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07/06/2024 | FRANCE | N°23/00743

France | France, Cour d'appel de Bourges, Chambre sociale, 07 juin 2024, 23/00743


SD/EC





N° RG 23/00743

N° Portalis DBVD-V-B7H-DSKD





Décision attaquée :

du 29 juin 2023

Origine :

conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES







--------------------





M. [W] [G]





C/



S.A.S. BROKERAGE, PROGRAMS & SERVICES FOR INSURANCE SOLUTIONS









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Expéd. - Grosse



Me FOURCADE 7.6.24



Me VAIDIE 7.6.24


r>















COUR D'APPEL DE BOURGES



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 07 JUIN 2024



N° 62 - 9 Pages





APPELANT :



Monsieur [W] [G]

[Adresse 2]



Représenté par Me Antoine FOURCADE de la SELARL ARENES AVOCATS CONSEILS, avocat au barreau de BOURGES







IN...

SD/EC

N° RG 23/00743

N° Portalis DBVD-V-B7H-DSKD

Décision attaquée :

du 29 juin 2023

Origine :

conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES

--------------------

M. [W] [G]

C/

S.A.S. BROKERAGE, PROGRAMS & SERVICES FOR INSURANCE SOLUTIONS

--------------------

Expéd. - Grosse

Me FOURCADE 7.6.24

Me VAIDIE 7.6.24

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 07 JUIN 2024

N° 62 - 9 Pages

APPELANT :

Monsieur [W] [G]

[Adresse 2]

Représenté par Me Antoine FOURCADE de la SELARL ARENES AVOCATS CONSEILS, avocat au barreau de BOURGES

INTIMÉE :

S.A.S. BROKERAGE, PROGRAMS & SERVICES FOR INSURANCE SOLUTIONS

[Adresse 1]

Représentée par Me Stéphanie VAIDIE, substituée par Me Alain TANTON, de la SCP AVOCATS CENTRE, avocat postulant, du barreau de BOURGES

Représentée par Me Pierre AUDIGUIER de la SELARL PIOTRAUT GINE AVOCATS, avocat plaidant, du barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Mme CHENU, conseiller rapporteur

en l'absence d'opposition des parties et conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE

Lors du délibéré : Mme VIOCHE, présidente de chambre

Mme de LA CHAISE, présidente de chambre

Mme CHENU, conseillère

Arrêt n° 62 - page 2

07 juin 2024

DÉBATS : À l'audience publique du 12 avril 2024, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 07 juin 2024 par mise à disposition au greffe.

ARRÊT : Contradictoire - Prononcé publiquement le 07 juin 2024 par mise à disposition au greffe.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS Brokerage Programs & Services for Insurance Solutions (ci-après dénommée SAS BPSIS) qui emploie plus de 11 salariés, est spécialisée dans le courtage d'assurance et de réassurance ainsi que dans la gestion des produits d'assurance pour le compte de tiers.

À la suite de diverses opérations de fusion-absorption, la SAS Digital Insure vient désormais aux droits de la SAS BPSIS.

À compter du 29 octobre 2018, M. [G], né le 28 septembre 1989, a été engagé par la SAS BPSIS en qualité de chargé d'études actuarielles, statut cadre, classe F de la convention collective applicable, aux termes d'un contrat de travail à durée indéterminée en date du 17 octobre 2018, moyennant un salaire brut annuel de 75 000 euros contre un forfait de 216 jours de travail effectif par an, outre une rémunération variable pouvant atteindre un maximum de 10 000 euros brut annuel.

En dernier lieu, M. [G] percevait un salaire brut mensuel de 6 458,33 euros.

La convention collective des entreprises de courtage d'assurances et/ou de réassurance s'est appliquée à la relation de travail.

Le 28 juin 2021, les parties ont signé un formulaire d'homologation de rupture conventionnelle qui prévoyait que le contrat de travail prendrait fin le 6 août 2021 ainsi qu'une indemnité spécifique de rupture conventionnelle d'un montant de 12 843,48 euros nette de toute cotisation sociale.

