La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/04/2024 | FRANCE | N°23/00302

France | France, Cour d'appel de Bourges, Chambre sociale, 05 avril 2024, 23/00302


SD/EC





N° RG 23/00302

N° Portalis DBVD-V-B7H-DREW





Décision attaquée :

du 06 février 2023

Origine :

conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES







--------------------





S.A.R.L. L'INTRIGUE





C/



Mme [I] [C]









--------------------





Expéd. - Grosse



Me TANTON 5.4.24



Me PIGNOL 5.4.24












<

br>





COUR D'APPEL DE BOURGES



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 05 AVRIL 2024



N° 45 - 14 Pages





APPELANTE :



S.A.R.L. L'INTRIGUE

[Adresse 1]



Représentée par Me Alain TANTON de la SCP AVOCATS CENTRE, avocat au barreau de BOURGES









INTIMÉE :



Madame [I] [C]

[Adresse 2]



Repr...

SD/EC

N° RG 23/00302

N° Portalis DBVD-V-B7H-DREW

Décision attaquée :

du 06 février 2023

Origine :

conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES

--------------------

S.A.R.L. L'INTRIGUE

C/

Mme [I] [C]

--------------------

Expéd. - Grosse

Me TANTON 5.4.24

Me PIGNOL 5.4.24

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 05 AVRIL 2024

N° 45 - 14 Pages

APPELANTE :

S.A.R.L. L'INTRIGUE

[Adresse 1]

Représentée par Me Alain TANTON de la SCP AVOCATS CENTRE, avocat au barreau de BOURGES

INTIMÉE :

Madame [I] [C]

[Adresse 2]

Représentée par Me Pierre PIGNOL de la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Mme CHENU, conseiller rapporteur

en l'absence d'opposition des parties et conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE

Lors du délibéré : Mme VIOCHE, présidente de chambre

Mme de LA CHAISE, présidente de chambre

Mme CHENU, conseillère

Arrêt n° 45 - page 2

05 avril 2024

DÉBATS : À l'audience publique du 16 février 2024, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 05 avril 2024 par mise à disposition au greffe.

ARRÊT : Contradictoire - Prononcé publiquement le 05 avril 2024 par mise à disposition au greffe.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

La SARL L'intrigue exploite un restaurant du même nom, emploie moins de 11 salariés et fait application de la convention collective des hôtels, cafés et restaurants.

Mme [C], née le 7 janvier 1978, a été engagée par cette société en qualité d'employée polyvalente, niveau 1, échelon 2 de la convention collective applicable, aux termes d'un contrat de travail à durée déterminée de 7 mois en date du 12 juin 2020. Le contrat prévoyait une rémunération brute mensuelle de 1 732,94 euros, contre 169 heures de travail effectif mensuel.

Par un nouveau contrat à durée déterminée en date du 19 mai 2021 de 6 mois, Mme [C] a été engagée au même poste et selon les mêmes conditions financières. Un certificat de travail en date du 24 décembre 2021, signé par l'employeur, mentionne la présence de Mme [C] au sein de l'effectif de la SARL L'intrigue sur la période du 19 mai 2021 au 24 décembre 2021.

Les parties s'accordent sur le fait que Mme [C] a été, de nouveau, embauchée le 14 janvier 2022, toujours en qualité d'employée polyvalente, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée de 6 mois, sans toutefois qu'aucun écrit ne soit produit en procédure.

Sollicitant la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée ainsi que le prononcé de la résiliation judiciaire de ce dernier, et réclamant le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de la relation contractuelle, Mme [C] a saisi, le 10 juin 2022, le conseil de prud'hommes de Bourges, section commerce, qui a, par jugement en date du 6 février 2023 :

- dit la demande de Mme [C] en requalification des contrats de travail non prescrite et donc recevable,

- requalifié le contrat de travail à durée déterminée de Mme [C] en un contrat à durée indéterminée et en a prononcé la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur à la date du 6 février 2023,

- dit que la rupture s'analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- fixé à 1 852,41 euros le salaire mensuel moyen des trois derniers mois,

- condamné la SARL L'intrigue à payer à Mme [C] les sommes suivantes :

- 1 852,41 euros à titre d'indemnité de requalification,

- 1 076,76 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 24 décembre 2021 au 14 janvier 2022, outre 107,68 euros au titre des congés payés afférents,

- 7 266,36 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er février au 31 mai 2022, outre 726,64 euros au titre des congés payés afférents,

- 15 393,29 euros à titre de rappel de salaire mensuel à compter du 1er juin 2022 jusqu'au 6 février 2023, outre 1 539,32 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 852,41 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- 3 704,82 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (2 mois), outre 370,48 euros au titre des congés payés afférents,

- 943,20 euros à titre d'indemnité compensatrice de licenciement,

Arrêt n° 45 - page 3

05 avril 2024

- 2 500 euros à titre de dommage et intérêts au titre de la mauvaise foi dans l'exécution du contrat de travail,

- 5 557,23 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (3 mois),

- 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la SARL L'intrigue de remettre à Mme [C] une attestation Pôle Emploi conforme sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé un délai d'un mois après la notification du jugement, le conseil se réservant le pouvoir de liquider l'astreinte,

- débouté la SARL L'intrigue de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux entiers dépens.

