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06/07/2023 | FRANCE | N°22/01149

France | France, Cour d'appel de Bourges, Chambre premier président, 06 juillet 2023, 22/01149


R.G : N° RG 22/01149 - N° Portalis DBVD-V-B7G-DQB5



















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M. [R] [U]

[F]





C/





M. AGENT JUDICIAIRE

DE L'ETAT,

M. LE PROCUREUR GÉNÉRAL

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COPIE + CE

LE :

COUR D'APPEL DE BOURGES



PREMIÈRE PRÉSIDENCE



ORDONNANCE DU 06 JUILLET 2023



N° 30 - 5 Pages





NOUS

, Alain VANZO, premier président, assisté de A. SOUBRANE greffier.



Statuant sur requête en réparation à raison d'une détention provisoire,



ENTRE :





I - Monsieur [R] [U] [F]

domicile élu chez Me GAMARD, avocat,

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Françoise GAMARD, avocat au ba...

R.G : N° RG 22/01149 - N° Portalis DBVD-V-B7G-DQB5

-------------------

M. [R] [U]

[F]

C/

M. AGENT JUDICIAIRE

DE L'ETAT,

M. LE PROCUREUR GÉNÉRAL

-------------------

COPIE + CE

LE :

COUR D'APPEL DE BOURGES

PREMIÈRE PRÉSIDENCE

ORDONNANCE DU 06 JUILLET 2023

N° 30 - 5 Pages

NOUS, Alain VANZO, premier président, assisté de A. SOUBRANE greffier.

Statuant sur requête en réparation à raison d'une détention provisoire,

ENTRE :

I - Monsieur [R] [U] [F]

domicile élu chez Me GAMARD, avocat,

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Françoise GAMARD, avocat au barreau de BOURGES

REQUERANT,

ET :

II - L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me Pascale LEAL, avocat au barreau de CHATEAUROUX

DEFENDEUR

Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL

COUR D'APPEL DE BOURGES

représenté par M. BONNEFOY, avocat général

La cause a été appelée en chambre du conseil ou a l'audience publique tenue par Monsieur le premier président, assisté de A. SOUBRANE, greffier ;

MINISTÈRE PUBLIC : Monsieur le Procureur Général, représenté à l'audience par Monsieur BONNEFOY, avocat général,

DÉBATS :

- Monsieur le premier président ayant donné lecture des éléments du dossier,

- Maître GAMARD, avocat au soutien des intérêts du requérant en ses observations,

- Maître LÉAL, avocat représentant l'Agent Judiciaire de l'Etat, en ses observations,

- Monsieur l'avocat général, en ses observations,

- Le requérant ayant eu la parole en dernier.

Monsieur le premier président a, pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'ordonnance contradictoire à l'audience publique du 06 Juillet 2023

A la date ainsi fixée a été rendue l'ordonnance dont la teneur suit :

***************

Monsieur [R] [U] [F] a été mis en examen par un juge d'instruction du tribunal judiciaire de Bourges le 22 mars 2021 des chefs de viol et agression sexuelle commis entre les 12 et 13 juillet 2014 sur la personne de [Z] [X].

Il a été placé en détention provisoire le même jour.

Par ordonnance de mise en accusation en date du 3 mars 2022, le juge d'instruction a ordonné le renvoi de Monsieur [F] devant la cour criminelle du Cher des chefs de tentative de viol et agression sexuelle.

Par arrêt en date du 20 mai 2022, devenu définitif, la cour criminelle du Cher a prononcé l'acquittement de Monsieur [F].

Selon requête déposée au greffe de la cour d'appel le 22 novembre 2022, Monsieur [F] a demandé l'indemnisation des préjudices résultant de la détention provisoire dont il a fait l'objet entre le 22 mars 2021 et le 20'mai 2022 inclus.

Il a sollicité le versement des sommes suivantes :

- 10 000 euros en réparation de son préjudice matériel ;

- 50'000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- 20'000 euros en réparation de l'atteinte à l'image et à l'honneur ;

- 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions reçues au greffe le 8 juin 2023, l'Agent judiciaire de l'Etat ne conteste pas le droit à réparation de Monsieur [F] mais demande de :

- ramener l'indemnité allouée au titre du préjudice moral à 25'000 euros au maximum et réduire l'indemnité pour frais irrépétibles à de plus justes proportions ;

- rejeter les demandes formées au titre d'un préjudice matériel et d'une atteinte à l'image et à l'honneur.

