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31/05/2024 | FRANCE | N°23/00758

France | France, Cour d'appel de Bourges, Chambre sociale, 31 mai 2024, 23/00758


SD/CV





N° RG 23/00758

N° Portalis DBVD-V-B7H-DSLE





Décision attaquée :

du 03 juillet 2023

Origine : conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES







--------------------



S.A.S. ATM





C/



M. [L] [J]







--------------------



Expéd. - Grosse



Me FLEURIER 31.5.24



Me PIGNOL 31.5.24





















COU

R D'APPEL DE BOURGES



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 31 MAI 2024



N° 61 - 8 Pages





APPELANTE :



S.A.S. ATM

[Adresse 2]



Représentée par Me Jean-Michel FLEURIER, substitué par Me Philippe MERCIER, de la SCP GERIGNY & ASSOCIES, avocats au barreau de BOURGES







INTIMÉ :



Monsieur [L] ...

SD/CV

N° RG 23/00758

N° Portalis DBVD-V-B7H-DSLE

Décision attaquée :

du 03 juillet 2023

Origine : conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES

--------------------

S.A.S. ATM

C/

M. [L] [J]

--------------------

Expéd. - Grosse

Me FLEURIER 31.5.24

Me PIGNOL 31.5.24

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 31 MAI 2024

N° 61 - 8 Pages

APPELANTE :

S.A.S. ATM

[Adresse 2]

Représentée par Me Jean-Michel FLEURIER, substitué par Me Philippe MERCIER, de la SCP GERIGNY & ASSOCIES, avocats au barreau de BOURGES

INTIMÉ :

Monsieur [L] [J]

[Adresse 1]

Présent, assisté de Me Pierre PIGNOL de la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats et du délibéré :

PRÉSIDENT : Mme VIOCHE, présidente de chambre

ASSESSEURS : Mme de LA CHAISE, présidente de chambre

Mme CHENU, conseillère

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE

DÉBATS : À l'audience publique du 05 avril 2024, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 31 mai 2024 par mise à disposition au greffe.

ARRÊT : Contradictoire - Prononcé publiquement le 31 mai 2024 par mise à disposition au greffe.

Arrêt n° 61 - page 2

31 mai 2024

FAITS ET PROCÉDURE :

La SAS Aluminium et Techniques Modernes, ci-après dénommée la SAS ATM, a pour activité les travaux de menuiserie métallique et de serrurerie et emploie plus de 11 salariés.

M. [L] [J] a été engagé par cette société suivant contrat à durée indéterminée en date du 24 mai 2018 en qualité de Voyageur Représentant Placier (VRP).

M. [J] a démissionné de son poste le 7 mars 2022.

Invoquant que le statut de VRP ne pouvait pas lui être appliqué compte tenu de la nature des tâches confiées ainsi que l'existence d'une discrimination en raison de son handicap et de son apparence physique, M. [J] a, le 7 octobre 2022, saisi le conseil de prud'hommes de Bourges, section commerce, afin d'obtenir la requalification de sa démission en prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, faire produire à celle-ci les effets d'un licenciement nul et à tout le moins sans cause réelle et sérieuse, ainsi que le paiement de diverses sommes.

Par jugement en date du 3 juillet 2023, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le statut de VRP ne pouvait être appliqué à M. [J],

- dit que la rupture du contrat de travail s'analyse en une démission,

- fixé le salaire des 12 derniers mois à 4 175,80 euros,

- et condamné la SAS ATM à payer à M. [J] les sommes suivantes :

-1 007,64 euros à titre de rappel de commissions,

- 41 682,08 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires non réglées, outre 4 468,20 euros au titre des congés payés afférents,

- 27 516,23 euros au titre des contreparties obligatoires en repos,

- 7 000 euros à titre de dommages et intérêts pour dépassement des durées maximales de travail,

- 700 euros à titre d'indemnité de procédure.

Il a également dit que des condamnations nettes devraient revenir au salarié, l'employeur assurant le coût des éventuelles charges sociales dues, a débouté M. [J] du surplus de ses prétentions et la SAS ATM de sa demande d'indemnité de procédure et l'a condamnée aux entiers dépens.

