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11/04/2024 | FRANCE | N°23/00650

France | France, Cour d'appel de Bourges, 1ère chambre, 11 avril 2024, 23/00650


SM/MMC













































































COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

- SCP SOREL & ASSOCIES

- SELARL ALCIAT-JURIS



Expédition TJ



LE : 11 AVRIL 2024

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE COMMERCIALE



ARRÊT DU 11 AVRIL 2024



N° - Pages







N° RG 23/00650 - N° Portalis DBVD-V-B7H-DSBQ



Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal judiciaire de BOURGES en date du 06 Juin 2023



PARTIES EN CAUSE :



I - S.A.S. DECOLLETAGE DU BERRY agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social:

[Adresse 3]

[Localité 2]

N° SIR...

SM/MMC

COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

- SCP SOREL & ASSOCIES

- SELARL ALCIAT-JURIS

Expédition TJ

LE : 11 AVRIL 2024

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 11 AVRIL 2024

N° - Pages

N° RG 23/00650 - N° Portalis DBVD-V-B7H-DSBQ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal judiciaire de BOURGES en date du 06 Juin 2023

PARTIES EN CAUSE :

I - S.A.S. DECOLLETAGE DU BERRY agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social:

[Adresse 3]

[Localité 2]

N° SIRET : 348 992 488

Représentée par la SCP SOREL & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES

timbre fiscal acquitté

APPELANTE suivant déclaration du 27/06/2023

II - S.A.S. PILLION PEINTURE agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social:[Adresse 4]

[Localité 1]

N° SIRET : 326 026 945

Représentée par la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES

timbre fiscal acquitté

INTIMÉE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Février 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. PERINETTI, Conseiller chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. TESSIER-FLOHIC Président de Chambre

M. PERINETTI Conseiller

Mme CIABRINI Conseillère

***************

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme SERGEANT

***************

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

**************

EXPOSE

Suivant marché de travaux en date du 9 mars 2020, la SAS Décolletage du Berry a confié à la SAS Pillion Peinture, dans le cadre de l'extension de son usine et sous la maîtrise d''uvre de la SARL ILAO, la réalisation du lot n° 7 « second 'uvre » (cloisons, plafonds suspendus, isolation, menuiseries, peintures intérieures, revêtement de sols), au prix de 72.000 € TTC.

Le montant du marché a été modifié à plusieurs reprises pour être finalement porté à la somme de 94.881,64 € TTC au moyen de plusieurs avenants, à savoir :

avenant n° 1, daté du 5 août 2020, pour un montant de 1.683,12 € concernant le remplacement du carrelage au rez-de-chaussée, peinture, revêtement de sol en PVC ;

avenant n° 2, daté du 25 septembre 2020, pour un montant de 24.015,20 € concernant le doublage de murs et plafonds suspendus, dont doit être soustraite la somme de 8.446,36 € correspondant à des travaux non exécutés ;

avenant n° 3, daté du 28 septembre 2020, pour un montant de 1.473,60 € concernant l'incorporation d'une verrière alu dans la cloison Placostyl ;

avenant n° 4, daté du 13 novembre 2020, pour un montant de 2.207,28 € concernant des travaux supplémentaires dans le local de contrôle qualité et dans l'atelier petite production ;

avenant n° 5, daté du 25 novembre 2020, pour un montant de 1.948,80 € concernant des travaux supplémentaires de plafond dans le local de stockage.

La SAS Pillion Peinture a émis trois situations, les 21 septembre, 21 octobre et 20 novembre 2020, d'un montant respectif de 35.186,09 €, 49.406,18 € et 9.373,04 €, pour lesquelles un certificat de paiement a été délivré et transmis au maître d'ouvrage. Une facture définitive a été établie, le 30 mars 2021, après réception des travaux le 8 décembre 2020, d'un montant de 916,32€ après déduction des trois montants précédents.

Par courriel en date du 6 janvier 2021, le maître d''uvre a rappelé son accord quant au montant des divers avenants, à l'exception de l'avenant n° 2 dont il estimait que les travaux devaient être intégrés au marché initial.

Par courriel du 4 mars 2021, le maître d''uvre a confirmé que les avenants n° 1, 3, 4 et 5 pouvaient être réglés.

Par courrier recommandé en date du 22 mars 2021, la SARL ILAO a rappelé les réserves qui ne seraient pas levées, maintenu sa position quant à l'annulation de l'avenant n°2 et indiqué que des pénalités de retard devraient désormais être appliquées.

