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30/05/2024 | FRANCE | N°22/00465

France | France, Cour d'appel de Bourges, Chambre premier président, 30 mai 2024, 22/00465


R.G : N° RG 22/00465 - N° Portalis DBVD-V-B7G-DOLX



















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M. [L] [E]





C/





M. AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT, M. LE PROCUREUR GENERAL

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COPIE + CE

LE :30 mai 2024

COUR D'APPEL DE BOURGES



PREMIÈRE PRÉSIDENCE



ORDONNANCE DU 30 MAI 2024



N° 21 - 6 Pages





NOUS, Alain VANZO, premier p

résident, assisté de Annie SOUBRANE greffier.



Statuant sur requête en réparation à raison d'une détention provisoire,

ENTRE :





I - Monsieur [L] [E] [Adresse 1]

Représenté par Me Béatrice BOUILLAGUET, avocat au barreau de Bourges



REQUÉRANT



ET :



II - L'AGENT JUD...

R.G : N° RG 22/00465 - N° Portalis DBVD-V-B7G-DOLX

-------------------

M. [L] [E]

C/

M. AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT, M. LE PROCUREUR GENERAL

-------------------

COPIE + CE

LE :30 mai 2024

COUR D'APPEL DE BOURGES

PREMIÈRE PRÉSIDENCE

ORDONNANCE DU 30 MAI 2024

N° 21 - 6 Pages

NOUS, Alain VANZO, premier président, assisté de Annie SOUBRANE greffier.

Statuant sur requête en réparation à raison d'une détention provisoire,

ENTRE :

I - Monsieur [L] [E] [Adresse 1]

Représenté par Me Béatrice BOUILLAGUET, avocat au barreau de Bourges

REQUÉRANT

ET :

II - L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Pascale LEAL, avocat au barreau de CHATEAUROUX

Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL

COUR D'APPEL DE BOURGES

[Adresse 2]

DÉFENDEURS,

La cause a été appelée a l'audience publique tenue par Monsieur le premier président, assisté de Madame SOUBRANE, greffier ;

MINISTÈRE PUBLIC : Monsieur le Procureur Général, représenté à l'audience par Monsieur EYRIGNAC, substitut général,

DÉBATS :

- Monsieur le premier président ayant donné lecture des éléments du dossier,

- Maître BOUILLAGUET, avocat au soutien des intérêts du requérant en ses observations,

- Maître LÉAL, avocat représentant l'agent Judiciaire de l'Etat, en ses observations,

- Monsieur EYRIGNAC, Substitut général, en ses observations,

- Le requérant ayant eu la parole en dernier.

Monsieur le premier président a, pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'ordonnance contradictoire à l'audience publique du 30 Mai 2024

A la date ainsi fixée a été rendue l'ordonnance dont la teneur suit :

***************

Le 28 juin 2018, le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Châteauroux a mis en examen Monsieur [L] [E] des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et blanchiment de fraude fiscale.

Monsieur [E] a été placé en détention provisoire le même jour, puis remis en liberté sous contrôle judiciaire le 26 octobre 2018.

Par ordonnance du 20 mai 2020, le magistrat instructeur a ordonné le renvoi de Monsieur [E] devant le tribunal correctionnel de Châteauroux.

Par jugement du 24 septembre 2021, devenu définitif, ce tribunal a renvoyé Monsieur [L] [E] des fins de la poursuite.

Selon requête déposée au greffe de la cour d'appel le 23 mars 2022, Monsieur [E] a demandé l'indemnisation des préjudices résultant de la détention provisoire dont il a fait l'objet entre le 28 juin 2018 et le 26 octobre 2018, sollicitant le versement des indemnités suivantes :

- 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- 2 000 euros en réparation d'une perte de RSA ;

- 2 503,20 euros en indemnisation de frais d'avocat.

A l'audience, il maintient ses demandes.

Par conclusions écrites, développées à l'audience, l'agent judiciaire de l'Etat ne conteste pas le droit à réparation de Monsieur [E] mais demande à la juridiction de :

- juger satisfactoire son offre de lui verser la somme de 8 000 euros au titre de son préjudice moral ;

- le débouter du surplus de ses demandes.

Aux termes de ses conclusions écrites, développées à l'audience, le ministère public conclut à la recevabilité de la requête de Monsieur [E] et propose de lui allouer 10'000 euros au titre du préjudice moral et 2 503,20 euros au titre des frais d'avocat mais de rejeter sa demande en réparation d'une perte de revenus.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens respectifs.

DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes

Aux termes de l'article 149 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.

L'article 149-2 du même code précise que le premier président doit être saisi à cette fin par une requête dans le délai de six mois de la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive.

Ce délai ne court que si, lors de la notification de la décision, la personne a été avisée de son droit de demander une réparation ainsi que des dispositions des articles 149-1, 149-2 et 149-3 (1er alinéa) du code de procédure pénale, qui en fixent les modalités procédurales.

