La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/06/2024 | FRANCE | N°23/00179

France | France, Cour d'appel de Bourges, Chambre sociale, 14 juin 2024, 23/00179


SD/CV





N° RG 23/00179

N° Portalis DBVD-V-B7H-DQYG





Décision attaquée :

du 09 février 2023

Origine :

conseil de prud'hommes - formation paritaire de NEVERS







--------------------





S.A.S. FPT POWERTRAIN TECHNOLOGIES FRANCE





C/



M. [V] [N]









--------------------





Expéd. - Grosse



Me LAVAL 14.6.24



M. [P] 14.6.24







>










COUR D'APPEL DE BOURGES



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 14 JUIN 2024



N° 67 - 6 Pages





APPELANTE :



S.A.S. FPT POWERTRAIN TECHNOLOGIES FRANCE

[Adresse 2]



Représentée par Me Cathie LAVAL de la SCP SOREL & ASSOCIES, avocat postulant et plaidant, du barreau de BOU...

SD/CV

N° RG 23/00179

N° Portalis DBVD-V-B7H-DQYG

Décision attaquée :

du 09 février 2023

Origine :

conseil de prud'hommes - formation paritaire de NEVERS

--------------------

S.A.S. FPT POWERTRAIN TECHNOLOGIES FRANCE

C/

M. [V] [N]

--------------------

Expéd. - Grosse

Me LAVAL 14.6.24

M. [P] 14.6.24

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 14 JUIN 2024

N° 67 - 6 Pages

APPELANTE :

S.A.S. FPT POWERTRAIN TECHNOLOGIES FRANCE

[Adresse 2]

Représentée par Me Cathie LAVAL de la SCP SOREL & ASSOCIES, avocat postulant et plaidant, du barreau de BOURGES

Ayant pour dominus litis Me Claudia LEROY-SANGUINETTI, du barreau de PARIS

INTIMÉ :

Monsieur [V] [N]

[Adresse 1]

Présent, assisté de M. [F] [P], défenseur syndical ouvrier

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Mme VIOCHE, présidente de chambre, rapporteur

en l'absence d'opposition des parties et conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE

Lors du délibéré : Mme VIOCHE, présidente de chambre

Mme de LA CHAISE, présidente de chambre

Mme CHENU, conseillère

Arrêt n° 67 - page 2

14 juin 2024

DÉBATS : À l'audience publique du 19 avril 2024, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 14 juin 2024 par mise à disposition au greffe.

ARRÊT : Contradictoire - Prononcé publiquement le 14 juin 2024 par mise à disposition au greffe.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE :

Suivant contrat à durée indéterminée en date du 1er décembre 1999 , M. [V] [N] a été engagé par la SA Euromoteurs, aux droits de laquelle vient la Sas FPT Powertrain Technologies France, en qualité d'agent de fabrication, niveau 2, échelon 1, coefficient 170.

Il a été placé en arrêt de travail à compter du 14 juin 2022 et le 23 juin suivant a déclaré une maladie professionnelle consistant en une tendinite de la coiffe droite, une rupture partielle du sus épineux droit, une désinsertion du sous-scapulaire et une sublaxation du biceps.

À l'issue de la visite médicale de reprise du 30 novembre 2022, le médecin du travail a conclu que M. [N] était apte à reprendre son poste avec les restrictions suivantes : 'limiter le port de charges à 6kg, éviter les mouvements répétitifs des membres supérieurs (surtout droite, surtout contre force), pas tirer ou pousser des charges lourdes, pas d'utilisation de la clef à chocs, conduite chariot élévateur à l'intérieur autorisée'.

La SAS FPT Powertrain Technologies France ayant formé une contestation de cet avis d'aptitude devant le conseil de prud'hommes de Nevers que celui-ci a, par jugement du 9 février 2023, déclarée irrecevable, la cour d'appel de Bourges, devant laquelle l'employeur a interjeté appel de cette décision, a, par arrêt du 23 juin 2023 auquel il convient de se référer s'agissant des moyens et prétentions des parties, dit dans sa motivation que ladite contestation était recevable et dans son dispositif, désigné M. [T] [X], en sa qualité de médecin inspecteur du travail de l'Unité Départementale d'Indre et Loire-DREETS Centre-Val de Loire, aux fins de recueillir son avis motivé sur les capacités physiques permettant au salarié d'occuper ses fonctions d'agent qualifié de fabrication polyvalent, a sursis à statuer sur l'ensemble des demandes, et a réservé les dépens.

M. [X] ayant refusé la mission qui lui a été ainsi confiée, la cour a procédé à son remplacement par ordonnance du 10 octobre 2023, laquelle a désigné M. [I] [K], médecin inspecteur du travail de la DREETS Bourgogne-Franche Comté, en ses lieu et place.