Par courrier recommandé en date du 31 mars 2021, la SAS Pillion Peinture a contesté cette position et mis en demeure la SARL ILAO de s'acquitter de la somme totale de 51.346,87 € correspondant aux situations n° 2, n° 3 et définitive s'élevant à 49.405,18 €, 9.373,05 € et 916,32€, après déduction d'un versement de 8.347,68 € intervenu le 4 janvier 2021.

Par courrier recommandé du 20 avril 2021, la SARL ILAO a maintenu son refus de paiement au motif du défaut de reprise de diverses malfaçons, s'appuyant sur le procès-verbal de réception non signé du 8 décembre 2020.

Par courrier recommandé en date du même jour, la SAS Pillion Peinture a maintenu sa position.

'

Suivant acte d'huissier en date du 9 juillet 2021, la SAS Pillion Peinture a saisi le président du tribunal de commerce de Bourges statuant en référé aux fins de voir condamner la SAS Décolletage du Berry à lui verser la somme provisionnelle de 51.300 € avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 31 mars 2021, ainsi qu'une indemnité procédurale de 2.000 € et aux entiers dépens.

Par ordonnance en date du 30 novembre 2021, le président du tribunal de commerce de Bourges statuant en référé a constaté l'existence de contestations sérieuses et s'est déclaré incompétent pour statuer, renvoyant les parties à se pourvoir au fond.

'

Suivant acte d'huissier en date du 4 mars 2022, la SAS Pillion Peinture a fait assigner la SAS Décolletage du Berry devant le tribunal de commerce de Bourges aux fins de la voir, en l'état de ses dernières demandes et sous le bénéfice de l'exécution provisoire,

condamner à lui verser la somme de 51.300 € avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 31 mars 2021,

débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

condamner à lui verser la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner aux entiers dépens.

À titre subsidiaire, la SAS Pillion Peinture a demandé au tribunal, s'il l'estimait utile, de confier à l'expert désigné la mission complémentaire d'examiner les reprises réalisées, de dire si les réserves exprimées par le maître de l'ouvrage étaient fondées, de dire si les lieux étaient exploités, de déterminer si cette exploitation ou l'entretien des lieux avait généré ou aggravé des désordres et malfaçons et de proposer un compte entre les parties, les frais d'expertise devant être avancés par la SAS Décolletage du Berry.

En réplique, la SAS Décolletage du Berry a demandé au Tribunal à titre principal, de débouter la SAS Pillion Peinture de toutes ses demandes, et de faire droit à ses demandes reconventionnelles, et en conséquence,

de condamner la SAS Pillion Peinture à lui payer la somme de 3.600 € au titre des pénalités contractuelles de retard,

d'ordonner à la SAS Pillion Peinture d'exécuter les travaux nécessaires à la levée des réserves visées au procès-verbal de réception du 8 décembre 2020 dans le délai d'un mois suivant la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 300 € par jour de retard passé ce délai,

subsidiairement, de l'autoriser à faire exécuter les travaux de reprise à ses frais avancés par une autre entreprise, et à imputer la facturation de la nouvelle entreprise sur le solde non payé de la facturation de la SAS Pillion Peinture,

plus subsidiairement, de prescrire une expertise judiciaire confiée à tel praticien qu'il plairait au tribunal de désigner avec une mission qu'elle propose en prescrivant à celui-ci préalablement au dépôt de son rapport définitif, de communiquer l'état de ses premières conclusions aux parties en leur laissant un délai raisonnable pour faire valoir leurs observations écrites,

de condamner la SAS Pillion Peinture au paiement d'une somme de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

de condamner la SAS Pillion Peinture en tous les dépens.

Par jugement contradictoire du 6 juin 2023, le Tribunal de commerce de Bourges a :

dit n'y avoir lieu à expertise ;

condamné la SAS Décolletage du Berry à payer à la SAS Pillion Peinture la somme de 51.300 € au titre du solde du marché de travaux, augmentée des intérêts légaux de retard à courir à compter du 31 mars 2021 ;

débouté la SAS Décolletage du Berry de toutes ses demandes, fins et conclusions, en ce compris celles reconventionnelles ;

condamné la SAS Décolletage du Berry à verser à la SAS Pillion Peinture une indemnité de 1.000 € du chef de l'article 700 du code de procédure civile ;

dit que les dépens seraient à la charge de la SAS Décolletage du Berry, taxés et liquidés concernant les frais de greffe à la somme de 60,22 € TTC ;

rappelé l'exécution provisoire de ce jugement.

