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31/05/2024 | FRANCE | N°23/00826

France | France, Cour d'appel de Bourges, Chambre sociale, 31 mai 2024, 23/00826


SD/EC





N° RG 23/00826

N° Portalis DBVD-V-B7H-DSQC





Décision attaquée :

du 17 juillet 2023

Origine : conseil de prud'hommes - formation paritaire de NEVERS







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M. [Z] [H]





C/



S.A.S.U. SIMONNEAU AUTOMOBILES







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Expéd. - Grosse



Me BLANCHECOTTE 31.5.24



Me LAPALUS 31.5.24















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COUR D'APPEL DE BOURGES



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 31 MAI 2024



N° 57 - 8 Pages





APPELANT :



Monsieur [Z] [H]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté par Me Eric BLANCHECOTTE de la SCP BLANCHECOTTE- BOIRIN, avocat au barreau de NEVERS



(bénéficie d'une aide jurid...

SD/EC

N° RG 23/00826

N° Portalis DBVD-V-B7H-DSQC

Décision attaquée :

du 17 juillet 2023

Origine : conseil de prud'hommes - formation paritaire de NEVERS

--------------------

M. [Z] [H]

C/

S.A.S.U. SIMONNEAU AUTOMOBILES

--------------------

Expéd. - Grosse

Me BLANCHECOTTE 31.5.24

Me LAPALUS 31.5.24

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 31 MAI 2024

N° 57 - 8 Pages

APPELANT :

Monsieur [Z] [H]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Eric BLANCHECOTTE de la SCP BLANCHECOTTE- BOIRIN, avocat au barreau de NEVERS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 18033 2023 001171 du 05/10/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BOURGES)

INTIMÉE :

S.A.S.U. SIMONNEAU AUTOMOBILES

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Hugues LAPALUS, substitué par Me Vincent PRUNEVIEILLE, de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats et du délibéré :

PRÉSIDENT : Mme VIOCHE, présidente de chambre

ASSESSEURS : Mme de LA CHAISE, présidente de chambre

Mme CHENU, conseillère

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE

DÉBATS : À l'audience publique du 05 avril 2024, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 31 mai 2024 par mise à disposition au greffe.

Arrêt n° 57 - page 2

31 mai 2024

ARRÊT : Contradictoire - Prononcé publiquement le 31 mai 2024 par mise à disposition au greffe.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

La SASU Simonneau Automobiles, qui exerce une activité de commerce de voitures ainsi que de véhicules automobiles légers et exploite une concession de la marque Renault, emploie plus de 11 salariés.

M. [H], né le 11 août 1985, a été engagé par cette société aux termes d'un contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er juillet 2021, en qualité de mécanicien opérateur service rapide , échelon 03, moyennant une rémunération brute mensuelle de 1 612 euros pour 35 heures de travail effectif par semaine.

Ce contrat prévoyait, en son article 3, une période d'essai de deux mois, renouvelable pour une nouvelle période de même durée, à la demande d'une des parties acceptée par l'autre.

Un avenant au contrat de travail en date du 30 août 2021, dont M. [H] conteste la signature, prévoyait le renouvellement de cette période d'essai jusqu'au 31 octobre 2021.

M. [H] a été hospitalisé entre le 24 et le 27 août 2021 à la suite de l'intervention des services de secours sur son lieu de travail. L'employeur a établi une déclaration d'accident de travail mentionnant à ce titre un 'malaise' de son salarié.

Par courrier recommandé en date du 27 septembre 2021, dont M. [H] a accusé réception, la SASU Simonneau Automobiles a informé ce dernier qu'elle mettait fin à sa période d'essai à effet au 8 octobre 2021, avec dispense de réalisation de la période de préavis.

Contestant la régularité de la rupture de la relation contractuelle et invoquant un harcèlement moral, M. [H] a saisi, le 23 septembre 2022, le conseil de prud'hommes de Nevers, section commerce, qui a, par jugement en date du 17 juillet 2023 :

- débouté M. [H] de l'intégralité de ses demandes,

- condamné M. [H] à payer à la SASU Simonneau Automobiles la somme de 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [H] aux dépens.