Le 27 juillet 2023, par la voie électronique, la SAS ATM a régulièrement relevé appel de cette décision.

Par conclusions transmises au greffe le 13 octobre 2023, la SAS ATM a demandé au conseiller de la mise en état de déclarer prescrites les demandes de M. [J] relatives à la contestation de l'exécution de son contrat de travail et de le condamner à lui payer une indemnité de procédure de 1 500 euros.

Par ordonnance du 12 janvier 2024, le conseiller de la mise en état, statuant sur l'incident dont l'a saisi la SAS ATM, s'est dit incompétent pour trancher la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en requalification du contrat de travail formée par M. [J], a renvoyé les parties devant la chambre sociale de la cour d'appel pour examen de ladite fin de non-recevoir et du fond après clôture de la procédure, a débouté les parties de leur demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné la SAS ATM aux dépens de l'incident.

L'affaire a ensuite été fixée pour plaidoirie à l'audience du 5 avril 2024.

Arrêt n° 61 - page 3

31 mai 2024

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

1 ) Ceux de la SAS ATM

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 21 février 2024, elle demande à la cour, à titre principal, d'infirmer le jugement et de dire prescrites les demandes de M. [J] relatives à la contestation de l'exécution de son contrat de travail.

À titre subsidiaire, elle sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a requalifié le contrat de travail de VRP de M. [J] en contrat de travail de droit commun, en conséquence que celui-ci soit débouté de ses entières demandes.

Elle réclame enfin la condamnation de M. [J] au paiement d'une indemnité de procédure de 2500 euros ainsi qu'aux entiers dépens.

2) Ceux de M. [J]

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 24 janvier 2024, il réclame que la cour constate qu'il ne formule aucune demande de requalification et déclare ses demandes liées à l'exécution de son contrat de travail recevables comme non prescrites.

Poursuivant ensuite la confirmation du jugement entrepris, sauf en ce qu'il a dit que la rupture de son contrat de travail s'analysait en une démission et l'a débouté du surplus de ses prétentions, il sollicite ainsi que la cour, statuant à nouveau :

- constate qu'il a bien été victime de discrimination en raison de son handicap et de son apparence physique,

- requalifie sa démission en prise d'acte de la rupture de son contrat de travail emportant les effets d'un licenciement nul et à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,

- condamne la SAS ATM à lui payer les sommes suivantes :

- 1 007,64 euros à titre de rappel de salaire sur commission,

- 41 682,08 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires non réglées, outre 4 168,21 euros au titre des congés payés afférents,

- 27 576,23 euros à titre d'indemnité pour contrepartie obligatoire en repos,

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour dépassement des durées maximales de travail,

- 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination,

- 3 987,16 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 25 054,80 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,

- 4 000 euros à titre d'indemnité de procédure.

Il réclame également que la cour :

- dise qu'au visa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, une condamnation nette devra lui revenir, l'employeur devant assurer le coût des charges sociales dues,

- constate que le salaire moyen des 12 derniers mois était de 4 175,80 euros,

- condamne la SAS ATM, sous astreinte, à lui remettre une nouvelle attestation Pôle emploi dans les 8 jours suivant la notification de la décision ainsi qu'à tous les dépens.

La clôture de la procédure est intervenue le 6 mars 2024.

Arrêt n° 61 - page 4

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MOTIFS :

1) Sur la qualification de VRP et les demandes en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés afférents et de sommes au titre des contreparties obligatoires en repos et dépassement des durées maximales du travail :

L'article L. 7311-3 du code du travail dispose qu'est voyageur, représentant ou placier, toute personne qui :

1° Travaille pour le compte d'un ou plusieurs employeurs ;

2° Exerce en fait d'une façon exclusive et constante une profession de représentant ;

3° Ne fait aucune opération commerciale pour son compte personnel ;

4° Est liée à l'employeur par des engagements déterminant :

a) La nature des prestations de services ou des marchandises offertes à la vente ou à l'achat

b) La région dans laquelle il exerce son activité ou les catégories de clients qu'il est chargé de visiter ;

c) Le taux des rémunérations.

