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11/04/2024 | FRANCE | N°23/01099

France | France, Cour d'appel de Bourges, 1ère chambre, 11 avril 2024, 23/01099


SM/RP













































































COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

- SCP PATUREAU DE MIRAND - LE GALLOU

- SCP LIERE-JUNJAUD-LEFRANC-DEMONT



Expédition TC



LE : 11 AVRIL 2024

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE COMMERCIALE



ARRÊ

T DU 11 AVRIL 2024



N° - Pages







N° RG 23/01099 - N° Portalis DBVD-V-B7H-DTGG



Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal de Commerce de CHATEAUROUX en date du 15 Juin 2022



PARTIES EN CAUSE :



I - M. [Y] [I]

né le 01 Décembre 1962 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représenté par la SCP PATUREAU DE MIRAND - LE GALLOU, avo...

SM/RP

COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

- SCP PATUREAU DE MIRAND - LE GALLOU

- SCP LIERE-JUNJAUD-LEFRANC-DEMONT

Expédition TC

LE : 11 AVRIL 2024

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 11 AVRIL 2024

N° - Pages

N° RG 23/01099 - N° Portalis DBVD-V-B7H-DTGG

Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal de Commerce de CHATEAUROUX en date du 15 Juin 2022

PARTIES EN CAUSE :

I - M. [Y] [I]

né le 01 Décembre 1962 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par la SCP PATUREAU DE MIRAND - LE GALLOU, avocat au barreau de CHATEAUROUX

timbre fiscal acquitté

APPELANT suivant déclaration du 13/07/2022

II - M. [H] [J]

né le 30 Mai 1949 à [Localité 8]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté et plaidant par la SCP LIERE-JUNJAUD-LEFRANC- DEMONT, avocat au barreau de CHATEAUROUX

timbre fiscal acquitté

INTIMÉ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Février 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. PERINETTI, Conseiller chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Alain TESSIER-FLOHIC Président de Chambre

M. Richard PERINETTI Conseiller

Mme Marie-Madeleine CIABRINI Conseillère

***************

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme SERGEANT

***************

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

**************

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon devis acceptés en date des 9 octobre 2014 et 22 janvier 2015, [H] [J] a confié des travaux de rénovation de l'extérieur de sa résidence secondaire sise [Adresse 1] à la SARL ETABLISSEMENTS [I] [Y], travaux consistant en la rénovation de la façade avec habillage des ouvertures, et en la réalisation d'un muret de clôture avec pose de piliers et trottoir.

Une réception expresse a été prononcée le 5 août 2015, les travaux étant facturés et réglés le 12 août suivant.

Invoquant l'apparition de fissures sur l'ouvrage, Monsieur [J], se fondant en outre sur un rapport d'expertise amiable du 5 octobre 2016 et un procès-verbal de constat d'huissier du 15 décembre 2016, a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Châteauroux aux fins d'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire.

Par ordonnance du 15 mars 2017, le juge des référés a ordonné une expertise, dont le rapport a été déposé le 1er août 2019.

Sur la base de ce rapport, Monsieur [J] a assigné le 27 février 2020 la SARL ETABLISSEMENTS [Y] [I], prise en la personne de son liquidateur amiable, devant le tribunal judiciaire de Châteauroux afin que celle-ci soit déclarée responsable des désordres affectant son immeuble et condamnée à lui verser la somme de 33'970,82 € correspondant aux travaux de remise en état, outre 10'000 € en réparation du préjudice de jouissance.

Par ordonnance du 2 mars 2021, le juge de la mise en état a toutefois annulé ladite assignation après avoir principalement considéré que le liquidateur amiable désigné, ne pouvait plus représenter la société après la clôture des opérations de liquidation amiable et que, dès lors, les demandes étaient dirigées contre une personne dépourvue du pouvoir de représenter la personne morale.

Estimant que Monsieur [I] a commis une faute en sa qualité de liquidateur amiable de la SARL [I] en omettant sciemment de provisionner dans les comptes de dissolution sa créance au titre de la reprise des désordre des travaux, Monsieur [J] a saisi le 27 avril 2021 le tribunal de commerce de Châteauroux aux fins de :

« déclarer recevable et bien fondée l'action en responsabilité personnelle engagée à l'encontre de Monsieur [Y] [I], pris tant en son nom personnel qu'en sa qualité de liquidateur amiable de la SARL ETABLISSEMENTS [I] [Y] à la requête de Monsieur [H] [J];

le condamner [...] tant en son nom personnel qu'en sa qualité de liquidateur amiable de la SARL ETABLISSEMENTS [I] [Y] à payer personnellement à Monsieur [H] [J] la somme de 43.970,82 € en réparation de son préjudice résultant de la perte de chance d'obtenir le paiement de la créance qui lui était due par la SARL ETABLISSEMENTS [I] [Y] pour les raisons sus-énoncées.

