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06/06/2024 | FRANCE | N°23/00729

France | France, Cour d'appel de Bourges, 1ère chambre, 06 juin 2024, 23/00729


SM/RP













































































COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

- la SCP SOREL

- la SCP GRAVAT-BAYARD

- Me SCHULETZKI



Expédition TJ



LE : 06 JUIN 2024

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 06 JUIN 2024

N° - Pages



N° RG 23/00729 - N° Portalis DBVD-V-B7H-DSIZ



Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire de CHATEAUROUX en date du 06 Juin 2023



PARTIES EN CAUSE :



I - S.A. MAAF ASSURANCES, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :

[Adresse 5]

N° SIRET : 542 073 580



Rep...

SM/RP

COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

- la SCP SOREL

- la SCP GRAVAT-BAYARD

- Me SCHULETZKI

Expédition TJ

LE : 06 JUIN 2024

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 06 JUIN 2024

N° - Pages

N° RG 23/00729 - N° Portalis DBVD-V-B7H-DSIZ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire de CHATEAUROUX en date du 06 Juin 2023

PARTIES EN CAUSE :

I - S.A. MAAF ASSURANCES, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :

[Adresse 5]

N° SIRET : 542 073 580

Représentée par la SCP SOREL, avocat au barreau de BOURGES

timbre fiscal acquitté

APPELANTE suivant déclaration du 19/07/2023

INCIDEMMENT INTIMÉE

II - M. [I] [X]

né le [Date naissance 3] 1976 à [Localité 6]

[Adresse 2]

Représenté par la SCP GRAVAT-BAYARD, avocat au barreau de CHATEAUROUX

timbre fiscal acquitté

INTIMÉ

III - CPAM LOIR ET CHER, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :

[Adresse 4]

Représentée par Me Jérémy SCHULETZKI, avocat au barreau de CHATEAUROUX

timbre fiscal acquitté

INTIMÉE

INCIDEMMENT APPELANTE

IV - Mme [O] [V]

[Adresse 1]

non représentée

à laquelle la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiés suivant actes d'huissier des 29/08/2023 et 19/10/2023 remis à étude

INTIMÉE

06 JUIN 2024

N° /2

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Avril 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. PERINETTI, Conseiller chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Odile CLEMENT Présidente de Chambre

M. Richard PERINETTI Conseiller

Mme Marie-Madeleine CIABRINI Conseiller

***************

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MAGIS

***************

ARRÊT : RENDU PAR DEFAUT

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

**************

Exposé :

Par actes en date des 11 et 12 janvier 2020, [I] [X] a assigné [O] [V] et à la société MAAF Assurances devant le tribunal judiciaire de Châteauroux, sollicitant principalement, sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, qu'il soit :

Dit que [O] [V], conductrice du véhicule Fiat Punto immatriculé [Immatriculation 7] est impliquée dans l'accident dont a été victime [I] [X] le 27 janvier 2020 sur la RD 13, à hauteur du PR50, commune de [Localité 10].

En conséquence,

Constaté l'imputation du dommage à l'accident.

En conséquence,

Condamné Madame [O] [V] et son assureur MAAF Assurances SA à indemniser le préjudice subi par [I] [X].

Donné acte à [I] [X] que dans le cadre de la procédure devant le tribunal judiciaire de Châteauroux, il sollicitera une expertise médicale judiciaire aux fins de chiffrer son préjudice.

Par jugement en date du 6 Juin 2023, le tribunal judiciaire de Châteauroux a :

DIT que Madame [O] [V] et la société MAAF Assurances doivent indemniser Monsieur [I] [X] de l'intégralité de son préjudice corporel résultant de l'accident de la circulation dont il a été victime le 27 janvier 2020 ;

DECLARE la présente décision opposable à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU LOIR ET CHER,

REJETE la demande de provision de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LOIR ET CHER,

CONDAMNE in solidum Madame [O] [V] et la société MAAF Assurances aux dépens avec distraction au profit de Maître Florent GRAVAT,

CONDAMNE indolidum Madame [O] [V] et la société MAAF Assurances à payer à Monsieur [I] [X] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

CONDAMNE in solidum Madame [O] [V] et la société MAAF Assurances à payer à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU LOIR ET CHER la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Avant dire droit, sur l'évaluation du préjudice corporel et la demande d'indemnité forfaitaire de gestion,

ORDONNE une expertise médicale avec mission d'usage.

