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31/05/2024 | FRANCE | N°23/00789

France | France, Cour d'appel de Bourges, Chambre sociale, 31 mai 2024, 23/00789


SD/CV





N° RG 23/00789

N° Portalis DBVD-V-B7H-DSNK





Décision attaquée :

du 13 juillet 2023

Origine : conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES







--------------------



M. [C] [B]





C/



C.G.E.A. D'[Localité 4]



SCP [V] [E], mandataire liquidateur de la SAS AGRIP







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Expéd. - Grosse



Me MONICAULT 31.5.24



Me PREPOIGNOT 31.5.24
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SCP [E] 31.5.24



















COUR D'APPEL DE BOURGES



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 31 MAI 2024



N° 58 - 10 Pages





APPELANT :



Monsieur [C] [B]

[Adresse 3]



Représenté par Me Angélina MONICAULT, avocate au barreau de BOURGES




...

SD/CV

N° RG 23/00789

N° Portalis DBVD-V-B7H-DSNK

Décision attaquée :

du 13 juillet 2023

Origine : conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES

--------------------

M. [C] [B]

C/

C.G.E.A. D'[Localité 4]

SCP [V] [E], mandataire liquidateur de la SAS AGRIP

--------------------

Expéd. - Grosse

Me MONICAULT 31.5.24

Me PREPOIGNOT 31.5.24

SCP [E] 31.5.24

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 31 MAI 2024

N° 58 - 10 Pages

APPELANT :

Monsieur [C] [B]

[Adresse 3]

Représenté par Me Angélina MONICAULT, avocate au barreau de BOURGES

INTIMÉS :

C.G.E.A. D'[Localité 4]

[Adresse 1]

Ayant pour avocat Me Myriam PREPOIGNOT de la SELARL AGIN- PREPOIGNOT, du barreau de NEVERS

SCP [V] [E] agissant ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS AGRIP

[Adresse 2]

Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats et du délibéré :

PRÉSIDENT : Mme VIOCHE, présidente de chambre

ASSESSEURS : Mme de LA CHAISE, présidente de chambre

Mme CHENU, conseillère

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE

Arrêt n° 58 - page 2

31 mai 2024

DÉBATS : À l'audience publique du 05 avril 2024, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 31 mai 2024 par mise à disposition au greffe.

ARRÊT : Réputé contradictoire - Prononcé publiquement le 31 mai 2024 par mise à disposition au greffe.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE :

La SAS Agrip avait pour activité la maintenance et la rénovation de matériels de marque Agrip ainsi que la construction de débusqueurs. Elle employait moins de 11 salariés.

Suivant contrat à durée indéterminée en date du 18 avril 2017, M. [C] [B] a été engagé par cette société en qualité de chef d'équipe, technico-commercial, statut cadre, moyennant un salaire brut mensuel de 2 400 €, contre 35 heures de travail effectif par semaine.

En dernier lieu, M. [B] percevait un salaire brut mensuel de 2 422,34 €, pour une durée de travail inchangée.

La convention collective nationale de la métallurgie du Cher s'est appliquée à la relation de travail.

Par jugement en date du 1er décembre 2020, le tribunal de commerce de Bourges a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SAS Agrip, qu'il a converti en liquidation judiciaire par jugement du 26 octobre 2021, en autorisant la poursuite d'activité jusqu'au 30 novembre 2021, prolongée jusqu'au 31 décembre 2021 par jugement du 30 novembre 2021. La SCP [E], prise en la personne de Me [V] [E], était désignée en qualité de mandataire liquidateur de la société.

Par jugement du 10 décembre 2021, le tribunal de commerce a ordonné la cession de la SAS Agrip à la SC GMC Invest, représentée par M. [H] [J], avec faculté de substitution au profit d'une nouvelle société Agrip, ainsi que le transfert des contrats de travail de quatre salariés, dont celui de M. [B].

M. [J] ayant refusé de solder les congés payés acquis auprès de la SAS Agrip par M. [B], celui-ci a demandé à l'AGS-CGEA d'[Localité 4] de les lui régler.