Le Tribunal a notamment retenu que l'accord de l'architecte, donné en sa qualité de mandataire du maître d'ouvrage, engageait celui-ci qui ne pouvait s'exonérer de son obligation de paiement des sommes validées par le maître d''uvre, qu'aucune procédure n'avait été initiée dans le délai de parfait achèvement, de sorte que l'inexécution de la défenderesse ne pouvait se justifier sur le fondement de la retenue de garantie, que la SAS Pillion Peinture s'était enquise des travaux de reprise à réaliser et les avait partiellement effectués, que l'architecte comme le maître d''uvre n'avaient pas déféré à son courrier de juillet 2021 visant à faire le point sur les travaux restant nécessaires, que certaines malfaçons figurant au procès-verbal de constat étaient visibles au jour de la réception sans pour autant faire l'objet d'aucune demande, que d'autres malfaçons n'existaient pas alors ou ne relevaient pas de son lot, que les réserves n'affectaient ni la solidité, ni l'esthétique, ni la destination de l'ouvrage, et que l'essentiel des réserves étaient désormais éteintes.

'

La SAS Décolletage du Berry a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 27 juin 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 21 septembre 2023, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'elle développe, la SAS Décolletage du Berry demande à la Cour de réformer et infirmer le jugement du tribunal de commerce de Bourges en date du 06 juin 2023 en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à expertise, et l'a condamnée à payer à la SAS Pillion Peinture, la somme de 51 300,00 € au titre du solde du marché de travaux, augmentée des intérêts légaux de retard à courir à compter du 31.03.2021, outre 1 000,00 € du chef de l'article 700 du Code de Procédure Civile et l'a déboutée de toutes ses demandes, fins et conclusions, en ce compris celles reconventionnelles,

En conséquence, en statuant à nouveau, à titre principal, la SAS Décolletage du Berry demande de :

- débouter la SAS Pillion Peinture de toutes ses demandes et de faire droit aux siennes, de

- condamner la SAS Pillion Peinture à payer à la SAS Décolletage du Berry la somme de 3.600€ au titre des pénalités contractuelles de retard,

- ordonner à la SAS Pillion Peinture d'exécuter les travaux nécessaires à la levée des réserves visées au procès-verbal de réception du 8 décembre 2020 dans le délai d'un mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir,

- assortir l'injonction de faire d'une astreinte de 300,00 € par jour de retard passé ce délai.

Et subsidiairement,de l'autoriser à faire exécuter les travaux de reprise à ses frais avancés par une autre entreprise, et à imputer la facturation de la nouvelle entreprise sur le solde non payé de la facturation de la SAS Pillion Peinture.

Plus subsidiairement encore, elle demande :

- d'ordonner une expertise judiciaire confiée à tel praticien qu'il plaira à la Cour de désigner investi d'une mission qu'elle détaille dans ses écritures, et

- de condamner la SAS Pillion Peinture à 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

- de la condamner en tous les dépens.

'

Dans ses dernières conclusions notifiées le 18 décembre 2023, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'elle développe, la SAS Pillion Peinture demande à la Cour de confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Bourges en date du 6 juin 2023, en toutes ses dispositions et de :

- débouter la SAS Décolletage du Berry de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

À titre subsidiaire et si la Cour l'estimait utile, dire que la mission d'expertise confiée à expert spécialiste en construction qu'il plaira à la Cour de désigner devra avoir pour mission complémentaire :

- examiner les reprises qui ont été faites par la SAS Pillion Peinture des réserves et des divers courriers adressés par le maître de l'ouvrage.

- Dire si les diverses demandes du maître de l'ouvrage comme étant qualifiées de réserves sont fondées

- Dire si les lieux sont exploités, et dans l'affirmative en indiquer la date et les conditions.

- Dire cette exploitation ou l'entretien des lieux ont généré ou aggravé les désordres et

malfaçons.

- Proposer un compte entre les parties

Dire que les frais d'expertise seront avancés par la SAS Décolletage du Berry.

En tout état de cause l'intimé sollicite la condamnation de la SAS Décolletage du Berry à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et à la condamner aux entiers dépens d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2024.