En l'espèce, ni le jugement ni aucune autre pièce ne permet de se convaincre que cette information ait été délivrée à Monsieur [E], de sorte qu'il doit être considéré que le délai de six mois n'a pas commencé à courir.

En conséquence, les demandes de Monsieur [E] sont recevables.

Sur le préjudice moral

Monsieur [E] fait valoir qu'il avait 33 ans lors de son incarcération, qu'il n'avait jamais été incarcéré auparavant et que, n'ayant pu avoir aucun contact avec ses parents et ses frères et soeurs, il s'est retrouvé totalement isolé en détention.

La souffrance morale résulte du choc carcéral ressenti par une personne brutalement privée de liberté.

Elle peut être aggravée par une séparation familiale, étant précisé qu'en l'espèce, Monsieur [E] ne justifie pas avoir été privé du droit de recevoir en détention des visites de ses proches, à l'exception de son frère [W] et de sa mère, qui ont été eux-mêmes incarcérés à la même période.

En l'espèce, Monsieur [E] a été incarcéré durant 121 jours, soit pendant près de quatre mois.

Eu égard au choc psychologique résultant d'une primo-incarcération, à la durée de son incarcération et à la séparation d'avec sa mère et son frère [W], son préjudice moral sera exactement réparé par l'allocation de l'indemnité de 10 000 euros qu'il sollicite.

Sur le préjudice matériel

En premier lieu, Monsieur [E] prétend que lors de son placement en détention provisoire, il était sans emploi après avoir terminé des missions d'intérim, qu'il comptait retrouver un emploi et qu'il aurait pu, à tout le moins, faire valoir ses droits au RSA, représentant une somme mensuelle de l'ordre de 500 euros, dont il a été privé en raison des quatre mois de détention provisoire.

Toutefois, comme l'indiquent avec raison l'agent judiciaire de l'Etat et le procureur général, Monsieur [E] ne produit aucune pièce justifiant qu'il percevait, avant son incarcération, le RSA dont le versement aurait été suspendu durant la période de détention provisoire. Il n'établit donc pas l'existence d'un préjudice financier résultant de sa détention.

Sa demande doit dès lors être rejetée.

En second lieu, Monsieur [E] sollicite le remboursement d'honoraires payés à son conseil.

Les honoraires d'avocat ne peuvent être remboursés que s'ils rémunèrent des prestations directement liées à la privation de liberté et aux procédures destinées à y mettre fin. Il appartient au requérant d'en justifier, notamment par la production de factures permettant de détailler et d'individualiser les prestations en lien exclusif avec le contentieux de la liberté, le juge de l'indemnisation de la détention n'ayant pas à procéder lui-même à cette individualisation.

Au soutien de sa prétention, Monsieur [E] produit une facture de son conseil en date du 7 novembre 2018, d'un montant de 2 503,20 euros TTC, distinguant :

- d'une part, des honoraires de 1 750 euros HT dus au titre des prestations suivantes : rendez-vous, téléphone, correspondances, frais d'ouverture de dossier, étude du dossier pénal, assistance lors de la mise en examen, assistance lors de la comparution devant le JLD et visites à la maison d'arrêt ;

- d'autre part, des frais de déplacement de 336 euros HT pour deux visites à la maison d'arrêt.

Or, en l'espèce, les prestations en lien avec le contentieux de la liberté ne peuvent donner lieu à remboursement, faute d'avoir été facturées distinctement des diligences afférentes au fond de l'affaire.

En revanche, Monsieur [E] peut prétendre au remboursement des frais de déplacement de son avocat à la maison d'arrêt de [Localité 5], où il était incarcéré, dans la mesure où ils n'ont dus être engagés qu'en raison de la mesure de détention provisoire.

Il doit donc lui être alloué une somme de 336 euros HT, outre la TVA de 20 %, soit 403,20 euros TTC.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement par mise à disposition au greffe,

DÉCLARONS recevables les demandes de Monsieur [L] [E] ;

FIXONS à :

- 10 000 euros le montant de l'indemnité due par l'Etat au titre du préjudice moral ;

- 403,20 euros le montant de l'indemnité due par l'Etat au titre des frais d'avocat ;

CONDAMNONS l'Etat à verser ces sommes à Monsieur [E] ;

DÉBOUTONS Monsieur [E] du surplus de ses demandes :

LAISSONS les dépens à la charge de l'Etat.

Ordonnance rendue le 30 Mai 2024, par M. A. VANZO, premier président qui en a signé la minute avec Madame A. SOUBRANE, greffier.

LE GREFFIER, LE PREMIER PRÉSIDENT

A. SOUBRANE A. VANZO


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : Chambre premier président
Numéro d'arrêt : 22/00465
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;22.00465 ?
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