SM/oc
COPIE OFFICIEUSE
COPIE EXÉCUTOIRE
à :
- Me Florence BOYER
- la SCP BLANCHECOTTE-BOIRIN
- la SCP GUENOT AVOCATS
- la SELAS ELEXIA ASSOCIES
LE : 27 AVRIL 2023
COUR D'APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 27 AVRIL 2023
N° - Pages
N° RG 22/00433 - N° Portalis DBVD-V-B7G-DOJT
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal Judiciaire de NEVERS en date du 16 Mars 2022
PARTIES EN CAUSE :
I - S.A. SAFER BOURGOGNE FRANCHE COMTE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :
[Adresse 1]
N° SIRET : 778 212 472
Représentée par Me Florence BOYER, avocat au barreau de NEVERS
Plaidant par la SELAS LEGI CONSEILS BOURGOGNE, avocat au barreau de DIJON
timbre fiscal acquitté
APPELANTE suivant déclaration du 21/04/2022
II - M. [L] [K]
né le 15 Août 1991 à [Localité 4] ([Localité 4])
[Adresse 2]
Représenté par la SCP BLANCHECOTTE-BOIRIN, avocat au barreau de NEVERS
Plaidant par Me David GOURINAT, avocat au barreau de DIJON
timbre fiscal acquitté
INTIMÉ
III - M. [M] [X]
né le 02 Février 1964 à [Localité 4]
[Adresse 5]
Représenté et plaidant par la SCP GUENOT AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de NEVERS
timbre fiscal acquitté
INTIMÉ
IV - M. [R] [T]
né le 07 Août 1973 à [Localité 4]
[Adresse 7]
Représenté et plaidant par la SELAS ELEXIA ASSOCIES, avocat au barreau de NEVERS
timbre fiscal acquitté
INTIMÉ
V - M. [E] [Z]
[Adresse 6]
non représenté auquel la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiés par actes d'huissier en date des 02/06/2022 remis à étude, 19/07/2022 remis à personne habilitée,
INTIMÉ
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mars 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CIABRINI, Conseillère chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CLEMENT Présidente de Chambre
M. PERINETTI Conseiller
Mme CIABRINI Conseillère
***************
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MAGIS
***************
ARRÊT : RENDU PAR DEFAUT
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
**************
EXPOSE DU LITIGE
Le 7 septembre 2018, la SAFER Bourgogne Franche-Comté a émis un appel à candidature portant le numéro AS 58 18 00 58 01, affiché dans les mairies de [Localité 4] et [Localité 3] les 11 et 13 septembre 2018 concernant des parcelles situées dans ces deux communes pour une superficie totale de 128 ha 96 a 59 ca. Cet appel à candidature a fait l'objet d'une annonce légale dans le journal 'Terres de Bourgogne' le 18 septembre 2018.
Les candidatures devaient être déposées au plus tard le 1er octobre 2018.
Sept candidatures ont été enregistrées dont celle de Messieurs [L] [K], [M] [X], [R] [T] et [E] [Z].
M.[L] [K], dans sa candidature du 27 septembre 2018 portant sur l'ensemble des parcelles, exposait être médecin libéral et souhaiter s'installer à [Localité 4] dans les bâtiments d'habitation pour son activité professionnelle et réhabiliter les bâtiments d'exploitation pour créer une activité de gîte et chambre d'hôtes pour son épouse.
Le 7 novembre 2018, le comité technique départemental de la SAFER a émis un avis défavorable à la candidature de M. [L] [K], lequel en a été informé par courrier du 9 novembre 2018.
La SAFER a procédé à un nouvel examen de sa candidature mais a maintenu un avis défavorable les 19 décembre 2018 et 13 février 2019.
La cession de l'ensemble des parcelles a été reçue par acte authentique du 13 avril 2019 entre les vendeurs et la SAFER. L'avis de rétrocession a fait l'objet d'une demande d'affichage en mairie de [Localité 4] et de CHAMPERT le 30 avril 2019. La SAFER a adressé le même jour aux candidats non retenus la notification de décision de rétrocession des parcelles à MM. [X], [T] et [Z].
