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11/04/2024 | FRANCE | N°23/00308

France | France, Cour d'appel de Bourges, 1ère chambre, 11 avril 2024, 23/00308


VS/RP













































































COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

- SCP SOREL & ASSOCIES

- SELARL AGIN-PREPOIGNOT



Expédition TJ



LE : 11 AVRIL 2024

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 11 AVRIL 2024

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N° - Pages







N° RG 23/00308 - N° Portalis DBVD-V-B7H-DRFB



Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal judiciaire de NEVERS en date du 22 Février 2023





PARTIES EN CAUSE :



I - ENTREPRISE [C] [P] exerçant sous l'enseigne ARMURERIE [C] FRERES agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège socia...

VS/RP

COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

- SCP SOREL & ASSOCIES

- SELARL AGIN-PREPOIGNOT

Expédition TJ

LE : 11 AVRIL 2024

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 11 AVRIL 2024

N° - Pages

N° RG 23/00308 - N° Portalis DBVD-V-B7H-DRFB

Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal judiciaire de NEVERS en date du 22 Février 2023

PARTIES EN CAUSE :

I - ENTREPRISE [C] [P] exerçant sous l'enseigne ARMURERIE [C] FRERES agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social:

[Adresse 6]

[Adresse 6]

N° SIRET : 431 532 480

- S.A. GENERALI ASSURANCES agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social:

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 552 062 663

Représentées par la SCP SOREL & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES

timbre fiscal acquitté

APPELANTES suivant déclaration du 29/03/2023

INCIDEMMENT INTIMEES

II - M. [X] [W]

né le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 8]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par la SELARL AGIN-PREPOIGNOT, avocat au barreau de NEVERS

timbre fiscal acquitté

INTIMÉ

INCIDEMMENT APPELANT

11 AVRIL 2024

N° /2

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Février 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CLEMENT, Présidente chargée du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CLEMENT Présidente de Chambre

M. PERINETTI Conseiller

Mme CIABRINI Conseillère

***************

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme SERGEANT

***************

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

**************

EXPOSÉ

Indiquant s'être rendu le 25 octobre 2019 à l'armurerie [C] FRERES à [Localité 7] pour faire poser un point rouge de visée sur son fusil et avoir immédiatement ressenti une hyperacousie suite au réglage du fusil par le gérant de l'armurerie sur le stand de tir du magasin, [X] [W] a saisi le tribunal judiciaire de Nevers par acte du 10 novembre 2021, lui demandant de :

- dire et juger que M. [C], artisan armurier exerçant sous l'enseigne Armurerie [C] FRERES, a commis une faute en procédant à proximité de M. [X] [W] à un essai de tir au fusil sans lui avoir préalablement proposé un dispositif de protection auditive,

- dire et juger M. [C] seul et entièrement responsable des conséquences dommageables causés à M. [X] [W],

- dire et juger que la Société GENERALI ASSURANCES IARD sera tenue de garantir M. [P] [C] des condamnations pouvant intervenir contre lui,

- ordonner une expertise médicale sur la personne de M. [W] confiée à un spécialiste ORL,

- condamner M. [C], solidairement avec GENERALI ASSURANCES IARD, son assureur, au paiement d'une indemnité provisionnelle de 3 000 € à valoir sur la réparation de son préjudice,

- condamner M. [C], solidairement avec GENERALI ASSURANCES IARD, son assureur, au paiement d'une somme de 2 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 4 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Nevers a :

' déclaré M. [P] [C] exerçant sous l'enseigne ARMURERIE [C], assuré auprès de la compagnie GENERALI ASSURANCES IARD responsable du préjudice causé "à M. [P] [C] exerçant sous l'enseigne ARMURERIE [C]" (mention rectifiée par jugement sur requête du 22 février 2023).

Et par décision avant dire droit :

- Condamné M. [P] [C] exerçant sous l'enseigne ARMURERIE [C], et son assureur la compagnie GENERALI ASSURANCES IARD à payer à M. [X] [W] la somme de 3 000 euros à titre provisionnel.

