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06/07/2023 | FRANCE | N°21/00132

France | France, Cour d'appel de Bourges, 1ère chambre, 06 juillet 2023, 21/00132


COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

- SCP AVOCATS BUSINESS CONSEILS

- SCP BLANCHECOTTE-BOIRIN





LE : 06 JUILLET 2023

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 06 JUILLET 2023



N° 331 - 10 Pages





N° RG 21/00132 - N° Portalis DBVD-V-B7F-DKG6



Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de NEVERS en date du 16 Décembre 2020



PARTIES EN CAUSE :



I - S.A.S. BKN, agissant poursuites et diligences de s

on représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :

[Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 817 976 657



Représentée par la SCP AVOCATS BUSINESS CONSEILS, avocat au barreau de BOURG...

COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

- SCP AVOCATS BUSINESS CONSEILS

- SCP BLANCHECOTTE-BOIRIN

LE : 06 JUILLET 2023

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 06 JUILLET 2023

N° 331 - 10 Pages

N° RG 21/00132 - N° Portalis DBVD-V-B7F-DKG6

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de NEVERS en date du 16 Décembre 2020

PARTIES EN CAUSE :

I - S.A.S. BKN, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :

[Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 817 976 657

Représentée par la SCP AVOCATS BUSINESS CONSEILS, avocat au barreau de BOURGES

Plaidant par Me Stéphane MESONES, avocat au barreau de MOULINS

timbre fiscal acquitté

APPELANTE suivant déclaration du 01/02/2021

II - Société BMC CONSTRUCTION ESTUDIO CONTRACT SLU, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :

[Adresse 6]

[Localité 1]

ESPAGNE

Représentée par la SCP BLANCHECOTTE-BOIRIN, avocat au barreau de NEVERS

Plaidant par la SELARL ANTELIS GARCIA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

timbre fiscal acquitté

INTIMÉE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mai 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. TESSIER-FLOHIC, Président chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. TESSIER-FLOHIC Président de Chambre

M. PERINETTI Conseiller

Mme CIABRINI Conseillère

***************

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Mme SERGEANT

***************

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

**************

EXPOSÉ :

Par assignation délivrée le 21 février 2019, la société de droit espagnol BMC Construction Estudio et Contract a saisi le tribunal de commerce de Nevers pour obtenir la condamnation de la société BKN à lui porter et payer une somme de 28 244.29 € en principal représentant le solde de facture afférent à des travaux de construction du restaurant BURGER KING sur la commune de Nevers, outre des pénalités de retard et une astreinte au paiement.

Par jugement rendu le 16 décembre 2020, le tribunal de commerce a condamné la société BKN à verser à la société BMC Construction Estudio et Contract la somme de 28 244.29 €, outre 7320, 30 € au titre des pénalités de retard, ainsi que 40 € au titre de l'indemnité de retard et 7000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a par ailleurs rejeté l'intégralité des prétentions des sociétés BKN et BKM et invité cette dernière à mieux se pourvoir.

La société BKN a interjeté appel de cette décision selon déclaration en date du 1er février 2021.

Elle a demandé à la cour, dans ses écritures notifiées par voie électronique le 27 août 2021, et au visa des articles 1103, 1134 ancien, 1353 et 1315 ancien et 1792 et suivants du code civil :

A titre liminaire sur l'irrecevabilité de la société BMC Construction Estudio et Contract :

De constater qu'aucun élément probant ne vient démontrer que la société BMC Construction Estudio et Contract REFORMAS OBRAS SL et la société BMC Construction Estudio et Contract Construction ESTUDIO et Contract sont identiques.

De constater qu'aucune certitude ni garantie officielle n'est donnée sur le fait que la société BMC Construction Estudio et Contract Construction ESTUDIO et Contract, vient aux droits de BMC Construction Estudio et Contract REFORMAS OBRAS SL.

