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03/05/2023 | FRANCE | N°23/00275

France | France, Cour d'appel de Bourges, Chambre premier président, 03 mai 2023, 23/00275


le : 03.05.2023

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COUR D'APPEL DE BOURGES



PREMIÈRE PRÉSIDENCE



ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 03 MAI 2023



N° 20 - 7 Pages



Numéro d'Inscription au répertoire général : N° RG 23/00275 - N° Portalis DBVD-V-B7H-DRBA;



RÉFÉRÉ



NOUS, Alain VANZO, premier président de la cour d'appel de Bourges :



Vu l'assignation en référé délivrée à la requête de :





I - Monsieur [B]

, [L] [Y]

[Adresse 9]

[Localité 3]



représenté par Me Karine BERTHON de la SELARL AVARICUM JURIS, avocat au barreau de BOURGES



A :



II - Madame [J] [I] NÉE [A]

[Adresse 7]

[Localité 1]



Monsieur [V] [A]

[Adr...

le : 03.05.2023

Exp + CE à :

- Me

- Me

Exp à :

-

-

COUR D'APPEL DE BOURGES

PREMIÈRE PRÉSIDENCE

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 03 MAI 2023

N° 20 - 7 Pages

Numéro d'Inscription au répertoire général : N° RG 23/00275 - N° Portalis DBVD-V-B7H-DRBA;

RÉFÉRÉ

NOUS, Alain VANZO, premier président de la cour d'appel de Bourges :

Vu l'assignation en référé délivrée à la requête de :

I - Monsieur [B], [L] [Y]

[Adresse 9]

[Localité 3]

représenté par Me Karine BERTHON de la SELARL AVARICUM JURIS, avocat au barreau de BOURGES

A :

II - Madame [J] [I] NÉE [A]

[Adresse 7]

[Localité 1]

Monsieur [V] [A]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Monsieur [D] [A]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentés par Me Catherine SALSAC de la SCP ROUAUD & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES

La cause a été appelée à l' audience publique du 11 Avril 2023, tenue par Monsieur le premier président, assisté de Madame Soubrane, greffier ;

Après avoir donné lecture des éléments du dossier, Monsieur le premier président a, pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'ordonnance contradictoire au 03 Mai 2023, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

A la date ainsi fixée a été rendue l'ordonnance dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE

Courant 2017, Monsieur [H] [A] a fait réaliser par Monsieur [B] [Y], artisan paysagiste, des travaux d'embellissements et d'entretien d'espaces verts, de construction d'un garage et de mise en oeuvre d'un système de pompage et de stockage d'eau souterraine dans sa propriété sise à [Localité 8] (Cher).

Entre février 2017 et novembre 2017, Monsieur [Y] a émis dix factures mensuelles, d'un montant cumulé de 176 518,69 euros TTC, dont seule la dernière est demeurée impayée.

Invoquant le prix excessif des prestations facturées, Monsieur [A] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Bourges aux fins de désignation d'un expert.

Monsieur [A] étant décédé le 27 juin 2018, Madame [J] [A] épouse [I], Monsieur [V] [A] et Monsieur [D] [A], ses enfants, ont repris l'instance de référé.

Par ordonnance du 11 octobre 2018, le juge des référés a ordonné une expertise confiée à Monsieur [R] [X], essentiellement pour déterminer la nature et l'ampleur des travaux exécutés, chiffrer leur montant et donner tout avis technique, notamment sur la conformité desdits travaux aux règles de l'art et leur nécessité technique.

L'expert a clos son rapport le 7 avril 2020, évaluant le montant total des interventions et travaux de Monsieur [Y] à la somme de 94 193,91 euros TTC et le coût de reprise des désordres affectant le garage à 2 677,50 euros HT (soit 2 945,25 euros TTC).

Par acte d'huissier du 5 février 2021, Madame [J] [A] épouse [I], Monsieur [V] [A] et Monsieur [D] [A] ont fait assigner Monsieur [B] [Y] devant le tribunal judiciaire de Bourges aux fins de condamnation au paiement de diverses sommes.

Par jugement du 29 décembre 2022, le tribunal judiciaire de Bourges a notamment :

- condamné Monsieur [Y] à payer à l'indivision [A] les sommes suivantes :

. une indemnité de 82'324,78 euros (représentant la différence entre le montant facturé par Monsieur [Y] et le montant des interventions évalué par l'expert) en réparation d'un abus de facturation, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision ;

. une indemnité de 2 677,50 euros HT, augmentée de la TVA applicable au moment de la réalisation des travaux, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision ;

- condamné Monsieur [Y] à payer une indemnité de 1 000 euros à chacun des trois défendeurs en réparation de leur préjudice moral ;

- condamné Monsieur [Y] aux dépens, y compris ceux de référé et les frais d'expertise ;

- condamné Monsieur [Y] à payer aux consorts [A] une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision.