MOTIFS

Sur la demande principale en paiement présentée par la SAS Pillion Peinture :

Les articles 1103 et 1104 du code civil posent pour principe que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

L'article 1353 du même code impose à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et réciproquement, à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

L'article 1792-6 du même code énonce que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

La garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.

Les délais nécessaires à l'exécution des travaux de réparation sont fixés d'un commun accord par le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur concerné.

En l'absence d'un tel accord ou en cas d'inexécution dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l'entrepreneur défaillant.

L'exécution des travaux exigés au titre de la garantie de parfait achèvement est constatée d'un commun accord, ou, à défaut, judiciairement.

La garantie ne s'étend pas aux travaux nécessaires pour remédier aux effets de l'usure normale ou de l'usage.

L'article 1219 du même code prévoit qu'une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

En l'espèce, la SAS Pillion Peinture a émis trois situations, les 21 septembre, 21 octobre et 20 novembre 2020, d'un montant respectif de 35.186,09 € TTC, 49.406,18 € TTC et 9.373,04 € TTC.

Ces trois situations ont donné lieu à l'établissement de trois certificats de paiement par la société ILAO, attestant qu'il pouvait être payé au titulaire du marché les sommes respectives de 35.186,09 € TTC, 48.746,18 € TTC (après prise en compte de travaux de nettoyage chiffrés à la somme de 550 € HT) et 8.563,04 € TTC (après prise en compte de travaux de nettoyage chiffrés à la somme de 675 € HT).

La SAS Pillion Peinture a enfin émis une facture définitive d'un montant de 916,32 € après déduction du montant des trois précédentes factures.

Un procès-verbal de réception des travaux a été établi le 8 décembre 2020 en présence des représentants de la société ILAO et de la SAS Pillion Peinture, et signé par le seul représentant de la société ILAO. Ce procès-verbal mentionne la décision du maître d'ouvrage de prononcer la réception des travaux avec les réserves listées en annexe comme suit :

voir la fenêtre dans le bureau de Direction donnant sur l'atelier où le bruit de l'atelier passe,

toutes les menuiseries en alu sont tachées,

joints isophoniques peints,

placard direction : boucher trou en partie haute des plinthes verticales,

refaire le raccord du faux-plafond autour des puits de jour,

voir rayures sur les sols,

nettoyage des équipements incendie rouges qui ont été peints en blanc à l'étage,

dans l'escalier, les sols souples sont à refaire compris contre-marches,

la gâche électrique de la porte intérieure entre bureau et atelier ne marche pas,

peinture : 2 pots de chaque couleur à remettre à DDB,

liste des réserves non exhaustives (voir Mme [E] [G]). »

Par courriel en date du 6 janvier 2021, la société ILAO, renvoyant à une réunion tenue fin décembre avec la maîtrise d'ouvrage concernant la fin de chantier et le décompte général définitif, a indiqué à la SAS Pillion Peinture être en accord avec elle sur les montants des avenants à l'exception de l'avenant n°2, portant sur des travaux (local contrôle qualité) intégrés au marché de base et ne devant pas faire l'objet d'un avenant. La société ILAO a de ce fait sollicité l'annulation de cet avenant n° 2 et fait état de l'existence de plusieurs défauts et malfaçons constatées sur les revêtements de sol, fixation de porte, finition des peintures et autres, qui demeuraient à reprendre avant réception définitive et solde de tout compte. Un délai courant jusqu'à la fin du mois de janvier 2021 a été proposé à la SAS Pillion Peinture pour remédier à ces différents points.

Par courrier en date du 22 mars 2021, la société ILAO a informé la SAS Pillion Peinture de son intention d'appliquer des pénalités de retard, conformément à l'article 9 du marché de travaux, à hauteur de 3.000 € HT représentant 73 jours calendaires de retard. Elle a mentionné la tenue de différentes visites de levée de réserves et de différentes interventions de la SAS Pillion Peinture survenues postérieurement au 8 décembre 2020, date de réception des travaux. Elle a estimé que les réserves suivantes n'étaient « toujours pas levées :

rayures au sol sur les sols souples (blocage paiement avenant 1),

problème d'isolation phonique sur la fenêtre de la direction située dans la cloison séparative atelier/bureaux,

problème d'isolation phonique cloisons entre bureau RDC de « Charlène » et WC hommes,

pas de toile de verre sur les cloisons et doublages en RDC et étage alors que prévu dans le marché,

manque de finitions sur les éléments modulaires incorporés dans les cloisons «châssis alu non jointifs » à l'étage (blocage paiement avenant 3),

refaire le raccord du faux-plafond autour des puits de jour étage,

placard direction & compta : boucher trou en partie haute des plinthes verticales.»