- Ordonné une expertise judiciaire et commis pour y procéder le Docteur [C] [L], Expert près la Cour d'Appel de Riom, Hôpital [5] Service otorhino-laryngologie [Adresse 4] avec pour mission de :

o Prendre connaissance du dossier et de tous documents médicaux utiles recueillis tant auprès de la victime que de tous tiers détenteurs ;

o Examiner M. [X] [W] et décrire les lésions causées par les faits survenus le 25 octobre 2019 ; indiquer les traitements appliqués, leur évolution, leur état actuel et un éventuel état antérieur en précisant son incidence ;

o Indiquer la date de consolidation ;

o Pour la phase de consolidation :

Décrire les éléments du déficit fonctionnel temporaire en précisant si la victime a subi une ou des périodes d'incapacité temporaire totale ou partielle,

Décrire les souffrances endurées et les évaluer dans une échelle de 1 à 7,

Décrire un éventuel préjudice esthétique temporaire,

o Pour la phase après consolidation

Décrire les éléments de déficit fonctionnel permanent entraînant une limitation d'activité ou un retentissement sur la vie personnelle, en chiffrer le taux,

Dire s'il existe un retentissement professionnel

Dire si des traitements ou soins futurs sont à prévoir

Dire si les lésions entrainent un préjudice esthétique permanent, le décrire et l'évaluer sur une échelle de 1 à 7 ;

- Donner son avis sur tous les autres chefs de préjudice qui seraient invoqués par la victime ;

- Etablir un récapitulatif de l'évaluation de l'ensemble des postes énumérés dans la mission ;

- Dit que l'original du rapport définitif sera déposé en unique exemplaire au greffe, tandis que l'expert en adressera un exemplaire aux parties et à leur conseil avant le 04 juin 2023 sauf prorogation expresse ;

- Fixé à la somme de 2 500 € le montant de la provision à valoir sur les frais d'expertise qui devra être consignée par M. [X] [W] à la régie d'avances et avant le 04 février 2013

- Dit que faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet ;

- Désigné le magistrat chargé du contrôle des expertises de la chambre pour contrôler les opérations d'expertise,

- Réservé les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

- Dit que l'affaire sera rappelée à l'audience de mise en état du 14 septembre 2023 à 9 heures pour conclusions après dépôt du rapport d'expertise .

Par jugement du 22 février 2023, ce tribunal a corrigé l'erreur matérielle affectant le dispositif de la décision précitée en remplaçant, dans le premier paragraphe du dispositif de celle-ci, les termes « préjudice causé à M. [P] [C] exerçant sous l'enseigne ARMURERIE [C]» par les termes « préjudice causé à [X] [W] ».

[P] [C], artisan armurier, exerçant sous l'enseigne ARMURERIE [C] FRERES, et la Compagnie d'assurances GENERALI ASSURANCES IARD, ont interjeté appel de ces deux décisions par déclaration enregistrée le 29 mars 2023 et demandent à la cour, dans leurs dernières écritures en date du 12 décembre 2023, à la lecture desquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, de :

Vu l'article 1240 et suivants du code civil,

Vu l'article 1231 et suivants du code civil,

Vu les causes sus-énoncées,

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de NEVERS le 4 janvier 2023 rectifié par jugement du 22 février 2023

Statuant à nouveau,

- Débouter M. [X] [W] de l'ensemble de ses demandes.

- Condamner M. [X] [W] à payer à M. [P] [C] exerçant sous l'enseigne ARMURERIE [C] et à la société GENERALI IARD ensemble la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner aux entiers dépens dont distraction sera faite au profit de Me Stéphanie JAMET sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

[X] [W], intimé et appelant à titre incident, demande pour sa part à la cour, dans ses dernières écritures en date du 6 décembre 2023, à la lecture desquelles il est pareillement expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, de :

A titre principal,

Vu les dispositions des articles 1231 et suivants du Code Civil

- DIRE ET JUGER que Monsieur [P] [C], artisan armurier exerçant sous l'enseigne Armurerie [C] FRERES, a manqué à son obligation de sécurité de résultat en procédant à proximité de Monsieur [X] [W] à un essai de tir au fusil sans lui avoir préalablement proposé un dispositif de protection auditive

- DIRE ET JUGER Monsieur [P] [C], artisan armurier exerçant sous l'enseigne Armurerie [C] FRERES, seul et entièrement responsable des conséquences dommageables causés à Monsieur [X] [W]

- DIRE ET JUGER que la société GENERALI ASSURANCES sera tenue de garantir Monsieur [P] [C] des condamnations pouvant intervenir contre lui