Le Dr [K] ayant, par courriel du 23 octobre 2023, informé la cour de son indisponibilité, l'affaire a été renvoyée à l'audience de plaidoirie du 19 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1) Sur la contestation de l'avis d'aptitude avec restrictions émis le 30 novembre 2022 :

Aux termes de l'article L. 4624-3 du code du travail, le médecin du travail peut proposer, par écrit et après échange avec le salarié et l'employeur, des mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps

Arrêt n° 67 - page 3

14 juin 2024

de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge ou à l'état de santé physique et mental du travailleur.

L'article L. 4624-7, I. à IV., du même code dispose :

I.- Le salarié ou l'employeur peut saisir le conseil de prud'hommes selon la procédure accélérée au fond d'une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4. Le médecin du travail, informé de la contestation par l'employeur, n'est pas partie au litige.

II.- Le conseil de prud'hommes peut confier toute mesure d'instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent pour l'éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence. Celui-ci, peut, le cas échéant, s'adjoindre le concours de tiers. À la demande de l'employeur, les éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail, à l'exception des données recueillies dans le dossier médical partagé en application du IV de l'article L. 1111-17 du code de la santé publique, peuvent être notifiés au médecin que l'employeur mandate à cet effet. Le salarié est informé de cette notification.

III.- La décision du conseil de prud'hommes se substitue aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestés.

En l'espèce, le 14 juin 2022 , M. [N] a été placé en arrêt de travail, puis le 23 juin 2022, une déclaration de maladie professionnelle a été adressée à la CPAM, mentionnant une tendinite de la coiffe droite, une rupture partielle du sus épineux droit, une désinsertion du sous-scapulaire et une sublaxation du biceps.

L'arrêt de travail a été plusieurs fois reconduit, et le 30 novembre 2022, à l'issue de la visite de reprise, le médecin du travail a conclu que M. [N] était apte à reprendre son poste avec les restrictions suivantes : 'limiter le port de charges à 6kg, éviter les mouvements répétitifs des membres supérieurs (surtout droite, surtout contre force), pas tirer ou pousser des charges lourdes, pas d'utilisation de la clef à chocs, conduite chariot élévateur à l'intérieur autorisée'.

Par arrêt du 23 juin 2023 puis par ordonnance de 10 octobre 2023 aux fins de remplacement d'expert, la cour a successivement désigné deux médecins inspecteurs du travail, compétents pour l'un pour les salariés de la région Centre-Val de Loire et pour l'autre de la région Bourgogne-Franche Comté, le salarié étant domicilié dans la Nièvre, en leur demandant notamment de donner toutes informations permettant de statuer sur l'avis d'aptitude avec restrictions émis par le Dr [J].

Cependant, ces deux médecins inspecteurs du travail ont refusé la mission qui leur a été confiée si bien que la contestation de la SAS FPT Powertrain Technologies France se heurte à l'impossibilité de désigner un médecin inspecteur du travail, principalement en raison de la pénurie chronique de médecins du travail. La procédure choisie par le législateur étant une procédure accélérée au fond, caractéristique de la nécessité d'un réponse rapide, et le salarié ayant été placé en arrêt de travail le 14 juin 2022 puis à l'issue de la visite de reprise, en congés payés puis en dispense d'activité rémunérée, la cour statue en fonction des seuls éléments versés par les parties.

Au soutien de sa contestation, l'employeur soutient que M. [N] a pour activité principale l'assemblage de pièces moteur et donc l'accomplissement de tâches de manutention, qui supposent de tirer ou de pousser des charges, de porter des poids supérieurs à 6kgs ou encore d'utiliser

Arrêt n° 67 - page 4

14 juin 2024

une clé à chocs pneumatiques. Elle estime en conséquence, en versant aux débats sa fiche de poste, que les tâches qu'il doit accomplir dans le cadre de son emploi sont incompatibles avec ces restrictions.

M. [N] estime que cette contestation n'est pas fondée dès lors que son état de santé est compatible avec son poste, ses missions sur une chaîne de montage de moteurs ne lui prenant que quelques minutes par jour puisqu'il assure à titre principal des fonctions de 'team expert' le conduisant à encadrer 5 à 6 personnes et à se livrer pendant 7 heures par jour aux tâches administratives qui s'y rattachent. Il indique qu'il est en conséquence prêt physiquement à reprendre son poste.

Il n'a été procédé à aucune étude de poste ainsi que l'affirme l'employeur mais celle-ci n'est obligatoire, selon l'article L. 4624-4 du code du travail, que lorsque le médecin du travail rend un avis d'inaptitude après avoir constaté qu'aucune mesure d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n'est possible et que l'état de santé du travailleur justifie un changement de poste. Par ailleurs, si l'avis d'aptitude avec restriction ne précise pas la date des échanges qui ont eu lieu entre le médecin du travail et l'employeur, celui-ci, qui indique qu'il a pris contact avec lui à la suite de la délivrance de l'avis d'aptitude pour lui indiquer qu'il était impossible de suivre son avis et lui demander de venir procéder à une étude de poste, ne discute pas que des échanges sur le poste occupé par le salarié ont eu lieu antérieurement à cet avis.

