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21/06/2024 | FRANCE | N°23/00521

France | France, Cour d'appel de Bourges, Chambre sociale, 21 juin 2024, 23/00521


SD/CV





N° RG 23/00521

N° Portalis DBVD-V-B7H-DRV7





Décision attaquée :

du 11 mai 2023

Origine :

conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES







--------------------





M. [H] [R]





C/



SARL ALDI MARCHE [Localité 2]









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Expéd. - Grosse



M. [D] 21.624



Me SOREL 21.6.24



















COUR D'APPEL DE BOURGES



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 21 JUIN 2024



N° 69 - 13 Pages





APPELANT :



Monsieur [H] [R]

[Adresse 1]



Présent assisté de M. [L] [D], défendeur syndical ouvrier









INTIMÉE :



SARL ALDI MARCHE [Localité 2]

[Adresse 7]

[Adresse 6]



Représent...

SD/CV

N° RG 23/00521

N° Portalis DBVD-V-B7H-DRV7

Décision attaquée :

du 11 mai 2023

Origine :

conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES

--------------------

M. [H] [R]

C/

SARL ALDI MARCHE [Localité 2]

--------------------

Expéd. - Grosse

M. [D] 21.624

Me SOREL 21.6.24

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 21 JUIN 2024

N° 69 - 13 Pages

APPELANT :

Monsieur [H] [R]

[Adresse 1]

Présent assisté de M. [L] [D], défendeur syndical ouvrier

INTIMÉE :

SARL ALDI MARCHE [Localité 2]

[Adresse 7]

[Adresse 6]

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE, substitué par Me Julie BURKHART, avocate au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Mme VIOCHE, présidente de chambre, rapporteur

en l'absence d'opposition des parties et conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE

Lors du délibéré : Mme VIOCHE, présidente de chambre

Mme de LA CHAISE, présidente de chambre

Mme CHENU, conseillère

Arrêt n° 69 - page 2

21 juin 2024

DÉBATS : À l'audience publique du 19 avril 2024, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 14 juin 2024 par mise à disposition au greffe. À cette date le délibéré était prorogé au 21 juin 2024.

ARRÊT : Contradictoire - Prononcé publiquement le 21 juin 2024 par mise à disposition au greffe.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE:

La SARL Aldi Marché, dont le siège social est situé à [Localité 2], exploite des magasins à prédominance alimentaire et employait plus de 11 salariés au moment de la rupture.

Suivant contrat à durée indéterminée en date du 10 octobre 2011 , M. [H] [R] a été engagé par cette société en qualité de Responsable de magasin , statut cadre, moyennant un salaire brut mensuel de 2 877,82 €, contre un forfait annuel de 215 jours de travail. Il était alors affecté au magasin de [Localité 5] ( Loiret ).

Suivant un second contrat de travail à durée indéterminée en date du 7 mai 2016, la SARL Aldi Marché a engagé M. [R] à compter du 1er juin suivant en qualité de Manager du magasin d'[Localité 3] (Cher), statut cadre, niveau 7, moyennant un salaire brut mensuel de 3 199,33 euros, contre un forfait de 1 920 heures de travail effectif par an.

La convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire s'est appliquée à la relation de travail.

M. [R] ayant été désigné représentant du syndicat CGT au sein du comité d'entreprise de la société Aldi Marché le 3 mars 2016, puis délégué syndical CGT le 20 septembre 2017, l'inspecteur du travail a, par décision du 9 mars 2018, autorisé l'employeur à procéder à son licenciement. La SARL Aldi Marché a ainsi licencié M. [R] pour faute grave par lettre du 16 mars 2018. Contestant la décision de l'inspecteur du travail, le salarié a été débouté le 15 février 2019 du recours hiérarchique formé devant le Ministre du Travail puis le 13 août 2021, du recours contentieux formé devant le Tribunal administratif d'Orléans.

Par requêtes en date des 15 mars 2019, 18 octobre 2021 et 21 janvier 2022, M. [R], assisté de M. [L] [D], défenseur syndical, a saisi le conseil de prud'hommes de Bourges, section encadrement, de diverses demandes.

Le syndicat CGT est intervenu volontairement à l'instance afin d'obtenir paiement de dommages et intérêts, outre une indemnité de procédure.