Sa réclamation étant restée vaine, M. [B], sollicitant par ailleurs une reclassification et le paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, a saisi le 12 août 2022 le conseil de prud'hommes de Bourges, section encadrement, aux fins de voir fixer comme suit sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Agrip :

- 3 884,08 euros à titre de rappel de salaire au titre de la position II, coefficient 108 pour la période du 1er mai 2020 au 31 décembre 2021, outre 388,41 euros au titre des congés payés afférents, et subsidiairement 101,46 euros à titre de rappel de salaire pour reclassification conventionnelle, outre 10,15 euros au titre des congés payés afférents,

- 20 626,41 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires non réglées, outre 2 062,64 euros au titre des congés payés afférents, et subsidiairement 19 579,22 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires non réglées, outre 1 957,92 euros au titre des congés payés afférents,

- 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'exécution des dispositions conventionnelles applicables au salaire minimum,

- 4 500 euros à titre de dommages et intérêts pour violation du droit effectif au bénéfice de congés payés.

Arrêt n° 58 - page 3

31 mai 2024

L' UNEDIC, délégation AGS-CGEA d'[Localité 4], s'est opposée à titre principal à ces prétentions, et a réclamé à titre subsidiaire que le montant des rappels de salaires, notamment pour heures supplémentaires, soit largement minoré.

Par jugement du 13 juillet 2023, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé, le conseil de prud'hommes a fixé comme suit les créances de M. [B] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Agrip :

- 3 884,08 euros brut à titre de rappel de salaire pour reclassification à la position II, coefficient 108, pour la période du 1er mai 2020 au 31 décembre 2021, outre 388,41 euros au titre des congés payés afférents,

- 250 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'exécution des dispositions conventionnelles applicables au salaire minimum,

- 4 500 euros à titre de dommages et intérêts pour violation du droit effectif aux congés payés,

- les entiers dépens de l'instance.

Il a en outre ordonné à Me [E], ès qualités, de lui remettre un bulletin de salaire conforme, a dit que ces sommes seraient incorporées à l'état de créances salariales de la procédure collective par Me [E], a déclaré le jugement opposable au CGEA d'[Localité 4], a dit que les dépens et les sommes allouées au titre des frais irrépétibles étaient exclus de la garantie de celui-ci et a débouté M. [B] de ses autres demandes.

Le 2 août 2023, par la voie électronique, M. [B] a régulièrement relevé appel de cette décision.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément à leurs conclusions.

1) Ceux de M. [B] :

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 29 janvier 2024, poursuivant la confirmation du jugement en ce qu'il a fixé sa créance au passif de la SAS Agrip aux sommes de 3 884,08 € brut à titre de rappel de salaires pour reclassification à la position II, coefficient 108 pour la période du 1er mai 2020 au 31 décembre 2021, outre 388,41 euros au titre des congés payés afférents, 250 € à titre de dommages et intérêts pour défaut d'exécution des dispositions conventionnelles applicables au salaire minimum, 4 500 € à titre de dommages et intérêts pour violation du droit effectif au bénéfice des congés payés ainsi que les entiers dépens de l'instance, et son infirmation en ce qu'il l'a débouté de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, il réclame que la cour, statuant à nouveau sur ce chef :

- fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Agrip les sommes de :

- 20 626,41 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires réalisées du 1er décembre 2019 au 31 décembre 2021, outre 2 062,64 euros au titre des congés payés afférents,

- 19 579,22 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires réalisées du 1er décembre 2019 au 31 décembre 2021, outre 1 957,92 euros au titre des congés payés afférents,

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens de l'instance,

- ordonne à la SCP [E], ès qualités, de lui remettre un bulletin de salaire conforme,

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- juge l'arrêt opposable au CGEA d'[Localité 4].

2 ) Ceux de l' UNEDIC,délégation AGS-CGEA d'[Localité 4] :

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 9 janvier 2024, elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Agrip les sommes de 3 884,08 € brut à titre de rappel de salaires pour reclassification à la position II, coefficient 108 pour la période du 1er mai 2020 au 31 décembre 2021, outre 388,41 euros au titre des congés payés afférents, 250 € à titre de dommages et intérêts pour défaut d'exécution des dispositions conventionnelles applicables au salaire minimum, et 4 500 € à titre de dommages et intérêts pour violation du droit effectif au bénéfice des congés payés.

