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14/06/2024 | FRANCE | N°23/00776

France | France, Cour d'appel de Bourges, Chambre sociale, 14 juin 2024, 23/00776


SD/CV





N° RG 23/00776

N° Portalis DBVD-V-B7H-DSMF





Décision attaquée :

du 18 juillet 2023

Origine :

conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES







--------------------





UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA D'[Localité 5]



S.C.P. [H] mandataire liquidateur de la SARL LES AIGLES DU DÉMÉNAGEMENT





C/



M. [B] [X]









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Expéd. - Grosse
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Me PREPOIGNOT 14.6.24



Me CABAT 14.6.24

















COUR D'APPEL DE BOURGES



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 14 JUIN 2024



N° 68 - 8 Pages





APPELANTES :



1- UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA D'[Localité 5]

[Adresse 1]





2- S.C.P. [H] mandata...

SD/CV

N° RG 23/00776

N° Portalis DBVD-V-B7H-DSMF

Décision attaquée :

du 18 juillet 2023

Origine :

conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES

--------------------

UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA D'[Localité 5]

S.C.P. [H] mandataire liquidateur de la SARL LES AIGLES DU DÉMÉNAGEMENT

C/

M. [B] [X]

--------------------

Expéd. - Grosse

Me PREPOIGNOT 14.6.24

Me CABAT 14.6.24

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 14 JUIN 2024

N° 68 - 8 Pages

APPELANTES :

1- UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA D'[Localité 5]

[Adresse 1]

2- S.C.P. [H] mandataire liquidateur de la SARL LES AIGLES DU DÉMÉNAGEMENT

[Adresse 2]

Ayant pour avocate par Me Myriam PREPOIGNOT, du barreau de NEVERS

INTIMÉ :

Monsieur [B] [X]

[Adresse 3]

Représenté par Me Noémie CABAT de la SELARL AVARICUM JURIS, avocat au barreau de BOURGES

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Mme VIOCHE, présidente de chambre, rapporteur

en l'absence d'opposition des parties et conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE

Lors du délibéré : Mme VIOCHE, présidente de chambre

Mme de LA CHAISE, présidente de chambre

Mme CHENU, conseillère

Arrêt n° 68 - page 2

14 juin 2024

DÉBATS : À l'audience publique du 19 avril 2024, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 14 juin 2024 par mise à disposition au greffe.

ARRÊT : Contradictoire - Prononcé publiquement le 14 juin 2024 par mise à disposition au greffe.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE :

La SARL Les Aigles du Déménagement était spécialisée dans la location de monte-meubles et dans le déménagement de marchandises et employait moins de 11 salariés.

M. [B] [X] a été le gérant à compter du 9 octobre 2013 de la SARL Jo-Loc, dénommée ensuite SARL Nomade Déménagement puis SARL Les Aigles du Déménagement. Il a cédé ses parts courant 2019 à M. [Y] [R], que lors de son assemblée générale extraordinaire du 3 mai 2019, la SARL JO-Loc a désigné en qualité de gérant, en nommant alors M. [X] en qualité de gestionnaire de transport de la société et en constatant que ce dernier cédait 33,75 parts à M. [L] [N] pour un montant de 66 700 euros.

Lors de son assemblée générale extraordinaire du 3 mai 2019, la SARL Nomade Déménagement a désigné M. [L] [N] en qualité de gérant.

Par jugement du 14 décembre 2021, le tribunal de commerce de Bourges a placé la SARL Les Aigles du Déménagement en redressement judiciaire et a désigné la SCP [H], prise en la personne de Me [J] [H], en qualité de mandataire judiciaire.

Le 1er février 2022, réclamant le paiement de ses salaires des mois de juillet à décembre 2021, M. [X] a saisi, en sa formation de référé, le conseil de prud'hommes de Bourges, lequel, par ordonnance du 25 février 2022, a dit n'y avoir lieu à référé et a renvoyé l'intéressé à se pourvoir au fond.