En l'espèce, M. [J] prétend que bien que la SAS ATM l'ait engagé en cette qualité, il n'exerçait pas les fonctions de VRP mais celles de technico-commmercial dès lors qu'il ne procédait à aucune prospection et devait se contenter de suivre les directives de son employeur qui lui indiquait les clients à visiter.

La SAS ATM soulève la prescription des demandes de M. [J] relatives à la contestation de l'exécution de son contrat de travail, en mettant en avant que dans la mesure où il réclame d'abord la requalification de son contrat de travail, ses demandes se prescrivent par deux ans, le point de départ du délai de prescription étant celui de la signature du contrat.

M. [J] réplique en premier lieu que cette fin de non-recevoir doit être écartée dès lors qu'elle est soulevée pour la première fois en cause d'appel. Or, l'article 123 du code de procédure civile prévoit que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement. Il s'ensuit qu'en l'absence de disposition contraire, la prescription peut être soulevée pour la première fois devant la cour.

M. [J] prétend ensuite qu'il ne forme aucune demande de requalification et que dès lors, la fin de non-recevoir est mal fondée.

M. [J] ne formule certes pas expressément de demande de requalification de son contrat de VRP en contrat de travail de droit commun puisqu'il se contente de réclamer dans le dispositif de ses conclusions que la cour dise que le statut de VRP ne peut pas s'appliquer à la relation de travail en l'absence de prospection de sa part. Cependant, sa contestation est un moyen lui permettant de solliciter le paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés afférents, de sommes au titre de la contrepartie obligatoire en repos et de dommages et intérêts pour dépassement de la durée maximale du travail puisque les dispositions légales sur la durée du travail, fixée à 35 heures par semaine, ne sont pas applicables au VRP, sauf convention ou accord particulier, absents en l'espèce. Dès lors, bien qu'il s'en défende, sa contestation ne peut que s'analyser en une demande de requalification de son contrat de VRP en contrat de travail de droit commun.

La SAS ATM ne distingue pas dans les prétentions formées par M. [J] celles qui relatives à l'exécution du contrat seraient prescrites, mais il est acquis que la durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l'action en requalification dépend en l'espèce du régime de prescription prévu par l'article L. 1471-1 du code du travail relatif à

l'exécution du contrat de travail. Il en est de même de la demande en réparation du préjudice résultant d'un manquement de l'employeur à ses obligations relatives à l'exécution du contrat de travail telles que le respect de la durée maximale du travail.

Arrêt n° 61 - page 5

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En revanche, les demandes en paiement d'un rappel de salaire pour commissions ou heures supplémentaires et paiement des contreparties en repos ont une nature salariale et se prescrivent par trois ans, tandis que la demande en réparation du préjudice résultant d'une discrimination, également formée par le salarié et qui sera examinée dans un autre paragraphe, se prescrit par cinq ans et ne dépend pas non plus du régime de prescription relatif à l'exécution du contrat de travail.

En vertu des dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

M. [J] a conclu le 24 mai 2018 avec la SAS ATM un contrat de VRP à durée indéterminée, comportant des clauses précises quant à ses fonctions, son secteur de prospection, ses rémunérations fixe et variable ainsi que ses conditions de travail, en particulier celles qui concernent son organisation commerciale puisqu'il est stipulé que 'la base de l'organisation de vente repose sur la visite de la clientèle de particuliers qui est recherchée par les soins du Représentant ou éventuellement indiquée par la Société'.

Il a donc connu dès la signature du contrat l'application selon lui abusive du contrat de VRP et il n'allègue pas que ses conditions de travail ont changé durant l'exécution de celui-ci ou qu'il a eu connaissance du caractère abusif du statut de VRP dans les deux ans qui ont précédé son action. Il en résulte que comme l'avance l'employeur, le point de départ du délai pour agir est bien la date de conclusion du contrat.

Or, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes le 7 octobre 2022 alors que le délai pour agir en contestation de son statut de VRP avait expiré depuis le 24 mai 2020.

Il en résulte que l'action en requalification et en paiement de dommages et intérêts pour dépassement de la durée maximale du travail est prescrite, et qu'elle est donc irrecevable.