Aux termes de ses réquisitions écrites, le ministère public conclut à la recevabilité de la requête de Monsieur [F] et au principe de l'indemnisation de ses préjudices, proposant de limiter ainsi qu'il suit les indemnités allouées :

- 7 000 euros au titre du préjudice matériel ;

- 25 000 euros au titre du préjudice moral

- 10 000 euros au titre du préjudice d'atteinte à l'image et à l'honneur, outre les 2 500 euros réclamés en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'audience, les parties ont réitéré leurs demandes et propositions.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens respectifs.

DÉCISION

Aux termes de l'article 149 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.

L'article 149-2 précise que le premier président doit être saisi à cette fin par une requête dans le délai de six mois de la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive.

En l'espèce, Monsieur [F] a été acquitté par un arrêt pénal rendu le 20 mai 2022, devenu définitif à l'expiration du délai d'appel de dix jours, comme l'atteste le certificat de non-appel versé aux débats. Sa requête, déposée au greffe le 22 novembre suivant, soit dans le délai de six mois, est donc recevable.

Suite à la plainte déposée par Madame [X] le 1er août 2014, Monsieur [F] avait été entendu par les services de police le 2 mars 2016, avant que la procédure ne fasse l'objet d'un classement sans suite.

Madame [X] ayant ultérieurement déposé plainte avec constitution de partie civile, une information judiciaire avait été ouverte.

Au moment de son interpellation, suite à la délivrance d'un mandat d'arrêt à son encontre, Monsieur [F] ignorait l'existence de cette nouvelle procédure.

Il n'avait jamais été incarcéré auparavant.

Le choc carcéral qu'il a subi a été d'autant plus violent que sa première incarcération a été pour lui inattendue et brutale.

Il a subi une détention provisoire d'une durée de 425 jours.

Il n'invoque pas, en revanche, de circonstances particulières tenant, par exemple, à des conditions d'incarcération particulièrement pénibles de nature à majorer son préjudice.

Dans ces conditions, son préjudice moral engendré par la détention sera exactement réparé par l'allocation d'une indemnité de 30 000 euros.

Au soutien de sa demande en indemnisation d'un préjudice matériel, Monsieur [F] fait valoir que lors de son interpellation, il venait du Sénégal et se rendait de nouveau sur le territoire français pour un séjour d'une durée limitée, mais que cette interpellation a remis en cause ses projets et a mis à mal la poursuite d'une existence normale au quotidien.

Ce faisant, il ne caractérise toutefois aucun préjudice matériel, telle une perte de revenus ou une perte de chance sérieuse de percevoir des revenus en quittant le Sénégal pour revenir en France, ni a fortiori n'en justifie par des pièces probantes.

Il doit être souligné à cet égard que si l'ordonnance de mise en accusation indique qu'il est revenu en France avec pour projet de retrouver un emploi, cette perspective était cependant très improbable, dès lors qu'il était en situation irrégulière sur le territoire français.

L'existence d'un préjudice matériel n'est donc établie ni dans son principe ni dans son étendue.

Pour solliciter la réparation d'une atteinte à son image et à son honneur, Monsieur [F] prétend que la détention provisoire l'a coupé de sa famille domiciliée au Sénégal, dont il a été privé durant une année et qui n'a pas compris pourquoi il était placé en détention.

D'une part, toutefois, la rupture des liens familiaux consécutive à la détention est déjà indemnisée au titre de la réparation du préjudice moral ; d'autre part, l'atteinte portée à la réputation et à l'image de l'intéressé est attachée, non à la détention dont il a fait l'objet, mais à la nature de l'infraction pour laquelle il a été poursuivi et n'est donc pas indemnisable sur le fondement des articles 149 et suivants du code de procédure pénale.

Les demandes de Monsieur [F] en indemnisation des préjudices matériel et d'atteinte à son image et à son honneur doivent donc être rejetées.

L'équité commande en revanche d'allouer à Monsieur [F] une indemnité de 1 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement par mise à disposition au greffe,

FIXONS à :

- 30 000 euros le montant de l'indemnité due par l'Etat au titre du préjudice moral ;

- 1 700 euros l'indemnité due par l'Etat sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNONS l'Etat à verser ces sommes à Monsieur [R] [U] [F] ;

DÉBOUTONS Monsieur [F] du surplus de ses demandes :

LAISSONS les dépens à la charge de l'Etat.

Ordonnance rendue le 6 juillet 2023, par Monsieur Alain VANZO, premier président qui en a signé la minute avec Madame Annie SOUBRANE, greffier.

LE GREFFIER, LE PREMIER PRÉSIDENT

A. SOUBRANE A. VANZO


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : Chambre premier président
Numéro d'arrêt : 22/01149
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;22.01149 ?
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