Le 21 février 2022, invoquant qu'il avait au sein de la société la qualité de salarié, M. [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Bourges, section encadrement, aux fins de faire fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Les Aigles du Déménagement au titre d'un rappel de salaire et congés payés afférents, d'une indemnité conventionnelle de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, de dommages et intérêts pour absence de paiement des salaires de juillet à décembre 2021, de remise des documents de fin de contrat et de paiement du solde de tout compte ainsi que d'une indemnité de procédure.

Il réclamait également qu'il soit ordonné à Me [H], ès qualités, de lui remettre une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un reçu pour solde de tout compte conformes.

L'Association Unedic Délégation AGS-CGEA d'[Localité 5] et la SCP [H], en sa qualité de mandataire judiciaire de la SARL Les Aigles du Déménagement, se sont opposées aux prétentions de M. [X], en soulevant notamment l'incompétence du juge prud'homal pour connaître des demandes et l'irrecevabilité des demandes complémentaires et nouvelles de l'intéressé.

Par jugement du 13 décembre 2022, le tribunal de commerce a converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire et a désigné la SCP [H], prise en la personne

Arrêt n° 68 - page 3

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de Me [J] [H], en qualité de mandataire liquidateur de la société.

Par jugement du 18 juillet 2023, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé, le conseil de prud'hommes, disant que M. [X] était salarié de la SARL Les Aigles du Déménagement et que ses demandes complémentaires et nouvelles étaient recevables, a fixé comme suit sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Les Aigles du Déménagement :

- 34 386,02 euros à titre de rappel de salaire du 1er juillet 2021 au 26 avril 2022, outre 3 438,60 euros au titre des congés payés afférents,

- 8 689,55 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 19 809 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 980,90 euros au titre des congés payés afférents,

- 600 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de paiement des salaires,

- 500 euros à titre d'indemnité de procédure,

- les entiers dépens de l'instance.

Il a également :

- dit que ces sommes seraient incorporées par Me [H], ès qualités, à l'état des créances salariales de la procédure collective,

- ordonné à Me [H], ès qualités, de remettre à M. [X] un bulletin de salaire, une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un reçu pour solde de tout compte conformes,

- déclaré la décision opposable au CGEA d'[Localité 5] dans les limites de sa garantie, en rappelant que les dépens et les sommes allouées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sont exclues de celle-ci.

Le 28 juillet 2023, par voie électronique, l'Association Unedic Délégation AGS-CGEA d'[Localité 5] a régulièrement relevé appel de cette décision.

Le 11 août 2023, la SCP [H], en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL Les Aigles du Déménagement, a également fait appel du jugement.

Les deux procédures, respectivement enrôlées au répertoire général sous les numéros 23/776 et 23/803, ont fait l'objet d'une jonction par ordonnance du 16 février 2024, qui a dit qu'elles se poursuivraient sous le numéro 23/776.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément à leurs conclusions.

1 ) Ceux de l'Association Unedic Délégation AGS-CGEA d'[Localité 5] et de la SCP [H], en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL Les Aigles du Déménagement :

Aux termes de leurs dernières conclusions respectivement remises au greffe les 27 octobre et 9 novembre 2023, poursuivant l'infirmation du jugement dont appel en ce qu'il a reconnu à M. [X] la qualité de salarié de la SARL Les Aigles du Déménagement, elles demandent à la cour de dire que ce dernier n'avait pas cette qualité, en conséquence de dire que le juge prud'homal est incompétent pour connaître du litige et débouter en conséquence M. [X] de toutes ses demandes.

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Subsidiairement, si la cour reconnaissait que M. [X] était bien le salarié de la SARL Les Aigles du Déménagement, elles réclament l'infirmation de la décision :

- s'agissant du montant des rappels de salaires et d'indemnités allouées et de les minorer au vu du salaire contractuellement convenu,

- en ce qu'elle a alloué à l'intéressé une somme à titre de dommages et intérêts pour retard dans le paiement des salaires et absence de remise des documents de rupture et en débouter M. [X].