Il se déduit de ces divers éléments qu'à l'exception de l'avenant n°2, d'un montant TTC de 15.568,84 €, et sous réserve de résolution des difficultés ayant fait l'objet de réserves portées au procès-verbal de réception des travaux, la société ILAO, en sa qualité de maître d''uvre, a validé le bien-fondé des factures présentées par la SAS Pillion Peinture pour un montant global de 92.495,31 €, avant de les contester le 22 mars 2021.

L'argument de la SAS Décolletage du Berry selon lequel la vocation des certificats de paiement émis par la société ILAO serait de permettre à l'entrepreneur d'émettre ces factures en fonction de l'évolution de l'exécution des travaux apparaît dénué de pertinence, voire peu compréhensible : en effet, les certificats de paiement en cause sont tous postérieurs à chacune des factures auxquelles ils correspondent. De plus, l'article 7.1 du marché du 9 mars 2020 que la SAS Décolletage du Berry cite au soutien de son argumentation prévoit précisément que l'entrepreneur établisse des demandes de paiement, adressées au maître d''uvre avant le 25 de chaque mois et libellées au nom du maître d'ouvrage, à charge pour le premier de les transmettre sous 10 jours au second pour règlement, après vérification par ses soins.

L'affirmation, au demeurant non étayée, de la SAS Décolletage du Berry selon laquelle les trois certificats de paiement auraient été émis au cours d'une période durant laquelle il n'aurait été tenu aucune réunion de chantier, empêchant l'architecte maître d''uvre d'être à même d'apprécier le niveau de finition du chantier confié à la SAS Pillion Peinture et d'en valider la qualité au moment de l'édition des certificats, s'avère particulièrement inopérant. En effet, la SAS Décolletage du Berry ne saurait tirer argument d'une négligence de la société ILAO dans sa mission de maître d''uvre, laquelle comprend par nature la vérification de la qualité des opérations menées sur le chantier par les entrepreneurs. En outre, la mention, dans deux des certificats de paiement émis par la société ILAO, de la déduction des montants facturés par la SAS Pillion Peinture de sommes correspondant à des prestations de nettoyage du chantier, exécutées par une entreprise tierce, vient contredire l'hypothèse d'un défaut de contrôle dudit chantier durant cette période.

Il doit au passage être relevé que les points suivants, figurant au courrier du 22 mars 2021,

problèmes d'isolation phonique cloisons entre bureau RDC de « Charlène » et WC hommes,

pas de toile de verre sur les cloisons et doublages en RDC et étage alors que prévu dans le marché,

manque de finitions sur les éléments modulaires incorporés dans les cloisons « châssis alu non jointifs » à l'étage (blocage paiement avenant 3),

n'avaient nullement été inscrits au procès-verbal de réception et ne peuvent ainsi être considérés comme constituant des réserves valablement formulées au moment de la réception des travaux, étant précisé que l'item « liste des réserves non exhaustives (voir Mme [E] [G]) » ne peut davantage valoir formulation de réserves faute pour celles-ci d'être détaillées. Il doit être observé à cet égard que deux de ces trois postes font état de malfaçons, d'insuffisances ou de non-façons qui étaient parfaitement visibles au jour de la rédaction du procès-verbal de réception, sauf l'isolation phonique qui peut être un désordre n'apparaissant qu'à l'usage, mais qui n'a pas été objectivé au delà.

Par ailleurs, la comparaison entre la liste des réserves figurant au procès-verbal de réception et la liste des réserves restant à lever aux termes du courrier du 22 mars 2021 démontre la réalité d'interventions de la SAS Pillion Peinture aux fins d'y remédier (taches sur les menuiseries en alu, peinture des joints isophoniques, nettoyage des équipements incendie notamment) entre le 8 décembre 2020 et le 22 mars 2021.

