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31/05/2024 | FRANCE | N°23/00928

France | France, Cour d'appel de Bourges, Chambre sociale, 31 mai 2024, 23/00928


SD/EC





N° RG 23/00928

N° Portalis DBVD-V-B7H-DSW6





Décision attaquée :

du 05 septembre 2023

Origine : conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES







--------------------



Mme [S] [X]





C/



ASSOCIATION DES JEUNES CRÉATEURS VIERZONNAIS







--------------------



Expéd. - Grosse



Me PIGNOL 31.5.24



Me BIGOT 31.5.24



















COUR D'APPEL DE BOURGES



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 31 MAI 2024



N° 55 - 6 Pages





APPELANTE :



Madame [S] [X]

[Adresse 2]



Représentée par Me Pierre PIGNOL de la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES









INTIMÉE :



ASSOCIATION DES JEUNE...

SD/EC

N° RG 23/00928

N° Portalis DBVD-V-B7H-DSW6

Décision attaquée :

du 05 septembre 2023

Origine : conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES

--------------------

Mme [S] [X]

C/

ASSOCIATION DES JEUNES CRÉATEURS VIERZONNAIS

--------------------

Expéd. - Grosse

Me PIGNOL 31.5.24

Me BIGOT 31.5.24

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 31 MAI 2024

N° 55 - 6 Pages

APPELANTE :

Madame [S] [X]

[Adresse 2]

Représentée par Me Pierre PIGNOL de la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES

INTIMÉE :

ASSOCIATION DES JEUNES CRÉATEURS VIERZONNAIS

[Adresse 1]

Représentée par Me Marie-Pierre BIGOT, substituée par Me Angélina MONICAULT, de la SCP AVOCATS BUSINESS CONSEILS, avocates au barreau de BOURGES

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats et du délibéré :

PRÉSIDENT : Mme VIOCHE, présidente de chambre

ASSESSEURS : Mme de LA CHAISE, présidente de chambre

Mme CHENU, conseillère

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE

DÉBATS : À l'audience publique du 05 avril 2024, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 31 mai 2024 par mise à disposition au greffe.

ARRÊT : Contradictoire - Prononcé publiquement le 31 mai 2024 par mise à disposition au greffe.

Arrêt n° 55 - page 2

31 mai 2024

FAITS ET PROCÉDURE

L'association des Jeunes Créateurs Vierzonnais, ci-après dénommée l'AJCV, est une association régie par la loi du 1er juillet 1901, implantée au sein du quartier du [Adresse 3] à [Localité 5] intervenant au profit des personnes âgées, dans l'accompagnement de la parentalité et gérant un centre de loisirs pendant les vacances scolaires. Elle emploie plus de 11 salariés et fait application de la convention collective des métiers de l'éducation, de la culture, des loisirs et de l'animation dite convention ECLAT.

À compter du 12 septembre 2022, Mme [S] [X], née le 12 octobre 1986, a été engagée par cette association en qualité d'adulte-relais médiatrice 'École [4]', groupe B, coefficient 260 de la convention collective applicable, aux termes d'un contrat de travail à durée déterminée de 3 ans en date du 31 août 2022. Le contrat, conclu dans le cadre d'une convention dite Adultes-Relais entre l'État et l'employeur, prévoyait une rémunération brute mensuelle de 1 716,20 euros, contre 151,67 heures de travail effectif mensuel.

Les dispositions du contrat concernant la période d'essai étaient ainsi rédigées 'Le présent contrat ne deviendra ferme et définitif qu'à l'issue d'une période d'essai d'un mois soit du 12/09/2022 au 11/10/2022 inclus, renouvelable 1 fois jusqu'au 11/11/2022 inclus (...).'

Par courrier remis en main propre le 4 novembre 2022, l'AJCV a informé Mme [X] qu'elle mettait fin à la période d'essai. La relation de travail a pris fin le 7 novembre 2022.

Sollicitant une indemnisation du fait de la rupture anticipée de son contrat de travail, Mme [X] a saisi, le 8 décembre 2022, le conseil de prud'hommes de Bourges, section activités diverses, qui a, par jugement en date du 5 septembre 2023 :

- débouté Mme [X] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté l'AJCV de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [X] aux dépens.

Le 15 septembre 2023, par voie électronique, Mme [X] a régulièrement relevé appel de cette décision, laquelle lui avait été notifiée le 13 septembre 2023.

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 mars 2024 aux termes desquelles Mme [X] demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- statuant à nouveau :

- condamner l'AJCV à lui payer les sommes suivantes :

- 58 066,50 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée de son contrat de travail,

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même en tous les dépens.

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 mars 2024, aux termes desquelles l'AJCV demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- en conséquence, débouter Mme [X] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

- condamner Mme [X] à la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [X] aux entiers dépens.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 27 mars 2024 ;

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.