Par jugement du 11 mai 2023, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé, le conseil de prud'hommes a :

- ordonné la jonction des trois procédures,

- dit que la convention de forfait en heures est valide,

- dit que le licenciement est fondé sur une faute grave,

- débouté M. [R] de l'ensemble de ses demandes,

- déclaré recevable l'action du syndicat CGT mais débouté celui-ci de ses demandes,

- condamné M. [R] à payer à la SARL Aldi Marché une indemnité de procédure de 200 euros,

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- débouté la SARL Aldi Marché de la demande d'indemnité de procédure formée contre le syndicat CGT,

- condamné M. [R] aux entiers dépens.

Le 25 mai 2023, M. [R], représenté par son défenseur syndical, a relevé appel de cette décision en ce qu'elle a confirmé la validité de la convention de forfait en heures, dit que le licenciement est fondé sur une faute grave, l'a débouté de l'ensemble de ses prétentions et condamné au paiement d'une indemnité de procédure ainsi qu'aux dépens.

Le 7 juin 2023, le syndicat [Adresse 4], également représenté par M. [D], a interjeté appel de la décision prud'homale en ce qu'elle l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et plus généralement de toutes les dispositions faisant grief à l'appelant. Cette procédure a été enrôlée au Répertoire Général sous le numéro 23/00581.

Par ordonnance du 22 septembre 2023, le syndicat CGT des personnels Aldi Marché ayant intimé la SARL Aldi Marché sans faire signifier sa déclaration d'appel à M. [R], le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de son appel. Par arrêt du 10 novembre 2023, la cour d'appel, saisie d'un déféré, a infirmé cette décision, et statuant à nouveau, a dit n'y avoir lieu au prononcé de la caducité de l'appel formé par la CGT à l'encontre de la SARL Aldi Marché, y ajoutant, a constaté que M. [R] n'était pas partie à l'instance formée par le syndicat, a dit n'y avoir lieu à statuer à ce stade de la procédure sur la fin de non-recevoir soulevée par l'employeur, a débouté celle-ci de sa demande d'indemnité de procédure et a dit que les dépens du déféré suivront le sort des dépens de l'instance au fond.

Dès lors, M. [R] n'étant pas partie à la procédure d'appel initiée par le syndicat, les deux affaires ne présentent pas un lien suffisant pour faire l'objet d'une jonction, si bien qu'il est statué sur l'appel de M. [R] par un arrêt distinct.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément à leurs conclusions.

1 ) Ceux de M. [R] :

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 mars 2024, poursuivant l'infirmation du jugement dont appel en toutes ses dispositions, il demande à la cour, statuant à nouveau, de dire que sa convention de forfait en heures est nulle, et de condamner la SARL Aldi Marché au paiement des sommes suivantes :

-3 837,85 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés afférents,

- 4 358,81 euros au titre du 'temps de repos de compensation' et congés payés afférents,

-3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée légale hebdomadaire,

- 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la convention collective et de l'accord d'entreprise,

-15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

-15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

-20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,

- 6 443,44 euros à titre de rappel de salaire pour mise à pied conservatoire, outre 644,34 euros au titre des congés payés afférents,

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- 10 460,22 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 046,02 euros au titre des congés payés afférents,

- 5 509,04 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 1 500 euros à titre d'indemnité de procédure.

Il réclame enfin que l'employeur soit débouté de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive et condamné aux dépens d'appel.

2 ) Ceux de la SARL Aldi Marché :

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 4 mars 2024, elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [R] de ses prétentions et a condamné ce dernier aux dépens et à lui payer la somme de 200 euros à titre d'indemnité de procédure,

statuant à nouveau,

- à titre principal :

débouter M. [R] de l'ensemble de ses demandes, irrecevables ou mal fondées,

- à titre subsidiaire :

limiter le quantum des rappels d'heures supplémentaires alloués à M. [R] au titre de l'inopposabilité de la convention de forfait en heures, ainsi que celui des dommages et intérêts alloués au salarié au titre du non-respect des durées maximales de travail, de temps de repos et des temps de pause,

- en tout état de cause, de condamner M. [R] au paiement de :

- la somme de 3 000 euros en raison du caractère abusif de son recours,

- celle de 3 000 euros à titre d'indemnité de procédure.

* * * * *

La clôture de la procédure est intervenue le 27 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'article 542 du code de procédure civile prévoit que l'appel tend par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.