Il en résulte que les réserves non reprises à ce jour par la SAS Pillion Peinture sont les suivantes, selon le libellé retenu lors de la rédaction du procès-verbal de réception :

« voir la fenêtre dans le bureau de Direction donnant sur l'atelier où le bruit de l'atelier passe,

placard direction : boucher trou en partie haute des plinthes verticales,

refaire le raccord du faux-plafond autour des puits de jour,

voir rayures sur les sols. »

En considération de la valeur du marché initial et des avenants qui y ont été apportés, il ne peut être estimé que ces réserves non reprises soient constitutives d'une inexécution contractuelle suffisamment grave, au sens de l'article 1219 précité, pour permettre à la SAS Décolletage du Berry de s'exonérer de son obligation de paiement envers la SAS Pillion Peinture, étant rappelé que cette dernière indique demeurer créancière de la somme de 51.300 € TTC au titre du solde du marché conclu.

Les réserves portées au procès-verbal de réception des travaux et demeurées non reprises postérieurement au 22 mars 2021 relevaient de la garantie de parfait achèvement qu'il revenait à la SAS Décolletage du Berry et/ou à la société ILAO de mettre en 'uvre dans le délai et les conditions imposés par la loi.

Par surcroît, la lecture des différents courriers émis par la SAS Pillion Peinture et versés en procédure démontre que celle-ci, loin de se montrer réticente à la reprise des réserves formulées, a réclamé l'organisation d'une réunion en présence du maître d''uvre et du maître d'ouvrage afin de déterminer ses modalités d'intervention à cette fin, demande à laquelle il n'a pas été fait suite, cependant que les locaux étaient mis en exploitation.

En considération de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS Décolletage du Berry à payer à la SAS Pillion Peinture la somme de 51.300 €, outre intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2021, date de la mise en demeure.

Les observations précédemment développées quant à la volonté manifestée par la SAS Pillion Peinture de procéder à la reprise des réserves portées au procès-verbal de réception des travaux et à la réalité de ses interventions aux fins de reprise entre le 8 décembre 2020 et le 22 mars 2021 justifient en outre de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SAS Décolletage du Berry de sa demande reconventionnelle tendant à la condamnation de la SAS Pillion Peinture au paiement de pénalités de retard, étant par surcroît appelé qu'il est constant que les pénalités prévues en cas de retard ont pour terme la livraison de l'ouvrage et non la levée des réserves consignées à la réception (voir notamment en ce sens Cass. Civ. 3ème, 4 février 2016, n°14-25.701).

Enfin, la SAS Décolletage du Berry sera déboutée de sa demande subsidiaire d'expertise aux fins de détermination de l'étendue des désordres sur lesquels elle fondait son exception d'inexécution de son obligation contractuelle de paiement, la cour s'estimant suffisamment informée sur ce point, n'ayant pas à suppléer à la carence des parties.

Sur la demande reconventionnelle en exécution forcée sous astreinte formulée par la SAS Décolletage du Berry :

Aux termes de l'article 1221 du code civil, le créancier d'une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l'exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s'il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier.

En l'espèce, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, et après examen des pièces versées en procédure, notamment du procès-verbal de constat réalisé par la SELARL Act'huis 36, huissier de justice, le 24 août 2021, les réserves non reprises à ce jour par la SAS Pillion Peinture à partir des postes mentionnés au procès-verbal de réception du 8 décembre 2020 sont les suivantes :

« voir la fenêtre dans le bureau de Direction donnant sur l'atelier où le bruit de l'atelier passe

placard direction : boucher trou en partie haute des plinthes verticales

refaire le raccord du faux-plafond autour des puits de jour

voir rayures sur les sols. »

Concernant les rayures observables sur les revêtements de sol souples, il doit tout d'abord être relevé que la SAS Pillion Peinture justifie avoir provoqué le déplacement sur site du représentant de son fournisseur, la société Akzo Nobel Centre, dès le 15 décembre 2020. Celui-ci, en compagnie du conducteur de travaux de la SAS Pillion Peinture, a constaté que la pose réalisée correspondait aux normes requises pour ce type de produit. Il a précisé qu'une demande « qualité » avait été faite auprès du fabricant qui n'avait identifié aucun défaut. Il a observé que les photographies prises lors de son déplacement révélaient des rayures importantes et profondes, qui ne correspondaient pas à une usure naturelle et acceptable pour ce type de produit et que les coupures ponctuelles et très localisées étaient plus probablement imputables à des accidents mécaniques d'une origine autre que la marche ou l'action des chaises à roulettes.

