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27/04/2023 | FRANCE | N°22/00607

France | France, Cour d'appel de Bourges, 1ère chambre, 27 avril 2023, 22/00607


SM/RP



















































































COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

- la SCP SOREL & ASSOCIES

- la SCP AVOCATS CENTRE





LE : 27 AVRIL 2023

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 27 AVRIL 2023
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N° - Pages





N° RG 22/00607 - N° Portalis DBVD-V-B7G-DOWV



Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire de BOURGES en date du 19 Mai 2022





PARTIES EN CAUSE :



I - Me Edouard BRUNGS, membre de la SAS NOTACOEUR, anciennement dénommée S.C.P. BERGERAULT - DHALLUIN - BRUNGS

né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Localité 4]...

SM/RP

COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

- la SCP SOREL & ASSOCIES

- la SCP AVOCATS CENTRE

LE : 27 AVRIL 2023

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 27 AVRIL 2023

N° - Pages

N° RG 22/00607 - N° Portalis DBVD-V-B7G-DOWV

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire de BOURGES en date du 19 Mai 2022

PARTIES EN CAUSE :

I - Me Edouard BRUNGS, membre de la SAS NOTACOEUR, anciennement dénommée S.C.P. BERGERAULT - DHALLUIN - BRUNGS

né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par la SCP SOREL & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES

timbre fiscal acquitté

APPELANT suivant déclaration du 16/06/2022

INCIDEMMENT INTIMÉ

II - CENTRE HOSPITALIER DE BOURGES agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par la SCP AVOCATS CENTRE, avocat au barreau de BOURGES

timbre fiscal acquitté

INTIMÉ

INCIDEMMENT APPELANTE

27 AVRIL 2023

N° /2

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mars 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CIABRINI, Conseillère chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CLEMENT Présidente de Chambre

M. PERINETTI Conseiller

Mme CIABRINI Conseillère

***************

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MAGIS

***************

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

**************

EXPOSÉ :

Le centre hospitalier de [Localité 4] a obtenu une ordonnance d'expropriation en date du 2 juillet 2014 portant sur des parcelles cadastrées sur la commune de [Localité 4] section BY numéros [Cadastre 6] et [Cadastre 2] appartenant aux consorts [J] et [D] et cultivées par l'EARL LA POINTE DU JOUR.

La grosse de l'ordonnance a été déposée au rang des minutes de Maître [M] [L], notaire associé à [Localité 4], lequel s'est chargé de sa publication au bureau des hypothèques le 10 avril 2015.

L'EARL LA POINTE DU JOUR s'est opposée à la restitution des lieux au motif qu'elle n'avait pas perçu l'indemnité d'éviction qu'elle estimait lui être due.

Elle a signé le 24 juillet 2017 un protocole transactionnel avec le centre hospitalier de [Localité 4] prévoyant qu'en contrepartie de la libération des lieux, l'établissement s'engageait à verser une indemnité de 64 000 € correspondant à 62 000 € au titre d'une indemnité forfaitaire expropriation et 2000 € au titre du remboursement de travaux et semis exécutés sur les parcelles.

Considérant que Maître [L] a manqué à ses obligations professionnelles, le centre hospitalier de [Localité 4] a engagé une action en responsabilité contractuelle à l'encontre du notaire.

Le centre hospitalier a également saisi le tribunal de grande instance de Bourges d'une action subrogatoire contre les consorts [J] et [D] aux fins d'obtenir le remboursement de l'indemnité d'éviction réglée à l'EARL LA POINTE DU JOUR.

Par ordonnance du 23 janvier 2019, le juge de la mise en état a ordonné le sursis à statuer dans l'attente de la décision devant être prise dans cette seconde instance.

Par jugement du 28 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Bourges a rejeté les demandes du Centre hospitalier introduites à l'encontre des propriétaires, après avoir considéré qu'il n'y avait aucun bail à ferme entre les consorts [J] et [D] et l'EARL LA POINTE DU JOUR.

Le centre hospitalier a demandé au tribunal de condamner le notaire à réparer le préjudice subi à hauteur de 79 925,40 € et de fixer le point de départ des intérêts au taux légal à compter de la date à laquelle l'EARL LA POINTE DU JOUR a réclamé l'indemnité d'éviction.