À titre liminaire, la SARL Aldi Marché prétend que les conclusions de M. [R] ne contiennent quasiment pas de critiques relatives au jugement déféré dès lors que ne s'y trouverait pas la moindre argumentation à l'appui de la demande d'infirmation et qu'elles seraient la reproduction intégrale de ses écritures de première instance.

Cependant, M. [R], qui réclame l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions, qu'il a énumérées dans sa déclaration d'appel, a développé une argumentation au soutien de cette prétention, et ne s'est pas contenté de reproduire celle qu'il avait développée devant les premiers

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juges, si bien que c'est de manière erronée que l'intimée soutient que la cour ne peut que confirmer la première décision faute de critique émise par l'appelant.

Il convient par suite d'examiner successivement les demandes de M. [R].

1) Sur la validité de la convention de forfait en heures, la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés afférents, de contreparties obligatoires en repos et de dommages et intérêts pour dépassement de la durée légale hebdomadaire du travail :

L'article L. 3121-56 du code du travail prévoit que tout salarié peut conclure une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois. Peuvent conclure une convention individuelle de forfait en heures sur l'année, dans la limite du nombre d'heures fixé en application du 3° du I de l'article L. 3121-64 :

1° Les cadres dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ;

2° Les salariés qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps.

L'article L. 3121-63 du code du travail prévoit que les forfaits annuels en heures ou en jours sur l'année sont mis en place par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.

L'article L. 3121-64, II, du même code précise que l'accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours détermine :

1° Les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;

2° Les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise ;

3° Les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion prévu au 7° de l'article L. 2242-17.

En l'espèce, le contrat de travail de M. [R] en date du 12 mai 2016 prévoyait l'application d'un forfait annuel en heures, précisant que le volume hebdomadaire de travail serait en moyenne de 42 heures effectives et que la durée annuelle de travail ne pourrait excéder 1920 heures.

Le salarié réclame que la cour dise que cette convention de forfait en heures est nulle au motif que la SAS Aldi Marché n'aurait pas respecté les dispositions conventionnelles lui octroyant une entière autonomie dans l'organisation de son temps de travail et l'aurait ainsi contraint à respecter des heures de présence planifiées au sein du magasin.

Il se prévaut des termes de l'accord collectif, qui précisent :

'Peuvent ainsi conclure une convention de forfait en heures sur l'année en application de l'article L. 3121-42 du code du travail :

-les cadres dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ;

-les salariés qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps.

(...) Les parties constatent, en effet, que ces salariés bénéficient d'une certaine liberté dans l'organisation de leur emploi du temps, par rapport aux horaires de fonctionnement des équipes de telle sorte que leur horaire de travail effectif ne peut être déterminé qu'a posteriori.'

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Il soutient que contrairement aux dispositions conventionnelles, l'employeur lui imposait de se confronter aux impératifs du magasin, ce qui l'autorisait à toutes les interprétations, et de se conformer à un planning collectif.

Son contrat de travail stipulait en effet, à son article 4, que ' le /la Manager de Magasin, dans le cadre de l'autonomie liée à ses responsabilités, doit organiser son emploi du temps pour répondre aux nécessités de gestion du magasin'.

L'accord collectif prévoit que les salariés soumis à une convention de forfait bénéficient d'une liberté qualifiée de 'certaine' et non de ' totale', et le fait d'exiger d'un Manager de magasin qu'il organise ses horaires de travail en tenant compte des horaires d'ouverture et de fermeture du magasin ou du temps de présence des salariés qu'il devait encadrer relève du simple bon sens, à défaut de quoi il aurait été impossible à l'intéressé de remplir ses missions. Il est de toute façon acquis qu'une convention individuelle de forfait n'instaure pas au profit du salarié un droit à la libre fixation de ses horaires de travail indépendamment de toute contrainte liée à l'organisation du travail par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction ( Soc. 2 fèvr. 2022, n° 20-15.744).

M. [R] ne discute pas qu'il définissait lui-même, dans la limite des contraintes horaires inhérentes à son poste, ses heures de présence de sorte qu'il disposait bien de l'autonomie prévue par l'accord collectif.

Il s'ensuit que le moyen de nullité ne peut prospérer.