Le 17 août 2023, par voie électronique, M. [H] a régulièrement relevé appel de cette décision, laquelle lui avait été notifiée le 27 juillet 2023.

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 novembre 2023 aux termes desquelles M. [H] demande à la cour de :

- réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- statuant à nouveau :

- surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale en application des dispositions de l'article 378 du code de procédure civile,

- s'il n'était fait droit à la demande de sursis à statuer, condamner la SASU Simonneau Automobiles à lui payer les sommes suivantes :

- 1 612 euros en application des dispositions de1'article L.1235-2 du code du travail,

- 100 000 euros en application des dispositions des articles L. 1152-1 et suivants du code du travail,

- 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 23 janvier 2024, aux termes desquelles la SASU Simonneau Automobiles demande à la cour de :

Arrêt n° 57 - page 3

31 mai 2024

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- débouter en conséquence M. [H] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [H] à lui payer à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 6 mars 2024 ;

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.

MOTIFS :

1) Sur la rupture de la relation contractuelle :

En application des articles L. 1221- 19 et suivants du code du travail, le contrat de travail à durée indéterminée peut comporter une période d'essai dont la durée maximale est :

1° Pour les ouvriers et les employés, de deux mois ;

2° Pour les agents de maîtrise et les techniciens, de trois mois ;

3° Pour les cadres, de quatre mois.

Cette période permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.

La période d'essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit. Cet accord fixe les conditions et les durées de renouvellement.

En l'espèce, M. [H], qui poursuit l'infirmation du jugement déféré de ce chef et conteste avoir signé l'avenant au contrat de travail dont l'employeur se prévaut et qui prolonge la période d'essai dont il faisait l'objet, soutient que la rupture de son contrat de travail après la fin de la période d'essai ne respecte par les formes imposées par la loi.

S'il évoque un licenciement dépourvu de cause, il limite sa demande d'indemnisation à la somme de 1 612 euros correspondant à un mois de salaire, au visa de l'article L. 1235-2 du code du travail.

Selon ce texte, lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d'un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L. 1232-2,

L. 1232-3, L. 1232-4, L. 1233-11, L. 1233-12 et L. 1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

En l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, le préjudice résultant du vice de motivation de la lettre de rupture est réparé par l'indemnité allouée conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail.

La SASU Simonneau Automobiles rappelle que le contrat de travail signé par M. [H] stipulait une période d'essai de deux mois renouvelable, en conformité avec les articles L. 1221-19 et suivants du code du travail et l'article 303 de la convention collective applicable. Elle ajoute que la signature d'un avenant en date du 30 août 2021 a conduit au renouvellement de cette dernière jusqu'au 31 octobre 2021.

L'intimée ajoute que la notification de la rupture de la période d'essai en date du 27 septembre 2021 est intervenue dans le respect du délai de prévenance de deux semaines et après paiement

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d'une indemnité compensatrice et s'oppose dès lors au versement de l'indemnisation réclamée, en l'absence de toute procédure de licenciement engagée à l'égard de M. [H].

Il n'est pas contesté que la convention collective des services de l'automobile applicable à la relation contractuelle prévoit, en son article 2.03, la possibilité d'un renouvellement de la période d'essai, qui est également reprise par l'article 3.1 du contrat de travail signé par M. [H] le 1er juillet 2021.

Celui-ci ne saurait valablement dénier sa signature sur le document intitulé 'contrat de travail à durée indéterminé renouvellement d'une période d'essai' en date du 30 août 2021, alors même qu'après vérification d'écriture au vu des éléments dont elle dispose, à savoir les signatures présentes sur le contrat de travail du 1er juillet 2021, sur le procès-verbal du 8 octobre 2021 ou encore sur la copie de la pièce d'identité de M. [H], la cour est en mesure de retenir qu'il est l'auteur de la signature contestée, compte-tenu de leur similitude et sans qu'il y ait lieu de se référer aux signatures réalisées pour la cause par l'appelant.

La période d'essai contractuellement définie ayant été valablement renouvelée, la rupture de cette dernière par un courrier du 27 septembre 2021 ne saurait dès lors s'analyser en un licenciement, de sorte que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. [H] de sa demande indemnitaire formée au visa de l'article L. 1235-2 du code du travail.

2) Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral :

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L. 1154-1 du même code, il appartient au salarié qui s'estime victime d'un harcèlement moral de présenter les éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail.

Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

a) Sur la demande de sursis à statuer :

M. [H] sollicite, à titre principal et au visa de l'article 378 du code de procédure civile, qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale, demande à laquelle la SASU Simonneau Automobiles s'oppose, en soulignant que le document faisant état d'une enquête en cours ne contient aucune référence permettant d'établir un lien avec le dépôt de plainte de M. [H].

L'audition de M. [H] par les services de police le 8 octobre 2021 a été l'occasion pour ce dernier de déposer plainte à l'encontre de M. [L], son collègue au sein du service 'Renault Minute' et de sa hiérarchie.

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Pour autant, le courrier du Parquet du Tribunal judiciaire de Nevers en date du 20 octobre 2023, qui mentionne uniquement un numéro de procédure, et qui est produit sans le courrier du conseil de M. [H] en réponse duquel il est rédigé, ne permet pas de confirmer que la procédure d'enquête en cours dont il est fait état est effectivement en lien avec la plainte de M. [H].

Dès lors, en l'absence d'éléments permettant d'établir l'existence d'une procédure pénale en cours qui serait de nature à exercer, directement ou indirectement, une influence sur le litige prud'homal, il n'y a pas lieu, en opportunité, de prononcer un sursis à statuer qui ne s'impose pas à la cour.

b) Sur la demande d'indemnisation :

Subsidiairement, M. [H] demande qu'il soit retenu qu'il a subi un harcèlement moral à l'origine d'une première tentative de suicide survenue sur son lieu de travail, alors qu'il avait absorbé des médicaments ayant induit l'intervention des services de secours et une hospitalisation de trois jours, puis d'une seconde survenue à son domicile.

L'appelant relève que son employeur n'a pris aucune mesure à la suite de cet événement alors même qu'il subissait une situation de harcèlement moral en raison de son orientation sexuelle, de la part de M. [L], son collègue de travail, ce dont M. [I], chef d'atelier, et M. [G], responsable de la SASU Simonneau Automobiles, étaient pleinement informés.

Il souligne que la gravité des actes ainsi posés témoigne de l'importance du harcèlement subi sur son lieu de travail et de l'inaction de sa hiérarchie.

La SASU Simonneau Automobiles conteste tout harcèlement à l'égard de M. [H] en distinguant cette notion des situations résultant de difficultés relationnelles susceptibles d'exister entre un salarié et ses collègues, et en rappelant les règles de preuve applicables selon l'article L. 1154-1 du code du travail.

Elle considère que le salarié n'apporte aucun élément probant permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, alors même que les certificats de son psychiatre, comme les attestations de ses amis, se bornent à rapporter les faits qu'il a lui-même décrits, et relève que M. [H] faisait état, devant les services de gendarmerie, d'une fragilité antérieure à son arrivée dans l'entreprise.

L'intimée invoque le caractère confus des déclarations de M. [H] devant les enquêteurs, et considère qu'en se référant à des reproches qui lui ont été formulés sur la qualité de son travail, il atteste de faits qui ne peuvent être constitutifs de harcèlement, et plus encore qui fondent la rupture de la période d'essai.

S'agissant de la journée du 24 août 2021, la SASU Simonneau Automobiles conteste avoir été informée d'une tentative de suicide au sein de son établissement alors même qu'elle a déclaré le malaise de son salarié auprès de la CPAM. Elle relève que le certificat médical établi très postérieurement retrace les doléances et explications du patient et ne mentionne aucun arrêt de travail ou incapacité de travail.

M. [H] produit à l'appui de ses allégations :

- deux certificats médicaux des 30 août et 13 octobre 2021, aux termes desquels le Dr [W], psychiatre, détaille les déclarations de son patient quant au lien pouvant exister entre une première tentative de suicide et 'les propos homophobes subis à plusieurs reprises' sur son lieu de travail et des comportements qui 'se produisent uniquement en sa présence'. Le professionnel de santé confirme, dans ce premier écrit, que son patient, 'sensible', demeure affecté par les propos décrits.