A titre subsidiaire,

Vu les dispositions des articles 1240 et suivants du Code Civil

- DIRE ET JUGER que Monsieur [P] [C], artisan armurier exerçant sous l'enseigne Armurerie [C] FRERES, a commis une faute en procédant à proximité de Monsieur [X] [W] à un essai de tir au fusil sans lui avoir préalablement proposé un dispositif de protection auditive

- DIRE ET JUGER Monsieur [P] [C], artisan armurier exerçant sous l'enseigne Armurerie [C] FRERES, seul et entièrement responsable des conséquences dommageables causés à Monsieur [X] [W]

- DIRE ET JUGER que la société GENERALI ASSURANCES sera tenue de garantir Monsieur [P] [C] des condamnations pouvant intervenir contre lui

En toute hypothese,

- ORDONNER une expertise médicale sur la personne de Monsieur [W] confiée à un spécialiste ORL

Avec faculté de prendre l'avis de tout technicien de son choix dans une spécialité différente de la sienne et mission de recueillir tous renseignements utiles à la charge d'en indiquer la source, d'entendre tous sachants sauf à ce que soient précisés leur identité, et s'il y a lieu leur lien de parenté, d'alliance, de subordination ou de communauté d'intérêt avec les parties

Convoquer, en même temps que les parties en cause, entendre et examiner Monsieur [X] [W], victime de blessures survenues le 25 OCTOBRE 2019

- en tenir informés les Avocats des parties,

- se faire communiquer par la victime, où par tout tiers détenteur, avec l'accord de la victime ou de ses ayants-droits, le dossier médical complet de celle-ci, en particulier le certificat médical initial et les documents relatifs à un éventuel état antérieur,

Dit que l'expert aura pour mission, selon la nomenclature détaillée des préjudices corporels telle que figurant dans le rapport du groupe de travail du mois de juillet 2005 accessible sur le site Internet www justice.gouv.fr, de :

1) décrire en détail les lésions que la victime rattache aux faits du 25 octobre 2019, ainsi que leur évolution,

2) dire quelles sont les lésions en relation directe et certaine avec les faits allégués,

3) décrire le cas échéant la capacité antérieure, en discutant et en évaluant ses éventuelles limitations,

4) dire en cas d'arrêt temporaire des activités professionnelles, scolaires ou de formation, quelles en ont été la durée et les conditions de reprise; en disputer l'imputabilité aux faits dont s'agit en fonction des lésions et de leur évolution rapportées à l'activité exercée,

5) fixer la date de consolidation, c'est à dire le moment où les séquelles se fixent et prennent un caractère permanent, tel qu'un traitement, ou des soins nouveaux ne sont plus susceptibles d'améliorer l'état de la victime,

6) déterminer le déficit fonctionnel temporaire (D.F.T) et son pourcentage et donner toute précision utile quant au retentissement durant la période de ce déficit sur les actes essentiels de la vie quotidienne, les activités familiales, les activités de loisir et d'agrément alléguées,

7) déterminer si le déficit fonctionnel temporaire a obligé la victime à exposer des frais de logement adapté (F.L.A), de véhicule adapté (F.V.A), ou d'assistance par tierce personne (A.T.P),

8) qualifier et chiffrer les souffrances endurées (S.E) sur une échelle de 1 à 7,

9) dire si, du fait des lésions, il subsiste un déficit fonctionnel permanent (D.F.P), en préciser la nature et en chiffrer le taux par rapport à l'état de la victime avant l'accident, et ce par référence au « Barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun »

10) dire si ce déficit fonctionnel permanent a, ou aura, des répercussions sur l'activité professionnelle de la victime en termes de pertes de gains professionnels futurs (P.G.P.F), d'incidence professionnelle (I.P) ou s'il est de nature à lui causer un préjudice scolaire, universitaire ou de formation (P.S.U),

11) dire si le déficit fonctionnel permanent oblige la victime à exposer des frais de logement adapté (F.L.A), de véhicule adapté (F.V.A), ou d'assistance par tierce personne (A.T.P),

12) préciser si l'état actuel et l'évolution prévisible sont de nature à lui faire exposer des dépenses de santé futures (D.S.F),

13) préciser, le cas échéant, sur une échelle de 1 à 7, la nature et l'importance du préjudice esthétique temporaire (P.E.T) subi avant consolidation et du préjudice esthétique définitif (P.E.D)