Le salarié prétend ensuite que l'employeur n'a, en 2017, pas respecté son obligation d'organiser un entretien annuel en vue de contrôler sa charge de travail, et n'y a pas procédé non plus lorsqu'en début d'année, par plusieurs courriers, il l'a alerté sur ses amplitudes horaires.

Cependant, en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties, et à cet égard, alors qu'il se déduit seulement, en cas de manquement de l'employeur à son obligation de suivi de la charge de travail et d'organisation d'entretiens annuels, que la convention de forfait en heures est privée d'effet, le salarié n'a pas saisi la cour d'une demande visant à ce que soit constatée son inopposabilité.

Dès lors, la convention de forfait n'étant pas nulle, le temps de travail du salarié ne pouvait être décompté en application des dispositions de l'article L 3121-10 du code du travail fixant la durée légale du travail effectif à 35 heures par semaine.

L'appelant ne peut donc prétendre à ce que les heures accomplies au-delà de la durée légale du travail soient considérées comme des heures supplémentaires et rémunérées comme telles, ni réclamer, en se fondant sur le dépassement d'un contingent annuel fixé sur la base de la durée légale du travail, des contreparties obligatoires en repos ou des dommages et intérêts pour dépassement de la durée légale hebdomadaire du travail.

Il s'ensuit que comme l'a pertinemment retenu le conseil de prud'hommes, M. [R] doit être débouté de ces demandes.

2) Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect de la convention collective et de l'accord d'entreprise :

M. [R] réclame en l'espèce la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts au motif que l'accord collectif et la convention collective n'auraient pas été respectés. Il précise fonder

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sa demande sur les articles 6-2 et 6-3 de l'accord collectif ainsi que sur les articles L. 2262-11 et L. 2262-12 du code du travail.

Si l'article L. 2262-11 du code du travail concerne seulement l'action qui peut être formée par les groupements ou les organisations et non par les salariés, l'article L. 2262-12 dispose que les personnes liées par une convention ou un accord peuvent intenter toute action visant à obtenir l'exécution des engagements contractés et, le cas échéant, des dommages-intérêts contre les autres personnes ou les organisations ou groupements, liés par la convention ou l'accord, qui violeraient à leur égard ces engagements.

Par ailleurs, l'article 6.2 de l'accord collectif produit par le salarié prévoit que la charge de travail des salariés doit être raisonnable et que l'organisation du travail et la charge des travail des salariés doivent faire l'objet d'un suivi régulier de la part de l'employeur qui doit veiller notamment à ce que le salarié ne soit pas placé dans une situation de surcharge de travail et que l'amplitude maximale de travail et les durées maximales de travail soient respectées. Il dispose ainsi que l'employeur doit organiser un entretien avec le salarié s'il constate que les amplitudes maximales de travail ou minimales de repos ne sont pas respectées, qu'une bonne répartition du travail, dans le temps, n'est pas assurée, ou que le salarié fait l'objet d'une surcharge de travail.

L'article 6.3 de cet accord prévoit en outre qu'un entretien annuel doit être organisé entre le salarié ayant conclu une convention de forfait en heures sur l'année et son supérieur hiérarchique, de façon à ce que soient abordés la charge de travail du salarié, l'adéquation des moyens mis à la disposition du salarié au regard des missions et objectifs qui lui ont confiés, le respect des durées maximales de travail et des durées minimales de repos, l'organisation du travail dans l'entreprise et l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale.

La SARL Aldi Marché réplique qu'elle a parfaitement respecté les textes conventionnels et a suivi la charge de travail de son salarié, notamment lorsque le 9 février 2017, il l'a alertée sur ses amplitudes de travail puisqu'elle a organisé un échange avec lui le 11 février suivant. Elle produit des suivis d'annualisation pour démontrer qu'elle contrôlait la charge de travail du salarié, lesquels, établis à partir des documents d'enregistrement du temps de travail que celui-ci renseignait lui-même, démontrent qu'il n'a pas été soumis à une surcharge de travail ainsi qu'il le prétend, quand les pièces 25 et 26 produites par l'intéressé établissent la réalité de l'entretien du 11 février.