Le condamner [...] tant en son nom personnel qu'en sa qualité de liquidateur amiable de la SARL ETABLISSEMENTS [I] [Y] à payer à Monsieur [H] [J] la somme de 10.000€ pour les frais de défense en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux intérêts de droit à compter de la délivrance de la présente assignation.

Le condamner [...] personnellement en sa qualité de liquidateur amiable de la SARL ETABLISSEMENTS [I] [Y], en tous les frais et dépens de la présente instance qui comprendront en plus les frais d'expertise et de constat d'huissier du 15 décembre 2016 et du 09 mai 2018 engagés dans le cadre de l'instance principale devant le tribunal judiciaire de CHÂTEAUROUX . »

Par jugement rendu le 15 juin 2022, le tribunal de commerce de Châteauroux a

- débouté Monsieur [Y] [I] de l'exception soulevée au titre de la prescription,

- condamné Monsieur [Y] [I] à payer à Monsieur [H] [J] les sommes de:

- 30.000 € au titre de la perte de chance subie du fait du liquidateur amiable ;

- 4.000 € à titre de dommages & intérêts supplémentaires ;

- 5.000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- débouté les parties de leurs autres demandes ;

- rappelé que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire ;

- condamné Monsieur [Y] [I] aux entiers dépens, comprenant en outre les frais d'expertise et de constats d'huissiers des 15 décembre 2016 et 9 mai 2018, et dont frais de greffe sur la présente décision, liquidés à la somme de 69,59 €.

'

[Y] [I] a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 13 juillet 2022 et demande à la cour, dans ses dernières écritures en date du 11 janvier 2024, à la lecture desquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, au visa des articles L 237-12, L 225-254 du Code du Commerce d'infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau, de

- déclarer irrecevable Monsieur [J] en son action à son égard pris ès qualités de liquidateur amiable de la SARL ETABLISSEMENTS [I] [Y],

- débouter Monsieur [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et de

- le condamner à lui verser la somme de 4.500 € au titre de l'article 700, ainsi qu'aux entiers dépens.

Subsidiairement, de

- limiter ses prétentions à la somme de 7.437 € au titre du préjudice indemnisable,

- débouter pour le surplus Monsieur [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- dire n'y avoir lieu à article 700 du code de procédure civile,

- débouter Monsieur [J] de sa demande au titre des dépens engagés dans l'instance principale devant le tribunal judiciaire de Châteauroux et

- statuer ce que de droit quant aux dépens de la présente instance.

[H] [J] demande pour sa part à la cour dans ses dernières écritures en date du 10 janvier 2023, à la lecture desquelles il est également expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, et au visa des articles R 237-12 et L 225-254 du code de commerce et 1240 du code civil, de :

- déclarer irrecevable et en tout cas mal fondé l'appel relevé par [Y] [I] à l'encontre du jugement rendu le 15 juin 2022 par le tribunal de commerce de Châteauroux,

- le débouter de toutes ses demandes, fins, moyens et ou conclusions,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et y ajoutant,

- de condamner [Y] [I] à lui verser une indemnité de 5000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 janvier 2024.

SUR QUOI :

Selon l'article L. 237-12 du code de commerce, " le liquidateur est responsable, à l'égard tant de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes par lui commises dans l'exercice de ses fonctions. L'action en responsabilité contre les liquidateurs se prescrit dans les conditions prévues à l'article L. 225-254."

Ce texte prévoit que " l'action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu'individuelle, se prescrit par trois ans, à compter du fait dommageable ou s'il a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait est qualifié crime, l'action se prescrit par dix ans."

Il résulte de ces textes, que constitue une faute, le fait pour le liquidateur de ne pas veiller à régler l'ensemble des créanciers avant de procéder à la clôture de la liquidation ; tel est notamment le cas, s'il omet d'inclure dans les comptes de liquidation, une créance sur la société, dont il avait pourtant connaissance, clôturant prématurément les opérations de liquidation à l'égard des créanciers.

La liquidation amiable de la société impose l'apurement intégral du passif, les créances litigieuses devant jusqu'au terme des procédures en cours, être garanties par une provision et il incombe au liquidateur, s'il s'aperçoit qu'il ne peut pas régler les dettes, de différer la clôture et de solliciter, le cas échéant, l'ouverture d'une procédure collective. (Com. 23 mars 1993, n° 91-13.430 et Com. 9 mai 2001, n° 98-17.187 P)

La faute de négligence du liquidateur doit être retenue s'il décide de clôturer les opérations de liquidation en ayant sciemment omis de provisionner une créance dont le caractère vraisemblable n'a pu lui échapper.

Au cas d'espèce, il est constant que la dissolution anticipée et la liquidation amiable de la SARL Etablissements [I] [Y], ont été décidées lors d'une assemblée générale extraordinaire du 30 juin 2016 (pièce n° 2 du dossier de l'appelant), faisant l'objet d'une publication dans le journal d'annonces légales la Nouvelle République le 24 juillet 2016 (pièce n° 1 du même dossier).