De juger que la preuve n'est pas apportée que la société BMC Construction Estudio et Contract vient aux droits de la première entité qui avait édité le contrat de prestation.

En conséquence la déclarer irrecevable en son action.

A titre subsidiaire et au fond, si par impossible la cour ne faisait pas droit au moyen tiré de l'irrecevabilité,

Constater l'absence de PV de réception de travaux,

Constater la présence de désordres sur le site de [Localité 4],

Constater enfin l'absence d'accord entre les parties au contrat sur les pénalités de retard.

Réformer la décision attaquée :

Juger que la société BKN n'est pas redevable des sommes demandées par la société BMC Construction Estudio et Contract Construction ESTUDIO et Contract intimée en raison des désordres affectant le mobilier.

Débouter l'intimée de sa demande en paiement dirigée contre l'appelante.

Débouter l'intimée de sa demande au titre des intérêts de retard,

Débouter l'intimée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et réformer le jugement de ce chef.

Débouter l'intimée de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.

CONFIRMANT :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'intimée de sa demande de dommages et intérêts.

A titre reconventionnel :

Constater l'existence d'un trouble de jouissance subi par l'appelante au titre du mobilier dégradé.

Condamner l'intimée à porter et payer à l'appelante une somme de 8 000€ en réparation de ce préjudice.

Constater l'existence de malfaçons sur le mobilier.

Condamner l'intimée à porter et payer à l'appelante la somme de 12 997.73 € au titre du devis de reprise communiqué en pièce n° 14.

Condamner enfin l'intimée à porter et payer à l'appelante une somme de 4 500.00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

Ordonner la compensation des sommes dues réciproquement.

A titre très infiniment subsidiaire, si la cour s'estimait insuffisamment éclairée,

ordonner avant dire droit une expertise judiciaire,

Confier la mission d'usage en pareille matière à tel expert qu'il plaira désigner,

Ordonner à l'appelante de consigner les frais d'expertise.

Inviter les parties à conclure au fond dés après le dépôt du rapport d'expertise judiciaire.

*

La société BMC Construction Estudio et Contract CONSTRUCTION, ESTUDIO & CONTRACT, S.L.U, société de droit espagnol, a demandé quant à elle à la cour, dans ses écritures notifiées par RPVA le 5 novembre 2021, et au visa des articles1104, 1347, 1217, 1219, 1220, et 1240 du code civil et 514 et 700 du Code de procédure civile, de :

-Confirmer intégralement le jugement du tribunal de commerce de Nevers,

-Déclarer irrecevables les demandes de la société BKN envers la société BMC Construction Estudio et Contract CONSTRUCTION,

-Débouter la société BKN de toutes ses demandes envers la société BMC Construction Estudio et Contract CONSTRUCTION,

Subsidiairement

-Condamner la société BKN à payer à la société BMC Construction Estudio et Contract CONSTRUCTION la somme de 15.000 € à titre de dommages intérêts pour procédure abusive,

-Condamner la société BKN à payer à la société BMC Construction Estudio et Contract CONSTRUCTION, une somme additionnelle de 7.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

-Condamner la société BKN aux entiers dépens de la procédure

*

Par arrêt du 27 janvier 2022, la présente cour a :

- Confirmé la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société BKN de sa demande tendant à l'irrecevabilité de l'action de la société BMC Construction Estudio et Contract CONSTRUCTION ESTUDIO & CONTRACT SLU,

Avant dire droit sur les autres dispositions du jugement entrepris,

- Ordonné une mesure d'expertise confiée à Monsieur [L] [W], avec pour mission de :

Prendre connaissance de tous documents contractuels et techniques, tels que plans, devis, marchés, ainsi que du procès-verbal de constat établi le 29 avril 2021 par la SCP Courdavault- Deceuninck,

Après avoir dûment convoqué les parties et leurs conseils, se rendre sur les lieux : restaurant Burger King [Adresse 2] à [Localité 3],