Le 28 mars 2023, par voie électronique, la SARL L'intrigue a régulièrement relevé appel de cette décision, laquelle lui avait été notifiée le 6 mars 2023.

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 janvier 2024 aux termes desquelles la SARL L'intrigue demande à la cour de :

- réformer en son entier le jugement déféré,

- débouter Mme [C] de l'ensemble de ses demandes,

- faisant droit à sa demande reconventionnelle, condamner Mme [C] à lui payer la somme de 5 000 euros en dommages et intérêts au titre de la mauvaise foi dans l'exécution du contrat de travail et du manquement à son obligation de loyauté,

- condamner Mme [C] aux entiers dépens de première instance comme d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 janvier 2024, aux termes desquelles Mme [C] demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- requalifier son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

- prononcer la résiliation judiciaire de ce contrat de travail requalifié et fixer la date de rupture à la date du jugement, soit le 6 février 2023,

- en tout état de cause, condamner la SARL L'intrigue à lui payer :

- 1 852,41 euros à titre d'indemnité de requalification,

- 1 076,76 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 24 décembre 2021 au 14 janvier 2022, outre 107,68 euros au titre des congés payés afférents,

- 7 266,36 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er février au 31 mai 2022, outre 726,64 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 852,41 euros à titre de rappel de salaire mensuel à compter du 1er juin 2022 jusqu'à la rupture du contrat de travail, outre 185,24 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 428,68 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour mauvaise foi,

- 3 704,82 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (2 mois), outre 3 7048 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 000 euros à titre d'indemnité de licenciement à parfaire jusqu'à la rupture du contrat de travail,

- 5 557,23 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (3 mois),

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire qu'au visa de l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale, la condamnation nette doit lui revenir et que la SARL L'intrigue assurera le coût des éventuelles charges sociales dues,

- constater que le salaire mensuel moyen des 3 derniers mois était de 1 852,41 euros,

- condamner la SARL L'intrigue à lui remettre une nouvelle attestation Pôle Emploi dans un délai de 8 jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

- condamner la même en tous les dépens.

Arrêt n° 45 - page 4

05 avril 2024

Vu l'ordonnance de clôture en date du 7 février 2024 ;

* * * * * *

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur la demande de requalification des contrats à durée déterminée et les demandes financières afférentes :

a) Sur la demande de requalification :

Selon l'article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

En vertu des dispositions de l'article L. 1242-2 du code du travail, et sous réserve des dispositions de l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans certains cas, au nombre desquels figurent les emplois pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois. Cette notion de contrat d'usage concerne uniquement certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu.

L'article D. 1242-1 du code précité, liste les secteurs d'activités concernés parmi lesquels figure l'hôtellerie et la restauration.

Est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1242-1 à L. 1242-4, L. 1242-6, L. 1242-7, L. 1242-8-1, L. 1242-12, alinéa premier, L. 1243-11, alinéa premier, L. 1243-13-1, L. 1244-3-1 et L. 1244-4-1, et des stipulations des conventions ou accords de branche conclus en application des articles L. 1242-8, L. 1243-13, L. 1244-3 et L. 1244-4.

En l'espèce, la SARL L'intrigue, qui poursuit l'infirmation du jugement déféré sur ce point, s'oppose à la requalification du contrat à durée déterminée du 19 mai 2021 en contrat à durée indéterminée prononcée par les premiers juges, comme à la requalification sollicitée par l'intimée dès le premier contrat du 12 juin 2020, en invoquant le recours à trois contrats à durée déterminée d'usage, rendu possible par les dispositions de l'article L. 1242-2 du code du travail, et par la convention collective applicable, au regard de la nature de son activité.

Invoquant la spécificité de la situation post-confinement du fait de la situation sanitaire du pays, elle précise que chacun des contrats répond aux conditions applicables en matière de contrat d'usage, dont la requalification ne saurait être ordonnée, même en l'absence de mention du motif du recours.

S'agissant plus particulièrement du contrat du 19 mai 2021, l'appelante réfute la qualification de faux avancée par Mme [C], dans la mesure où elle est en mesure de produire un contrat signé des deux parties, et relève que le recours à un tel contrat dans le cadre d'un accroissement d'activité répond aux conditions posées par la convention collective, comme aux dispositions légales.

Arrêt n° 45 - page 5

05 avril 2024

Elle souligne, enfin, que l'absence d'écrit concernant le troisième et dernier contrat signé entre les parties est compensé par l'aveu judiciaire de Mme [C], qui reconnaît elle-même avoir été embauchée par un contrat en date du 14 janvier 2022, pour une durée déterminée de 6 mois.