M [L] [K] a saisi le tribunal de grande instance de Nevers par acte des 26 août et 2 septembre 2019 d'une action aux fins de :
- dire et juger nulle la procédure d'appel à candidature,
- Dire et juger nulle la décision d'attribution prise par la SAFER au profit de MM. [X], [T] et [Z],
Subséquemment,
- Dire et juger nulles les rétrocessions et ventes intervenues à leur profit,
- Condamner la SAFER BFC à payer à M. [K] la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts et 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 16 mars 2022, le tribunal judiciaire de Nevers à :
- annulé les cessions intervenues au profit de MM. [M] [X], [R] [T] et [E] [Z] à la suite des décisions d'attribution et de rétrocession de la SAFER numéro RR 58 18 0205 01, RR 58 18 0207 01 et RR 58 18 0208 01 en date du 30 avril 2019,
' débouté Monsieur [L] [K] de sa demande de dommages et intérêts,
' condamné la SAFER, MM. [M] [X], [R] [T] et [E] [Z] à payer à M. [L] [K] la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' débouter la SAFER, M [M] [X] et M [R] [T] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamner la SAFER et MM. [X], [T] et [Z] aux dépens.
Le tribunal a considéré que la SAFER ne rapportait pas la preuve de l'accomplissement des formalités de publication de l'appel de candidature du dossier AS 58 18 0058 01 sur le site internet de La Préfecture de la Nièvre et de la Région Bourgogne Franche-Comté et que sans qu'aucun grief ni préjudice n'ait à être démontré par M. [K], la nullité des rétrocessions devait être prononcée.
Suivant déclaration d'appel du 21 avril 2022, la SAFER Bourgogne Franche-Comté à interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a annulé les cessions, condamné la SAFER et et MM. [X], [T] et [Z] à payer à Monsieur [K] la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, a débouté la SAFER, Monsieur [X] et Monsieur [T] de leurs demandes sur le même fondement et a condamné les défendeurs aux dépens.
Dans ses dernières conclusions d'appel n°3 signifiées le 27 février 2023 à la lecture desquelles il est renvoyé en application de l'article 445 du code de procédure civile pour plus ample exposé, et par acte signifié le même jour à l'intimé non constitué, M. [Z], la SAFER Bourgogne Franche-Comté présente les demandes suivantes :
Vu les articles L.141-1, R.141-1, R.142-1 et suivants du Code rural et de la pêche maritime ;
Vu l'article 1240 du Code civil,
Vu les pièces versées aux débats,
INFIRMER le jugement déféré en l'ensemble de ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté M [K] de sa demande de dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau,
JUGER que les demandes formées par M. [K] sont mal fondées ;
En conséquence,
DEBOUTER M. [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
DEBOUTER M [M] [X] de sa demande visant à voir condamner la SAFER BFC à le garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre.
En toute hypothèse,
CONDAMNER M.[K] à payer à la SAFER BFC une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER M. [K] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La SAFER soutient qu'elle justifie de la régularité des publications dans les deux communes et sur son site internet . Quant à la publication sur les sites des préfectures, dont la preuve peut être rapportée par tous moyens du fait que le texte est muet sur ce point, elle en justifie au moyen d'attestations concordantes et circonstanciées établies par l'organisme chargé de prouver la réalité des publications légales, le responsable informatique de la SAFER BFC, le directeur général de la SAFER et le commissaire adjoint du gouvernement agriculture, les intéressés confirmant que la publication de l'avis litigieux avait bien été réalisé dans les formes légales, étant précisé que l'article R142-3 du Code rural et de la pêche maritime prévoit uniquement en son alinéa 3 que l'accomplissement des formalités de publicité est certifié par le Directeur Général de la SAFER BFC, ce qui a été le cas en l'espèce.
S'agissant de la motivation des décisions d'attribution, la SAFER rappelle que le juge n'a pas à en contrôler l'opportunité, mais seulement sa légalité et sa régularité.
M. [K], par conclusions signifiées le 3 octobre 2022 et à M. [Z], intimé non constitué par acte d'huissier du 6 octobre 2022, demande à la cour de :
- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- Condamner in solidum La SAFER, MM. [X], [T] et [Z] à lui verser une somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
M. [K] fait valoir qu'il connaissait les vendeurs ( indivision [W]) depuis 2015 et que lors de leur décision de vendre, il a fait part de son intention d'acheter la propriété d'un seul tenant, sans remettre en cause les droits des preneurs, que la SAFER lui avait indiqué que l'opération était possible en demandant aux fermiers de renoncer à leur droit de préemption, que M. [K] a déposé sa candidature en confiance, qu'il a cependant été surpris du dépôt de celle de M. [T], que lors de la réunion d'information du 25 octobre 2018, la SAFER a rappelé le caractère unique de l'opération, qu'il a été à nouveau très surpris de recevoir un avis défavorable à sa candidature.