Les demandes qu'il forme au titre d' un rappel salaire pour heures supplémentaires et congés payés afférents ainsi que de la contrepartie obligatoire en repos découlent en premier lieu directement de son action en requalification, si bien que celle-ci étant prescrite, elle ne peut les fonder.

En second lieu, M. [J] soutient que s'il était jugé que le statut de VRP lui était bien applicable, il ne pouvait pas organiser ses tournées comme il l'entendait et était soumis à un horaire déterminé en sorte qu'il devrait bénéficier des dispositions relatives à la durée légale du travail. Or, faute pour lui d'avoir agi dans le délai pour le contester, le statut de VRP qui est d'ordre public s'impose à lui, et ce d'autant que le contrat ne comprenait aucune clause lui imposant un horaire ou prévoyant qu'il ne bénéficierait pas de l'autonomie et de l'indépendance propres aux VRP. Ces demandes ne peuvent en conséquence prospérer si bien qu'il doit, par infirmation de la décision attaquée, en être débouté.

2) Sur la demande en paiement d'un rappel de commissions :

M. [J] prétend que la SAS ATM ne lui a pas réglé l'intégralité de la commission à laquelle il avait droit concernant la vente Leroux, en sorte que le montant de la vente s'étant élevé à

29 836,75 euros, et son contrat de travail prévoyant une commission de 4%, la somme de 1 007,64 euros lui resterait due, puisqu'il aurait perçu la seule somme de 185,83 euros alors qu'il aurait dû recevoir celle de 1 007,64 euros.

La SAS ATM ne contestant pas que cette somme lui reste due et le bulletin de paie qu'elle produit en pièce 21 confirmant que M. [J] a perçu la seule somme de 185,83 euros à titre d'avance

Arrêt n° 61 - page 6

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sur 'commissions Leroux', c'est exactement que les premiers juges ont condamné l'employeur à payer à ce dernier la somme de 1 007, 64 euros. Le jugement est donc confirmé de ce chef.

3) Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour discrimination :

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte « telle que définie à l'article 1er de la loi numéro 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son nom de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.

En vertu de l'article L. 1134-1 du code du travail , lorsqu'un litige survient en raison d'une discrimination, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, M. [J] prétend qu'il a subi une discrimination en raison de son handicap et de son apparence physique de la part de son employeur qui selon lui, privilégiait ses collègues de travail dès lors qu'il leur confiait davantage de dossiers ou des dossiers plus importants, ce que conteste la SAS ATM.

L'intimé produit au soutien de ses allégations, en pièces 10 à 18, des fichiers censés établir qu'il lui était attribué un pourcentage très faible de clients. Cependant, ces pièces sont seulement des tableaux comportant le nom de clients ou de prospects, sans autre précision que leurs coordonnées, et M. [J] a lui-même surligné le nom de ceux dont le dossier ou la prospection lui aurait été attribué, en ajoutant en haut des fichiers son propre nom de manière manuscrite. En conséquence, en l'absence de tout autre élément, il échoue à établir la matérialité de faits permettant de supposer qu'il a subi la discrimination qu'il allègue. Il doit dès lors être débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour discrimination.

4) Sur la demande de requalification de la démission en prise d'acte de la rupture :

L'article L. 1231-1 du code du travail dispose que le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou d'un commun accord.

La démission, aux termes d'une jurisprudence constante, est ainsi la manifestation chez le salarié d'une volonté claire et non équivoque de rompre le contrat de travail. Elle doit donc être l'expression d'une volonté libre et réfléchie.

En l'espèce, par courrier du 8 mars 2022, M. [J] a donné sa démission en ces termes :

Arrêt n° 61 - page 7

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' (...) Je vous informe par cette lettre de ma décision de démissionner de ma fonction de VRP, exercée depuis le 24 mai 2018 au sein de votre entreprise. J'ai bien noté que les termes de mon contrat de travail prévoient un préavis de 3 mois. Cependant et par dérogation, je sollicite la possibilité de ne pas effectuer ce préavis et par conséquent de quitter l'entreprise à la date du vendredi 18 mars 2022, mettant ainsi fin à mon contrat de travail. Je vous remercie de bien vouloir me confirmer votre accord concernant la dispense de préavis. Lors de mon dernier jour de travail dans l'entreprise, je vous demanderai de bien me transmettre un reçu pour solde de tout compte, un certificat de travail ainsi qu'une attestation Pôle Emploi.(...)'.