Pourtant, l'intimée rappelle, avec pertinence, que le recours au contrat à durée déterminée d'usage ne dispense pas l'employeur d'établir un contrat écrit comportant la définition précise de son motif.

Ainsi, si la cour constate qu'au regard du secteur d'activité auquel appartient la SARL L'intrigue, qui est visé par l'article D. 1242-1 précité, les conditions relatives au secteur d'activité et au caractère naturellement temporaire de l'emploi sont remplies pour permettre le recours au contrat à durée déterminée d'usage, et si la situation spécifique de ce secteur d'activité pendant la période de la crise sanitaire apparaît être un motif concret confirmant la nature temporaire de l'emploi, l'employeur n'était pour autant pas dispensé de l'obligation de faire figurer le motif pour lequel ledit contrat a été conclu. Tel n'est pourtant pas le cas s'agissant du contrat à durée déterminée conclu le 12 juin 2020.

Compte tenu de l'absence d'indication du motif de recours à un contrat à durée déterminée, même d'usage, qui constitue une formalité substantielle, il y a lieu de prononcer la requalification du contrat à durée déterminée conclu le 12 juin 2020 en contrat à durée indéterminée.

En second lieu, s'agissant du contrat du 19 mai 2021, Mme [C] réplique que le contrat produit est un faux document, modifié pour les besoins de la cause pour faire apparaître un motif de recours alors que l'exemplaire en sa possession était taisant sur ce point. Elle soutient, par ailleurs, que les conditions de recours au contrat d'usage telles qu'invoquées par l'employeur ne sont pas établies et que, plus encore, ce dernier ne justifie pas de l'accroissement d'activité qu'il allègue.

Les parties s'opposent donc quant au contenu du contrat de travail.

Si l'employeur produit un exemplaire du contrat de travail signé le 19 mai 2021, comportant deux pages, dont la dernière est signée par les deux parties et dont la première, non signée et non paraphée, porte la mention 'pour accroissement temporaire d'activité', Mme [C], qui conteste le contenu et les mentions de l'acte sous signature privée qui lui est ainsi opposé, produit un exemplaire du même contrat, signé par l'employeur dans les mêmes conditions et se distinguant du premier par l'absence de la mention précitée, et donc du motif de recours à un contrat à durée déterminée.

En l'absence de paraphe par les parties de la page du contrat de travail contenant la mention contestée et compte-tenu de la preuve écrite fournie par Mme [C], il convient de retenir que l'employeur n'apporte pas la preuve, dont il a la charge, de la mention du motif pour lequel ledit contrat à durée déterminée a été conclu. Il en résulte que ce dernier doit, à l'instar du premier contrat, faire l'objet d'une requalification en contrat à durée indéterminée.

Enfin, s'agissant du dernier contrat liant les parties, l'argumentation de la SARL L'intrigue, quant à l'aveu judiciaire par lequel Mme [C] reconnaît que son embauche du 14 janvier 2022 s'inscrivait dans le cadre d'un contrat à durée déterminée de 6 mois, doit être écartée dès lors que la salariée dénie la signature de tout contrat écrit propre à établir le motif du recours à un contrat à durée déterminée.

Ainsi, aucun écrit n'étant produit s'agissant de l'embauche de Mme [C] en date du 14 janvier 2022, et l'employeur n'étant pas en mesure de justifier de la mention du motif de recours à un contrat à durée déterminée, la requalification du contrat ainsi conclu doit également être ordonnée.

Arrêt n° 45 - page 6

05 avril 2024

Il s'évince de ce qui précède que les contrats à durée déterminée conclus les 12 juin 2020, 19 mai 2021 et 14 janvier 2022 sont réputés avoir été conclus pour une durée indéterminée. Il convient donc de requalifier la relation contractuelle ayant existé entre les parties en contrat à durée indéterminée et de ce fait, de confirmer le jugement déféré de ce chef.

b) Sur la demande d'indemnité pour requalification :

En vertu des dispositions de l'article L. 1245-2 du code du travail, lorsque le conseil de prud'hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s'applique sans préjudice de l'application des dispositions du titre III du livre II du même code relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.

Le montant minimum de l'indemnité de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée est calculé selon la moyenne de salaire mensuel dû au titre du contrat dans le dernier état de la relation de travail avant la saisine de la juridiction prud'homale. Cette moyenne de salaire mensuel doit être déterminée au regard de l'ensemble des éléments de salaire, y compris lorsqu'ils ont une périodicité supérieure au mois.

En l'espèce, Mme [C] sollicite la confirmation du jugement déféré et la condamnation de l'employeur au paiement d'une indemnité de 1 852,41 euros, à laquelle l'employeur s'oppose au même titre qu'à la demande de requalification.

Compte tenu du montant de l'indemnité sollicitée par la salariée, qui correspond à un mois de salaire au sens des dispositions précitées, tel que valablement retenu par les premiers juges au regard des bulletins de paie produits, la décision déférée sera confirmée de ce chef.