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Dans le second certificat, le psychiatre atteste des troubles moteurs subis par M. [H] à la suite d'une tentative de suicide par pendaison en mentionnant que cette dernière est 'rapportée, par lui-même, à ses difficultés professionnelles déjà citées en référence',

- le procès-verbal de son audition par les services de police en date du 8 octobre 2021, au cours de laquelle il détaille les comportements qu'il décrit comme étant des insultes homophobes et du harcèlement qu'il attribue à M. [L], son collègue de travail au sein de la SASU Simonneau Automobiles et l'inaction de sa hiérarchie, pourtant informée selon lui,

- les témoignages de MM. [U] et [R] ainsi que de Mme [O], qui retracent les déclarations et propos de M. [H] quant au déroulement de son activité au sein de la SASU Simonneau Automobiles et aux propos homophobes tenus à son égard et au harcèlement qu'il indiquait avoir subi,

- un certificat initial de constatation de lésions rédigé le 20 mars 2023, et faisant état du fait que M. [H] 'a déclaré se plaindre d'une intoxication médicamenteuse volontaire au BZD'

c'est à dire au benzodiazépine, et ne retenant ni ITT, ni arrêt de travail, mais une durée de soins de quatre jours,

- un bulletin de situation en date du 17 février 2023 confirmant son hospitalisation entre le 24 et le 27 août 2021, au sein du centre hospitalier de [Localité 2],

- la déclaration d'un accident du travail du 24 août 2021 à 11h30 auprès de la CPAM du Cher faisant état d'un 'malaise' du salarié, confirmée par le courrier de l'inspection du travail en date du 7 avril 2023 précisant au conseil de M. [H] qu'aucune enquête n'a été diligentée au titre des faits décrits par ce dernier, qui n'ont pas été signalés comme tels auprès de ses services.

Enfin, M. [H] produit un long écrit, qu'il décrit comme ayant été rédigé avant de tenter de mettre fin à ses jours par pendaison et déposé pour être retrouvé par ses proches, ce qui n'est confirmé par aucun élément produit, et notamment par l'attestation de son ex-compagnon auquel il était destiné.

Dans le cadre de cet écrit, comme devant les services de police, M. [H] évoque notamment :

- le fait qu'il devait recevoir les clients pendant les temps de pause méridienne alors que M. [L] prenait des pauses plus conséquentes,

- le comportement plus distant de M. [M], le second collègue travaillant au sein du service 'Renault minute' à son retour de congés en août 2021,

- les reproches formulés quant à la qualité de son travail alors que son collègue choisissait de lui attribuer les réparations les plus importantes, le traitait de 'bon à rien' en rigolant ou encore disait que le chef d'atelier n'appréciait pas 'les PD', et ses soupçons quant à un sabotage de son travail après son passage 'à plusieurs reprises, pour me créer des ennuis',

- la découverte d'une inscription'va t'empaler sur le cric sale PD' présente sur son vestiaire qu'il attribue à M. [L], et qui l'a conduit à absorber un tube de médicaments le 24 août 2021, après qu'il l'eut effacée,

- un état de stress important ayant conduit à l'accident au cours duquel il a endommagé un véhicule en réparation,

- un comportement inadapté et provoquant de la part d'une salariée à son égard, interrogeant la possibilité qu'elle ait été mandatée pour se comporter ainsi,

- le fait que M. [P], réceptionniste au sein de l'entreprise, ait été informé de sa situation, sans souhaiter intervenir.

L'analyse des pièces ainsi produites permet de constater qu'elles retracent pour l'essentiel les déclarations du salarié, sans que les faits dénoncés aient été constatés, à aucun instant, par un tiers.

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Tel est ainsi le cas du certificat initial de constatation de lésions, qui ne comporte aucune constatation de la part du médecin et qui n'est complété par aucune autre pièce qui serait de nature à confirmer l'écrit de M. [H] qui mentionne, à la suite de ce qu'il décrit comme sa première tentative de suicide, 'je me suis retrouvée dans le coma à l'hôpital en suivie en cardiologie et urgence', sans produire aucun justificatif à ce titre.