Sur saisine de M. [G], et par ordonnance de référé en date du 17 septembre 2021, partiellement versée en procédure, le conseil de prud'hommes de Bourges a notamment ordonné à la SAS BPSIS, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision et sous astreinte de 30 euros par jour de retard passé ce délai, de :

- remettre à M. [G] les documents suivants : le certificat de travail, l'attestation Pôle emploi datée et mentionnant l'exactitude des salaires sur les douze derniers mois, le reçu pour solde de tout compte et l'état récapitulatif de l'épargne salariale,

- payer les sommes suivantes :

- le salaire du 1er au 6 août 2021 pour un montant de 1 467,81 euros bruts,

- le reliquat des jours RTT pour un montant de 228,98 euros,

- le reliquat de congés payés pour un montant de 4 998,68 euros,

- l'indemnité de rupture conventionnelle pour un montant de 12 843,48 euros.

Par courrier recommandé en date du 21 septembre 2021, la SAS BPSIS a adressé à M. [G] les documents de fin de contrat, dont la conformité a été contestée par le salarié le 22 septembre 2021.

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Sollicitant le versement d'une indemnité au titre d'une clause de non-concurrence dont il invoque la nullité et d'une somme due au titre de sa prévoyance complémentaire, ainsi que la liquidation de l'astreinte prononcée en référé et la remise, sous astreinte, d'une attestation Pôle emploi conforme, M. [G] a saisi, le 17 juin 2022, le conseil de prud'hommes de Bourges, section encadrement, lequel a, par jugement en date du 29 juin 2023 :

- retenu son incompétence pour statuer sur la demande de liquidation de l'astreinte et a renvoyé M. [G] à mieux se pourvoir,

- débouté M. [G] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné M. [G] à verser la somme de 500 euros à la SAS BPSIS au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [G] aux entiers dépens.

Le 25 juillet 2023, par voie électronique, M. [G] a régulièrement relevé appel de cette décision, laquelle lui avait été notifiée le 3 juillet 2023.

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 mars 2024 aux termes desquelles M. [G] demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il :

- l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et, plus précisément :

- de confirmation de la non-conformité de l'attestation Pôle Emploi et le doublement de l'astreinte à un montant de 60 euros par jour de retard dans la remise d'une attestation Pôle Emploi correcte,

- d'annulation de la clause de non-concurrence et le versement d'une indemnité correspondant à un salaire mensuel de 3 229,16 euros au prorata depuis la date de fin du contrat de travail, soit au total 63 872 euros ,

- de versement d'un montant de 5 970 euros correspondant au montant versé au titre du contrat de prévoyance complémentaire abusivement conservé par la Société BPSIS,

- de condamnation de la Société BPSIS à une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- l'a condamné à verser la somme de 500 euros à la SAS BPSIS au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamné aux entiers dépens.

- statuant à nouveau :

- condamner la SAS Digital Insure, venant aux droits de la SAS BPSIS, à lui remettre une attestation Pôle Emploi conforme et ce, sous une nouvelle astreinte de 60 euros par jour à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir,

- condamner la SAS Digital Insure, venant aux droits de la SAS BPSIS à lui payer la somme de 63 872 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice subi du fait du respect de l'illicéité de la clause de non-concurrence à laquelle il était soumis,

- condamner la SAS Digital Insure, venant aux droits de la BPSIS, à lui rembourser la somme de 5 976,46 euros au titre de sa prévoyance complémentaire,

- débouter la SAS Digital Insure, venant aux droits de la SAS BPSIS, de l'ensemble de ses demandes plus amples ou contraires,

- condamner la SAS Digital Insure, venant aux droits de la SAS BPSIS, à lui régler la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SAS Digital Insure, venant aux droits de la SAS BPSIS, aux entiers dépens d'instance, en ce compris les dépens de première instance et d'appel.

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 mars 2024 aux termes desquelles la SAS Digital Insure demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter M. [G] de l'intégralité de ses prétentions et de le condamner à lui verser la somme 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi

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qu'aux entiers dépens,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 13 mars 2024 ;

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.