Elles sollicitent également qu'il soit dit que l'arrêt est opposable au CGEA d'[Localité 5] dans les limites de sa garantie, à l'exclusion notamment de la réparation d'un préjudice financier ou moral, de la remise de documents avec ou sans astreinte, et à la SCP [H], en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL Les Aigles du Déménagement, dans la limite de sa mission, à l'exclusion notamment du paiement d'une astreinte ou de dommages et intérêts pour résistance abusive.

2 ) Ceux de M.[X] :

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 16 novembre 2023, il demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a notamment fixé sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Les Aigles du Déménagement à la somme de 600 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de paiement des salaires et à 500 euros à titre d'indemnité de procédure, et de fixer en conséquence sa créance comme suit :

- 34 386,02 euros nets à titre de rappel de salaire du 1er juillet 2021 au 26 avril 2022, outre 3 438,60 euros au titre des congés payés afférents,

- 8 689,55 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 19 809 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 980,90 euros au titre des congés payés afférents,

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de paiement des salaires, absence de remise des documents de fin de contrat et de paiement du solde de tout compte,

- 2 000 euros à titre d'indemnité de procédure.

Il réclame également qu'il soit ordonné à Me [H], ès qualités, de lui remettre une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un reçu pour solde de tout compte conformes, que celui-ci et le CGEA soient déboutés de toutes leurs demandes, que Me [H], ès qualités, soit condamné aux entiers dépens et que la décision soit déclarée opposable au CGEA.

* * * * * *

La clôture de la procédure est intervenue le 20 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1) Sur l'existence d'un contrat de travail et la compétence de la juridiction prud'homale :

Par application des dispositions de l'article L. 1411-1 du code du travail, la juridiction prud'homale est compétente pour statuer sur tout litige ayant pour objet un différend relatif à l'existence d'un contrat de travail opposant le salarié et l'employeur prétendus.

Le contrat de travail est une convention par laquelle une personne s'engage à travailler pour le compte d'une autre et sous sa subordination moyennant rémunération.

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L'existence de relations de travail ne dépend, ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

C'est à la partie qui invoque l'existence d'une relation salariale d'apporter la preuve du contrat de travail.

En présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en apporter la preuve.

En l'espèce, l'association Unedic Délégation AGS-CGEA d'[Localité 5] et Me [H], ès qualités, reprochent aux premiers juges d'avoir reconnu à M. [X] la qualité de salarié de la SARL Les Aigles du Déménagement alors qu'il résulte d'un faisceau d'indices constants et concordants qu'en dépit du contrat de travail produit, daté du 20 mars 2019, il a continué à se comporter dans les faits comme le dirigeant de la société, agissant en toute indépendance en dehors de tout lien de subordination et s'immisçant dans la gestion de celle-ci.

Elles soutiennent d'abord, sans être démenties, que M. [X] a été le gérant d'une première société, dénommée 'Les Aigles du déménagement', qui a fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 4 février 2010, puis d'une seconde société, dénommée ' DEM'Export International', demeurée inactive puis radiée en 2012, et enfin d'une troisième société, dénommée 'Déménagements Poitevins' qui a également fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 1er octobre 2013.

Elles ajoutent que seul M. [X], même si M. [R] puis M. [N] ont été successivement nommés gérants de la SARL Les Aigles du Déménagement en ses lieu et place à compter de 2019, disposait de l'attestation de capacité de transport de marchandises obligatoire pour pouvoir diriger une société de transport et s'inscrire au registre de la DREAL, ce qui créait entre l'intimé et M. [N] un lien de dépendance exclusif d'un lien de subordination, qu'il louait à la société les locaux dont il était propriétaire, et a prêté à celle-ci la somme de 10 000 euros pour lui permettre d'acquérir une remorque. Elles soulignent que le ton qu'il employait dans les mails adressés aux gérants de droit de la société confirme l'absence de soumission, et mettent encore en avant que la rémunération de M. [X] a connu sans raison une augmentation considérable pendant la relation salariée alléguée, ce qui montre l'existence d'une connivence entre lui et les gérants successifs de la société. Elles en déduisent que M. [X] n'était pas salarié de la société et qu'en l'absence de contrat de travail, le juge prud'homal est incompétent pour connaître du litige.