Il ajoute que par la suite, il a constaté que M. [T] mettait en vente la maison d'habitation, ne gardant que les terres qui lui avaient été attribués pour 113 ha 90 a 94 ca.
* Il soulève en premier lieu la violation des règles régissant la publicité de l'avis prévu à l'article R.142-3 du Code rural, à savoir, la publication :
- en mairie des communes de la situation des biens
- sur le site internet de la préfecture de la Nièvre,
- dans un journal de diffusion départementale,
- sur son propre site internet.
Il considère que la SAFER ne rapporte pas la preuve de la publication sur son site, par une trace précise mentionnant l'horodatage.
Il ajoute par ailleurs que la SAFER n'est pas compétente pour certifier la publication de l'avis sur le site internet de la préfecture de département et de région.
* Il soulève en deuxième lieu la violation des règles de mise en concurrence des candidats , soutenant que la candidature de M. [T] n'était pas complète à la date limite de remise des demandes le 1er octobre 2018, en ce qu'elle ne contenait pas d'accord bancaire, pourtant exigé, et qu'il y a eu une rupture d'égalité dans le traitement des candidatures.
Il ajoute que les candidatures de MM [X], [T] et [Z] sont arrivées après la date limite de réception et fait remarquer que celles de M.M. [O] et [T] sont arrivées le même jour, 15 jours après la date limite.
* Il soulève en troisième lieu, que la motivation fournie à l'appui de la décision d'attribution ne permet pas de vérifier la réalité des objectifs poursuivis par la SAFER au regard des exigences légales.
* Il invoque enfin l'engagement de la SAFER envers lui, laquelle s'est comportée ensuite de manière déloyale, tant à son égard qu'à celui des vendeurs qui lui avaient fait confiance pour vendre la propriété à un seul acquéreur.
Dans ses dernières conclusions signifiées par RPVA le 7 février 2023 et par acte d'huissier du14 février 2023 à l'intimé non constitué, M. [M] [X] demande à la cour de :
- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
- Débouter M [L] [K] de toutes ses demandes fins et conclusions.
- Le condamner au paiement, au profit du concluant, d'une indemnité de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Subsidiairement et si la Cour devait confirmer le jugement entrepris, condamner la SAFER à le garantir de toutes condamnations tant d'instance que d'appel,
- Condamner M.[K] aux entiers dépens, tant d'instance que d'appel.
M. [X] fait siens les arguments développés par la SAFER et ajoute que sa candidature a été actée en amont de l'établissement de sa fiche de candidature, en sa qualité de fermier en place, puis réitérée ultérieurement, il est vrai au-delà du délai de dépôt des candidatures, mais que toutefois, a été déclaré recevable ( Cour d'appel de Besançon le 22 mai 2007) une candidature établie par un courrier simple puis réitérée, hors délais, par un acte formel de candidature à l'aide de l'imprimé-type fourni par la SAFER.
Dans ses conclusions signifiées par RPVA 10 octobre 2022, et par acte d'huissier du 20 octobre 2022 à l'intimé non constitué, M. [T] présente les demandes suivantes :
Infirmer le jugement déféré en l'ensemble de ces dispositions sauf en ce qu'il a débouté M. [K] de sa demande de dommages et intérêts,
Statuant à nouveau,
Juger que les demandes formées par M. [K] sont mal fondées,
En conséquence,
Débouter M.[K] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Condamner M. [K] à payer à M. [T] une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamner le même aux entiers dépens de première instance et d'appe
L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 février 2023.