MOTIFS :

1) Sur la demande indemnitaire résultant de l'application d'une clause de non-concurrence illicite :

Selon l'article L. 1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

En l'espèce, M. [G] fait grief aux premiers juges d'avoir écarté son argumentation et demande l'indemnisation du préjudice résultant de l'application de l'article 13.3 de son contrat de travail qu'il dit devoir s'analyser comme une clause de non-concurrence, nonobstant son intitulé.

Il prétend que cette clause, qui ne comporte aucune limite dans le temps et dans l'espace et ne fait pas l'objet d'une contrepartie financière, avait un objectif distinct d'une clause de 'non débauchage', selon la réelle intention des parties.

Rappelant les conditions cumulatives posées par la jurisprudence pour valider une clause de non-concurrence, M. [G] considère que la nullité de la clause contestée induit la réparation du préjudice qu'il a subi, dès lors qu'il a pris soin de la respecter et n'a pu exercer l'activité professionnelle qu'il souhaitait et pour laquelle il était formé.

Il invoque une atteinte au principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle et évalue son préjudice par référence à la durée pendant laquelle il s'est astreint à respecter la clause discutée et le montant de la contrepartie qu'il aurait été en droit de percevoir, par analogie avec la convention collective des activités de marchés financières, faute de contrepartie envisagée par la convention applicable à son contrat de travail.

La SAS Digital Insure réplique que le contrat de M. [G] comporte, non pas une clause de non-concurrence comme il le soutient, mais une clause de loyauté et de non-débauchage qui vise la clientèle de la société et les membres de son personnel, sans toutefois, selon elle, interdire à M. [G] d'exercer une activité de chargé d'études actuarielles dès la fin de son contrat de travail.

Subsidiairement, elle argue de l'absence de préjudice démontré par le salarié, en rappelant l'abandon par la jurisprudence de la théorie de préjudice nécessaire, et en notant que M. [G], qui ne l'a jamais interrogée sur la nature de cette clause pendant la durée de la relation contractuelle et a pu librement exercer son activité d'actuaire après la rupture de cette dernière, n'avait pas pour projet de créer une entreprise de courtage à l'issue de la rupture de son contrat en août 2021.

Il est acquis que le contrat de travail de M. [G] comporte en son article 13. 3, intitulé 'clause de loyauté et de non débauchage', les dispositions suivantes :

'Il est expressément convenu que le salarié s'interdit, en cas de cessation du contrat de travail,

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quelqu'en soit la date :

- d'approcher de manière directe ou indirecte, les clients, les intermédiaire, apporteurs d'affaires de la Société au moment de votre départ, pour la réalisation d'une activité concurrente à celle de la Société,

- de recréer, sous quelque forme que ce soit, une activité concurrente à celle de la Société,

- de débaucher les membres du personnel de la Société, notamment en ce qui concerne l'équipe commerciale.'

Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges et même si elle n'est pas dénommée comme telle, l'article 13.3 précité comporte bien une clause qui s'analyse en une clause de non-concurrence dès lors qu'elle a pour objet d'interdire au salarié d'exercer une activité professionnelle concurrente après la rupture du contrat de travail, ce qui la distingue des obligations de loyauté à laquelle un salarié est tenu pendant l'exécution de son contrat.

Or, en application du principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financières, ces conditions étant cumulatives (Soc. 10 juillet 2002, n°00-45.135, n° 00-45.387, N° 99-43.336).

Il ne fait pas débat que la clause litigieuse ne comporte aucune limitation dans le temps et dans l'espace, comme l'ont relevé les premiers juges, et ne prévoit pas l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière. Il en résulte que faute de répondre aux conditions cumulatives qui viennent d'être rappelées, elle est nulle ainsi que le prétend le salarié.

L'article 13.3 du contrat de travail de M. [G] stipule, par ailleurs, une clause de non-sollicitation de personnel, telle que l'invoque l'employeur. Pour autant, les atteintes à la liberté du travail et d'entreprendre portées par ce type de clause, distinct par certains traits de la clause de non-concurrence dont elle ne constitue ni une variante ni une précision, doivent être proportionnés aux intérêts légitimes qu'elle est censée protéger.