L'intimée verse par ailleurs aux débats le compte-rendu de l'entretien annuel ayant eu lieu le 2 février 2016, et qui, s'il a eu pour objet l'évaluation du travail du salarié, mentionne que l'organisation du travail, l'équilibre entre la vie personnelle et la vie privée ainsi que le nombre d'heures de travail réalisées ont été abordés avec le salarié. L'employeur, alerté par trois salariés se plaignant du management de M. [R], ayant saisi le CHSCT à l'automne 2017 puis, après réception des conclusions de l'enquête, mis à pied le salarié à titre conservatoire le 23 décembre 2017, il ne peut lui être fait grief de l'absence d'entretien annuel pour l'année 2017.

La demande indemnitaire formée de ce chef par M. [R] n'est donc pas fondée, si bien qu'il doit en être débouté par confirmation du jugement entrepris.

4) Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour discrimination syndicale et atteinte à la liberté syndicale :

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure

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discriminatoire, directe ou indirecte telle que définie à l'article 1er de la loi numéro 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son nom de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.

En vertu de l'article L. 1134-1 du code du travail , lorsqu'un litige survient en raison d'une discrimination, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, M. [R] prétend que la relation contractuelle nouée avec son employeur s'est dégradée à compter de son engagement syndical et que ce dernier a orchestré son licenciement en saisissant et pilotant le CHSCT au sein duquel, selon lui, ' le syndicat majoritaire règne sans partage sans mener aucune action', pour pouvoir ensuite se prévaloir d'un rapport d'enquête à charge. Il estime ainsi qu'il a subi un traitement discriminant de la part de son employeur et invoque à cet égard que :

- il n'a pas été convoqué par le médecin du travail, notamment lorsque l'enquête du CHSCT a eu lieu et ce alors que tous les salariés l'ont été,

- son employeur lui a reproché les absences auxquelles le contraignaient ses heures de délégation,

- il n'a pas répondu à son courrier d'alerte sur sa souffrance au travail,

- il n'a pas respecté les règles de planification des pauses méridiennes,

- il n'a prévu aucun dispositif permettant une communication syndicale au sein de l'entreprise,

- il lui a notifié deux avertissements les 4 juillet 2016 et 20 janvier 2017,

- il ne lui a pas alloué de moyens suffisants pour exercer correctement ses missions de manager de magasin.

La SARL Aldi Marché conteste avoir discriminé son salarié en raison de ses mandats syndicaux ou encore d'avoir commis une entrave à son activité syndicale.

Il résulte des pièces versées au dossier que le CHSCT, réuni par l'employeur à la suite de la plainte de plusieurs salariés relative au management de M. [R] et auquel participait le médecin du travail, a établi un compte-rendu d'enquête le 6 décembre 2017, ce qui figure dans l'autorisation administrative de licenciement et confirme que M. [R] a été dans ce cadre entendu puisque ses déclarations y figurent en page 11. Son dossier médical fait par ailleurs apparaître des plaintes de sa part sur ses conditions de travail mais qui sont postérieures à cette enquête. Le grief consistant à soutenir qu'il n'a pas été entendu par le médecin du travail en raison de son mandat est donc fallacieux.

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Par ailleurs, il résulte également de l'examen de la procédure que ce sont les salariés du magasin qui ont reproché à M. [R] les absences que lui imposaient ses heures de délégation, dès lors qu'ils se plaignaient de ne pouvoir compter sur son soutien ou son aide, notamment le jeudi lors des livraisons de 32 palettes et mises en rayon de celles-ci.

M. [R] produit ensuite les nombreux courriers de revendication qu'il adressait à son employeur lequel, de manière générale, lui répondait et toujours de manière courtoise, si bien qu'il ne peut soutenir que celui-ci ne lui a pas apporté de réponse suffisante.

Aucune pièce n'établit en outre que la SARL Aldi Marché ne respectait pas les planifications des pauses méridiennes et ce d'autant qu'il revenait au salarié de les organiser, ni n'avait prévu de dispositif permettant les communications syndicales au sein de l'entreprise.

