur le préjudice moral

Madame [F] épouse [D] fait valoir que ses conditions de détention ont été particulièrement pénibles dès lors que :

- d'une part, elle n'a pas pu profiter des visites de son conjoint, les demandes de permis de visite de ce dernier ayant été rejetées et s'est retrouvée totalement isolée de manière brutale ;

- d'autre part, la période de détention provisoire a déclenché chez elle d'importants problèmes de santé, alors qu'elle faisait l'objet d'un suivi psychiatrique pour un état dépressif latent et qu'un cancer du poumon lui a été diagnostiqué quelques semaines après la délivrance de la citation à comparaître devant le tribunal.

La souffrance morale résulte du choc carcéral ressenti par une personne brutalement privée de liberté.

Elle peut être aggravée par une séparation familiale.

Durant sa détention, qui a duré 121 jours, soit pendant près de quatre mois, Madame [F] épouse [D] a été privée de contacts avec son conjoint, qui s'est vu refuser un permis de visite par le magistrat instructeur par décision du 7 septembre 2018.

En revanche, aucune des pièces médicales qu'elle verse aux débats ne permet d'établir un lien de causalité entre la détention provisoire dont elle a fait l'objet et une aggravation du syndrome dépressif dont elle souffrait depuis 2013 ni a fortiori avec le cancer du poumon dont elle a été opérée en juin 2021.

Il n'en demeure pas moins qu'eu égard à la durée de son incarcération, au choc psychologique qui en est résulté, aggravé par la séparation d'avec son conjoint et aux sommes habituellement allouées en pareilles circonstances, l'indemnité de 10 000 euros qu'elle sollicite est pleinement justifiée.

Il convient donc de faire droit à sa demande.

Sur le préjudice matériel

En premier lieu, Madame [F] épouse [D] sollicite l'indemnisation de pertes de revenus.

Il est de principe que le requérant a droit à l'indemnisation du préjudice matériel subi pendant la détention du fait de la privation de sa rémunération.

Madame [F] épouse [D] justifie, par la production de ses avis d'imposition, avoir perçu des revenus salariaux d'un montant de 33 282 euros en 2019, contre 24 709 euros en 2018, soit une perte de salaires de 8 573 euros imputable à son incarcération.

Elle peut également prétendre au remboursement de 1 110 euros au titre de la perte de son droit à congés payés, qu'elle réclame et auquel l'agent judiciaire de l'Etat ne s'oppose pas.

Sa perte de retenus s'élève donc à la somme de 9 683 euros.

En deuxième lieu, Madame [F] épouse [D] sollicite le remboursement d'honoraires payés à son conseil.

L'agent judiciaire de l'Etat ne s'oppose pas à sa demande, prétendant que les diligences facturées se rattachent au contentieux de la privation de liberté.

Les honoraires d'avocat ne peuvent être remboursés que s'ils rémunèrent des prestations directement liées à la privation de liberté et aux procédures destinées à y mettre fin. Il appartient au requérant d'en justifier, notamment par la production de factures permettant de détailler et d'individualiser les prestations en lien exclusif avec le contentieux de la liberté, le juge de l'indemnisation de la détention n'ayant pas à procéder lui-même à cette individualisation.

Au soutien de sa prétention, Madame [F] épouse [D] produit une facture de son conseil en date du 7 novembre 2018, d'un montant de 

8 191,20 euros TTC.

Contrairement à l'affirmation de l'agent judiciaire de l'Etat, cette facture mêle indistinctement des diligences en lien avec le contentieux de la liberté et des prestations liées au fond du dossier (rendez-vous, téléphone, correspondances, frais d'ouverture du dossier, formalités pour délivrance de la copie du dossier pénal, étude du dossier d'enquête préliminaire, assistance lors de la mise en examen, rédaction d'une mémoire devant la cour d'appel et assistance à une audience du 9 octobre 2018, qui, comme ce mémoire et l'arrêt de la chambre de l'instruction du 25 octobre 2018 permettent de le constater, tendaient à obtenir la mainlevée de saisies pénales).

Pour autant, l'agent judiciaire de l'Etat ne s'opposant pas au remboursement de la facture et le juge civil étant lié par les prétentions respectives des parties, il convient de faire droit à la demande de Madame [F] épouse [D], en lui allouant une somme de 8 191,20 euros.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement par mise à disposition au greffe,

DÉCLARONS recevables les demandes de Madame [O] [F] épouse [D] ;

FIXONS à :

- 10 000 euros le montant de l'indemnité due par l'Etat au titre du préjudice moral ;

- 9 683 euros le montant de l'indemnité due par l'Etat au titre de la perte de revenus ;

- 8 191,20 euros le montant de l'indemnité due par l'Etat en remboursement de frais d'avocat ;

CONDAMNONS l'Etat à verser ces sommes à Madame [F] épouse [D] ;

LAISSONS les dépens à la charge de l'Etat.

LE GREFFIER, LE PREMIER PRÉSIDENT

A. SOUBRANE A. VANZO


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : Chambre premier président
Numéro d'arrêt : 22/00470
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;22.00470 ?
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