La SA MAAF Assurances a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 19 juillet 2023 et demande à la cour, dans ses dernières écritures en date du 17 octobre 2023, à la lecture desquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, de :

Vu l'article 3 de la loi du 05 juillet 1985,

Infirmer le jugement du Tribunal Judiciaire de Châteauroux du 6 juin 2023 en ce qu'il dit que Madame [V] et la MAAF doivent indemniser Monsieur [I] [X] de l'intégralité du préjudice corporel résultant de l'accident de la circulation dont il a été victime le 27 janvier 2020, condamne celles-ci in solidum, au visa de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens et ordonne une mesure d'expertise médicale confiée au docteur [T].

Dire et juger que la faute commise par Monsieur [I] [X] est exclusive de tout droit à indemnisation en application de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985,

Ce faisant, débouter Monsieur [I] [X] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de MAAF Assurances,

Ce faisant dire n'y avoir lieu à une mesure d'expertise médicale.

Condamner Monsieur [I] [X] à verser à la MAAF la somme de 3.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

[I] [X], intimé, demande pour sa part à la cour dans ses dernières écritures en date du 8 janvier 2024, à la lecture desquelles il est pareillement expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, de :

Vu la Loi du 5 juillet 1985 dite Loi Badinter,

Vu les pièces communiquées,

Dire et juger recevable mais mal fondé l'appel interjeté par la MAAF Assurances du jugement du tribunal judiciaire de Châteauroux en date du 06 juin 2023.

Confirmer le jugement du Tribunal Judiciaire de Châteauroux en date du 6 juin 2023 en toutes ses dispositions

Condamner la SA MAAF Assurances à verser une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamner la SA MAAF Assurances SA sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile aux entiers dépens qui seront recouvrés directement par Maître Florent GRAVAT.

La caisse primaire d'assurance maladie de Loir et Cher demande pour sa part à la cour, dans ses dernières écritures en date du 22 janvier 2024, à la lecture desquelles il est également expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens, de :

Vu le Jugement du 6 juin 2023

Vu l'appel interjeté par la société MAAF Assurances

Vu l'appel incident régularisé par les présentes écritures

Vu la Loi du 5 juillet 1985

Vu l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale,

Vu l'article L221-3-1 du même code,

LE CONFIRMANT

DECLARER Madame [V] et son assureur la MAAF tenus à l'entière indemnisation du préjudice subi par Monsieur [X] suite à l'accident de la circulation dont il a été victime le 27 janvier 2020

LE REFORMANT

CONDAMNER in solidum Madame [V] et son assureur la MAAF à payer à la CPAM de LOIR ET CHER, subrogée dans les droits de son assuré à hauteur de la créance dont elle justifie, la somme de 55.921,59 € à titre provisionnel et à valoir sur sa créance définitive, ladite somme assortie des intérêts au taux légal à compter de la notification des présentes écritures

LES CONDAMNER également à lui régler la somme de 1.191,00 € sur le fondement de l'article L.376-1 alinéa 9 du code de la sécurité sociale,

LES CONDAMNER en outre à lui régler une somme de 1.900,00 € au visa de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance

Y AJOUTANT

CONDAMNER in solidum Madame [V] et son assureur la MAAF à payer à la CPAM de LOIR ET CHER la somme de 1900 € au titre de l'article 700 du CPC pour les frais exposés en cause d'appel

CONDAMNER enfin Madame [V] et son assureur la MAAF entiers dépens de première instance et d'appel.

[O] [V] n'a pas constitué avocat devant la cour.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 mars 2024.