Tel n'est pas le cas en l'espèce, s'agissant d'une clause dont les effets ne sont ni limités dans le temps, ni dans l'espace, et qui n'apparaissent dès lors pas proportionnés à l'objet du contrat. Cette clause de non-sollicitation est donc nulle, à l'instar de la clause de non-concurrence qu'elle accompagne.

L'existence d'un préjudice résultant de l'illicéité d'une clause de non-concurrence, ou de non-sollicitation, et l'évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond. Il appartient au salarié de justifier de l'étendue de celui-ci.

Dans ces conditions, M. [G], qui ne produit aucune pièce permettant d'apprécier les conséquences de la stipulation de clauses de non-concurrence et de non-sollicitations nulles par son contrat de travail, notamment sur son parcours professionnel postérieur à la rupture de la relation contractuelle avec la SAS BPSIS, ne justifie pas du préjudice qu'il invoque.

Il doit, dès lors, être débouté de sa demande indemnitaire par voie de confirmation de la décision déférée.

2) Sur la demande en paiement au titre du contrat d'assurance de groupe à adhésion obligatoire :

M. [G], qui fait grief au jugement déféré d'avoir écarté sa demande en paiement en se

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contentant de retenir que l'employeur a respecté ses obligations en terme de maintien de salaire, souligne qu'il est le bénéficiaire du contrat de prévoyance complémentaire souscrit auprès de la société Groupama, dont il a financé une partie des cotisations et qu'il appartient à l'employeur de lui verser les sommes perçues à ce titre.

Le salarié souligne que l'employeur ne saurait utiliser le contrat souscrit au bénéfice des salariés pour financer ses propres obligations en matière de maintien de salaire, faisant ainsi une distinction entre le contrat souscrit auprès de la compagnie Groupama et tout autre contrat qui aurait pu être souscrit par l'employeur pour financer l'indemnisation des arrêts de travail de ses salariés au titre de son obligation personnelle légale de maintien du salaire prévue à l'article L. 1226-1 et D. 1226 -1 du code du travail.

L'appelant soutient que l'employeur a conservé une partie des fonds lui revenant au titre de ce contrat de prévoyance, dans la mesure où la somme versée par la compagnie Groupama était plus élevée que la somme due au titre du maintien de salaire auquel l'employeur était tenu par la convention collective.

L'employeur rappelle les obligations applicables en matière de maintien du salaire en cas d'indisponibilité pour maladie au regard de la convention collective des entreprises du courtage et précise avoir ainsi maintenu le salaire net de M. [G] à 100% durant les 60 premiers jours d'indemnisation, et ce alors que le contrat de prévoyance souscrit auprès de Groupama prévoit une franchise de 30 jours.

Il estime avoir réglé au salarié le montant exact de la somme perçue dans le cadre du contrat de prévoyance et réfute l'argumentation de ce dernier.

Il est admis par les parties que la convention collective applicable à la relation contractuelle prévoyait, en son article 32, le maintien de '100% du salaire net' du salarié indisponible pour maladie ou accident (hors accident du travail ou maladie professionnel) et il n'est pas contesté que l'employeur a respecté ces dispositions conventionnelles au cours des mois d'avril à juin 2021.

Il est, par ailleurs, établi que la SAS BPSIS a souscrit auprès de la compagnie Groupama un contrat d'assurance de groupe à adhésion obligatoire, dont M. [G] bénéficiait en qualité d'affilié et dont les dispositions générales stipulent, en leur article 20, § 1.2 relatif aux garanties en cas d'arrêt de travail de l'affilié, que 'ces garanties ont pour objet le service d'une indemnité journalière en cas d'incapacité temporaire de travail (...)'.

Il est ainsi prévu que les prestations sont versées à l'affilié, en l'espèce le salarié, à la condition qu'il soit reconnu par l'assureur comme étant atteint d'une incapacité temporaire, telle que définie au contrat et qu'il perçoive, à ce titre, des prestations en espèces de son régime social de base.