Elle réclame ainsi que la cour, statuant à nouveau, rejette les prétentions du salarié comme étant irrecevables et mal fondées, très subsidiairement, qu'elle minore largement le montant des rappels de salaires, notamment pour heures supplémentaires, alloués et dise que l'arrêt sera opposable au CGEA dans la limite de sa garantie.

La SCP [E] n'a pas comparu.

La clôture de la procédure est intervenue le 6 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1) Sur la demande de rappel de salaire pour reclassification, outre les congés payés afférents :

Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure effectivement de façon habituelle, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.

Les fonctions réellement exercées, qui sont prises en compte pour déterminer la qualification d'un salarié, sont celles qui correspondent à son activité principale, et non celles qui sont exercées à titre accessoire ou occasionnel.

En l'espèce, M. [B] prétend qu'alors qu'il a été engagé le 18 avril 2017 avec un statut cadre, position II, coefficient 100, il aurait dû bénéficier à compter du 1er mai 2020 de la classification position II, indice 108, de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie. Il réclame à ce titre la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a fixé de ce chef sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Agrip à la somme de 3 884,08 euros, outre 388,41 euros au titre des congés payés afférents.

L'unedic s'oppose à cette prétention en faisant valoir d'une part, que le salarié n'a jamais formé de réclamation avant l'ouverture de la procédure collective et d'autre part, qu'il ne démontre pas avoir obtenu de son nouvel employeur la classification qu'il revendique.

Cependant, l'absence de réclamation ne vaut pas renonciation à se prévaloir d'un droit. Par ailleurs, ainsi que l'avance le salarié, son nouvel employeur n'est pas partie à la procédure de sorte qu'il importe peu de savoir la classification que celui-ci lui applique.

Il résulte de la convention collective applicable que lorsque la position de début est le coefficient

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100, le salarié doit obtenir 'après trois ans et par période de 3 ans' le coefficient 108. L'obtention de cette nouvelle classification est donc automatique lorsque l'ancienneté nécessaire est acquise sans que le salarié n'ait à prouver qu'il assurait de façon habituelle des fonctions correspondant à ce nouveau coefficient.

Or, l'examen de ses bulletins de salaire établit qu'il n'a pas obtenu le coefficient 108 puisqu'il est resté positionné sur le coefficient 100.

Dès lors, la demande de M. [B] étant fondée, c'est exactement que le conseil de prud'hommes a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Agrip la somme précitée, outre les congés payés afférents. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

2) Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut d'exécution des dispositions conventionnelles applicables relatives au salaire minimum :

L'article L. 2262-12 du code du travail prévoit que les personnes liées par une convention ou un accord peuvent intenter toute action visant à obtenir l'exécution des engagements contractés et, le cas échéant, des dommages-intérêts contre les autres personnes ou les organisations ou groupements, liés par la convention ou l'accord, qui violeraient à leur égard ces engagements.

L'étendue du préjudice résultant du non-respect des dispositions conventionnelles est appréciée souverainement par le juge.

En l'espèce, l'unedic reproche au conseil de prud'hommes d'avoir, au motif que la SAS Agrip n'avait pas appliqué au salarié le coefficient 108 dont il aurait dû bénéficier à compter du 1er mai 2021 et lui a ainsi causé un préjudice, fixé de ce chef la créance de M. [B] au passif de la liquidation judiciaire de la société à la somme de 250 euros, alors que selon elle, depuis l'abandon par la Cour de cassation de la théorie du préjudice nécessaire, l'intéressé devait rapporter la preuve de son préjudice, ce qu'il il ne ferait pas.

Or, ainsi que le soutient l'appelant, le fait que son ancien employeur ne lui ait pas appliqué à compter du 1er mai 2021 et jusqu'au transfert de son contrat de travail le coefficient auquel il avait droit et ne lui ait pas payé l'augmentation de salaire qui découlait de cette nouvelle classification lui a causé un préjudice financier que les premiers juges ont exactement réparé par l'allocation de la somme de 250 euros. Le jugement doit donc être également confirmé de ce chef.