Sur quoi :

Selon l'article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, « les dispositions du présent chapitre s'appliquent, même lorsqu'elles sont transportées en vertu d'un contrat, aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres. »

Il doit être remarqué que l'ensemble des parties retiennent que cette loi doit trouver application en l'espèce en raison de l'implication du véhicule terrestre à moteur de Madame [V] dans l'accident de la circulation dont Monsieur [X] a été victime le 27 janvier 2020, étant à cet égard rappelé qu'est impliqué, au sens de ce texte, tout véhicule qui est intervenu à un titre quelconque dans la survenance de l'accident, peu important qu'il y ait eu, ou non, contact direct avec la personne blessée (Cass. 2e civ., 4 juill. 2007, n° 06-14.484).

Selon l'article 3 de cette loi, « Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident. Les victimes désignées à l'alinéa précédent, lorsqu'elles sont âgées de moins de seize ans ou de plus de soixante-dix ans, ou lorsque, quel que soit leur âge, elles sont titulaires, au moment de l'accident, d'un titre leur reconnaissant un taux d'incapacité permanente ou d'invalidité au moins égal à 80 p. 100, sont, dans tous les cas, indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis. Toutefois, dans les cas visés aux deux alinéas précédents, la victime n'est pas indemnisée par l'auteur de l'accident des dommages résultant des atteintes à sa personne lorsqu'elle a volontairement recherché le dommage qu'elle a subi ».

Il est de jurisprudence constante qu'au sens de ce texte, seule est inexcusable la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience (Cass. ass. plén., 10 nov. 1995, n° 94-13.912).

Outre ces quatre éléments constitutifs de la faute inexcusable, l'article 3 précité exige encore que ladite faute ait été la cause exclusive de l'accident.

Il appartient dès lors à la société MAAF Assurances, qui entend faire échec au droit à indemnisation de Monsieur [X] ensuite de l'accident de la circulation survenu le 27 janvier 2020, de rapporter la preuve de la réunion de l'ensemble des éléments ainsi requis par l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985, de sorte qu'il y a lieu d'examiner l'ensemble des documents produits par les parties sur les circonstances dudit accident.

À cet égard, il résulte de l'enquête préliminaire réalisée par la compagnie de gendarmerie d'[Localité 9] (pièce numéro 1 du dossier de la MAAF) les éléments suivants : « Madame [V] [O] et Monsieur [X] [I] entretiennent une relation durant 10 jours entre le 6 et le 16 janvier 2020. Monsieur [X] n'accepte pas la séparation et cherche à contacter son ex-copine [sic] par tous les moyens. Madame [V] dépose plainte pour des appels téléphoniques malveillants le 25/01/2020. Le lundi 27/01/2020, Madame [V] circule avec son véhicule sur l'axe D13 entre [Localité 12] et [Localité 8] (36). Monsieur [X] aperçoit son véhicule et décide de la suivre. Il la dépasse et souhaite qu'elle s'arrête pour avoir des explications. Au cours de cette "poursuite" les véhicules des deux protagonistes se touchent à plusieurs reprises, occasionnant des dégâts. Les intéressés se stationnent sur le bas-côté. Monsieur [X] descend de son véhicule et va à la rencontre de Madame [V] qui est en train de passer un appel dans sa voiture. Il lui arrache le téléphone des mains, le casse et le jette dans le champ. Madame [V] profite que son ex petit ami retourne à son véhicule pour prendre la fuite. Lorsqu'elle quitte son emplacement, elle heurte Monsieur [X] avec l'arrière de sa voiture. Elle constate que ce dernier est au sol mais, par crainte, décide de poursuivre sa route jusqu'à son lieu de travail. Monsieur [X] s'est vu délivrer une ITT de 45 jours suite à une fracture du tibia péroné gauche (') ».

Les gendarmes ont joint à leur enquête la main courante déposée par Madame [V] le 19 janvier 2020 ' soit huit jours avant l'accident ' dans laquelle celle-ci se plaint du comportement virulent de Monsieur [X] suite à leur séparation, ainsi que son procès-verbal d'audition du 25 janvier 2020 ' soit deux jours avant l'accident ' dans lequel elle dépose plainte à son encontre pour des appels téléphoniques malveillants.