2) Sur la demande en paiement de rappel de salaire pour la période interstitielle du 24 décembre 2021 au 14 janvier 2022 :

En cas de requalification de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, pour prétendre au paiement d'un rappel de salaire pendant les périodes interstitielles, séparant les contrats, le salarié supporte la charge de la preuve de ce qu'il se tenait à la disposition de l'employeur en vue d'effectuer un travail.

En l'espèce, la SARL L'intrigue rappelle que le paiement de rappels de salaire au titre des périodes interstitielles suppose le maintien du salarié à la disposition de l'employeur et sollicite la réformation de la décision déférée ayant fait droit à la demande de Mme [C] à ce titre.

Cette dernière précise qu'en mettant un terme au contrat à durée déterminée qui avait perduré jusqu'au 24 décembre 2021 et en lui promettant une nouvelle embauche début janvier 2022, son employeur a souhaité l'inciter à rester à sa disposition.

Pour autant, Mme [C], qui se borne à soutenir s'être maintenue à la disposition de son employeur entre le 24 décembre 2021 et le 14 janvier 2022 n'apporte aucun élément opérant pour justifier de ces allégations.

Dès lors, et par voie d'infirmation de la décision déférée, il convient de la débouter de sa demande de rappel de salaire pour la période interstitielle du 24 décembre 2021 au 14 janvier 2022.

3) Sur la demande de paiement de rappel de salaire pour la période postérieure au 12 février 2022 :

Arrêt n° 45 - page 7

05 avril 2024

Il résulte de la combinaison des articles L. 1221-1 du code du travail et 1353 du code civil qu'en vertu d'un contrat de travail, l'employeur est tenu de payer la rémunération et de fournir un travail au salarié qui se tient à sa disposition. Pour s'exonérer de l'obligation de paiement, il appartient à l'employeur de démontrer que le salarié a refusé d'exécuter son travail ou ne s'était pas tenu à sa disposition.

En l'espèce, la SARL L'intrigue, qui soutient avoir fourni un travail à Mme [C], prétend que cette dernière ne s'est, en revanche, pas tenue à sa disposition, puisqu'elle ne s'est brusquement plus présentée sur son lieu de travail à compter du 12 février 2022 et s'est mise à la disposition d'autres employeurs.

Contestant le caractère probant des pièces produites par l'appelante et relevant que son employeur ne l'a pas mise en demeure de reprendre son poste, Mme [C] réfute tout abandon de poste, comme toute démission, et poursuit la confirmation de la décision déférée qui a fait droit à ses demandes de rappels de salaire.

La SARL L'intrigue fonde son argumentation visant à établir que Mme [C] ne s'est pas tenue à sa disposition après le 12 février 2022 sur une série de pièces et notamment :

- le témoignage de M. [K] qui atteste de l'absence de Mme [C] le 14 février 2022, soirée de la Saint-Valentin, à sa prise de service, l'employeur découvrant cette absence et ne parvenant pas à joindre sa salariée,

- le témoignage de Mme [P], dont il n'est pas contesté qu'il s'agit de la mère de l'employeur, puisqu'elle est identifiée comme tel dans le cadre de l'attestation produite. Cette qualité ne saurait, à elle seule, retirer toute force probante à son témoignage, comme tente de le soutenir l'intimée, et ce d'autant qu'il est précis, circonstancié et corroboré par celui de M. [K],

- le témoignage de M. [T], qui relate les propos que lui a tenus Mme [C] quant aux démarches de recherche d'emploi mises en oeuvre en février 2022 ainsi que son absence lors de sa prise de service le 14 février 2022. Il ajoute avoir reçu de cette dernière, le lendemain, le double des clefs du restaurant, Mme [C] déclarant souhaiter démissionner,

- une copie écran de messages SMS attribués à un contact désigné comme étant '[W] [C]', qui retrace des échanges en date du 14 février. L'un des messages adressés par ce contact mentionne notamment 'Je t'ai dit que je sais pas c'est une journée d'essai ce matin je t'ai prévenue comme je t'ai dit comment ma journée aller se passer je serai pas là ce soir je ne peux pas répondre le téléphone est dans mon sac j'ai juste la pause syndicale dit moi si faut que je sois là demain je n'ai dit que j'avais enclenché les offres d'emploi et qu'à la base je suis là pour vous dépanner',

- cette pièce fait écho au témoignage de M. [S], qui précise avoir rencontré Mme [C] le 15 février 2022 alors qu'elle travaillait sur l'aire d'autoroute de [Localité 4]. Il précise, en outre, que cette dernière l'a alors informé de sa démission intervenue le 12 février,

- une nouvelle copie écran d'un message du contact '[W] [C]' en date du 24 février 2022 qui s'inscrit dans la suite de l'échange précédent au travers duquel Mme [C], qui ne saurait valablement contester être à l'origine de ces écrits compte tenu de leur contenu, sollicite la remise d'un exemplaire du contrat de travail du 14 janvier 2022, et qui précise 'notre collaboration étant terminée depuis le 12 février 2022 merci de me fournir tout mes documents' et évoque une éventuelle saisine de la juridiction prud'homale,

- le témoignage de M. [M], qui relate la remarque qui lui a été faite lors d'un entretien d'embauche pour un emploi sur l'aire de [Localité 4] qui faisait référence à la situation de Mme [C], l'interlocuteur précisant se souvenir de la démission de cette dernière lors de la Saint-Valentin alors qu'elle travaillait au sein du restaurant L'Intrigue.