Dire si l'ouvrage réalisé par la société BMC Construction Estudio et Contract est affecté de désordres, malfaçons, non façons, non-conformités contractuelles, en particulier s'agissant des panneaux de bois situés au niveau du comptoir du restaurant et de la plinthe située dans la partie « Match Up » de ce dernier,

Dans l'affirmative, les décrire, en indiquer la nature, l'importance, la date d'apparition et en rechercher la ou les causes ; préciser notamment si les causes des désordres sont imputables à la conception ou à l'exécution des travaux, ou bien aux conditions d'utilisation et d'entretien des lieux ou une cause extérieure,

Dire si l'ouvrage a fait l'objet d'une réception expresse et, le cas échéant, en préciser la date , indiquer quels désordres, malfaçons, non façons et non conformités étaient apparents à cette date,

En l'absence de réception expresse, fournir tous éléments techniques et de fait de nature à déterminer la date à laquelle l'ouvrage était en état d'être conforme à son usage,

Préciser quels désordres étaient apparents à cette date,

Préciser la date d'apparition des désordres allégués et indiquer si ces derniers compromettent la solidité de l'ouvrage ou le rendent impropre à sa destination,

Chiffrer, le cas échéant à partir des devis fournis par les parties, et en particulier le devis établi le 26 août 2021 par l'entreprise [H], le coût des travaux nécessaires pour remédier aux désordres éventuellement constatés,

Fournir à la cour tous éléments de nature à permettre l'évaluation des préjudices de toute nature résultant des désordres constatés,

Faire toutes observations utiles au règlement du présent litige.

Sursis à statuer sur les autres demandes.

L'expert ainsi désigné a procédé à ses opérations et a déposé son rapport le 28 mars 2023.

La société BKN demande à la cour, dans ses conclusions après expertise en date du 30 mars 2023, aux vues du rapport d'expertise judiciaire, de

Constater la présence de désordres affectant la banque d'accueil,

Constater l'absence de PV de réception de travaux,

Constater l'absence d'accord entre les parties au contrat sur les pénalités de retard.

Réformer la décision attaquée :

Juger et condamner la société BMC Construction Estudio et Contract intimée à porter et payer à la société BKN appelante la somme de 18 282,00 €.

Condamner la société BMC Construction Estudio et Contract intimée à porter et payer à la société BKN appelante la somme de 3 000.00 € à titre de dommages-intérêts complémentaires.

Condamner la société BMC Construction Estudio et Contract à porter et payer à la société BKN une somme de 6 000.00 € au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens comprenant :

les frais d'établissement du PV constat huissier,

les frais d'expertise judiciaire

les dépens d'appel et de ceux de premières instances

Débouter la société BMC Construction Estudio et Contract de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions telles que dirigées contre la société BKN.

En tout état de cause, et si la cour d'appel recevait la demande en paiement de la société BMC Construction Estudio et Contract, au titre du solde du chantier juger que les sommes dues réciproquement entre les parties se compenseront.

*

La société BMC Construction Estudio et Contract CONSTRUCTION , ESTUDION & CONTRACT, SLU a déposé de nouvelles écritures le 28 avril 2023 après dépôt du rapport d'expertise, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, dans lesquelles elle demande à la cour de :

-Con'rmer le jugement du tribunal de commerce de Nevers, sauf en ce qu'il a débouté la société BMC Construction Estudio et Contract CONSTRUCTION de sa demande de condamnation de la société BKN pour résistance abusive,

-Fixer au mois d'août 2016 la date de réception tacite des travaux par la société BKN,

-Déclarer irrecevables les demandes de la société BKN envers la société BMC Construction Estudio et Contract CONSTRUCTION,

Subsidiairement

-Débouter la société BKN de toutes ses demandes envers la société BMC Construction Estudio et Contract CONSTRUCTION,