En outre, M. [R] n'a pas contesté avoir commis les faits qui ont motivé les deux avertissements qui lui ont été notifiés le 4 juillet 2016, l'employeur lui reprochant de ne pas respecter le contrôle fraîcheur, et le 20 janvier 2017 que le Responsable des Ventes et le Responsable de secteur avaient constaté le 22 décembre 2016 qu'il ne suivait pas les consignes de mise en rayon et procédait à des baisses de prix irrégulières. M. [R] a, par courrier du 19 août 2016, seulement répondu à la SARL Aldi Marché, s'agissant de la première sanction, ne pas comprendre pour quelle raison il était le seul à la recevoir, alors qu'il rentrait dans ses missions de Manager de magasin de s'assurer que les produits périmés ou en passe de l'être étaient bien retirés des rayons, et n'a rien fait valoir après avoir reçu le second avertissement. Enfin, il se contente d'alléguer qu'il ne disposait pas des mêmes moyens que les autres magasins ou de moyens adaptés à la taille et au chiffre d'affaires du magasin puisqu'il ressort seulement de ses pièces qu'il a dû ponctuellement remplacer deux salariées ayant subi un accident de travail ou placée en arrêt de travail et que l'employeur a ensuite procédé à des embauches de sorte que l'effectif du magasin a été porté à 7 salariés, sans qu'aucun élément n'établisse en la matière une insuffisance.

Il en résulte que M. [R], qui verse surtout les courriers qu'il a adressés à son employeur et qui sont dénués de force probante dès lors que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même, n'établit pas la matérialité de faits précis et concordants laissant présumer qu'il a subi de la part de son employeur la discrimination alléguée, l'entrave à son activité syndicale ne se trouvant pas non plus démontrée.

Il doit donc être débouté de sa demande indemnitaire par confirmation du jugement entrepris.

5) Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral :

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L 1154-1 du même code, il appartient au salarié qui s'estime victime d'un harcèlement moral de présenter les éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits

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matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, M. [R] invoque avoir été victime du harcèlement moral de son employeur qui, le soumettant à une convention de forfait en heures qu'il qualifie de 'frauduleuse', lui aurait fait subir une surcharge de travail, l'aurait privé d'une réelle autonomie dans l'organisation de son temps de travail, et n'aurait pas respecté ses temps de repos ni la possibilité de prendre des temps de récupération comme il le souhaitait. Il résulte néanmoins de ce qui précède que M. [R] reprend ainsi des arguments qui ont été écartés au soutien de ses prétentions pour nullité de sa convention de forfait et discrimination, dès lors que Manager de magasin, il ne pouvait pas disposer d'une autonomie lui permettant la libre fixation de ses horaires de travail indépendamment de toute contrainte liée à l'organisation du travail, et qu'aucun élément n'établit la surcharge de travail ainsi que le non-respect de ses temps de repos et des amplitudes de travail dont il se plaint. Aucune pièce ne démontre non plus qu'il ne pouvait pas prendre de temps de récupération.

Il ajoute que l'employeur n'a pas répondu au courrier qu'il lui a adressé le 21 septembre 2016 par lequel il dénonçait son malaise au travail, ni n'aurait réagi à l'agression dont il aurait été victime le 16 juillet 2016 et dont il l'aurait informé le 19 août 2016.

Il verse ainsi aux débats le courrier qu'il a adressé le 19 août 2016 à la SARL Aldi Marché pour s'étonner de son absence de réaction à la suite d'une agression dont il aurait été victime de la part d'un 'groupe de voleurs' qui aurait sévi dans le magasin et lui reprocher de ne pas prendre en compte sérieusement les problèmes de sécurité se posant dans celui-ci. Cependant, il ne conteste pas que l'employeur lui a répondu le 5 septembre 2016 qu'il lui appartenait, s'il était confronté à de telles situations, d'appeler la police et non d'intervenir lui-même, et qu'un plan d'actions contre les risques psycho-sociaux avait été établi et présenté le 16 juin 2015 au CHSCT puis intégré dans le Document Unique de Prévention des Risques. C'est vainement qu'il prétend que l'employeur a alors été considéré à tort que cette agression était isolée puisqu'aucune pièce ne démontre qu'elle s'est répétée. Il ne conteste pas non plus qu'un système de video-surveillance a été, durant la relation contractuelle, installé dans le magasin.

L'appelant invoque encore le courrier que le 21 septembre 2016, il a adressé à son employeur, sans que celui-ci ne lui réponde, pour dénoncer la discrimination syndicale, les injonctions contradictoires et le harcèlement moral qu'il subissait selon lui sur son lieu de travail. Néanmoins, il ressort de ce qui précède que M. [R] ne présente pas de faits matériellement établis qui pris dans leur ensemble, laissent présumer qu'il a subi une discrimination en raison de ses mandats et d'autre part, la lecture de sa lettre montre qu'il a seulement fait état du harcèlement moral subi d'un ancien responsable des ventes, si bien que les faits dénoncés avaient selon lui cessé au moment où il a écrit à la SARL Aldi Marché. Il ne peut donc rien être déduit de l'absence de réponse de celle-ci et ce alors que les injonctions contradictoires mises en avant ne résultent que des allégations du salarié.