Dans son audition devant les enquêteurs le 27 janvier 2020, Madame [V] a relaté les circonstances de l'accident dans les termes suivants : « je roulais à bord du véhicule à [sic] mon frère une FIAT Punto de couleur bleu ciel, immatriculée [Immatriculation 7], en direction de [Localité 11]. (') J'ai vu une voiture dans mon rétroviseur qui se rapprochait de plus en plus vite. Je ne savais pas qui c'était à ce moment-là. La voiture s'est décalée comme si elle voulait doubler et je me suis décalée car la route n'est pas large. La voiture s'est rabattue mais s'est mise au milieu de la route. J'ai reconnu à ce moment-là la voiture de Monsieur [I] [X], mon ex petit ami. J'ai voulu rester sur ma file et passer à côté de lui mais il a accéléré et s'est remis sur mon côté gauche. Mon rétroviseur s'est rabattu mais je ne sais pas s'il est cassé. Il s'est frotté le long de ma voiture et voulait me mettre dans le fossé ('). Il est descendu de son véhicule, laissé un peu plus haut en travers. Il y avait peut-être deux mètres ou trois. Il m'ouvre la portière et j'ai tenté alors de composer le 17 de mon téléphone portable. Il a vu mon téléphone, je le tenais, mais il me l'a pris des mains et il me l'a brisé. J'ai vu la haine dans ses yeux. Il y a eu des étincelles et il a jeté le téléphone dans le champ côté passager de ma voiture. Il a voulu me sortir de la voiture et il m'a détaché ma ceinture de sécurité, il ne me semble pas qu'il ait réussi. (') Il me parlait en me disant qu'il fallait qu'il me parle [sic]. Il me demandait de sortir mais je lui disais de me laisser (') il n'a pas réussi à me faire sortir de la voiture. Il m'a dit de ne pas bouger, qu'il allait stationner sa voiture mieux que ce qu'elle n'était, il est allé en direction de son véhicule et a commencé à l'avancer. J'ai alors démarré ma voiture, il s'en est aperçu, je voulais partir mais il fallait que je double sa voiture. Je me suis avancée doucement, il est sorti et juste au niveau du coin avant gauche de mon véhicule comme s'il voulait arrêter la voiture. Je ne pensais pas le blesser, je n'avais qu'une idée, c'était partir car j'avais peur. Il voulait que je sorte de la voiture (') je n'ai rien senti, il n'y a pas eu de choc (') moi, dans ma tête, c'était m'en aller, m'en aller (') ».

Monsieur [X] a quant à lui fait les déclarations suivantes aux enquêteurs sur les circonstances de l'accident dont il a été victime : « (') le lundi matin 27 janvier 2020, à 7h30, je partais du travail à bord de mon véhicule, une Citroën Saxo blanche, [O] est passée avec sa voiture, une Punto bleue, devant moi au niveau du Bas Bourg à [Localité 12] (') j'ai décidé de la suivre pour l'arrêter et lui demander des explications au sujet de la discussion avec [Z] deux jours auparavant pour avoir une explication. Sur la route en direction de [Localité 11], je l'ai doublée à gauche, elle a donné un coup de volant et m'a percuté côté passager, elle a cassé le rétroviseur passager. Je me suis rabattu devant elle et je me suis mis devant elle en arrêtant mon véhicule. Elle s'est arrêtée derrière moi. Je suis descendu de ma voiture et je suis allé à sa rencontre en me plaçant au niveau de sa portière côté conducteur. J'ai ouvert sa porte et je lui ai demandé les raisons de cet écart contre ma voiture. Je ne me souviens pas des mots employés. Je n'étais [pas] spécialement en colère. J'ai ouvert sa porte, elle était au téléphone à ce moment-là. Je lui ai dit "raccroche j'ai à te parler cinq minutes". Elle n'a pas voulu raccrocher et je lui ai pris le téléphone des mains. J'ai raccroché moi-même, et j'ai posé le téléphone sur le toit de sa voiture en lui disant que je voulais lui parler cinq minutes, c'est tout. Je lui ai demandé de descendre de la voiture pour parler et elle a refusé (') je lui ai dit que je voulais ranger ma voiture car elle gênait et que je revenais. Je suis allé dans ma voiture, j'ai fait une marche avant pour me ranger sur le côté droit de l'accotement. Puis j'ai reculé pour me rapprocher vers son véhicule en warning. Ne la voyant pas partir pendant ma man'uvre, je me suis dit qu'elle voulait bien discuter avec moi (') je suis descendu de ma voiture, je me suis approché de sa voiture, arrivé à l'arrière de ma voiture au niveau de mon coffre, elle a accéléré et elle a quitté son emplacement d'un coup, j'ai sauté sur le côté droit pour essayer de l'éviter. Étant trop près, elle a roulé sur mes jambes, j'ai senti les deux roues avant et arrière côté conducteur passer sur mes deux jambes, j'ai entendu le craquement (') ».