MOTIFS
Sur la régularité de la publicité de l'avis prévu à l'article R.142-3 du Code rural
L'article R. 142-3 du Code rural et de la pêche maritime dispose que :
« Avant toute décision d'attribution, les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural procèdent à la publication d'un appel de candidatures avec l'affichage à la mairie de la commune de la situation du bien, pendant un délai minimum de quinze jours, d'un avis comportant, notamment, la désignation sommaire du bien, sa superficie totale, le nom de la commune, celui du lieudit ou la référence cadastrale et la mention de sa classification dans un document d'urbanisme, s'il en existe. L'accomplissement de cette formalité est certifié par le maire qui adresse, à cette fin, un certificat d'affichage à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural. Cet avis est également publié sur le site internet des préfectures de département et de région concernées.
Cet avis indique le délai, qui ne peut excéder quinze jours après la fin de l'affichage, dans lequel les candidatures doivent être présentées et précise que des compléments d'information peuvent être obtenus auprès du siège de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural.
Pour les biens acquis à l'amiable d'un montant supérieur à celui prévu par l'article R. 141-10, pour tous les biens acquis par voie de préemption ainsi que pour les biens comprenant des terrains boisés de moins de 10 hectares appelés à être attribués dans les conditions prévues à l'article L. 142-5-1, un avis de même contenu que celui prévu au premier alinéa est publié dans un journal diffusé dans l'ensemble du département, ainsi que sur le site internet de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural territorialement compétente. La date et l'heure de cette publication sont mentionnées dans l'avis. L'accomplissement de cette formalité de publicité est certifié par le directeur général de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural.»
Concernant la publicité en mairie, la SAFER produit l'appel de candidature, certifié par les maires de [Localité 4] le 11 septembre 2018 et de [Localité 3] le 13 septembre 2018. Cet avis contient les mentions prévues à l'alinéa 2 de l'article R 142-3 sus-énoncé.
Cet avis doit, selon le 1er alinéa in fine, être publié sur le site internet des préfectures de département et de région concernées. La SAFER produit à cet égard une réponse de la Directrice régionale adjointe de la Direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt ( DRAAF) en date du 29 juin 2020 aux termes de laquelle elle déclare que les dispositions de l'article R.142-3 du code rural introduites par le décret n° 2015-713 du 22 juin 2015 sont entrées en vigueur en même temps que les shémas directeurs régionaux des exploitations agricoles, soit le 1er avril 2016 et le 1er janvier 2016 et confirme que l'ensemble des appels à candidature réalisés par la SAFER font l'objet d'une publication sur les sites internet des préfectures de département et de région concernées.
Ce document officiel constitue la preuve que les avis d'appel à candidatures sont bien publiés sur les sites des préfectures de département et de région concernées, sa rédactrice, commissaire du gouvernement, étant chargée d'y veiller. Il est rappelé qu'il s'agit d'un service public de l'Etat et que rien en l'espèce ne permet de remettre en cause l'effectivité du respect et de la mise en oeuvre des dispositions légales et réglementaires auquelles les administrations sont tenues.
Concernant la publication de l'appel de candidatures sur un journal diffusé dans l'ensemble du département, il est justifié de la publication de l'avis dans le journal ' Terres de Bourgogne' du 14 septembre 2018.
S'agissant de la publication de l'avis sur le site internet de la SAFER, il ressort d'une attestation de M. [G], responsable informatique de la SAFER que la mise en ligne des appels à candidature se fait automatiquement depuis le prologiciel SAFCOM vers le site de la SAFER tous les jours à 8h et que c'est la société 'Continew' qui est chargée de se rendre aléatoirement sur le site de la SAFER deux fois par jour et d'en horodater le contenu afin de prouver que les annonces légales sont en ligne. Il ajoute que la préfecture de la Nièvre met au surplus à disposition un lien sur son site internet qui renvoie sur le site de la SAFER depuis le 19 mars 2016 (copie d'écran inclus dans les conclusions de la SAFER).
Le responsable informatique atteste que l'appel à candidatures relatif au dossier AS 58 18 0058 01 a été mis en ligne du 8 septembre 2018 au 1er octobre 2018.
Trois certificats d'antériorité émanant de la socité Continew sont produits : en date des 8 septembre 2018 à 9h12, du 22 septembre 2018 à 16h55 et du 1er octobre 2018 à 17h45. Si ces certificats ne contiennent pas la référence de l'appel à candidature concerné mais uniquement des références informatiques, l'article R 142-3 du code rural n'impose pas la production d'un document prouvant matériellement la publication de l'avis sur le site de la SAFER mais dispose que 'l'accomplissement de cette formalité de publicité est certifié par le directeur général de la SAFER'.