3) Sur la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires non réglées, outre les congés payés afférents :

Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies, afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En l'espèce, M. [B] expose qu'il a accompli, entre le 1er août 2019 et le 30 novembre 2021, de nombreuses heures de travail qui ne lui auraient pas été rémunérées, de sorte que la somme totale de 20 626,41 euros, calculée sur la base du salaire correspondant à la classification position II, coefficient 108, lui resterait due, outre les congés payés afférents.

Il fait grief au jugement déféré de l'avoir débouté de sa demande en retenant des incohérences dans le décompte produit et ce alors que la partie adverse ne produisait de son côté strictement

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aucun élément sur ses heures de travail en sorte que les premiers juges auraient fait peser exclusivement sur lui la charge de la preuve.

Il met ainsi en avant qu'il lui appartient seulement d'apporter des éléments précis sur les heures supplémentaires qu'il prétend avoir réalisées, ce qui est le cas, selon lui, des copies d'agendas électroniques sur lesquels il a reporté ses heures de travail, l'employeur devant à son tour justifier des horaires de travail accomplis par son salarié.

Il soutient encore qu'en l'absence d'éléments communiqués par l'employeur, le juge doit faire droit à sa demande et précise que contrairement à ce que soutient l'intimée, les heures supplémentaires alléguées ont été accomplies avec l'accord implicite de l'ancienne gérante de la SAS Agrip. Enfin, il ajoute qu'il ne peut lui être alloué de ce chef une somme forfaitaire faute d'accord des deux parties.

Il produit au soutien de ses allégations un décompte de ses heures de travail ainsi que la copie de pages d'agendas électroniques.

À titre liminaire, la cour rappelle qu'après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, si en effet le juge ne peut procéder à une appréciation forfaitaire de celles-ci, il apprécie toutefois souverai-nement leur importance, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En premier lieu, il importe peu que le décompte produit par M. [B] sous forme de tableau Excel, récapitulant les heures de travail accomplies de manière hebdomadaire, ne comporte aucune précision sur ses heures de début et de fin de service ou sur la durée de ses pauses méridiennes, ou encore que les pages de son agenda électronique aient été remplies postérieurement à la relation de travail. Ces éléments, même affectés d'incohérences, sont en effet suffisamment précis à l'appui de la demande en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires.

En second lieu, l'Unedic, qui conteste la réalisation de ces heures en mettant en avant que le salarié réclame une somme sans aucune explication sur ses décomptes et ses calculs, ne produit à cet égard aucun élément de contrôle de la durée du travail de M. [B] sur la période considérée.

Cependant, l'absence de mise en place par l'employeur d'un système objectif, fiable et accessible, permettant de mesurer la durée du temps de travail quotidien effectué par ses salariés ne le prive pas du droit de soumettre au débat contradictoire tout élément de droit, de fait et de preuve quant à l'existence du nombre d'heures de travail accomplies (Soc. 7 fév. 2024,

n° 22-15842). Dès lors, M. [B] ne peut valablement soutenir que faute pour la partie adverse de produire des éléments de preuve de la durée du travail, il ne peut qu'être fait droit à sa demande.

Ainsi, en droit, le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires soit avec l'accord au moins implicite de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées (Soc. 14 nov. 2018, n° 17-16959). C'est donc pertinemment que l'Unedic prétend que M. [B] se contente d'expliquer à cet égard qu'il s'est beaucoup investi pour sauver l'entreprise et que l'employeur avait donc connaissance des heures supplémentaires réalisées puisqu'aucun élément ne l'établit et qu'il n'allègue même pas que les tâches qui lui étaient confiées ont rendu nécessaires les heures de travail dont il réclame paiement.

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Il en résulte qu'au vu des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la cour a la conviction que M. [B] n'a pas effectué les heures supplémentaires alléguées.

Sa demande relative aux heures supplémentaires doit par conséquent être rejetée ainsi que l'a fait le jugement déféré qui est donc confirmé sur ce point.