Il est de même acquis qu' à la suite des arrêts de travail dont M. [G] a bénéficié entre le 15 avril et le 13 juin 2021 et, après application d'une franchise de 30 jours conforme aux dispositions particulières produites aux débats, la compagnie Groupama a versé la somme de 5 976,46 euros à la SAS BPSIS, en application du contrat de prévoyance précité.

Toutefois, si l'employeur a perçu cette somme de 5 976,46 euros, l'analyse des bulletins de salaire des mois de mai et juin 2021 confirme les allégations du salarié en ce qu'il précise que la SAS BPSIS lui a, en réalité, versé un total de 4 355,99 euros de salaire brut pour la période du 15 mai au 13 juin 2021, dans le respect des dispositions conventionnelles, somme qui a été complétée par le versement de 1 380 euros d'indemnités journalières au titre du régime de base de sécurité sociale.

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Il est ici important de distinguer les obligations conventionnelles qui imposaient à l'employeur de maintenir le versement du salaire net du salarié pendant un maximum de 90 jours et les prestations perçues au titre du contrat de prévoyance dont les bases de calculs sont distinctes.

Ainsi, le fait que le contrat de prévoyance assure une meilleure protection financière que la garantie conventionnelle de maintien de salaire ne permettait pas à l'employeur de conserver les sommes perçues, qui sont dues à M. [G], comme le stipule l'article 20 §2.3 des dispositions générales produites en ses termes : 'Tant que le contrat de travail est maintenu, l'assureur est valablement libéré à l'égard de l'affilié par le règlement de l'indemnité journalière effectuée à la contractante, celle-ci s'engageant à la reverser au bénéficiaire'.

Toutefois, il résulte de l'article 20 §4.3 des conditions générales et des dispositions particulières applicables au cas de M. [G], versées aux débats par l'employeur, que 'le cumul des prestations versées tant par le régime social de base (à l'exclusion de la majoration pour tierce personne) que par l'assureur et, la cas échéant, des salaires payés par l'employeur et des indemnités d'assurance chômage versées par Pôle Emploi, ne peut excéder le montant du salaire de base de l'affilié déterminé à la date d'arrêt de travail et revalorisé à compter du 366ème jour d'arrêt de travail'.

Dès lors, M. [G] soutient à tort que la somme versée à l'employeur dans le cadre de ce contrat de prévoyance doit lui revenir en intégralité, puisque ce faisant, il méconnaît les dispositions contractuelles précitées régissant le cumul des prestations.

Il s'évince de ce qui précède que M. [G] doit percevoir la somme complémentaire de 722,34 euros au titre du contrat d'assurance de groupe à adhésion obligatoire souscrit auprès de la compagnie Groupama, somme correspondant au montant du salaire de base déterminé à la date d'arrêt de travail (6 458,33 euros), dont il convient de déduire les salaires perçues dans le cadre du maintien de salaire conventionnel (4 355,99 euros) et des prestations versées par le régime social de base (1 380 euros).

Il appartient à l'employeur de reverser cette somme qu'il a affectivement perçue de la part de la compagnie Groupama, de sorte qu'il sera condamné à la payer au salarié par infirmation de la décision déférée.

3) Sur la demande de transmission de l'attestation Pôle emploi :

Par ordonnance de référé en date du 17 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Bourges a notamment ordonné à la SAS BPSIS de remettre à M. [G] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi datée et mentionnant l'exactitude des salaires sur les douze derniers mois, un reçu pour solde de tout compte et l'état récapitulatif de l'épargne salariale, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision et sous astreinte de 30 euros par jour de retard passé ce délai.

Dans le cadre de la présence procédure au fond, M. [G] réclame la condamnation de l'intimée à lui remettre, sous astreinte, une attestation Pôle emploi conforme à la notice de cet organisme s'agissant de la mention de la rémunération intégrale qu'il aurait dû percevoir s'il n'avait pas été en arrêt de travail au titre des mois d'avril à juin 2021 et du nombre de jours n'ayant pas été intégralement payés.