-Condamner la société BKN à payer à la société BMC Construction Estudio et Contract CONSTRUCTION la somme de 28.244,29 € au titre du solde restant dû de sa facture n° 332 du 25 août 2016 conformément au devis n° 16-0091-1 signé le 14 juin 2016 par la société BKN,

-Condamner la société BKN à payer à la société BMC Construction Estudio et Contract CONSTRUCTION les intérêts de retard sur le solde dû, soit la somme de 7.320,30 € au titre des pénalités de retard dus au 2 septembre 2020, à parfaire jusqu'à la date de paiement des sommes dues, conformément à l'article L 441- 61 du code de commerce,

-Condamner la société BKN à payer à la société BMC Construction Estudio et Contract CONSTRUCTION la somme de 40 € au titre de l'indemnité de retard pour frais de recouvrement;

-Condamner la société BKN à payer à la société BMC Construction Estudio et Contract CONSTRUCTION la somme de 15.000 € au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

En tout état de cause,

-Condamner la société BKN à payer à la société BMC Construction Estudio et Contract CONSTRUCTION, une somme additionnelle de 7.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

-Condamner la société BKN aux entiers dépens de la procédure.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 mai 2023.

Sur quoi :

Ensuite de l'arrêt avant-dire droit du 27 janvier 2022, Monsieur [W], expert judiciaire, s'est rendu le 19 décembre 2022 dans les locaux du restaurant Burger King [Localité 5] à [Localité 3], et a estimé que le comptoir de commandes, ouvrage réalisé par la société BMC, intimée, était affecté de divers désordres dont il a donné la description suivante (pages 7 à 9 du rapport) : « (') lors des investigations, nous constatons que côté intérieur cuisine, les panneaux bois de couleur noire constituant le comptoir de commandes sont très dégradés en leur pied, jusqu'à environ un tiers de la hauteur sur la partie la plus dégradée (partie latérale contre zone d'accès). Nous réalisons des mesures d'humidité dans les panneaux, à l'aide d'un testeur à pointes. Nous notons en lumière [sic] des taux d'humidité en pied de banque de l'ordre de 25 à 48 % (alors que la limite admissible est de 10 %) (') Il est également vérifié via les deux échantillons de panneaux OSB prélevés que la partie saine présente une épaisseur d'environ 15 mm, alors qu'il est constaté que les pieds de panneaux sont plus épais. Cela démontre (et confirme s'il le fallait) que les panneaux OSB ont pris d'humidité (car une fois gonflés, ces derniers ne retrouvent pas leur état initial). Les panneaux verticaux en bois noir jouant le rôle de soubassement intérieur du comptoir de commandes sont en cours de putréfaction, laquelle est très avancée en pied et gagne par capillarité l'intégralité des panneaux (') Les désordres observés sont une altération et une dégradation avancée des panneaux bois constituant le comptoir de commandes du restaurant. Au vu de nos constats, nous pouvons conclure que les désordres n'impactent ni la solidité des structures, ni son clos et couvert. Ils impactent un élément dissociable du gros 'uvre. Par ces explications, nous avons la capacité d'indiquer que nous sommes en présence de désordres de nature esthétique. Nous pouvons conclure que les désordres sont généralisés à l'ensemble des panneaux bois verticaux du comptoir de commandes (') ».

L'expert a précisé, à cet égard, avoir fait procéder à la réalisation de deux prélèvements de panneaux bois à la scie cloche pour envoi pour analyse dans un laboratoire spécialisé, l'un dans la zone dégradée en pied de panneau, l'autre dans la zone saine en partie supérieure de ce panneau.

Il indique que le rapport de ce laboratoire a permis d'établir que les éléments bois sont des panneaux de particules ignifugés présentant une aptitude d'usage à la classe d'emploi 2 au maximum vis-à-vis des risques d'humidification, alors même que la destination et la localisation de l'ouvrage imposaient d'utiliser des panneaux de bois compatibles avec une pose en situation de classe d'emploi 4 (pages 11 et 12 du rapport).