La clôture des opérations de liquidation amiable de la SARL a été prononcée lors d'une assemblée générale en date du 13 novembre 2017 (pièce n° 3), dont le procès-verbal a été déposé au greffe du tribunal de commerce de Châteauroux le 29 novembre suivant (pièce n° 4).

[Y] [I] sollicite, en premier lieu, l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription de l'action de [H] [J], faisant valoir que le début du délai de 3 ans prévu à l'article L. 225- 254 du code de commerce précité doit nécessairement être fixé au 29 novembre 2017 - date à laquelle l'intimé pouvait prendre connaissance auprès du greffe du tribunal de commerce de la clôture des opérations de liquidation amiable de la SARL - de sorte que celui-ci disposait d'un délai expirant le 29 novembre 2020 pour engager son action et que l'assignation du 27 avril 2021 apparaît donc tardive.

Au sens de ce texte, le fait dommageable fondant l'action de [H] [J] consiste en la clôture des opérations de liquidation amiable de la SARL Etablissements [I] [Y], sans avoir constitué provision de la créance de celui-ci, et ce, alors même que l'appelant ne pouvait ignorer qu'elle était susceptible d'être débitrice d'une indemnité importante au titre des malfaçons affectant les travaux de rénovation réalisés dans la maison d'habitation de la [6].

C'est à tort que le premier juge a considéré que [Y] [I] avait dissimulé à l'expert judiciaire et aux parties à l'expertise, l'existence d'une procédure de liquidation amiable de la SARL Etablissements [I] [Y], alors qu'il est constant que [H] [J] l'avait assignée le 17 janvier 2017 en référé expertise « prise en la personne de son liquidateur amiable [Y] [I] » (pièce n° 10, page 2, de son dossier).

En outre et surtout, [Y] [I] justifie (pièce n° 12 de son dossier) avoir adressé par courrier électronique du 26 février 2018 à 12h10, à l'expert judiciaire un extrait K-bis de la SARL Etablissements [I] [Y] mentionnant l'existence de cette procédure de liquidation amiable et la clôture desdites opérations avec radiation du RCS le 29 novembre 2017, en indiquant notamment : « je vous envoie mon K-bis de la radiation de mon entreprise SARL [I] [Y] du 29/11/2017 ayant retrouvé du travail comme salarié depuis septembre 2016 (') », message qui a été transféré à l'ensemble des parties par l'expert judiciaire par courrier électronique du même jour à 16h08 (pièce n° 13 du même dossier) dans lequel l'expert indique : « je vous transfère ci-après le message reçu par la partie 2 défenderesse ce jour (') ». Au demeurant, l'expert judiciaire fait expressément référence, en page 27 de son rapport, au document ainsi reçu par courriel du 26 février 2018, précisant que « cette correspondance est accompagnée de l'extrait d'immatriculation principale au Registre du Commerce et des Sociétés (extrait K bis) ».

Il en résulte nécessairement que [H] [J] a été informé par l'expert judiciaire le 26 février 2018 de la clôture des opérations de liquidation amiable de la SARL Etablissements [I] [Y] et de la radiation de celle-ci du RCS constituant le fait dommageable fondant son action, de sorte qu'en l'absence ainsi de toute dissimulation de celui-ci, le délai de 3 ans prévu à l'article L. 225-254 du code de commerce a nécessairement commencé à courir à cette date pour s'achever le 26 février 2021.

Il appartenait à [H] [J], qui avait ainsi nécessairement connaissance de la situation de la personne morale, d'engager au plus vite un acte interruptif de prescription. En tardant ainsi à assigner la SARL prise en son liquidateur amiable, le 27 avril 2021, il s'exposait à ce que la prescription lui soit opposée.

En conséquence, l'action engagée par [H] [J] devant le tribunal de commerce par acte du 27 avril 2021, soit postérieurement au terme de ce délai, devra être déclarée irrecevable comme prescrite.

Il y aura lieu, en conséquence, d'infirmer en toutes ses dispositions la décision dont appel qui a écarté l'exception de prescription et fait droit à la demande de [H] [J] au titre de la perte de chance subie du fait du liquidateur amiable.

Aucune considération d'équité ne commande, en l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, les entiers dépens de première instance et d'appel devant être laissés à la charge de [H] [J] qui succombe en l'intégralité de ses prétentions.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

' Infirme le jugement entrepris,

Et, statuant à nouveau,

' Déclare irrecevable comme prescrite l'action engagée par [H] [J] à l'égard de [Y] [I] ès qualités de liquidateur amiable de la SARL Etablissements [I] [Y],

' Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

' Dit que les entiers dépens de première instance et d'appel seront à la charge de [H] [J].

L'arrêt a été signé par A.TESSIER-FLOHIC, Président, et par S. MAGIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

S. MAGIS A.TESSIER-FLOHIC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23/01099
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;23.01099 ?
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