Enfin, M. [R] prétend que l'employeur avait mis en place une organisation inadaptée s'agissant de la gestion des alarmes, lesquelles se déclenchaient selon lui de manière intempestive ce qui le contraignait, alors qu'il était domicilié à proximité du magasin, à se déplacer, y compris pendant ses temps de repos, pour les faire cesser. Pourtant, en dehors d'un déclenchement datant du 10 mars 2017, qui n'est pas contesté par l'employeur et qui a conduit M. [R] à se rendre dans le magasin durant son jour de repos, aucun élément ne démontre que cette situation s'est

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régulièrement répétée et que dès lors, il devait faire face à une organisation de travail caractérisant un harcèlement.

Il se déduit de ce qui précède que les faits présentés par M. [R] ne sont pas matériellement établis ou sont insuffisants pour permettre de supposer l'existence d'un harcèlement moral .

Dès lors, comme l'a exactement retenu le conseil de prud'hommes, M. [R] doit être débouté de la demande de dommages et intérêts qu'il forme de ce chef.

6) Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité:

L'article L. 4121-1 du code du travail prévoit que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation ainsi que la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

En l'espèce, M. [R] reprend, pour caractériser un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, les mêmes faits que ceux qui viennent d'être examinés ci-avant au soutien de ses demandes indemnitaires des chefs de discrimination et de harcèlement moral. Il y a ajoute le fait que la SARL Aldi Marché n'aurait pris aucune mesure de sécurité à la suite du vol a main armée dont aurait été victime le magasin d'[Localité 3], et ne lui aurait pas répondu lorsqu'il lui dénonçait être victime de discrimination et de harcèlement.

Cependant, il résulte des réponses que l'employeur a adressées au salarié, qui lui a envoyé de très nombreux courriers dont le ton n'était pas toujours respectueux, qu'il a réfuté que celui-ci subissait une discrimination syndicale et par ailleurs, il vient d'être dit que les faits de harcèlement qui lui étaient dénoncés étaient anciens de sorte qu'ils n'appelaient pas nécessairement une réponse. Par ailleurs, il n'est pas discuté qu'un système de vidéo-surveillance a été mis en place dans le magasin, et l'appelant n'explique pas quelle mesure de sécurité supplémentaire aurait été nécessaire. Il échoue donc à caractériser le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité si bien que la demande indemnitaire qu'il forme de ce chef ne peut non plus prospérer.

Le jugement déféré est donc également confirmé de ce chef.

7) Sur la demande de requalification du licenciement et les demandes financières afférentes :

En l'espèce, le 16 mars 2018, M. [R] a été licencié pour faute grave par la SARL Aldi Marché qui avait obtenu, compte tenu de son statut de salarié protégé, l'autorisation de l'inspecteur du travail le 9 mars précédent. Cette décision est devenue définitive, les recours hiérarchique puis contentieux formés par M. [R] ayant été rejetés.

En dépit de ces décisions, le salarié demande à la cour de requalifier la faute grave en cause réelle et sérieuse, et réclame paiement d'un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, outre les congés payés afférents, de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, ainsi que d'une indemnité de licenciement.

Si, en raison du principe de séparation des pouvoirs, le juge judiciaire ne peut, lorsqu'une autorisation de licenciement a été accordée, apprécier le caractère réel et sérieux du motif du

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licenciement, il reste néanmoins compétent pour apprécier la gravité de la faute imputée au salarié et accorder en conséquence des indemnités de rupture s'il considère que les critères de la faute grave invoquée par l'employeur ne sont pas remplis.

C'est ainsi de manière inopérante que la SARL Aldi Marché fait valoir que les faits reprochés à M. [R] ont été jugés suffisamment graves par l'inspecteur du travail, le ministre du travail puis le tribunal administratif, puisque le contrôle exercé par l'autorité administrative puis par le juge administratif ne porte pas sur le degré de gravité de la faute.