S'agissant de la cause des désordres, l'expert a rappelé que le lavage côté cuisine s'effectuait au balai-brosse et à l'eau additionnée de produit nettoyant, avant passage d'une raclette et d'une MOP sèche, avec une fréquence de nettoyage de quatre à cinq fois par jour, et même une obligation de laver toutes les heures en période de Covid.

Ayant demandé, au cours de ses opérations expertales, au personnel du restaurant Burger King de réaliser un lavage habituel des sols, il en a conclu que : « cette expérience empirique nous permet de constater que de l'eau se voit indirectement projetée contre les panneaux de bois. En présence d'une plinthe de protection en pied, elle se voit même emprisonnée entre celle-ci et le pied du panneau (') Le lavage intensif imposé par le cahier des charges Burger King côté cuisine conduit à une humidification régulière des pieds de panneaux (pour ne pas dire intensive durant la période de Covid, rappel : lavage toutes les heures), il est constaté que les panneaux sont posés quasiment à même le sol (5 mm du carrelage) et non pas à plus de 20 cm. Il est constaté la présence d'un rail en pied de panneau, piégeant ainsi l'eau des lavages. Les points ci-avant décrits imposent la mise en 'uvre de panneaux en bois compatibles avec une pose en situation de classe d'emploi 4 et excluent de fait toute utilisation de panneaux tels ceux posés (et seulement aptes à une classe d'emploi 2 vis-à-vis des risques d'humidification) ».

L'expert a ainsi conclu que : « les causes des désordres proviennent :

d'erreurs de conception et de non-respect des règles de construction en lien avec des panneaux bois mis en 'uvre avec les caractéristiques ne respectant pas les préconisations de classe d'emploi définies par la norme NF EN 1995-1-1 (norme sur la conception des structures en bois),

la non prise en compte du cahier des charges Burger King concernant les impératifs de nettoyage côté cuisine,

de malfaçons dans l'exécution des travaux réalisés, puisque les panneaux par leur classe d'emploi 2 ont été posés jusqu'au niveau du sol sans respecter le grade à l'eau de 20 cm et sans traitement spécifique des jonctions, avec la mise en 'uvre du profil en pied qui emprisonne l'eau et qui joue donc le rôle de facteur aggravant. »

L'expert a précisé, à cet égard, que : « la cause des désordres ne peut aucunement être imputable aux conditions d'utilisation. Certes, l'interface entre l'eau de lavage et les panneaux (non compatibles) représente le facteur déclencheur des désordres. Cependant, le cahier des charges Burger King concernant l'entretien était défini et connu. L'entreprise se devait donc d'adapter et prévoir ses travaux (et ses panneaux bois) en conséquence. » (page 12 du rapport).

La société BMC ne saurait valablement soutenir, dans ses dernières écritures, que la responsabilité des désordres constatés par l'expert judiciaire incomberait à la seule société BKN en raison des « pratiques de nettoyage hors du commun » de cette dernière, dans la mesure où, d'une part, il résulte des échanges de courriers électroniques entre les parties que l'intimée est intervenue pour des prestations analogues dans au moins trois restaurants Burger King et ne pouvait donc ainsi ignorer l'usage et la destination du comptoir de commandes litigieux avec les contraintes inhérentes à un nettoyage régulier et pluri-quotidien d'un tel dispositif situé dans un lieu accueillant un public nombreux et où, d'autre part, il ne pouvait raisonnablement lui échapper qu'en raison de la configuration même de l'ouvrage, avec des panneaux de particules présentant une faible tolérance à l'humidité et avec un rail au bas de ces derniers piégeant l'eau des lavages, l'apparition de désordres apparaissait inéluctable.