Outre la fiche de poste d'opérateur montage, la SAS FPT Powertrain produit le témoignage de M. [A] [Z], responsable de production, selon lequel M. [N], outre l'animation de son équipe, devait réaliser chaque jour les tâches manuelles suivantes : ' manutention de pièces moteurs, serrage à la clef dynamométrique ou avec visseuse électrique, opération de complétage de pièces manquantes sur moteur, déplacement des moteurs sur la chaîne de production en poussant ou tirant sur les tables élévatrices, manutentions des moteurs avec un pont roulant, réalisation de retouche de moteurs avec un pont roulant, effectuer la maintenance de premier niveau des équipements'.

Les termes de cette attestation sont cependant combattus par le questionnaire rempli par l'employeur dans le cadre de la reconnaissance de sa maladie professionnelle, qui indique en substance qu'avant le 20 mai 2022 et depuis deux ans, le salarié ne réalisait plus de travail manuel, et mentionne plus précisément les éléments suivants :

'Description de tâches :

Avant le 20/05/2022 (...) et cela depuis 2 ans environ, Monsieur [N] ne réalisait pas de travail manuel. Dans sa fonction de team expert, il était en charge de l'organisation du personnel, de la réclamation des pièces et du suivi des problématiques sur la ligne de montage Light. Pour information lors de sa dernière visite médicale le 28 septembre 2021 dans le cadre d'un suivi médical renforcé, la médecine du travail n'avait pas émis de restrictions particulières ; (...)

Chronologie:

Période d'occupation du poste : 28 novembre 2018 au 13 juin 2022

Description de la tâche : En tant que team expert Mr [N] est la personne référente au montage Light pour organiser les activités de production (gestion de la formation au poste de travail, gestion des personnes pour réaliser les activités etc.). Il participe aux réunions de production chaque matin avec le superviseur de production (échanges et communication sur le programme de production journalier des moteurs Light, problèmes éventuels de sécurité et des problèmes de qualité). Il s'assure également du respect de la qualité des moteurs sur la ligne de montage Light et de la présence des pièces rénovées (kitting) nécessaires à la production journalière et relance la logistique concernant le besoin de pièces neuves et des frais généraux

Arrêt n° 67 - page 5

14 juin 2024

(outillage, EPI, etc..) (...)

Par exemple : travaux comportant des mouvements ou postures avec le bras décollé du corps d'au moins 60°, sans soutien : 0,5 heure par jour'. (...) 'Déplacement de moteurs finis' avec un transpalette manuel = 3 minutes par jour'.

Il y est précisé que 'dès que l'entreprise FPT a eu connaissance que Mr [N] [V] avait des problèmes médicaux à l'épaule droite, il lui a été demandé ne plus réaliser d'activités de travail manuel'.

La réalité du poste effectivement occupé par M. [N] se trouve encore confirmée par le témoignage de M. [Z] précité, qui indique que 'l'ensemble des team experts de l'établissement sont amenés à remplacer des opérateurs de production ponctuellement'. Celui-ci n'a par ailleurs pas précisé la durée ou la répétition éventuelle des tâches manuelles qu'il a décrites comme devant être réalisées quotidiennement par M. [N].

C'est donc inexactement que la SAS FPT Powertrain soutient que la majorité du travail que doit accomplir M. [N] consiste en la réalisation de missions propres aux fonctions d'opérateur monteur, puisqu'il se déduit au contraire de ce qui précède que le salarié exerce à titre principal l'activité de 'team manager' parfaitement compatible avec l'avis d'aptitude avec restrictions contesté, peu important que lors de son entretien annuel de 2021, il ait indiqué ne pas se sentir à l'aise 'en tant que team' en raison de la pression mentale qu'elle entraîne pour lui dès lors qu'il ne s'agit que d'une considération subjective sans lien avec son aptitude.

Dès lors, la contestation de l'avis d'aptitude avec restrictions formée par l'employeur n'est pas fondée de sorte qu'il n'y a pas lieu de substituer un avis d'inaptitude à un poste d'agent qualifié de fabrication polyvalent à l'avis d'aptitude avec restrictions rendu le 30 novembre 2022 par le médecin du travail.

2) Sur les dépens :

La SAS FPT Powertrain Technologies France, partie succombante, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

STATUANT DES CHEFS INFIRMÉS ET AJOUTANT:

RECOIT la contestation de la SAS FPT Powertrain Technologies France mais la DIT mal fondée ;

DIT en conséquence n'avoir lieu de substituer un avis d'inaptitude à un poste d'agent qualifié de fabrication polyvalent à l'avis d'aptitude avec restrictions rendu le 30 novembre 2022 par le médecin du travail ;

CONDAMNE la SAS FPT Powertrain Technologies France aux dépens de première instance et d'appel ;

Arrêt n° 67 - page 6

14 juin 2024

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

S. DELPLACE C. VIOCHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00179
Date de la décision : 14/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-14;23.00179 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award