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31 mai 2024

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1) Sur la rupture de la relation contractuelle et la demande indemnitaire subséquente :

a) Sur la rupture de la relation contractuelle :

Selon les articles L. 5134-100 et L. 5134-103 du code du travail, le contrat relatif à des activités d'adultes-relais, qui donne lieu à la conclusion d'une convention entre l'État et l'employeur, d'un contrat de travail entre l'employeur et le bénéficiaire de la convention ainsi qu'à l'attribution d'une aide financière, est un contrat de travail de droit privé à durée indéterminée ou à durée déterminée conclu en application du 1° de l'article L. 1242-3 dans la limite d'une durée de trois ans renouvelable une fois.

Le contrat à durée déterminée conclu dans le cadre de ces dispositions comporte une période d'essai d'un mois renouvelable une fois.

En l'espèce, Mme [X] expose que la conclusion de son contrat de travail avec l'AJCV devait intervenir dans le cadre spécifique d'un contrat adultes-relais qui suppose la signature d'une convention entre son employeur, l'État et l'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances. Elle considère toutefois que l'agence nationale n'étant pas partie à la convention signée le 12 septembre 2022, cette dernière, tout comme les dispositions des articles

L. 5134-106 et suivants du code précité, ne lui sont pas opposables et que de ce fait, la période d'essai ne pouvait pas être renouvelée.

Elle soutient, par ailleurs, que si l'employeur entendait renouveler la période d'essai, il lui appartenait de le faire avant l'expiration de la première période, la convention collective applicable prévoyant, selon elle, que ce renouvellement, qui devait recevoir son accord, doit en outre, être exceptionnel, motivé et signifié par écrit.

Arguant d'une rupture anticipée de son contrat à durée déterminée en dehors des cas prévus par le code du travail, elle invoque une rupture abusive ouvrant droit à des dommages et intérêts et poursuit la réformation du jugement déféré de ce chef.

L'AJCV réplique que la période d'essai mentionnée par le contrat de travail est prévue par les dispositions de l'article L. 5134-103 du code du travail, applicables s'agissant des contrats signés dans le cadre d'un contrat adulte-relais, que Mme [X] était informée de son renouvellement dès la signature du contrat de travail, et y a consenti en le signant.

En réponse à l'argumentation de l'appelante, l'AJCV relève que la convention signée avec l'État l'a été en présence de l'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, dans la mesure où le représentant de son délégué départemental, à savoir le préfet, a signé l'annexe de la convention du 12 septembre 2022.

L'intimée considère que les premiers juges ont ainsi valablement retenu la possibilité qui lui était ouverte de rompre la relation contractuelle pendant la durée de la période d'essai et subsidiairement, que la méconnaissance par l'employeur des dispositions relatives à la rupture du contrat de travail à durée déterminée relatif aux activités d'adultes-relais, ouvre droit à des dommages et intérêts correspondant au préjudice subi par la salariée, dont elle doit rapporter la preuve, et non à l'application des dispositions de l'article L. 1243-1 du code précité.

Elle sollicite, si la cour devait retenir l'existence d'un préjudice, une réduction du quantum des sommes allouées dans de plus justes proportions au regard des justificatifs produits par Mme [X].

Contrairement à ce que soutient la salariée, la signature du contrat de travail a été suivie de la conclusion d'une convention adultes-relais en date du 12 septembre 2022 liant l'État, représenté

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par le préfet du Cher, et l'AJCV et ce, en présence de l'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, également désignée sous le sigle l'ANCT. Cela résulte en effet de la signature du document intitulé 'Annexe à la convention entre l'État (l'ANCT) et l'employeur' en date du 12 septembre 2022 par Mme [W] [F], agissant en qualité de représentante du préfet de département, qui est le délégué territorial de l'ANCT, comme établi par la pièce n°4 de l'employeur, sous la mention 'pour l'État (ANCT)'.

Il s'en évince que la relation contractuelle ayant existé entre l'AJCV et Mme [X] s'inscrit pleinement dans le cadre du régime juridique spécifique au contrat 'adultes-relais' et des dispositions précitées des articles L. 5134-100 et L. 5134-109 du code du travail.

À ce titre, la période d'essai d'un mois renouvelable une fois, prévue par l'article L. 5134-103 du code précité, était applicable à la situation de Mme [X], tel que le mentionne le contrat de travail produit.

C'est toutefois par une lecture erronée de ce même contrat de travail que l'employeur souligne que la salariée avait été informée du renouvellement de cette période d'essai lors de sa signature.

En effet, d'une part, la mention d'une période d'essai 'renouvelable' ne saurait correspondre à un cas de période d'essai 'renouvelée' et d'autre part, le renouvellement de la période d'essai ne peut résulter que d'un accord exprès des parties intervenu au cours de la période initiale et ne saurait être stipulé dès la signature du contrat de travail, comme l'AJCV tente de le soutenir.