Par jugement rendu le 19 mai 2022, le tribunal judiciaire de Bourges a :

' Dit l'action du centre hospitalier [Localité 9] à l'encontre de Maître [M] [L] recevable

' Dit que Maître [M] [L], notaire associé à [Localité 4], a manqué à son devoir d'information et de conseil vis-à-vis du centre hospitalier [Localité 9] à l'occasion de la procédure d'acquisition des parcelles cadastrées section BY numéros [Cadastre 6] et [Cadastre 2] appartenant aux consorts [J] et [D] et alors cultivées par l'EARL LA POINTE DU JOUR

' Condamné Maître [L], notaire associé à [Adresse 8], à payer au centre hospitalier [Localité 9] la somme de 32 000 € pour la perte de chance de ne pas régler une indemnité d'éviction à ladite EARL, 4280,70 € pour la perte de chance de ne pas régler les frais de justice engagés dans la phase amiable et jusqu'à la régularisation du protocole d'accord de 2017 ainsi que 500 € pour la perte de chance de ne pas régler les frais de justice engagés dans le cadre de la procédure en répétition introduite à l'encontre des propriétaires expropriés

' Débouté le centre hospitalier [Localité 9] du surplus de ses demandes

' Condamné Maître [L] aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 2500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Maître [M] [L], notaire associé, a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 16 juin 2022 et demande à la cour, dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 28 novembre 2022, à la lecture desquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, de :

Recevoir Maître [M] [L] en son appel, le déclarer recevable et bien fondé, et, y faisant droit,

Vu notamment l'article 1240, 1241 et l'article 1315 du Code Civil [dans sa version applicable au litige],

Vu les articles 9 et 700 du Code de Procédure Civile,

Vu les pièces versées aux débats,

Infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté le CENTRE HOSPITALIER [Localité 9] du surplus de ses demandes.

Et, statuant de nouveau du chef des dispositions infirmées,

Constater que le CENTRE HOSPITALIER [Localité 9] prétend à un défaut d'information et de conseil de Me [L] à l'égard des consorts [J] et [D] ;

Déclarer en conséquence irrecevables les demandes du CENTRE HOSPITALIER [Localité 9] lequel n'est pas titulaire du droit d'agir ;

Déclarer en tout état de cause, que Maître [M] [L] n'a commis aucun manquement fautif.

Déclarer que le CENTRE HOSPITALIER [Localité 9] ne démontre pas l'existence d'un préjudice indemnisable, pas plus que du lien de causalité entre le préjudice allégué et le prétendu comportement fautif.

En conséquence,

Déclarer le CENTRE HOSPITALIER [Localité 9] mal fondé en ses demandes et l'en débouter.

Condamner le CENTRE HOSPITALIER [Localité 9] à payer à Maître [M] [L] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamner le CENTRE HOSPITALIER [Localité 9] aux entiers dépens avec distraction au profit de la SCP SOREL & ASSOCIES agissant par Maître [Z] [T] en application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Rejeter toutes prétentions, fins ou conclusions plus amples ou contraires.

Le centre hospitalier de [Localité 4], intimé et appelant à titre incident, demande pour sa part à la cour, dans ses dernières écritures notifiées le 17 octobre 2022, à la lecture desquelles il est pareillement renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, de :

Vu l'article 1240 du code civil,

Vu les articles 542 et suivants du code de procédure civile,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

' DECLARER le Centre Hospitalier de [Localité 4] recevable et bien fondé en son appel incident ;

' REJETER l'intégralité des demandes, moyens, fins et conclusions de Maître [L] dirigés contre le jugement n° RG 21/00599 du 19 mai 2022 rendu par le Tribunal judiciaire de Bourges ;

' CONFIRMER le jugement n° RG 21/00599 du 19 mai 2022 rendu par le Tribunal judiciaire de Bourges, en ce qu'il a reconnu la responsabilité professionnelle de Maître [L] pour manquement à son devoir de conseil et d'information à l'égard du Centre hospitalier et l'a condamné à la réparation des préjudices en résultant, ainsi qu'au paiement des frais irrépétibles et entiers dépens ;