Aux termes de la lettre de licenciement, trop longue pour être reproduite, l'employeur a fait grief à M. [R] d'un management despotique à l'égard des salariés de son équipe, d'un comportement inadapté envers ses supérieurs hiérarchiques ainsi que d'un non-respect des procédures en vigueur.

Il résulte de ce qui précède que la cour ne peut examiner la réalité des fautes ainsi invoquées mais seulement apprécier si elles sont constitutives d'une faute grave privative des indemnités de rupture. C'est donc de manière inopérante que le salarié fait valoir que l'employeur ne pouvait lui reprocher ses absences dues à ses délégations syndicales ce qui serait la preuve que le licenciement est fondé sur une discrimination syndicale puisque si tel était le cas, le licenciement serait alors privé de cause réelle et sérieuse.

L'employeur a précisé dans la lettre de licenciement que l'enquête confiée au CHSCT à la suite de plaintes de plusieurs salariés confrontés à une souffrance au travail avait mis en évidence, notamment, que M. [R] entretenait en permanence la discorde entre les membres de son équipe, leur interdisait de travailler en binôme, leur tenait des propos irrespectueux ou humiliants ('l'autre grosse conne', ' la cotorep'), traitait devant eux son supérieur hiérarchique d'enculé' ou d' 'enfoiré', qu'il passait une partie de son temps de travail à téléphoner y compris devant les clients, pouvait user de violence verbale, qu'il ne les soutenait jamais, notamment en cas de difficultés dans le magasin, ou encore qu'il entretenait à l'égard de ces derniers une propagande permanente contre l'employeur, par exemple en leur montrant les photos de chèques obtenus par d'autres salariés à la suite de décisions de conseils de prud'hommes, et en dénigrant et en discréditant ses supérieurs hiérarchiques dont il remettait constamment en cause l'autorité.

Sans avoir à examiner l'ensemble des griefs fondant le licenciement, les faits qui viennent d'être cités et qui ont été expliqués de manière concordante et circonstanciée par les salariés entendus dans le cadre de l'enquête du CHSCT sont constitutifs de manquements du salarié à ses obligations contractuelles d'une gravité telle qu'ils empêchaient immédiatement la poursuite de la relation de travail. Dès lors, l'employeur ayant exactement apprécié dans le cadre de son pouvoir de sanction que M. [R] avait commis une faute grave, la demande de requalification ainsi que les prétentions indemnitaires subséquentes ne peuvent prospérer si bien que le salarié doit en être débouté.

Enfin, la faute grave n'étant pas requalifiée en faute simple, la mise à pied conservatoire était justifiée, en sorte que M. [R] ne peut non plus prospérer en sa demande de rappel de salaire.

8) Sur la demande reconventionnelle :

En application des dispositions des articles 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol.

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En l'espèce, la SARL Aldi Marché réclame des dommages et intérêts pour procédure abusive, en mettant en avant, en substance, que M. [R] a interjeté appel de la décision prud'homale en dépit de la gravité des faits fondant son licenciement et alors que celui-ci a été autorisé par l'Inspecteur du travail, et que les recours qu'il a formés contre cette décision ont été rejetés. Elle ajoute que le salarié n'apporte aucun élément tangible au soutien de ses prétentions et que dès lors, il fait preuve de mauvaise foi dans l''exercice de son droit d'appel.

Cependant, M. [R] a seulement fait valoir en justice une position à laquelle il a pu sincèrement croire, et en persistant à la soutenir devant la cour, n'a fait qu'user de son droit de faire valoir ses arguments en justice. Il s'ensuit que l'appel n'est pas abusif et que l'employeur doit être débouté de sa demande reconventionnelle.

9) Sur les autres demandes :

Le jugement déféré est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

M. [R], qui succombe devant la cour, est condamné aux dépens d'appel et débouté en conséquence de sa demande d'indemnité de procédure. En équité, la SARL Aldi Marché est également déboutée de la demande qu'elle forme au titre de l'article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition du greffe :

CONFIRME le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;

STATUANT À NOUVEAU DES CHEFS INFIRMÉS :

DÉBOUTE la SARL Aldi Marché de ses demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive et d'indemnité de procédure ;

CONDAMNE M. [H] [R] aux dépens d'appel et le déboute de sa demande d'indemnité de procédure.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

S. DELPLACE C. VIOCHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00521
Date de la décision : 21/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-21;23.00521 ?
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