En l'espèce, le directeur général de la SAFER certifie que l'appel à candidature portant sur les biens situés à [Localité 4] et [Localité 3] dont les références cadastrales sont énoncées, 'ont bien fait l'objet d'une publicité pendant un délai légal de 15 jours sur le site de la préfecture de la Nièvre aux mêmes dates et heures que la publicité parue sur le site de la SAFER pour laquelles des pièces ont été fournies, par un lien actif en état de fonctionnement renvoyant sur le site de la SAFER pendant toute la durée de la publicité légale'.
Il résulte de l'ensemble des éléments apporté par la SAFER que l'ensemble des formalités de publicité de l'appel à candidature a été respecté en tous points par elle. Cette publicité a d'ailleurs suscité un nombre élevé de candidatures (7 ).
C'est donc à tort que le premier juge a décidé que 'les rappels de modes opératoires généraux ne sauraient constituer une preuve circontanciée de l'accomplissement des publicités', ajoutant aux dispositions de l'article R 142-3 du code rural.
Sur la violation des règles de mise en concurrence des candidats
M. [K] soutient tout d'abord que toute candidature devait être accompagnée d'un accord bancaire et que tel n'a pas été le cas pour celle de M. [T].
La SAFER réplique à juste titre qu'aucune mention dans la fiche de candidature n'impose que le candidat ait d'ores et déjà obtenu un accord bancaire.
L'article R.142-1 du code rural dispose que 'la capacité financière du candidat est évaluée par la SAFER qui peut exiger de lui la production de tout document de nature à l'établir'. Il s'agit donc d'une possibilité pour la SAFER et non d'une exigence dans la fiche même de candidature qui sollicite seulement de préciser les modalités de financement (comptant ou recours à un emprunt et dans quelle banque).
Il n'y a donc aucune violation de mise en concurrence des candidats sur le plan du financement envisagé, la SAFER rappelant qu'elle dispose d'une liberté d'appréciation sur les capacités d'un candidat au regard de plusieurs critères et que le critère de financement n'est qu'un critère parmi d'autres.
M. [K] soutient encore que MM [X], [T] et [Z] ont déposé leur candidature après la date du 1er octobre 2018.
Or il ressort d'un courriel adressé par M. [T] à la SAFER le 28 septembre 2018 qu'il indique déposer une candidature concernant la vente du Domaine des Simons sur les communes de [Localité 4] et [Localité 3], peu important qu'il ait formalisé sa candidature dans l'imprimé de la SAFER, à la date du 16 octobre 2018.
M. [Z] a déposé sa fiche de candidature le 5 octobre 2018 et M. [X] le 16 octobre 2018.
Il ressort d'un courriel du conseiller foncier de la SAFER à M. [K] en date du 19 septembre 2018 que M. [Z] l'avait rencontré la veille.
Quant à M. [X], il a été reçu à la SAFER le 10 septembre 2018 ainsi qu'il ressort de l'agenda du conseiller foncier, M. [K] soutenant vainement qu'il serait facile de rajouter des rendez-vous, alors qu'il n'y a rien d'anormal à ce que les fermiers en place se rendent à la SAFER, après parution des publicités, aux fins de candidater sur les parcelles qu'ils exploitent.
S'il est donné un délai pour déposer les candidatures, par référence au délai minimum de 15 jours de l'affichage de l'appel de candidature prévu à l'article R.142-3 du code rural, aucune disposition n'exige à peine d'irrecevabilité de la candidature que celle-ci soit déposée impérativement à la date fixée dans l'avis.
Le moyen soulevé par M. [K] sera dès lors écarté.
Sur la prétendue violation par la SAFER de sa mission de protection des espaces agricoles
En vertu de l'alinéa 1 er de l'article L.141-1 du Code Rural et de la Pêche Maritime :
« Des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural peuvent être constituées pour remplir les missions suivantes :
1° Elles 'uvrent prioritairement à la protection des espaces agricoles, naturels et forestiers.