Aucune réserve n'a donc été émise par l'intimé.

Cependant, il est acquis que même émise sans réserve, une démission est équivoque si elle trouve sa cause dans les manquements antérieurs ou concomitants de l'employeur.

M. [J] demande ainsi la requalification de sa démission en prise d'acte de son contrat de travail aux torts de l'employeur, laquelle permet une rupture de la relation de travail en cas de manquement suffisamment grave de celui-ci empêchant sa poursuite.

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués justifiaient, soit d'un licenciement nul si les manquements reprochés à l'employeur sont de nature à entraîner la nullité du licenciement, soit dans le cas contraire, d'une démission.

C'est au salarié qu'il incombe de rapporter la preuve des faits qu'il reproche à son employeur, et s'il subsiste un doute, celui-ci profite à l'employeur.

M. [J] invoque à l'appui de sa demande de requalification que l'appelante ne lui aurait pas payé ses heures supplémentaires et l'aurait discriminé. Cependant, il résulte de ce qui précède d'une part, que sa demande en paiement d'un rappel de salaire et congés payés afférents pour heures supplémentaires non réglées n'est pas fondée et d'autre part, qu'il n'a pas présenté de faits dont la matérialité laisse supposer qu'il a subi une discrimination.

Il s'en évince qu'il ne rapporte aucune preuve que l'employeur a commis à son égard des manquements d'une gravité telle qu'ils empêchaient la poursuite de la relation de travail.

En conséquence, la démission est claire et non équivoque et la demande de requalification doit être rejetée par voie de confirmation du jugement déféré.

5) Sur les autres demandes :

Le rappel de commissions est accordé en brut, et aucune indemnité de rupture n'étant due à M. [J], il n'y a pas lieu de faire application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.

Compte tenu de ce qui précède, la demande visant à ce que soit fixé le salaire de référence est sans objet puisque son calcul n'est pas nécessaire à la seule somme qui a été allouée à l'ntimé.

La remise d'un nouvelle attesation Pôle emploi, désormais dénommée France Travail, conforme à l'arrêt est fondée sans qu'il y ait lieu toutefois de prononcer une astreinte comme demandé.

Chaque partie succombant pour une partie de ses prétentions, les dépens seront partagés entre elles par moitié et en conséquence, elles seront déboutées de leur demande au titre de leurs frais irrépétibles.

Arrêt n° 61 - page 8

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PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition du greffe :

REÇOIT la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes relatives à l'exécution du contrat de travail soulevée par la SAS ATM ;

DIT que l'action en requalification de son contrat de VRP en contrat de droit commun et la demande en paiement de dommages et intérêts pour dépassement de la durée maximale de travail formée par M. [L] [J] sont irrrecevables comme étant prescrites ;

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a dit que la rupture du contrat de travail s'analysait en une démission, a condamné la SAS ATM à payer à M. [L] [J] la somme de 1 007,64 euros à titre de rappel de salaire sur commissions et a débouté ce dernier de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour discrimination ainsi que pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité de licenciement, mais l'INFIRME en ses autres dispositions ;

STATUANT À NOUVEAU DES CHEFS INFIRMÉS et AJOUTANT:

DIT que le rappel de commission est accordé en brut ;

DÉBOUTE M. [L] [J] de ses demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés afférents et d'une somme au titre de la contrepartie obligatoire en repos ;

DIT que les demandes formées en application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et relative à la fixation du salaire de référence sont sans objet ;

ORDONNE à la SAS ATM de remettre à M. [L] [J], dans un délai de trente jours à compter de la signification du présent arrêt, une attestation France Travail conforme à la présente décision ;

PARTAGE par moitié les dépens de première instance et d'appel et déboute en conséquence les parties de leur demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

S. DELPLACE C. VIOCHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00758
Date de la décision : 31/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-31;23.00758 ?
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