La SAS Pillion Peinture justifie en outre de l'intervention sur les lieux, le 5 février 2021, d'une entreprise spécialisée, la société Forbo Flooring, qui a procédé à l'application d'un produit régénérant spécifique destiné à remplir et masquer les fines rayures et à protéger le revêtement d'agressions légères futures. Cette entreprise en a préconisé l'application régulière à l'avenir.

Bien que ces diligences ne puissent être notées et portées au crédit de la SAS Pillion Peinture, il ne peut qu'être constaté que l'état dégradé des revêtements de sol qu'elle a posés a été relevée dès la rédaction du procès-verbal de réception des travaux. En sa qualité de professionnelle, il lui appartenait, particulièrement dans la perspective de l'installation imminente de mobilier dans les locaux concernés, de procéder le cas échéant à une réception immédiate de ses revêtements de sol dès leur pose, ainsi que son dirigeant a au demeurant regretté de ne pas l'avoir fait, dans son courrier du 31 mars 2021.

En l'état des constatations portées au procès-verbal de réception, il ne peut être estimé que la SAS Pillion Peinture se soit parfaitement acquittée de ses obligations contractuelles sur ce point.

Elle devra en conséquence être condamnée à exécuter les travaux nécessaires à la levée des réserves, à savoir

la reprise ou le remplacement des sols souples dans les bureaux situés au rez-de-chaussée, à l'étage et dans l'atelier,

l'isolation phonique de la fenêtre dans le bureau de Direction donnant sur l'atelier,

le bouchage du trou en partie haute des plinthes verticales dans le bureau de direction,

la reprise du raccord du faux-plafond autour des puits de jour.

Au vu de leur ampleur, la SAS Pillion Peinture disposera d'un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt pour procéder à ces travaux.

Eu égard à la bonne volonté manifestée dès le mois de décembre 2020 par la SAS Pillion Peinture quant à la réalisation de ces travaux de reprise, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

En revanche, dans l'hypothèse où la SAS Pillion Peinture n'aurait pas procédé à l'exécution de ces travaux dans le délai de trois mois qui lui est imparti, la SAS Décolletage du Berry sera autorisée à faire exécuter les travaux de reprise ci-dessus énumérés par une entreprise tierce et à poursuivre le remboursement de leur montant auprès de la SAS Pillion Peinture.

Sur l'article 700 et les dépens :

L'équité et la prise en considération de l'issue du litige déterminée par la présente décision commandent de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la SAS Décolletage du Berry, qui succombe en la majeure partie de ses prétentions, à verser à la SAS Pillion Peinture la somme de 2.500 € au titre des frais exposés par elle en cause d'appel qui ne seraient pas compris dans les dépens.

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. La SAS Décolletage du Berry, partie principalement succombante, devra supporter la charge des dépens de l'instance d'appel.

Le jugement entrepris sera enfin confirmé de ces chefs.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Infirme partiellement le jugement rendu le 6 juin 2023 par le tribunal de commerce de Bourges en ce qu'il a débouté la SAS Décolletage du Berry de toutes ses demandes, fins et conclusions, en ce compris celles reconventionnelles ;

- Confirme le jugement entrepris pour le surplus ;

Et statuant de nouveau du chef infirmé,

- Condamne la SAS Pillion Peinture à exécuter les travaux nécessaires à la levée des réserves, à savoir

la reprise ou le remplacement des sols souples dans les bureaux situés au rez-de-chaussée, à l'étage et dans l'atelier,

l'isolation phonique de la fenêtre dans le bureau de Direction donnant sur l'atelier,

le bouchage du trou en partie haute des plinthes verticales dans le bureau de direction,

la reprise du raccord du faux-plafond autour des puits de jour,

dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt ;

- Dit n'y avoir lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte ;

- Dit que faute pour la SAS Pillion Peinture d'exécuter ces travaux dans le délai imparti, la SAS Décolletage du Berry sera autorisée à faire exécuter les travaux de reprise ci-dessus énumérés par une entreprise tierce et à poursuivre le remboursement de leur montant auprès de la SAS Pillion Peinture ;

- Condamne la SAS Décolletage du Berry à verser à la SAS Pillion Peinture une somme de 2.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Rejette toutes autres demandes, plus amples ou contraires ;

- Condamne la SAS Décolletage du Berry aux dépens de l'instance d'appel.

L'arrêt a été signé parA.TESSIER-FLOHICC , Président, et par S. MAGIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

S. MAGIS A.TESSIER-FLOHIC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23/00650
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;23.00650 ?
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