14) préciser, le cas échéant, la nature et l'importance du préjudice d'agrément (P.A)

15) dire s'il existe un préjudice sexuel permanent, le décrire en précisant ce qu'il recouvre,

16) indiquer d'une façon générale toutes autres conséquences dommageables imputables à l'accident (ou aux violences)

Dit que l'expert donnera connaissance de ses conclusions aux parties et répondra à tous dires écrits de leur part formulés dans le délai qui leur aura été imparti avant d'établir un rapport définitif qu'il déposera au secrétariat-greffe du Tribunal Judiciaire de NEVERS, dans les trois mois du jour où il aura été saisi de sa mission

- CONDAMNER Monsieur [P] [C], solidairement avec GENERALI son assureur, au paiement d'une indemnité provisionnelle de 3000 € à valoir sur la réparation de son préjudice

- CONDAMNER Monsieur [P] [C], solidairement avec GENERALI son assureur, au paiement d'une somme de 2500 € en application des dispositions de l'article 700 du CPC en première instance

- CONDAMNER Monsieur [P] [C], solidairement avec GENERALI son assureur, au paiement d'une somme de 2500 € en application des dispositions de l'article 700 du CPC en cause d'appel

- CONDAMNER Monsieur [P] [C] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 janvier 2024.

SUR QUOI

En application de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Selon l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Il appartient à celui qui se prévaut de la responsabilité contractuelle prévue par ce texte de rapporter la preuve de l'existence d'un dommage certain, direct, personnel et prévisible, et imputable à l'inexécution d'une convention passée valablement avec le débiteur, contre qui il agit en réparation.

Un armurier professionnel, ayant conclu un contrat de vente et d'installation d'un matériel de visée sur une arme à feu, est tenu à l'égard de son client, en application du texte précité, d'une obligation de sécurité qui, en raison de l'absence de tout rôle actif dudit client dans l'exécution de la convention, n'est pas simplement de moyens mais de résultat.

Il en résulte que son cocontractant peut engager sa responsabilité contractuelle en rapportant la preuve de l'inexécution de l'obligation de sécurité de résultat, de l'existence du dommage et de l'imputabilité de celui-ci à l'inexécution, à charge pour le débiteur de s'exonérer en prouvant la force majeure, la faute de la victime ou l'acceptation par celle-ci des risques.

Au cas d'espèce, Monsieur [W] soutient s'être rendu le 25 octobre 2019 dans les locaux de l'armurerie tenue par Monsieur [C] à [Localité 7] aux fins d'achat et l'installation d'un « point rouge de visée sur son fusil ».

Il soutient que Monsieur [C], aux fins de réglages sur le fusil, a utilisé l'arme sur le stand de tir du magasin en se protégeant les oreilles avec un casque, mais sans lui fournir de dispositif de protection adapté, de sorte qu'il indique avoir immédiatement ressenti une hyperacousie à la suite du coup de fusil, laquelle a fait l'objet d'une constatation médicale ultérieure.

Monsieur [C] et son assureur indiquent avoir conclu devant le premier juge « que Monsieur [W] procédait exclusivement par voie d'affirmations et qu'il n'était pas produit à l'appui de l'assignation la moindre pièce démontrant qu'il s'était rendu le 25 octobre 2019 » dans les locaux de l'armurerie.

Ils ajoutent que la facture produite en cours de procédure par l'intimé « ne mentionne pas le détail de la prestation réalisée (') sur le fusil » et qu'il « n'est donc absolument pas certain qu'il ait été posé sur l'arme litigieuse un point rouge de visée sur le fusil de Monsieur [W] », indiquant par ailleurs que la preuve de l'utilisation du fusil sur le stand de tir de l'armurerie n'est, pas plus, rapportée.

La cour constate que Monsieur [W] produit en pièce numéro 8 de son dossier une facture établie à son nom à la date du 25 octobre 2019 à l'en-tête de l'« armurerie [C] vente ' entretien ' réparation remise en état d'armes anciennes » indiquant : « travaux effectués : Marque DOCTER Type SIGHT II » et mentionnant un prix de 329 € TTC.

Si les termes figurant sur ladite facture apparaissent très succincts et ne mentionnent notamment pas expressément s'il a été procédé à la simple vente ou à la vente et l'installation du dispositif de visée point rouge DOCTER Type SIGHT II sur l'arme de l'intimé, il en résulte, à tout le moins, que Monsieur [C] a bien vendu ce dispositif à Monsieur [W] le 25 octobre 2019 dans les locaux de son armurerie.