Sans qu'il s'agisse, à ce stade de la décision, de caractériser l'existence d'un acte non équivoque de démission de la salariée, l'ensemble de ces pièces, particulièrement cohérent et étayé, permet d'établir qu'à compter du 12 février 2022, Mme [C], qui avait engagé des démarches de

Arrêt n° 45 - page 8

05 avril 2024

recherches d'emploi avant cette date selon son message adressé le jour même à son employeur, ne s'est plus présentée sur son lieu de travail et s'est placée rapidement à la disposition d'un autre employeur.

Elle avait, par ailleurs, évoqué sa volonté de ne plus exercer au sein du restaurant 'L'intrigue' auprès de M. [T] et date elle-même, la 'fin de collaboration' avec son employeur au 12 février 2022, dans son message du 24 février 2022 .

Par ailleurs, si le relevé de carrière de Mme [C], produit par l'appelante, apparaît être une pièce manifestement obtenue sous le sceau de la confidentialité, de source inconnue bien que l'employeur l'attribue à la CAF du Cher, et dont l'intimée demande qu'elle soit écartée des débats, il convient de retenir que ce document est indispensable à l'exercice du droit à la preuve, puisque détaillant les différents employeurs de Mme [C] sur la période litigieuse, et que l'atteinte aux droits de l'autre partie est strictement proportionnée au but poursuivi, dans la mesure où les informations soumises aux débats sont limitées dans leur contenu, factuelles et objectives.

Il résulte de cette pièce que Mme [C] s'est effectivement mise à la disposition de la SARL Transcentre, sise sur l'aire de [Localité 4], dès le 14 février 2022.

En réponse aux différents articles de presse et échanges sur les réseaux sociaux la plaçant, ensuite, en situation d'emploi auprès du Café de la Gare de [Localité 3], Mme [C] attribue cette situation, sans la contester, au refus de la SARL L'intrigue de lui fournir du travail, allégations qui apparaissent en totale contradiction avec l'ensemble des pièces déjà détaillées.

Enfin, Mme [C] ne saurait tirer argument de l'attestation Pôle Emploi établie par le comptable de la SARL L'intrigue en date du 28 février 2022, qui mentionne une fin de contrat au 28 février 2022, celui-ci ayant atteint son terme, alors même que ce comptable atteste avoir pris l'initiative de cette déclaration en fonction des éléments en sa possession, sans consultation préalable de l'employeur.

Il s'évince de l'ensemble de ces éléments complets et cohérents que l'employeur établit que la salariée ne s'est pas maintenue à sa disposition après le 12 février 2022 et qu'il se trouvait ainsi libéré de l'obligation de payer son salaire.

Dès lors, et par voie d'infirmation de la décision déférée, les demandes en paiement de rappel de salaires présentées par Mme [C], pour la période postérieure au 12 février 2022, doivent être rejetées.

4) Sur la rupture de la relation contractuelle et les demandes financières afférentes:

a) Sur la demande de résiliation judiciaire :

Le salarié est fondé à obtenir la résiliation judiciaire du contrat de travail s'il établit à l'encontre de son employeur des manquements suffisamment graves empêchant la poursuite de la relation contractuelle.

La résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, la SARL L'intrigue conteste la résiliation judiciaire prononcée par les premiers juges en arguant du fait que Mme [C], qui ne s'est plus présentée sur son lieu de travail à compter du 12 février 2022, a ainsi clairement et sans équivoque manifesté sa volonté de démissionner de son emploi.

Arrêt n° 45 - page 9

05 avril 2024

Mme [C], qui conteste toute volonté de démissionner de son emploi, rappelle qu'un employeur qui ne verse pas les rémunérations dues à leur échéance provoque la rupture du contrat de travail qui s'analyse en un licenciement. Elle se considère ainsi fondée à demander la confirmation de la résiliation prononcée par les premiers juges.

Pour autant, la cour ayant retenu que la salariée ne s'était pas maintenue à la disposition de son employeur et ayant de ce fait écarté la prétention de Mme [C] au titre du rappel de salaire pour la période postérieure au 12 février 2022, ainsi que celle concernant la période interstitielle du 24 décembre 2021 au 14 janvier 2022, le manquement de l'employeur résultant du défaut de paiement de la rémunération de cette dernière n'est pas établi.