Les investigations réalisées par les enquêteurs ont permis de constater la présence, sur les deux véhicules utilisés par les parties le jour des faits, de traces de frottement sur une hauteur comprise entre 50 et 62 centimètres depuis la chaussée, et de découvrir le téléphone portable de Madame [V] « à une dizaine de mètres de la chaussée » ' ce qui contredit les indications de Monsieur [X] selon lesquelles il aurait posé le téléphone portable sur le toit du véhicule.

Il résulte de ces éléments que Monsieur [X], dans un contexte de séparation particulièrement conflictuel ayant donné lieu notamment à une main courante et un dépôt de plainte de Madame [V] quelques jours seulement avant les faits, a pris la décision de poursuivre le véhicule automobile utilisé par son ex compagne, de le doubler et de le contraindre à s'arrêter après avoir heurté son véhicule, puis, souhaitant selon ses dires avoir une explication avec son ancienne compagne, lui a pris de force son téléphone portable et l'a jeté hors de portée de celle-ci.

Un tel comportement, qui ne relève pas d'une simple imprudence mais d'une transgression délibérée des prescriptions du code de la route, constitue, au sens des textes précités, une faute volontaire d'une exceptionnelle gravité, en raison de la particulière dangerosité qu'il revêt pour Madame [V] ainsi que pour l'ensemble des autres usagers de la voie publique.

Le fait dommageable dont Monsieur [X] sollicite l'indemnisation sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 s'est déroulé dans la continuité immédiate de ce comportement, lorsqu'après avoir déplacé son véhicule sur l'accotement, il est revenu vers la voiture utilisée par Madame [V], laquelle a rapidement pris la fuite, blessant son ancien compagnon au niveau des jambes.

Cette décision de se rapprocher du véhicule de Madame [V] exposait Monsieur [X], sans raison valable, à un danger ' en l'occurrence la probabilité d'un départ rapide des lieux de Madame [V] avec le risque d'être heurté par son véhicule ' dont il aurait dû avoir conscience.

En effet, Monsieur [X], qui reconnaît dans son audition devant les gendarmes avoir « pris le téléphone des mains » de son ancienne compagne, laquelle « criait pour son téléphone », ne pouvait raisonnablement ignorer que cette dernière ' ainsi contrainte d'être immobilisée sur une route de campagne et démunie de tout moyen d'appeler les secours ' était susceptible d'effectuer une démarche pour prendre la fuite et échapper, ainsi, à une situation potentiellement à risque en raison du caractère particulièrement conflictuel de la séparation.

Il sera, à cet égard, observé que [C] [G], voisine de Madame [V], a indiqué aux enquêteurs que le 19 janvier 2020 Monsieur [X] avait adopté un comportement menaçant à l'encontre de Madame [V], souhaitant l'empêcher de partir de son domicile, levant par ailleurs son poing en direction de la voisine, précisant que les services de gendarmerie avaient dû être appelés, de sorte que Monsieur [X] ne pouvait ignorer la volonté de son ex-compagne de ne plus avoir de contact avec lui.

L'ensemble de ces éléments établissent suffisamment qu'il peut être reproché à Monsieur [X], au sens de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985, une faute inexcusable, c'est-à-dire une faute volontaire d'une exceptionnelle gravité l'exposant sans raison valable à un danger dont il aurait dû avoir conscience.

Toutefois, la société MAAF Assurances ne peut valablement conclure, sur le fondement de ce texte, à l'absence d'indemnisation de Monsieur [X] que si elle rapporte la preuve que la faute inexcusable, ainsi caractérisée, constitue la cause exclusive de l'accident, c'est-à-dire qu'aucune autre cause que la faute de la victime n'ait contribué à l'accident et, en particulier, que la conductrice du véhicule impliqué n'a commis aucune faute ayant contribué à la réalisation de celui-ci.