A titre incident :

' REFORMER le jugement n° RG 21/00599 du 19 mai 2022 rendu par le Tribunal judiciaire de Bourges, en ce qu'il a limité le quantum des préjudices subis par le Centre hospitalier et a rejeté sa demande de condamnation de Maître [L] au paiement des intérêts moratoires et de leur capitalisation ;

En conséquence :

' CONDAMNER Maître [L] à réparer l'entier préjudice subi par le Centre Hospitalier à hauteur de 74.925,40 euros, outre le paiement des intérêts au taux légal à compter de la date à laquelle l'EARL LA POINTE DU JOUR a réclamé l'indemnité d'éviction, date à partir de laquelle les consorts [J] et [D] auraient dû régler ou consigner l'indemnité d'éviction destinée à son locataire, soit à compter du 16 juillet 2015 ;

' ORDONNER la capitalisation des intérêts dus ;

En tout état de cause :

' CONDAMNER Maître [M] [L] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens et allouer à la SCP AVOCATS CENTRE le bénéfice de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 février 2023.

SUR QUOI :

Selon l'article 1240, anciennement 1382, du Code civil, « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Le notaire, tenu d'un devoir d'information et de conseil à l'égard de l'ensemble des parties, doit éclairer celles-ci et appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée, les effets et les risques des actes qui lui sont soumis.

En l'espèce, il résulte du dossier que le centre hospitalier de [Localité 4], désireux de procéder à une opération d'extension d'un parking et de création d'un héliport, s'est intéressé à l'acquisition de deux parcelles situées au lieu-dit « la Folie Bâton » sur la commune de [Localité 4], cadastrées section BY numéros [Cadastre 6] et [Cadastre 2], appartenant aux consorts [J] et [D], et cultivées par l'EARL LA POINTE DU JOUR.

Le centre hospitalier a demandé à Maître [L], notaire, d'établir un protocole d'accord transactionnel avec l'EARL occupante des lieux en vue de la libération des parcelles considérées, ainsi que cela résulte du courrier électronique adressé au notaire le 31 janvier 2012 par le directeur clientèle du centre hospitalier contenant les termes « pouvez-vous établir un protocole d'accord sur ces bases ' », et de la réponse apportée par ce notaire le 7 février suivant (« je transmets un exemplaire du plan matérialisant le projet de parking à M. [U] (Safer du Centre) en lui proposant de passer directement à la rédaction d'un protocole d'accord avec le CH [Localité 9] et MM. [V] » (pièce numéro 1 du dossier de l'appelant).

La lecture du protocole d'accord transactionnel établi par Maître [L] qui s'en est suivi, en date du 17 avril 2012 (pièce numéro 4 du dossier du centre hospitalier), permet de constater que le chapitre intitulé « exposé » contient les mentions suivantes : « le centre hospitalier [Localité 9] entend acquérir des consorts [J] et [D] deux parcelles en nature de terre agricole sises sur la commune de [Localité 4] (Cher), lieu-dit « la Folie Bâton », cadastrées section BY numéros [Cadastre 6] et [Cadastre 2]. (') Ces parcelles étant à ce jour exploitées par l'EARL LA POINTE DU JOUR en vertu d'un bail verbal dûment attesté par des quittances de fermages, le centre hospitalier [Localité 9] s'est rapproché de cette dernière afin de trouver un accord permettant la réalisation des projets ci-dessus (') Messieurs [V], ès qualités pour l'EARL LA POINTE DU JOUR, acceptent de résilier leur bail et de ne plus exploiter la parcelle (') ».

Ce protocole d'accord prévoyait, en outre, qu'« en contrepartie de la résiliation de bail et de cet abandon de jouissance », le centre hospitalier [Localité 9] verserait à l'EARL LA POINTE DU JOUR une « indemnité de résiliation anticipée de bail » d'un montant de 8185 € s'agissant de la parcelle cadastrée section BY numéro [Cadastre 2] et de 4168 € s'agissant de la parcelle cadastrée numéro [Cadastre 6].