De même, s'il n'est pas contesté que l'employeur a établi une déclaration d'accident au titre de cette journée du 24 août 2021, aucune pièce ne justifie de l'information dont celui-ci aurait pu disposer et qui aurait dû le conduire à informer la CPAM du fait que le malaise constaté résultait en réalité d'une tentative de suicide, comme M. [H] le prétend, et alors que celui-ci n'a lui-même pas réalisé cette démarche auprès de la CPAM ou de l'inspection du travail.

Les attestations de MM. [U] et [R] ainsi que de Mme [O], lesquels n'ont assisté à aucun des faits dénoncés et n'ont pas été personnellement témoins de l'attitude qui est prêtée à M. [L], sont particulièrement lapidaires quant à la description du harcèlement dénoncé, qui n'est ainsi ni daté, ni circonstancié.

Ainsi, si M. [U] évoque les confidences de M. [H] quant aux inscriptions qui auraient été portées sur son vestiaire et si Mme [O] confirme que ce dernier se plaignait des propos homophobes et du harcèlement subis sur son lieu de travail, aucun d'eux ne détaille les comportements décrits par l'appelant.

De même, le psychiatre assurant le suivi de M. [H] ne fait que relater les dires de M. [H], sans détailler ses propres constatations pouvant appuyer les propos de son patient.

Par ailleurs, M. [R], compagnon du salarié, précise succinctement que ce dernier 'exprimait une mauvaise ambiance avec ses collègues concernant son homosexualité pas du tout acceptée' et un 'harcèlement régulièrement sur ce sujet', en établissant un lien avec les tentatives de suicide survenues sur le lieu de travail comme au domicile familial, sans fournir le moindre détail quant à une situation pourtant particulièrement grave et marquante et sans relater les contacts téléphoniques qu'il a lui-même eus avec l'employeur pour obtenir des informations quant à cette situation.

Diverses incohérences apparaissent en outre dans les déclarations de M. [H] qui évoque devant les services d'enquête que son 'état psychologique est fragile depuis un an' et que 'j'étais suivi tous les mois par mon psychiatre je lui ai fait part de ce problème à chaque rendez-vous' alors même que son arrivée au sein de la SASU Simonneau Automobiles datait de trois mois au jour de son audition. De même, il impute des propos et écrits homophobes à M. [L], tout en précisant aux enquêteurs que ce dernier n'était pas informé de son orientation sexuelle.

D'autre part, aucun élément ne vient établir l'existence et le contenu de l'inscription que le salarié dit avoir découverte sur son vestiaire et qu'il reconnaît avoir effacée, alors que précisant avoir déjà eu des difficultés de ce type au sein de l'entreprise Nissan, il ne pouvait ignorer l'importance de conserver des traces d'un tel comportement.

Enfin, M. [H] évoque, au titre du harcèlement qu'il dénonce, des remontrances quant à la qualité de son travail, sans apporter d'éléments laissant apparaître que ces dernières pouvaient excéder le pouvoir de direction et de sanction de l'employeur.

Ses déclarations relatives à l'attitude d'une salariée de l'entreprise qui aurait pu être mandatée pour se montrer provocante à son égard ne sont corroborées par aucun élément, de même que le fait que M. [L] ait pu saboter son travail, ou lui attribuer les tâches les plus complexes.

Ainsi, faute pour lui de produire des éléments qui ne consisteraient pas en la seule reprise de ses déclarations et dénonciations, M. [H] échoue à établir la matérialité de faits qui, pris dans leur ensemble avec les éléments médicaux permettraient de supposer qu'il a subi le harcèlement

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moral allégué, de sorte qu'il doit être, par voie confirmative, débouté de la demande indemnitaire qu'il forme de ce chef.

3) Sur les autres demandes :

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

M. [H], qui succombe devant la cour, sera condamné aux dépens d'appel et débouté en conséquence de sa demande d'indemnité de procédure.

En équité, l'employeur gardera à sa charge ses propres frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition du greffe :

CONFIRME le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;

Y AJOUTANT:

DÉBOUTE les parties de leur demande d'indemnité de procédure ;

CONDAMNE M. [Z] [H] aux dépens d'appel.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

S. DELPLACE C. VIOCHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00826
Date de la décision : 31/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-31;23.00826 ?
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