Or, il résulte des circonstances de l'accident ci-dessus décrites qu'en heurtant et en roulant sur les jambes de Monsieur [X] ' alors qu'il n'est pas établi que celui-ci lui barrait la route et qu'il aurait été impossible de quitter les lieux en le contournant et sans le blesser ' Madame [V], conductrice du véhicule impliqué, a commis une faute ayant contribué à la réalisation de l'accident, de sorte qu'il ne saurait être considéré, au sens de l'article 3 précité, que la faute inexcusable commise par Monsieur [X] constituerait la cause exclusive de l'accident de la circulation dont il a été victime.

En conséquence, la société MAAF Assurances ne peut utilement se prévaloir de ce texte, en l'absence de réunion des conditions requises par celui-ci, pour opposer à ce dernier une absence d'indemnisation des préjudices qu'il a subis.

Pour les motifs ainsi substitués, la décision de première instance devra donc être confirmée en ce qu'elle a dit que Madame [V] et la société MAAF Assurances devaient indemniser Monsieur [X] de l'intégralité de son préjudice corporel et ordonné, avant-dire droit, une mesure d'expertise médicale confiée au docteur [T].

La caisse primaire d'assurance maladie de Loir et Cher justifie d'une créance provisoire, au titre de ses débours, d'un montant de 55'921,59 €, selon décompte en date du 17 janvier 2024 (pièce numéro 2 de son dossier), s'agissant des frais hospitaliers, frais médicaux, frais pharmaceutiques, frais d'appareillage, frais de transport et indemnités journalières consécutifs à l'accident.

L'organisme social produit, par ailleurs, une attestation d'imputabilité établie le 17 janvier 2024 par le docteur [S] (pièce numéro 3 de son dossier) au titre des dépenses exposées pour le compte de Monsieur [X] à l'accident du 27 janvier 2020 .

Dans ces conditions, il y aura lieu de réformer la décision entreprise, qui avait écarté les demandes de l'organisme social, et de faire droit à la demande ' au demeurant non contestée ' de la caisse primaire d'assurance-maladie de condamnation in solidum de Madame [V] et de son assureur la MAAF à lui verser la somme de 55'921,59 € à titre provisionnel et à valoir sur sa créance définitive, outre une indemnité forfaitaire de 1191 € sur le fondement des dispositions de l'article L376 ' 1 du code de la sécurité sociale.

La décision de première instance se trouvant, ainsi, confirmée en la majorité de ses dispositions, les entiers dépens d'appel seront laissés à la charge de la société MAAF Assurances, qui succombe en ses demandes, et qui devra verser, en outre, une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile que l'équité commande de fixer à 1500 € au profit de Monsieur [X].

Aucune considération d'équité ne commande, en revanche, de faire application à ce stade de la procédure desdites dispositions au bénéfice de la caisse primaire d'assurance-maladie de Loir-et-Cher, par ailleurs bénéficiaire de l'indemnité forfaitaire précitée.

Par ces motifs :

La cour

' Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de provision de la caisse primaire d'assurance-maladie de Loir-et-Cher

Et, statuant à nouveau sur ce seul chef réformé

' Condamne in solidum [O] [V] et la société MAAF Assurances à verser à la caisse primaire d'assurance-maladie de Loir-et-Cher la somme de 55'921,59 € à titre de provision à valoir sur sa créance définitive ainsi qu'une indemnité forfaitaire de 1191 € sur le fondement de l'article L376 ' 1 du code de la sécurité sociale

Y ajoutant

' Condamne la société MAAF Assurances à verser à [I] [X] une indemnité de 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

' Rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance-maladie de Loir-et-Cher au titre de l'article 700 du code de procédure civile

' Rejette toutes autres demandes, plus amples ou contraires

' Condamne in solidum [O] [V] et la société MAAF Assurances aux entiers dépens d'appel et dit qu'il pourra être fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'arrêt a été signé par O. CLEMENT, Présidente, et par S. MAGIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

S. MAGIS O. CLEMENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23/00729
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;23.00729 ?
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