C'est en conséquence à juste titre que l'appelante, qui invoque à titre principal les dispositions de l'ancien article 1147 devenu 1231-1 du Code civil, se prévaut, d'une part, de l'exception d'inexécution et sollicite, d'autre part, la condamnation de l'intimée au paiement du coût des travaux tels que chiffrés par l'expert permettant de remédier aux désordres que celui-ci a constatés, soit la somme de 18 287 € TTC retenue sur la base de l'entreprise [H] du 26 août 2021 après actualisation par l'expert (page 13 du rapport).

Il conviendra en conséquence d'opérer compensation entre, d'une part, la somme principale restant due par la société BKN au titre de la facture numéro 332 du 25 août 2016, soit 28 244,29€, et, d'autre part, le coût de reprise des désordres ci-dessus retenu, soit une somme due par la société BKN à la société BMC de : 28 244,29 - 18 287 = 9957,29 €.

L'appelante ayant pu légitimement se prévaloir de l'exception d'inexécution pour refuser de s'acquitter jusqu'à présent du paiement de la facture précitée en raison des importants désordres affectant les travaux réalisés dans son restaurant, la société BMC apparaît mal fondée à solliciter sa condamnation au paiement d'intérêts de retard sur le fondement de l'article L441 ' 6 du code de commerce.

La décision de première instance devra donc être infirmée en ce qu'elle a condamné la société BKN à verser à la société BMC la somme de 7320,30 € au titre des intérêts de retard en application de ce texte, ainsi que la somme de 40 € au titre de l'indemnité de retard pour frais de recouvrement.

Par ailleurs, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la société BKN tendant à l'octroi de la somme de 3000 € à titre de dommages-intérêts « supplémentaires » au motif que des diligences complémentaires seraient à réaliser pour reprise des désordres en plus du chiffrage retenu par l'expert - une telle circonstance n'étant nullement mentionnée dans le rapport d'expertise judiciaire - et ne résultant d'aucune des pièces soumises à l'appréciation de la cour.

Il résulte de ce qui précède que la décision de première instance devra être infirmée, de sorte que les entiers dépens de première instance et d'appel ' qui comprendront les frais d'expertise judiciaire et non le coût du procès-verbal de constat d'huissier dès lors que celui-ci n'avait pas été préalablement désigné judiciairement ' seront mis à la charge de la société BMC, dont la demande fondée au titre de la résistance abusive imputée à la société BKN devra nécessairement être rejetée.

L'équité commandera, enfin, d'allouer à la société BKN une indemnité de 3000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles que celle-ci a dû exposer dans le cadre de la présente instance.

Par ces motifs :

La cour,

' Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Et, statuant à nouveau :

' Dit que le comptoir de commandes réalisé par la société BMC Construction Estudio & Contract au restaurant Burger King [Adresse 2] à [Localité 3] ensuite du devis du 14 juin 2016 est affecté de désordres,

' Fixe à 28 244,29 € la somme due par la société BKN à la société BMC Construction Estudio & Contract au titre de la facture numéro 332 du 25 août 2016,

' Fixe à 18 287 € la somme due par la société BMC Construction Estudio & Contract à la société BKN au titre du coût des travaux de reprise des désordres,

' Condamne, après compensation, la société BKN à verser à la société BMC Construction Estudio & Contract la somme de 9957,29 €,

' Déboute la société BMC Construction Estudio & Contract de ses demandes tendant au paiement de pénalités de retard et d'une indemnité pour frais de recouvrement sur le fondement de l'article L441 ' 6 du code de commerce ainsi que de sa demande tendant à l'octroi de dommages-intérêts pour résistance abusive,

' Rejette la demande formée par la société BKN tendant à l'octroi de dommages-intérêts complémentaires,

' Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

' Condamne la société BMC Construction Estudio & Contract à verser à la société BKN la somme de 3000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais d'expertise judiciaire.

L'arrêt a été signé par A. TESSIER-FLOHIC, Président, et par S. MAGIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

S. MAGIS A. TESSIER-FLOHIC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/00132
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;21.00132 ?
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