Il doit être déduit de l'expression « travaux effectués » figurant dans ce document que la prestation réalisée par Monsieur [C] ne s'est pas limitée à la simple vente dudit dispositif de visée, mais a inclus, ainsi que le soutient Monsieur [W], l'installation de celui-ci sur le fusil avec réalisation de réglages avec utilisation de l'arme dans le stand de tir du magasin.

D'autre part, Monsieur [W] produit un certificat établi le 17 décembre 2019 par le docteur [N], oto-rhino-laryngologiste spécialiste en chirurgie de la surdité à la clinique du Docteur Jean Causse de Colombiers (Hérault), indiquant « avoir examiné le 16/12/2019 Monsieur [W] [X] qui se plaignait d'une hyperacousie depuis la fin du mois d'octobre. Ce patient m'a déclaré que cette pathologie était apparue dans les suites immédiates d'un coup de fusil à hauteur de ses oreilles. L'audiométrie confirme effectivement une baisse auditive bilatérale avec une perte globale d'environ 30 à 35 dB, le maximum de perte étant centré sur le 4000 Hz avec une remontée sur le 8000 », ce praticien concluant que « cet aspect des courbes est tout à fait compatible avec un traumatisme sonore ».

Si Monsieur [C] fait remarquer à juste titre que ce certificat médical n'a pas été établi immédiatement après la survenance des faits allégués le 25 octobre 2019, il doit toutefois être relevé qu'en raison de la spécificité de l'examen devant être pratiqué par un médecin spécialiste dans le domaine de la surdité, et des démarches nécessaires pour obtenir un tel rendez-vous, l'examen médical pratiqué par le docteur [N] le 16 décembre 2019 n'apparaît pas tardif, de sorte que le premier juge a pu pertinemment en déduire, en raison de la teneur de celui-ci et en l'absence de tout élément objectif qui aurait permis de retenir une cause distincte du dommage entre les deux dates précitées, que l'intimé rapportait bien la preuve d'un lien de causalité entre le dommage allégué et le manquement de l'appelant à l'obligation de sécurité à laquelle

il était contractuellement tenu ayant consisté à procéder à un essai du fusil dans le stand de tir de le son armurerie sans fournir à son client un dispositif de protection auditive adapté.

La décision dont appel devra donc être confirmée en ce qu'elle a déclaré l'appelant responsable du préjudice causé à Monsieur [W] et en ce qu'elle a ordonné une mesure d'expertise médicale de celui-ci confiée au docteur [L] spécialisé en oto-rhino-laryngologie afin d'établir la nature exacte et l'ampleur dudit préjudice.

Au vu des termes contenus dans le certificat médical du docteur [N] précité du 17 décembre 2019, il y a lieu également de confirmer la décision en ce qu'elle a alloué à Monsieur [W] ' qui démontre avoir déjà dû exposer divers frais d'ostéopathie, d'acupuncture ou de trajets pour se rendre à la consultation médicale précitée ' une indemnité provisionnelle d'un montant de 3000 €, laquelle n'est, au demeurant, pas contestée à titre subsidiaire par les appelants.

En conséquence, la décision dont appel en date du 4 janvier 2023 devra être confirmée en l'intégralité de ses dispositions, y compris en ce qu'elle a réservé les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance.

Il en sera de même de la décision en date du 22 février 2023 ayant rectifié une erreur purement matérielle figurant dans le dispositif de la décision précitée.

L'équité commandera, en outre, d'allouer à Monsieur [W] une indemnité d'un montant de 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles qu'il a dû exposer devant la cour suite à l'appel interjeté par Monsieur [C] et la compagnie d'assurances GENERALI, lesquels, succombant en l'intégralité de leurs demandes, devront supporter la charge des entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

' Confirme en l'intégralité de leurs dispositions, les jugements entrepris

Y ajoutant,

' Condamne solidairement [P] [C] exerçant sous l'enseigne ARMURERIE [C] FRERES et la compagnie d'assurances GENERALI assurances IARD à verser à [X] [W] une indemnité de 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

L'arrêt a été signé par O. CLEMENT, Président, et par S. MAGIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

S. MAGIS O. CLEMENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23/00308
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;23.00308 ?
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