Il est établi que ce protocole d'accord transactionnel est devenu caduc, à défaut de réalisation dans les six mois de la vente des parcelles considérées par les consorts [J] et [D] conformément à la condition résolutoire figurant en page 3 de celui-ci, le centre hospitalier initiant par la suite une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique aboutissant à une ordonnance d'expropriation rendue par le juge de l'expropriation le 2 juillet 2014 (pièce numéro 1 du dossier de l'intimé).

Pour autant, il est établi que, dès l'année 2012, le notaire appelant ne pouvait ignorer la discussion juridique existant sur l'éventuelle existence d'un bail rural au profit de l'EARL LA POINTE DU JOUR en raison de l'opposition constante des bailleurs à une telle hypothèse, ainsi que cela résulte notamment d'un courrier électronique que l'appelant a adressé à son confrère Maître [P] le 2 juillet 2012 dans lequel il indique : « Madame [J] ne veut pas signer l'acte dont le projet vous a été adressé à tous, au motif que celui-ci fait état d'une location verbale au profit de l'EARL LA POINTE DU JOUR, représentée par Messieurs [V]. Or, celle-ci nous indique qu'elle n'a pas connaissance de cette location et qu'elle n'a jamais encaissé aucun loyer » (pièce numéro 22 du dossier du centre hospitalier [Localité 9]).

En outre, la [Adresse 10] avait indiqué à ce notaire, par des termes prudents employés au conditionnel dans un courrier du 6 janvier 2012 (pièce numéro 5 du dossier de l'appelant), que « les biens seraient loués ».

Il incombait, ainsi en l'état de ces éléments, au notaire sollicité par le centre hospitalier aux fins d'élaboration d'un protocole d'accord transactionnel dans un tel contexte, et en dépit de la revendication d'un bail à ferme par le conseil de l'EARL LA POINTE DU JOUR ' démentie avec constance par les propriétaires des lieux ' de faire preuve de la plus grande prudence relativement à la situation juridique des parcelles occupées par ladite EARL, et d'informer pleinement les parties de l'existence et de la nature de ladite difficulté, et de toutes les conséquences pouvant en découler, une telle difficulté présentant un caractère manifestement sérieux, dès lors que par jugement rendu le 28 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Bourges a estimé que l'EARL occupante ne disposait d'aucun droit ni titre d'occupation.

Au contraire, il résulte du dossier que ni dans le cadre de l'élaboration du premier protocole d'accord transactionnel du mois d'avril 2012, ni dans les démarches qu'il a entreprises postérieurement à cette date, aux fins notamment de publication de l'ordonnance rendue par le juge de l'expropriation le 2 juillet 2014 auprès des services de la publicité foncière le 10 avril 2015, le notaire appelant, qui était le seul en charge de l'opération immobilière envisagée par le centre hospitalier, laquelle impliquait nécessairement une connaissance de la situation foncière exacte des parcelles en cause, n'a fait preuve d'une telle prudence et n'a attiré l'attention des parties sur la difficulté ainsi rencontrée.

Il sera noté, à cet égard, que dans un courrier du 16 juillet 2015, l'appelant a d'ailleurs indiqué à l'EARL DE LA POINTE DU JOUR que la décision d'expropriation des parcelles en date du 2 juillet 2014 entraînait « notamment l'annulation de tous les biens réels existants, à savoir le bail en cours à votre profit (') », tenant ainsi pour acquise l'allégation de cette dernière sur l'existence d'un bail rural dont elle bénéficierait en dépit des contestations constantes des propriétaires des parcelles concernées.

C'est en conséquence à bon droit, par des motifs que la cour adopte, que le premier juge a considéré qu'en apportant sans réserve sa caution professionnelle à la qualification du lien de droit unissant les consorts [J] et [D] à l'EARL LA POINTE DU JOUR occupante des parcelles que cette dernière revendiquait sans éléments de preuve, le notaire a manqué à l'obligation d'information et de conseil à laquelle il était tenu envers le centre hospitalier de [Localité 4], ce qui a nécessairement incité ce dernier à signer un nouveau protocole d'accord le 20 juillet 2017 prévoyant le versement d'une indemnité d'éviction à ladite EARL d'un montant de 62 000 € en contrepartie de la libération des lieux ainsi qu'à engager une procédure en répétition à l'encontre des propriétaires, l'appelant soutenant en vain que le centre hospitalier intimé serait irrecevable en ses demandes au motif qu'il prétendrait à un défaut d'information et de conseil à l'égard des seuls consorts [J] et [D].