4) Sur la demande de dommages et intérêts pour violation du droit effectif au repos :

Aux termes de l'article L. 3253-6 du code du travail, tout employeur de droit privé assure ses salariés contre le risque de non-paiement des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail, en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.

Selon l'article L. 3253-6 du même code, l'assurance mentionnée à l'article L. 3253-6 couvre :

1° Les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, ainsi que les contributions dues par l'employeur dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle ;

2° Les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant :

a) Pendant la période d'observation ;

b) Dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession ;

c) Dans les quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, suivant le jugement de liquidation ;

d) Pendant le maintien provisoire de l'activité autorisé par le jugement de liquidation judiciaire et dans les quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, suivant la fin de ce maintien de l'activité ;

3° Les créances résultant de la rupture du contrat de travail des salariés auxquels a été proposé le contrat de sécurisation professionnelle, sous réserve que l'administrateur, l'employeur ou le liquidateur, selon le cas, ait proposé ce contrat aux intéressés au cours de l'une des périodes indiquées au 2°, y compris les contributions dues par l'employeur dans le cadre de ce contrat et les salaires dus pendant le délai de réponse du salarié ;

4° Les mesures d'accompagnement résultant d'un plan de sauvegarde de l'emploi déterminé par un accord collectif majoritaire ou par un document élaboré par l'employeur, conformément aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4, dès lors qu'il a été validé ou homologué dans les conditions prévues à l'article L. 1233-58 avant ou après l'ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ;

5° Lorsque le tribunal prononce la liquidation judiciaire, dans la limite d'un montant maximal correspondant à un mois et demi de travail, les sommes dues :

a) Au cours de la période d'observation ;

b) Au cours des quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, suivant le jugement de liquidation ;

c) Au cours du mois suivant le jugement de liquidation pour les représentants des salariés prévus par les articles L. 621-4 et L. 631-9 du code de commerce ;

d) Pendant le maintien provisoire de l'activité autorisé par le jugement de liquidation et au cours des quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, suivant la fin de ce maintien de l'activité.

En l'espèce, l' unedic, délégation AGS-CGEA d'[Localité 4], soutient que le conseil de prud'hommes ne pouvait fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Agrip la somme de 4 500 euros au titre de la créance de M. [B], alors d'une part, qu'en l'absence de rupture du contrat de travail, elle ne peut garantir une indemnité compensatrice de congés payés et d'autre part,

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qu' elle n'a pas à pallier le refus opposé par le cessionnaire de la SAS Agrip, M. [J], à la demande de M. [B] de prendre les congés acquis auprès de son ancien employeur, ledit refus s'analysant en outre comme une autorisation de reporter ledits congés.

Elle prétend que le conseil de prud'hommes a commis une erreur manifeste d'appréciation des faits qui lui étaient soumis en refusant de prendre en considération le refus du repreneur et ce alors que deux autres salariés dont le contrat de travail a également été transféré ont pu prendre normalement les congés précédemment acquis.

Elle ajoute que le nouvel employeur n'était pas autorisé à refuser à M. [B] la prise effective de ses congés même si la cession laissait les congés acquis au sein de la SAS Agrip à la charge de la procédure collective.

M. [B] réclame la somme de 4 500 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de son droit effectif au repos, en mettant en avant qu'à la date de la cession de la société, il avait acquis auprès de son précédent employeur 45 jours de congés qui n'ont pas été soldés, dès lors qu'il n'a pas pu les prendre compte tenu des difficultés que connaissait alors la société, laquelle ne lui a pas demandé de le faire ni ne l'a informé que l'absence de prise de congés à l'issue de la période d'acquisition entraînerait leur perte définitive. Il prétend que le repreneur ne peut être tenu pour responsable de cette situation puisque l'acte de cession prévoyait qu'il ne prendrait pas en charge les congés payés acquis et que la garantie de l'AGS-CGEA d'[Localité 4] est due dès lors que sa demande indemnitaire a pour origine une faute commise par l'ancien employeur durant l'exécution de son contrat de travail.