Ainsi, en l'absence de preuve d'un manquement de l'employeur suffisamment grave pour empêcher la poursuite de la relation contractuelle, la résiliation du contrat de travail aux torts de ce dernier, telle qu'invoquée par l'intimée, doit être écartée.

La décision déférée sera dès lors infirmée en ce qu'elle a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [C] aux torts de l'employeur au 6 février 2023, en lui faisant produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

b) Sur le licenciement abusif :

L'article L. 1231-1 du code du travail dispose que le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou d'un commun accord, dans les conditions prévues par les dispositions du titre 3 du livre II de ce code. Ces dispositions ne sont pas applicables pendant la période d'essai.

La démission ne peut résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de volonté de rompre le contrat de travail, celle-ci pouvant être remise en cause s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque.

En l'espèce, Mme [C] invoque, à titre subsidiaire, le caractère abusif de la rupture du contrat à durée indéterminée issue de la requalification, intervenue en dehors de toute procédure de licenciement et alors même qu'elle réfute avoir démissionné de son emploi.

La démission, qui ne se présume pas, n'est pas caractérisée par le seul abandon de poste de la part d'un salarié, sauf à renvoyer aux conditions posées par les dispositions de l'article

L. 3237-1-1 du code du travail inapplicables en l'espèce, compte tenu de la date de l'abandon de poste invoqué.

S'il est acquis que Mme [C] n'a pas reparu sur son lieu de travail à compter du 12 février 2022, celle-ci n'a toutefois jamais manifesté directement auprès de la SARL L'intrigue, sous aucune forme, la volonté claire et non équivoque de démissionner. Cette volonté ne lui est attribuée par l'employeur qu'au travers de propos rapportés par des collègues ou des tiers dans les différentes pièces qu'il produit et l'usage du terme 'fin de collaboration' lors d'échange de messages avec ce dernier ne saurait être qualifié d'expression explicite de la volonté de démissionner.

De même, l'employeur n'établit ni avoir demandé confirmation de sa salariée quant à sa volonté éventuelle de mettre un terme anticipé à la relation contractuelle en cours, ni l'avoir mise en demeure de reprendre son poste, alors même que le retour à l'emploi de Mme [C], dans le cadre de contrats de courtes durées, tels que cela résulte de son relevé de carrière versé en procédure, ne saurait conduire à la qualifier de démissionnaire.

Arrêt n° 45 - page 10

05 avril 2024

Enfin, le contexte de tensions dans lequel elle a quitté son poste au sein de la SARL L'intrigue, tel qu'il transparaît de certains messages échangés avec cette dernière, est de même exclusif de l'expression libre et réfléchie de rompre le contrat de travail.

Aussi, l'employeur s'étant prévalu à tort de la démission de Mme [C], la rupture de la relation contractuelle intervenue le 12 février 2022 en dehors de toute démission de la salariée et de cadre légal doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, par voie d'infirmation de la décision déférée.

c) Sur les demandes financières afférentes :

Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à des indemnités de rupture et à des dommages et intérêts pour licenciement injustifié.

En application de l'article L. 1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice. L'indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l'indemnité de licenciement et avec l'indemnité prévue à l'article L. 1235-2.

L'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 du code du travail ne peut être inférieure à une somme calculée par année de service dans l'entreprise et tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines. En cas d'année incomplète, l'indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois complets.

L'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :

1° Un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ;

2° Un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans.

En vertu des dispositions de l'article R. 1234-4 du code du travail, le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :

1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l'ensemble des mois précédant le licenciement ;

2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion.

En l'espèce, Mme [C] sollicite le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis (2 mois) à hauteur de 3 704,82 euros, outre les congés payés afférents pour un montant de 370,48 euros, ainsi qu'une indemnité de licenciement de 943,20 euros calculée sur la base d'une ancienneté qu'elle fixe à 2 années. L'employeur invoque une démission de la salariée excluant le paiement des sommes réclamées.

Compte tenu de la date de la signature du contrat à durée déterminée requalifié en contrat à durée indéterminée par la cour et de la rupture de la relation contractuelle en date du 14 février 2022, elle-même requalifiée par la cour en licenciement non causé, il convient de retenir une ancienneté de Mme [C] de 1 an et 10 mois, après prise en compte de la durée du préavis.

Dès lors, au regard des dispositions précitées et du montant de la moyenne mensuelle de la rémunération de l'ensemble des mois précédant le licenciement, soit 1 857,90 euros, plus

Arrêt n° 45 - page 11

05 avril 2024

favorable à la salariée, la SARL L'intrique sera condamnée au paiement de la somme de

852,36 euros.

La somme réclamée au titre de l'indemnité compensatrice de préavis à hauteur de deux mois n'étant pas utilement contestée et étant conforme aux dispositions précitées de l'article

L. 1234-5 du code du travail, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SARL L'intrigue au paiement de la somme de 3 704,82 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 370,48 euros au titre des congés payés afférents.

Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, dans une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés, comme tel est le cas en l'espèce, le juge octroie au salarié, en l'absence de réintégration, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre 0,5 et 2 mois d'ancienneté pour un salarié ayant une ancienneté d'une année complète comme tel est le cas de Mme [C], au regard de son entrée dans l'effectif de l'entreprise au 12 juin 2020 et de la rupture de la relation contractuelle intervenue le 12 février 2022.

En l'espèce, Mme [C] sollicite une indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse portée à la somme de 5 557,23 euros, correspondant à 3 mois de salaire, en soutenant n'avoir retrouvé aucun emploi à ce jour.

Au regard des pièces et des explications fournies, et compte-tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge (44 ans) et de l'absence de tout élément sur la situation financière et professionnelle de la salariée depuis son licenciement, celle-ci invoquant une absence de retour à l'emploi depuis le 14 février 2022 qui est démentie par les pièces versées aux débats, notamment son relevé de carrière, le préjudice subi par Mme [C] sera entièrement et justement indemnisé par l'octroi de la somme de 3000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est, par conséquent, infirmé de ce chef.

5) Sur la demande en paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés et sur la demande d'indemnisation pour mauvaise foi contractuelle de l'employeur :

En vertu de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Selon les dispositions de l'article L3141-28 du code du travail, lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n'a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d'après les articles L. 3141-24 à L. 3141-27. L'indemnité est due que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l'employeur.

En cas de litige portant sur le respect des droits légaux ou conventionnels à congés payés d'un salarié, la charge de la preuve incombe à l'employeur.

L'indemnité de congés payés est égale au dixième de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence, sans toutefois pouvoir être inférieure à la rémunération que le salarié aurait perçue s'il avait travaillé pendant sa période de congés.

En l'espèce, la SARL L'intrigue réfutant toute mauvaise foi de sa part dans l'exécution de la relation contractuelle, en l'imputant en revanche à Mme [C], reproche aux premiers juges d'avoir fait droit à la demande d'indemnisation formulée à ce titre et sollicite la réformation du jugement entrepris de ce chef. Il en est de même s'agissant de la demande d'indemnité compensatrice de congés payés présentée par la salariée et au titre de laquelle l'employeur ne

Arrêt n° 45 - page 12

05 avril 2024

développe aucune argumentation spécifique.

Mme [C] réplique que l'employeur a fait preuve de mauvaise foi dans l'exécution de la relation contractuelle en la plaçant systématiquement en congés sur ses jours de repos, alors même qu'ayant travaillé entre le 19 mai et le 24 décembre 2021, elle aurait dû, selon elle, bénéficier de 19 jours de congés payés.

Faute d'avoir bénéficié d'une indemnité compensatrice de congés payés lors de la rupture de la relation contractuelle, Mme [C] sollicite le paiement de la somme due à ce titre, outre la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi de ce fait, ainsi que du fait du manquement de l'employeur à son obligation de lui fournir du travail et de la rémunérer.

Alors que la salariée prétendait pouvoir bénéficier d'une indemnité de congés payés de 1 428,68 euros, correspondant aux 19 jours de congés dont elle disait n'avoir pu bénéficier, les premiers juges ont cru pouvoir condamner la SARL L'intrigue au paiement de la somme de 1 852,41 euros, statuant en cela ultra petita.

Pourtant, les bulletins de salaire concernant la période de juin 2020 à décembre 2020 mentionnent que Mme [C] avait accumulé un total de 18 jours de congés payés dont 13 ont été pris, non pas par imputation sur des jours de repos comme elle le soutient, mais sur la période d'absence du 14 au 28 septembre 2020, cette mention du bulletin de paie du mois de septembre 2020 n'étant remise en cause par aucune des pièces versées en procédure. De plus, les 5 jours de congés dont Mme [C] n'avait pu bénéficier sur la durée de la relation contractuelle ont fait l'objet du versement d'une indemnité compensatrice, comme en atteste le bulletin de salaire de janvier 2021.

Par ailleurs, les bulletins de paie concernant la période de mai à décembre 2021 retracent l'acquisition progressive de 17 jours de congés payés dont 9,5 jours n'avaient pu bénéficier à Mme [C] qui a perçu une indemnité compensatrice à ce titre en décembre 2021.

Toutefois, la salariée soutient que les jours sur lesquels les jours de congés ont été imputés, à savoir l'intégralité des lundis des mois de septembre à décembre 2021, comme en attestent les bulletins de paie produits, étaient en réalité ses jours de repos hebdomadaire, et elle n'est pas démentie en cela par l'employeur qui reste taisant sur ce point, alors qu'il supporte la charge de la preuve en matière de respect des droits légaux ou conventionnels à congés payés d'un salarié.

Dès lors, Mme [C] est fondée à solliciter le paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés qui sera limitée, par voie d'infirmation de la décision déférée, à la rémunération des 7,5 jours, identifiés par l'employeur comme ayant bénéficié à Mme [C], sans justification de sa part, soit à la somme de 563,95 euros.