L'employeur souligne que les dispositions conventionnelles applicables en matière de maintien de salaires ayant permis à M. [G] de ne subir aucune perte de rémunération, l'attestation Pôle emploi, qui lui a été adressée dès réception de l'ordonnance de référé du 17 septembre 2021, est conforme aux bulletins de salaire de l'appelant au titre des mois d'avril à juin 2021 et aux formes et modalités requises par Pôle Emploi. Il ajoute que M. [G] ne justifie d'aucune difficulté

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ou aucun préjudice liée à la non-conformité qu'il invoque.

Il résulte de l'attestation Pôle Emploi litigieuse produite que si les salaires bruts soumis à contributions d'assurance chômage des mois non impactés par les arrêts de travail ont été portés pour un montant constant de 6 458,33 euros, ceux des mois d'avril, mai et juin 2021 ont été mentionnés par l'employeur respectivement pour un montant de 5 753,03 euros, 4 776,46 euros, 5 753,03 euros, sans qu'il soit fait état de jours ou d'heures n'ayant pas été intégralement payés.

La notice émanant de Pôle emploi et intitulée 'comment remplir l'attestation', produite par le salarié, détaille les informations à porter sur ce document, notamment lorsque les salaires des 12 mois civils complets précédant le dernier jour travaillé et payé ont été impactés par des périodes d'arrêt de travail pour maladie, comme c'est le cas de M. [G].

Ainsi, en cas de maintien de salaire par l'employeur, il revient à ce dernier de déclarer la rémunération intégrale dans la colonne 5 du tableau destiné à détailler les salaires des 12 derniers mois civils précédant le dernier jour travaillé et, s'il n'a pas à indiquer de jour d'absence, il doit toutefois signaler en observations (colonne 7) les incidences sur le montant du précompte Assedic.

Dès lors, si la SAS Digital Insure souligne, à raison, que le salaire net de M. [G] a été maintenu dans les conditions prévues par la convention collective applicable, il n'en résulte toutefois pas un maintien de la rémunération brute.

Il appartient donc à la SAS Digital Insure, venant aux droits de la SAS BPSIS, de mentionner dans la colonne 'observations' les éventuelles conséquences des arrêts de travail pour maladie et de l'application des dispositions de la convention collective relatives au maintien du salaire, sur le montant du précompte Assedic concernant M. [G] pour les mois d'avril à juin 2021.

Compte tenu de ce qui précède, la demande de remise d'une attestation Pôle Emploi, devenu France Travail, conforme aux formes et modalités requises par cet organisme et à la situation du salarié est fondée.

La condamnation prononcée à ce titre, par voie d'infirmation de la décision déférée, sera au regard du contexte de l'affaire, assortie d'une astreinte dans les conditions prévues au dispositif du présent arrêt.

4) Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Le jugement déféré est infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Chaque partie succombant pour une partie de ses prétentions, les dépens de première instance et d'appel seront partagés entre elles par moitié, de sorte qu'elles seront en équité déboutées des demandes qu'elles forment au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition du greffe :

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour, SAUF en ce qu'il a débouté M. [W] [G] de sa demande indemnitaire résultant de l'application d'une clause de non-concurrence illicite ;

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STATUANT À NOUVEAU DES CHEFS INFIRMÉS et AJOUTANT :

CONDAMNE la SAS Digital Insure, venant aux droits de la SAS BPSIS, à payer à M. [W] [G] la somme complémentaire de 722,34 € au titre du contrat d'assurance de groupe à adhésion obligatoire souscrit auprès de la compagnie Groupama ;

CONDAMNE la SAS Digital Insure, venant aux droits de la SAS BPSIS, à remettre à M. [G] une attestation Pôle Emploi, devenu France Travail, conforme aux formes et modalités requises par cet organisme et à la situation du salarié, dans un délai d'un mois à compter du présent arrêt, et passé ce délai, sous astreinte de 30 euros par jour de retard ;

DÉBOUTE les parties de leur demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT que chaque partie assumera la moitié des dépens de première instance et d'appel.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

S. DELPLACE C. VIOCHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00743
Date de la décision : 07/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-07;23.00743 ?
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