Leurs interventions visent à favoriser l'installation, le maintien et la consolidation
d'exploitations agricoles ou forestières afin que celles-ci atteignent une dimension
économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles ainsi que l'amélioration de la répartition parcellaire des exploitations. Ces interventions concourent à la diversité des systèmes de production, notamment ceux permettant de combiner les performances économique, sociale et environnementale et ceux relevant de l'agriculture biologique au sens de l'article L. 641-13 ;
2° Elles concourent à la diversité des paysages, à la portection des ressources naturelles et au maintien de la diversité biologique ;
3° Elles contribuent au développement durable des territoires ruraux dans le cadre des objectifs définis à l'article L 11-2 ;
4° Elles assurent la transparence du marché foncier rural. [...]'
Le juge judiciaire se limite à l'appréciation de la légalité et de la régularité de la décision d'attribution sans pouvoir examiner son bien- fondé.
En l'espèce, les motivations retenues par la SAFER sont exposées dans le courrier de notification de la décision d'attribution adressé à M. [K] le 30 avril 2019, à savoir,
- pour M. [X] : 'accession à la propriété par le fermier en place des parcelles dont il est locataire (7ha) confortation de son exploitation de polyculture individuelle élevage',
- pour M. [Z] : ' avis favorable partiellement pour une surface de 21a 90 et remaniement parcellaire joignant de la parcelle sur trois côtés',
- pour M. [T] : ' Favorable partiellement pour une surface de 113ha 90 a 94 : Accession à la propriété par le fermier en place des parcelles dont il est locataire. Bailleur pour une surface de 39ha32 a environ qui maintiendra le fermier en palce, M. [Z] [E]' (rectifié ensuite en [V] [Z]).
Les motivations de la SAFER sont clairement exprimées.
Les rétrocessions ont été faites au profit d'agriculteurs en place et la cour n'a pas à vérifier la réalité des motifs retenus, sauf à excéder ses pouvoirs. Il est en outre observé que M. [K], âgé alors de 27 ans, n'a pas été le seul candidat non retenu, un autre candidat investisseur, non agriculteur, ayant lui aussi fait l'objet d'un avis défavorable, ainsi que deux agriculteurs.
Le moyen devra de même être écarté.
Sur le fait que la SAFER se serait engagée envers M. [K]
M. [K] soutient que le directeur départemental de la SAFER, relation de son père, avait indiqué qu'il était possible dans un cadre amiable de 'gérer une cession en cours de bail' mais 'en se prémunissant de recours futur du cessionnaire et / ou des fermiers.' ajoutant ' ce type de dossier se gère parfaitement'.
Outre le fait que ce mail ne contient aucun engagement de la part de la SAFER envers M. [K] mais indique seulement ce qui est possible, d'ailleurs de manière imprécise et au surplus en s'avançant par trop, ce serait au contraire en procédant en dehors de tout cadre procédural institué par les dispositions de code rural qu'il pourrait être reproché à la SAFER un détournement de pouvoir, en attribuant des parcelles à une personne sans aucune transparence.
Il se trouve que 7 candidats se sont manifestés et que la SAFER a traité les candidatures dans le cadre de ses missions et opéré des choix en fonction des objectifs qu'elle est chargée de mettre en oeuvre, estimant que celle de M. [K], investisseur, non agriculteur, ne pouvait être retenue, face à celles d'autres candidats.
Il ne peut qu'être ajouté que le fait que le souhait de la famille [W], venderesse, de voir rétrocéder l'ensemble des parcelles à M. [K] n'ait pas été suivi ne peut être retenu comme moyen d'annulation des décisions d'attribution.
Par conséquent, aucune manoeuvre ni comportement déloyal ne peut être imputé à la SAFER par M. [K].
M. [K] sera dès lors débouté de toutes ses demandes.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
M. [K], qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel et versera à la SAFER une somme de 2 000 € et à M.M. [X] et [T], celle de 1 000 € chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Nevers du 16 mars 2022 sauf en ce qu'il a débouté M. [K] de sa demande de dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DEBOUTE M. [K] de ses demandes ;
CONDAMNE M. [K] à verser à la SAFER Bourgogne Franche-Comté la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [K] à verser à MM [X] et [T] la somme de 1 000 € chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [K] aux dépens de première instance et d'appel.
En l'absence du Président empêché, l'arrêt a été signé par R.PERINETTI, Conseiller la plus ancien ayant participé au délibéré et par Mme MAGIS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Conseiller,
S.MAGIS R.PERINETTI