Monsieur [Y] a interjeté appel du jugement par déclaration en date du 9 janvier 2023.

Suivant assignation des 6, 7 et 8 mars 2023, Monsieur [Y] a fait attraire Madame [J] [A] épouse [I], Monsieur [V] [A] et Monsieur [D] [A] devant le premier président de la cour d'appel de Bourges aux fins d''arrêt de l'exécution provisoire du jugement du 29 décembre 2022.

Par conclusions notifiées par RPVA le 7 avril 2023, il demande à la juridiction du premier président, sur le fondement notamment des articles 514-3, 514-5, 514-6 et 523 du code de procédure civile,

- Principalement, d'arrêter l'exécution provisoire du jugement du tribunal judiciaire de Bourges ;

- Subsidiairement,

. de dire que Madame [J] [A] épouse [I], Monsieur [V] [A] et Monsieur [D] [A] devront fournir un cautionnement bancaire ou tout autre garantie équivalente déterminée par la cour, suffisante pour garantir toutes réparations et restitutions en principal, intérêts, frais et accessoires, consécutives à l'annulation, l'infirmation ou la réformation du jugement ;

. de dire que l'exécution du jugement sera subordonnée et ne pourra être entreprise que sur la justification préalable et en temps utile de cette garantie ;

. de dire qu'à défaut de constitution de la garantie exigée dans un délai de quinze jours à compter de l'ordonnance, l'exécution provisoire du jugement sera arrêtée ;

- En tout état de cause, de condamner Madame [J] [A] épouse [I], Monsieur [V] [A] et Monsieur [D] [A] à lui payer une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de les débouter de leur demande de radiation du rôle de l'affaire et de leur demande en paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles.

Par conclusions parvenues au greffe le 5 avril 2023, Madame [J] [A] épouse [I], Monsieur [V] [A] et Monsieur [D] [A] demandent à la juridiction :

- Principalement,

. de rejeter les demandes de Monsieur [Y] tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire ;

. d'ordonner la radiation du rôle de l'affaire ;

- Subsidiairement, d'ordonner la consignation par Monsieur [Y] du montant des condamnations à la CARPA Centre-Loire dans un délai d'un mois à compter du prononcé de la décision et, à défaut, de dire que son appel sera radié ;

- En tout état de cause, de le condamner à leur régler une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens respectifs.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article 514-3 du code de procédure civile, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2020, dispose :

"En cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives'.

Pour solliciter la condamnation de Monsieur [Y] au paiement d'une somme de 89.371,53 euros, les consorts [A], se prévalant du rapport d'expertise, ont soutenu principalement devant les premiers juges qu'il avait commis une faute en facturant ses prestations à un coût exorbitant, ce qui caractérisait, selon eux, une mauvaise exécution de ses obligations contractuelles et justifiait une restitution du trop-perçu sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil.

Ils ont estimé encore qu'il n'avait pas exécuté le contrat de bonne foi et n'avait pas renseigné correctement Monsieur [A] sur la réalité de son travail, au mépris de l'article L. 111-1 du code de la consommation, commettant ainsi une tromperie et engageant sa responsabilité contractuelle également pour ces motifs.

Ils ont conclu subsidiairement à l'obligation pour Monsieur [Y], en vertu de l'article 1302-1 du code civil (répétition de l'indu), de restituer les sommes perçues par lui qui ne correspondaient à aucune prestation.

Ils ont soutenu enfin pouvoir agir également sur le fondement de l'article 1217 du code civil en sollicitant une réduction du prix.

Le tribunal, quant à lui, a considéré que le document du 15 février 2017, intitulé devis, ne constituait en réalité qu'un contrat cadre ou pré-contrat, qu'il appelait donc la conclusion ultérieure d'autant de contrats que de réalisations et qu'à défaut, le prix était resté indéterminé et indéterminable pour la plupart des prestations.

Soulignant que Monsieur [A] était, à compter du début de l'année 2017, dans une situation de faiblesse liée à l'âge et à la maladie qui ne pouvait pas échapper à l'entrepreneur, il a estimé que ce dernier avait, en toute mauvaise foi, en tirant habilement avantages de l'imprécision du contrat d'origine et de la fragilité de son client, surévalué le montant des factures qu'il avait établies et présentées au règlement.

Le tribunal a jugé que la différence de 82'324,78 euros entre le prix des prestations facturées par Monsieur [Y] et la valeur des prestations telle qu'estimée par l'expert était suffisante pour caractériser un abus de prix.