Il en résulte que la période d'essai de Mme [X], qui n'a pas été valablement renouvelée contrairement à ce que les premiers juges ont cru pouvoir retenir, s'est terminée le 11 octobre 2020 à minuit. Ainsi l'employeur n'était pas en mesure de rompre cette dernière par un courrier du 4 novembre 2022.

Dès lors, le contrat de travail de Mme [X] s'est poursuivi à compter du 12 octobre 2022 et le courrier précité constitue un cas de rupture anticipée du contrat à durée déterminée.

b) Sur la demande indemnitaire subséquente :

Selon l'article L. 5134-104 du code du travail, sans préjudice des cas prévus aux articles L. 1243-1 et L. 1243-2 du même code, le contrat de travail relatif à des activités d'adultes-relais peut être rompu, à l'expiration de chacune des périodes annuelles de leur exécution, à l'initiative de l'employeur, s'il justifie d'une cause réelle et sérieuse.

En application des dispositions de l'article L. 5134-107, par dérogation aux dispositions de l'article L. 1243-2, la méconnaissance par l'employeur des dispositions spécifique relatives à la rupture du contrat de travail relatif aux activités d'adultes-relais, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts correspondant au préjudice subi.

En l'espèce, Mme [X] se prévaut des dispositions de l'article L. 1243-2 du code précité, pour réclamer des dommages et intérêts calculés en référence à la rémunération brute dont elle aurait bénéficié jusqu'au terme du contrat.

L'employeur, qui n'invoque pas une cause réelle et sérieuse de rupture anticipée du contrat de travail, soutient qu'il appartient à Mme [X] de justifier de l'étendue de son préjudice compte-tenu du régime spécifique des contrats relatifs aux activités d'adultes-relais tel qu'il résulte de l'application de l'article L. 5134-107 du code précité.

Ainsi, sans méconnaître le caractère d'ordre public des dispositions de l'article L. 1243-2 du code du travail, rappelées par la salariée, il convient de relever, comme le fait l'employeur, qu'en cas de méconnaissance des conditions de rupture prévus par l'article L. 5134-104 du code du travail, comme tel est le cas en l'espèce, en l'absence cause réelle et sérieuse fondant la rupture, la

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réparation minimale et indépendante du préjudice subi prévue par l'article L. 1243-2 est expressément écartée par l'article L. 5134-107 du même code, qui organise ainsi un régime indemnitaire dérogatoire fondé sur la référence au préjudice subi.

À ce titre, Mme [X], qui a trois enfants mineurs à charge selon l'attestation de la Caf du Cher produite, précise n'avoir pu retrouver un emploi qu'à compter du 13 juillet 2023 et jusqu'au mois de janvier 2024, avoir perçu le RSA jusqu'au mois de juin 2023 et ensuite les indemnités France Travail.

Elle justifie, par sa pièce n°5, avoir été bénéficiaire du RSA entre novembre 2022 et août 2023 puis en janvier et février 2024 et produit une attestation Pôle emploi confirmant la perception d'une rémunération de formation entre le 12 juin 2023 et le 12 juillet 2023 à hauteur d'une somme journalière de 23,33 à 24,11 euros, puis de l'aide au retour à l'emploi entre le 7 et le 29 février 2024 pour une somme journalière de 20,89 euros.

Au regard des éléments soumis à la cour, de l'âge de Mme [X] (37 ans), de sa situation professionnelle, qui l'avait conduite à bénéficier d'un contrat de travail destiné à favoriser le recrutement de personnes sans emploi, de l'absence de retour à l'emploi après la rupture du contrat signé avec l'AJCV dont il est justifié et de la durée de la relation contractuelle, la cour retient, par voie d'infirmation de la décision déférée, que l'octroi de la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité pour rupture anticipée de son contrat de travail permet une réparation juste et adaptée du préjudice subi par Mme [X].

2) Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement est également infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et au frais irrépétibles, sauf en ce qu'il a débouté l'AJCV de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'AJCV, qui succombe devant la cour, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée en conséquence de sa demande d'indemnité de procédure formée à hauteur d'appel.

De même, l'issue de l'appel et l'équité commandent de la condamner à payer à la salariée, qui a dû exposer des frais pour soutenir son argumentation en première instance, comme en appel, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition du greffe :

INFIRME le jugement déféré SAUF en ce qu'il a débouté l'association des Jeunes Créateurs Vierzonnais (AJCV) de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

STATUANT À NOUVEAU DES CHEFS INFIRMÉS et AJOUTANT :

CONDAMNE l'AJCV à payer à Mme [S] [X] une somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée de son contrat de travail ;

CONDAMNE l'AJCV à payer à Mme [S] [X] une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l'AJCV aux dépens de première instance et d'appel et la déboute de sa demande d'indemnité de procédure formée à hauteur d'appel.

Arrêt n° 55 - page 6

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Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

S. DELPLACE C. VIOCHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00928
Date de la décision : 31/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-31;23.00928 ?
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