Par ailleurs, si la carence de l'employeur dans la charge de la preuve quant au respect des droits à congés payés de Mme [C] a induit sa condamnation au paiement des sommes dues, elle ne suffit pas à caractériser l'existence d'une mauvaise foi de l'employeur dans l'exécution de son contrat de travail justifiant de faire droit à la demande indemnitaire de Mme [C].

De même, la cour ayant écarté le manquement invoqué par la salariée quant à l'obligation de l'employeur de lui fournir du travail et de la rémunérer, l'existence d'un manquement de l'employeur à son obligation contractuelle de bonne foi ne saurait être retenue à ce titre.

La demande indemnitaire pour mauvaise foi contractuelle présentée par Mme [C] doit, dès lors, être rejetée et la décision déférée sera réformée en ce qu'elle y a fait droit.

Arrêt n° 45 - page 13

05 avril 2024

6) Sur la demande reconventionnelle d'indemnisation pour mauvaise foi contractuelle et manquement à l'obligation de loyauté de la salariée :

Aux termes de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi. Il induit également une obligation de loyauté à l'égard de l'employeur.

L'employeur reproche aux premiers juges d'avoir rejeté sa demande indemnitaire alors même que Mme [C] l'a non seulement laissée sans nouvelles à compter du 14 février 2022, mais plus encore, a revendiqué son attitude auprès de ses collègues, sachant qu'elle le mettait en difficulté.

S'il est acquis que Mme [C] ne s'est pas maintenue à la disposition de son employeur pendant plusieurs mois comme elle a tenté de le soutenir, il résulte également des messages échangés que la rupture de la relation contractuelle est intervenue dans un contexte de tensions avec l'employeur de nature à compromettre la pérennité de la collaboration professionnelle. Le message adressé par la salariée le 14 février 2022 laisse, par ailleurs, apparaître que l'employeur était en réalité informé de la volonté de sa salariée de rechercher un autre emploi, de même qu'elle s'en était ouverte auprès de certains de ses collègues.

Ainsi, si l'absence de Mme [C] à son poste de travail à compter du 12 février 2022 apparaît relativement soudaine, d'autant qu'elle s'est accompagnée d'une reprise d'emploi immédiate auprès d'un nouvel employeur, cette seule circonstance, au regard du contexte rappelé, ne permet pas d'établir la mauvaise foi contractuelle de la salariée et le manquement à l'obligation de loyauté invoqués.

La décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté la SARL L'intrigue de cette demande indemnitaire.

7) Sur les autres demandes :

Compte tenu de ce qui précède, la demande de remise d'une attestation France Travail conforme à la présente décision est fondée. Il y sera donc fait droit, sans qu'il y ait lieu toutefois de prononcer une astreinte. La décision déférée sera donc infirmée de ce chef.

Le jugement est également confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

La SARL L'Intrigue, qui succombe partiellement, est condamnée aux dépens d'appel et déboutée, en conséquence, de sa demande d'indemnité de procédure.

L'équité commande enfin de la condamner à payer à la salariée, qui a dû exposer des frais pour soutenir son argumentation en appel, la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant dans les limites de sa saisine, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition du greffe :

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a requalifié le contrat de travail à durée déterminée de Mme [I] [C] en contrat à durée indéterminée, fixé à 1 852,41 € son salaire mensuel moyen des trois derniers mois, condamné la SARL L'intrigue à payer à Mme [C] les sommes de 1 852,41 € à titre d'indemnité de requalification, de 3 704,82 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 370,48 € au titre des congés payés afférents, a débouté

Arrêt n° 45 - page 14

05 avril 2024

l'employeur de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour mauvaise foi et déloyauté dans l'exécution du contrat de travail, et en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de l'instance ;

Et l'INFIRME pour le surplus ;

STATUANT À NOUVEAU DES CHEFS INFIRMÉS et AJOUTANT:

DIT le licenciement de Mme [I] [C] sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la SARL L'intrigue à payer à Mme [W] [C] les sommes suivantes :

- 852,36 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 3 000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 563,95 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;

DÉBOUTE Mme [I] [C] de sa demande de résiliation judiciaire de la relation contractuelle existant avec la SARL L'intrigue et de ses demandes de rappel de salaires pour la période du 24 décembre 2021 au 14 janvier 2022, comme pour la période postérieure au 12 février 2022 ;

CONDAMNE la SARL L'intrigue à remettre à Mme [W] [C] une attestation France Travail conforme à la décision dans le mois de sa signification et DIT n'y avoir lieu à astreinte ;

DÉBOUTE Mme [I] [C] de sa demande indemnitaire pour mauvaise foi dans l'exécution du contrat de travail ;

CONDAMNE la SARL L'intrigue à payer à Mme [I] [C] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL L'intrigue aux dépens d'appel et le déboute de sa demande d'indemnité de procédure.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

S. DELPLACE C. VIOCHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00302
Date de la décision : 05/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-05;23.00302 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award