Le tribunal a ainsi fondé la condamnation de Monsieur [Y] au paiement de cette somme sur un moyen de droit - l'abus de prix - qu'il a soulevé d'office sans avoir invité les parties à présenter leurs observations.

Le moyen tiré d'une violation des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile invoqué par Monsieur [Y], susceptible d'entraîner l'annulation du jugement, est donc sérieux.

Par ailleurs, deux textes prévoient la possibilité pour une partie à un contrat de fixer unilatéralement le prix et, en cas d'abus dans sa fixation, pour l'autre partie de saisir le juge aux fins d'allocation de dommages et intérêts : d'une part, l'article 1164 du code civil dans l'hypothèse de conclusion d'un contrat cadre suivi de contrats d'application, d'autre part l'article 1165 du même code pour les contrats de prestation de service.

Si le tribunal n'a pas indiqué sur lequel de ces textes il se fondait pour retenir un abus de prix, sa motivation selon laquelle le document du 15 février 2017 constituerait un contrat cadre et que le prix serait resté indéterminé et indéterminable est contestable, dès lors que ledit document liste les travaux à exécuter, fixe le prix horaire HT de chaque prestation et précise un nombre de jours et une fourchette d'heures d'intervention mensuels durant la période comprise entre janvier et décembre 2017.

De plus, le tribunal a considéré que l'existence d'un différentiel important entre le montant cumulé des factures émises et l'estimation du coût des prestations par l'expert suffisait à caractériser un abus du prix, sans examiner les critiques émises par Monsieur [Y] à l'égard du travail de l'expert, sans tirer de conséquences du fait que l'entreprise avait dû recommencer à plusieurs reprises certaines tâches à la demande de Monsieur [A] et sans se livrer à une analyse précise des tarifs pratiqués par Monsieur [Y].

Enfin, le tribunal s'est refusé à tirer des conséquences juridiques du paiement volontaire par Monsieur [A] des neuf factures établies entre février et octobre 2017 (seule une dixième facture étant impayée) motif pris de son état de faiblesse et de l'impossibilité d'établir une correspondance précise entre une prestation et un prix convenu à l'avance, alors pourtant qu'il n'est pas avéré que Monsieur [A] ait présenté alors des troubles mentaux de nature à altérer son consentement et que, vivant dans la propriété où les travaux étaient exécutés, il était en mesure de constater les prestations effectuées mois après mois au moment où les factures lui étaient présentées.

Pour toutes ces raisons, invoquées par Monsieur [Y], il existe des moyens sérieux d'annulation et d'infirmation de la décision de première instance l'ayant condamné au paiement d'une indemnité de 82'324,78 euros.

Selon une attestation de l'expert-comptable de Monsieur [Y] en date du 4 janvier 2023, la situation de trésorerie de son entreprise est très tendue et l'exigibilité immédiate de l'indemnité à laquelle elle est condamnée dans l'affaire qui l'oppose aux consorts [A] provoquerait une cessation des paiements.

Il en résulte que l'exécution du jugement entrepris entraînerait des conséquences manifestement excessives.

L'arrêt de l'exécution provisoire de cette décision doit en conséquence être ordonné.

Aux termes de l'article 514-5 du code de procédure civile, le rejet de la demande tendant à voir écarter ou arrêter l'exécution provisoire de droit et le rétablissement de l'exécution provisoire de droit peuvent être subordonnés, à la demande d'une partie ou d'office, à la constitution d'une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations.

Ni ce texte ni aucun autre ne permet désormais au premier président d'ordonner la consignation d'une somme lorsqu'il arrête l'exécution provisoire de droit attachée à une décision de justice. La demande à cette fin présentée par les consorts [A] ne peut donc qu'être rejetée, de même que doit l'être, par voie de conséquence, leur demande de radiation.

Il est équitable de laisser à la charge de chacune partie les frais irrépétibles qu'elle a dû engager pour assurer sa représentation en justice.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après débats publics, par ordonnance contradictoire et par décision insusceptible de pourvoi,

ORDONNONS l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du tribunal judiciaire de Bourges du 29 décembre 2022 ;

REJETONS le surplus des demandes formées par l'une et l'autre des parties ;

CONDAMNONS Madame [J] [A] épouse [I], Monsieur [V] [A] et Monsieur [D] [A] aux dépens.

Ordonnance rendue le 3 mai 2023, par Monsieur Alain VANZO, premier président, qui en a signé la minute avec Madame Annie SOUBRANE, greffier.

LE GREFFIER, LE PREMIER PRÉSIDENT

Annie SOUBRANE Alain VANZO

le : 03.05.2023

Exp + CE à :

- Me

- Me

Exp à :

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Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : Chambre premier président
Numéro d'arrêt : 23/00275
Date de la décision : 03/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-03;23.00275 ?
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