Il n'est pas discuté que le contrat de travail liant M. [B] à la SAS Agrip a été transféré à la SC GMC Invest, représentée par M. [J], la SC Agrip se substituant ensuite à la SAS Agrip, ni que M. [B] avait acquis 45 jours de congés avant ce transfert.

Le jugement du tribunal de commerce du 10 décembre 2021 prévoyait expressément que le cessionnaire ne prendrait pas 'en charge les sommes correspondant au prorata temporis des congés payés acquis par les salariés avec les charges sociales y afférentes au jour de son entrée en jouissance'. C'est donc de manière inopérante que l'AGS prétend qu'est fautif le refus qu'a opposé le repreneur à M. [B] qui réclamait de prendre les jours de congés payés acquis avant le transfert de son contrat de travail.

Le salarié produit une attestation de M. [J] en date du 12 avril 2022, par laquelle il indique ne pouvoir lui permettre de prendre le solde de ses jours de congé acquis avant la cession compte tenu des contraintes que cela représenterait pour son entreprise qui n'emploie que quatre salariés. Il n'y est fait nulle mention qu'il sera autorisé à reporter ses congés.

Par ailleurs, contrairement à ce que l'intimée prétend, la garantie de l'AGS n'est pas seulement due en cas de rupture du contrat de travail puisqu'elle couvre également toutes les sommes dues au salarié en exécution du contrat de travail et exigibles à la date du jugement d'ouverture de la procédure (Soc. 12 juin 2002, n° 00-41.153).

Eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement.

Il s'en déduit d'une part, que le salarié qui n'a pas pris son congé annuel a droit à la réparation du préjudice qui en est résulté et d'autre part, que l'employeur engage sa responsabilité en ne

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prenant pas les mesures nécessaires pour que les salariés jouissent de leur congé annuel.

Au cas d'espèce, il ne peut être discuté que la SAS Agrip, qui pourtant mentionnait sur les bulletins de salaire les jours de congés acquis, n'a pris aucune mesure permettant l'exercice par l'appelant de son droit au congé et ce alors que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles. La SAS Agrip a donc bien, antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, commis une faute dans l'exécution du contrat de travail de ce dernier.

Dès lors, M. [B], qui a continué à travailler à la suite du transfert de son contrat de travail de sorte qu'il ne pouvait obtenir le paiement des congés payés acquis et non pris contrairement à ce que soutient l'AGS, a subi un préjudice découlant de la privation de temps de repos, qui compte tenu de l'importance de celle-ci, sera entièrement réparé par l'allocation de la somme de 4 000 euros, laquelle sera par voie infirmative, fixée au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Agrip.

Cette somme étant due comme il vient d'être dit au titre de l'exécution du contrat de travail par la société liquidée, le salarié est fondée à réclamer la garantie de l'AGS.

5) Sur les autres demandes :

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens.

Compte tenu de ce qui précède, la demande visant à la remise d'un bulletin de salaire conforme est fondée, si bien que c'est à raison que les premiers juges ont ordonné à la SCP [E], ès qualités, de le remettre au salarié.

Enfin, M. [B] qui succombe devant la cour, sera condamné aux dépens d'appel, et débouté en conséquence de sa demande d'indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition du greffe :

CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a fixé à la somme de 4 500 euros les dommages et intérêts dus pour violation du droit effectif au bénéfice de congés payés la créance de M. [C] [B] au passif de la liquidation de la SAS Agrip ;

STATUANT À NOUVEAU DU CHEF INFIRMÉ et AJOUTANT:

FIXE la créance de M. [C] [B] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Agrip à la somme de 4 000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de son droit effectif au repos ;

DIT que cette somme doit être garantie par l' UNEDIC, délégation AGS-CGEA d'[Localité 4] ;

DÉCLARE la présente décision opposable au CGEA en qualité de gestionnaire de l'AGS, dans les limites prévues aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, et les plafonds prévus aux articles L 3253-17 et D 3252-5 du code du travail ;

CONDAMNE M. [C] [B] aux dépens d'appel et le déboute de sa demande d'indemnité de procédure.

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Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

S. DELPLACE C. VIOCHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00789
Date de la décision : 31/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-31;23.00789 ?
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