La décision de première instance devra donc être confirmée en ce qu'elle a retenu que le notaire appelant avait ainsi engagé sa responsabilité contractuelle vis-à-vis du centre hospitalier [Localité 9].

Il est par ailleurs établi que le centre hospitalier, devant le refus des propriétaires expropriés de verser une indemnité d'éviction à l'EARL LA POINTE DU JOUR, et dans le but de parvenir à une rapide libération des lieux, s'est rapproché de cette dernière et lui a réglé une indemnisation de 64 000 € dans le cadre d'un protocole signé le 24 juillet 2017 bien qu'il n'y fût pas tenu, et a, par ailleurs, engagé une action subrogatoire à l'égard des consorts [J] et [D] aux fins de récupération de l'indemnité d'éviction versée, dont il a été débouté par jugement rendu le 28 janvier 2021, procédure dans le cadre de laquelle il a exposé des frais d'avocat.

Les sommes exposées à ces titres constituent un préjudice financier se trouvant en lien avec le manquement retenu supra du notaire à son devoir d'information et de conseil, dès lors que si l'appelant avait qualifié de façon exacte le lien juridique entre les propriétaires des parcelles dont l'acquisition était envisagée et l'EARL occupante de cette dernière dès l'année 2012, ou à tout le moins avait attiré l'attention des parties sur la difficulté de qualification de ce lien juridique, il est manifeste que le centre hospitalier intimé n'aurait pas exposé de telles dépenses et se serait opposé aux prétentions de ladite EARL.

Pour autant, c'est à juste titre que le premier juge a retenu que le préjudice indemnisable ne correspondait, en réalité, qu'à une perte de chance subie par le centre hospitalier, dès lors que le préjudice subi par celui-ci tenait également au défaut de conseil des autres professionnels du droit intervenus dans le cadre de ce dossier, lesquels auraient également pu attirer l'attention de l'intimé sur la nature du lien juridique existant entre les consorts [J] et [D] et l'EARL LA POINTE DU JOUR, et a évalué ladite perte de chance aux justes proportions de 50 % du montant du préjudice lié au paiement de l'indemnité résultant du protocole du 24 juillet 2017 et des frais d'avocats en lien avec l'établissement de ce protocole et 20 % du préjudice lié à la procédure engagée à l'encontre des propriétaires dès lors qu'une analyse de la situation aurait également pu permettre au centre hospitalier d'appréhender la difficulté juridique posée.

La décision de première instance devra donc également être confirmée en ce qu'elle a limité les indemnités devant revenir au centre hospitalier [Localité 9] aux sommes de 32 000 € pour la perte de chance de ne pas régler une indemnité d'éviction à l'EARL LA POINTE DU JOUR, 4280,70 € pour la perte de chance de ne pas régler les frais de justice engagés dans la phase amiable et jusqu'à la réalisation du protocole d'accord de juillet 2017 que 500 € pour la perte de chance de ne pas régler les frais de justice engagés dans le cadre de la procédure en répétition introduite à l'encontre des propriétaires expropriés.

Le jugement entrepris se trouvant, ainsi, confirmé en l'intégralité de ses dispositions, les dépens d'appel seront laissés à la charge de Maître [L], lequel sera par ailleurs condamné à verser au centre hospitalier intimé une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles que celui-ci a dû exposer devant la cour que l'équité commande de fixer à 1500 €.

PAR CES MOTIFS :

La cour

' Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement entrepris

Y ajoutant

' Condamne Maître [M] [L] à verser au centre hospitalier de [Localité 4] la somme de 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

' Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires

' Dit que les entiers dépens d'appel seront laissés à la charge de Maître [M] [L] et qu'il pourra être fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

En l'absence du Président empêché, l'arrêt a été signé par R.PERINETTI, Conseiller le plus ancien ayant participé au délibéré et par Mme MAGIS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Conseiller,

S.MAGIS R.PERINETTI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/00607
Date de la décision : 27/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-27;22.00607 ?
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