M. [X] réplique qu'après avoir vendu ses parts de la société à MM. [T] et [N], il a été engagé à compter du 8 avril 2019 par la SARL Les Aigles du Déménagement en qualité de gestionnaire de transport, statut cadre, aux termes d'un contrat de travail à durée indéterminée qu'il verse aux débats, M. [N] devenant selon lui seul gérant de la société à compter du mois de décembre 2020. Il ajoute que c'est compte tenu du travail effectué que des augmentations de salaire lui ont été consenties, qu'il a, conformément aux missions fixées contractuellement, effectué une prestation de travail pour le compte de la SARL Les Aigles du Déménagement et qu'il prenait ses directives auprès des gérants de la société. Il se prévaut de la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle il n'est pas interdit à un ancien mandataire social de conclure un contrat de travail avec une société avec laquelle il a exercé son mandat, le juge devant alors apprécier le caractère effectif des fonctions exercées, l'existence d'un lien de subordination et d'une rémunération, et conteste s'être immiscé dans la gestion de l'entreprise.

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Il produit pour démontrer sa qualité de salarié, outre le contrat de travail précité et ses avenants, des bulletins de salaire, des pages d'agenda montrant qu'il exerçait des fonctions commerciales et prenait des rendez-vous, ainsi que deux attestations, l'une émanant de Mme [M] [E]-[P], qui indique qu'alors qu'elle était secrétaire de la société, elle n'a jamais reçu d'ordre de M. [X] qu'elle n'a jamais vu prendre une décision pour le compte de la SARL Les Aigles du Déménagement, et l'autre du Crédit Coopératif, agence de [Localité 6], datant du 31 juillet 2019, auprès de laquelle la société avait ouvert ses comptes bancaires, qui relate que M. [X] n'était plus à cette date 'signataire des comptes' .

Il ressort de la pièce 1 produite par M. [X] que le 20 mars 2019, soit un mois et demi avant que M. [R] soit nommé gérant de la SARL Jo-Loc, désormais dénommée SARL Les Aigles du Déménagement et alors que lui-même exerçait encore ces fonctions de gérance, celui- ci a conclu avec la société Nomade Déménagement un contrat de travail à durée indéterminée, à temps complet, aux termes duquel il a été engagé à compter du 8 avril suivant en qualité de gestionnaire de transport, statut cadre, moyennant un salaire mensuel de 3 223, 67 euros pour 35 heures de travail par semaine. Cette rémunération a été portée à 5 591,88 euros par avenant du 28 décembre 2020, puis à 6 477 euros par avenant du 22 juin 2021, tous deux versés aux débats, sans faire mention d'un quelconque changement de classification ou de fonctions.

Lesdites fonctions, confiées selon M. [X] dans le cadre d'un emploi de 'gestionnaire de transport', étaient décrites dans le contrat de travail comme suit :

' - la gestion de l'entretien des véhicules

- la vérification des contrats et des documents de transport,

- la comptabilité de base,

- l'affectation des chargements aux conducteurs et aux véhicules,

- la vérification des procédures de sécurité,

- les visites commerciales',

et le lieu de travail fixé à [Localité 4], dans le Cher.

La recherche de la réalité de l'existence d'un lien de subordination entre M. [X] et MM. [R] et [N], successivement gérants de droit de la SARL Les Aigles du Déménagement à compter du 3 mai 2019 et 16 décembre 2020, impose au juge, ainsi que le soutient l'intéressé, d'examiner, au-delà du constat de la signature d'un contrat de travail et de la remise de bulletins de paie, ce dont s'est à tort satisfait le conseil de prud'hommes de Bourges, les conditions dans lesquelles M. [X] a exécuté le travail invoqué.

À cet égard, s'il n'est pas contesté que M. [X] a fourni un travail, celui-ci ne justifie pas s'être vu imposer des horaires de travail ni la fixation de dates de congés. Il n'établit pas plus avoir été assujetti à des directives précises, telles que des exigences de compte-rendus de son activité, ni ne prouve une immixtion de la société dans l'exercice de son activité.

Par ailleurs, même s'il démontre qu'il ne disposait plus à la date du 31 juillet 2019 de la 'signature des comptes' de la société, il disposait malgré tout largement des moyens de paiement de l'entreprise puisqu'il détenait une carte bancaire au nom de celle-ci lui permettant d'effectuer des dépenses, ce qui résulte d'un mail, transmis le 18 janvier 2022 par Mme [E]-[P] à M. [X], que M. [N] lui adressé pour lui demander des explications sur un retrait d'espèces de 5 300 euros auquel il avait procédé, sur des paiements d'un montant total de 4 330,53 euros et sur le remboursement de son compte courant pour un montant de 6 200 euros, soit au total 15 830,53 euros.

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En outre, il ressort de ce mail qu'en juillet 2021, M. [X] a augmenté son salaire ainsi que celui de Mme [E] sans l'accord de M. [N], l'intéressé expliquant dans un courriel du 19 janvier 2022 avoir lui-même procédé à la modification de sa rémunération pour compenser l'absence de paiement, de la part du gérant de droit, de ses parts sociales. De plus, il résulte des échanges de mail produits par les appelantes que M. [X] louait des locaux commerciaux à la société, lui a prêté la somme de 10 000 euros courant juin 2021 et qu'enfin, il n'a pas hésité à réclamer au gérant de droit des explications sur la situation de la société, en émettant des jugements sur sa gestion.

Ces éléments établissent que M. [X] s'immisçait dans les faits largement dans la gestion de l'entreprise et avait gardé une partie des prérogatives de l'employeur, ce que lui était permis par le fait qu'il était seul dans l'entreprise à détenir 'l'attestation de capacité à l'exercice de la profession de transporteur public de routier de marchandises et de loueur de véhicules industriels', versée aux débats, sans laquelle la société ne pouvait exercer son activité, de sorte que le gérant de droit se trouvait vis-à-vis de M. [X] dans une situation de dépendance exclusive d'un lien de subordination.

Il s'en déduit que contrairement à ce que ce dernier soutient, le contrat de travail dont il se prévaut était fictif et qu'il n'avait pas au sein de la SARL Les Aigles du Déménagement la qualité de salarié.

Dès lors, infirmant le jugement déféré, la cour dit qu'en l'absence de contrat de travail, le juge prud'homal n'est pas compétent pour connaître du litige, et que les demandes en paiement de rappels de salaire, de diverses indemnités et de remise sous astreinte de divers documents formées par l'intimé sont en conséquence sans objet.

M. [X] ne formant pas de demandes fondées sur une autre cause que l'exécution et la rupture du contrat de travail allégué, il n'y a pas lieu à désignation d'une autre juridiction.

2) Sur les dépens et les frais irrépétibles :

M. [X] qui succombe sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et débouté de sa demande d'indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition du greffe :

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

STATUANT À NOUVEAU DES CHEFS INFIRMÉS et AJOUTANT :

JUGE que M. [B] [X] n'était pas lié à la SARL Les Aigles du Déménagement par un contrat de travail ;

DÉCLARE en conséquence le juge prud'homal incompétent pour connaître du litige ;

DÉCLARE sans objet les demandes en paiement de rappel de salaire et congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, de dommages et intérêts pour défaut de paiement des salaires, absence de

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remise des documents de fin de contrat et de paiement du solde de tout compte, et de remise de documents de fin de contrat conformes ;

DÉCLARE la présente décision opposable au CGEA d'[Localité 5], dans les limites prévues aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, et les plafonds prévus aux articles L. 3253-17 et D. 3252-5 du code du travail ;

CONDAMNE M. [X] aux dépens de première instance et d'appel et le déboute de sa demande d'indemnité de procédure.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

S. DELPLACE C. VIOCHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00776
Date de la décision : 14/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-14;23.00776 ?
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