COPIE OFFICIEUSE
COPIE EXÉCUTOIRE
à :
- SELAFA CHAINTRIER AVOCATS
- Me LEROY DES BARRES
LE : 13 AVRIL 2023
COUR D'APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 13 AVRIL 2023
N° - Pages
N° RG 22/00546 - N° Portalis DBVD-V-B7G-DOSG
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de CHATEAUROUX en date du 10 Mai 2022
PARTIES EN CAUSE :
I - S.A.R.L. CHENEVIERES INVEST agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social:
[Adresse 4]
[Localité 2]
N° SIRET : 752 243 774
Représentée par la SELAFA CHAINTRIER AVOCATS, avocat au barreau de BOURGES
Plaidant par la SELAFA CHAINTRIER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
timbre fiscal acquitté
APPELANTE suivant déclaration du 23/05/2022
II - M. [U] [N]
né le 15 Novembre 1959 à [Localité 6]
[Adresse 5]
[Localité 3]
- S.C. SCCV DE LA RESIDENCE DES LACS DE LA CHATRE agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social:
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentés par Me LEROY DES BARRES, avocat au barreau de BOURGES
Plaidants par la SCP TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS
timbre fiscal acquitté
INTIMÉS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Février 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CLEMENT, Présidente chargée du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CLEMENT Présidente de Chambre
M. PERINETTI Conseiller
Mme CIABRINI Conseillère
***************
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme SERGEANT
***************
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
**************
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 18 juillet 2012, la SARL PNJ Patrimoine, ayant pour gérant M. [U] [N] et la SARL CHENEVIERES INVEST ayant pour gérant M. [V] [L], ont constitué la SCCV de la RESIDENCE des LACS de LA CHATRE ( ci-après la SCCV), en vue de la construction d'une résidence séniors, à hauteur de 51 parts pour la première et 49 parts pour la seconde. La gérance de la SCCV était confiée à M. [U] [N].
Suivant contrats du 7 janvier 2013, la SCCV a confié à la SARL PNJ Patrimoine, une mission de commercialisation moyennant une commission de 6 % HT du montant des ventes HT.
Suivant contrat du 11 janvier 2013, la SCCV a confié à la SARL PNJ Patrimoine, une mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage en vue de la réalisation de la résidence projetée, moyennant une rémunération HT de 5% HT du produit de la vente HT de l'ouvrage HT.
L'assemblée générale ordinaire du 21 janvier 2013 donnait mission au gérant d'acquérir pour le compte de la société un terrain à bâtir sur la commune de la Châtre et de vendre en l'état futur d'achèvement l'ensemble immobilier à construire de 40 maisons d'habitation.
Par ordonnance de référé du 8 janvier 2020, le juge des référés a condamné M. [N] à payer à la SCCV la somme de 59.367,94 € à titre d'indemnité provisionnelle relative aux frais financiers supportés par celle-ci en raison de la faute de gestion commise par son gérant M. [N], du fait de la perception d'avance sur les commissions non prévues par le contrat de commercialisation.
Par ordonnance du 12 février 2020, le président du tribunal judiciaire de Châteauroux a fait droit à la requête présentée par la SARL Chenevières Invest aux fins d'obtenir par huissier communication de tous les rapports établis par la gérance et du registre des procès-verbaux des assemblées générales de la SCCV depuis sa constitution ainsi que son budget prévisionnel. La SARL Chenevières Invest a obtenu ces documents le 12 mars 2020.
Par acte du 8 avril 2020, la SARL Chenevières Invest a fait assigner M. [N] devant le tribunal judiciaire de Châteauroux aux fins de voir :
- dire que M. [N] a commis une faute en sa qualité de gérant de la SCCV, en concluant les contrats litigieux ( commercialisation et assistance à maîtrise d'oeuvre),
- dire que ces contrats sont nuls en application du principe général du droit selon la fraude corrompt tout,
- condamner M. [N] à payer à la SCCV les sommes correspondant à celles indûment versées par la SCCV à hauteur de 426.585,99 € au titre du contrat de commercialisation et de 252.807,66 € au titre du contrat d'assistance à maîtrise d'ouvrage.
Saisi de conclusions d'incident par M. [N] aux fins de voir déclarer l'action prescrite, par ordonnance du 10 mai 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Châteauroux a :
- Ecarté des débats les conclusions et pièces communiquées par M. [N] le 25 avril à 17h20,
- Déclaré irrecevables les demandes de la SARL Chenevières Invest ;
- Condamné la SARL Chenevières Invest aux dépens et à payer à M. [N] une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le juge de la mise en état a considéré que s'agissant d'une action en responsabilité, le point de départ de la precription de 5 ans était le jour de la réalisation du dommage ou celui de sa révélation à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance, et, s'agissant d'une action en nullité pour fraude, celui où la fraude a été ou aurait dû être découverte.
En l'espèce, il a jugé que la SARL Chenevières Invest avait eu connaissance du bilan prévisionel de la SCCV le 15 mars 2013, bilan prévisionnel qui faisait clairement état de charges de gestion et de commercialisation de 5 % et 6% des recettes, et que la prescription commençait à courir à cette date, que plus de 5 ans s'étaient écoulés entre cette date et l'assignation, rendant irrecevable l'action de la SARL Chenevières Invest.
Le juge de la mise en état a en outre dans les motifs de l'ordonnance, précisé qu'au surplus l'action était irrecevable 'pour défaut de qualité de M. [N] à défendre en justice puisque ce n'est pas lui à titre personnel,mais la SARL PNJ qui a passé ces conventions'.
Suivant déclaration d'appel du 3 mai 2022, la SARL Chenevières Invest a relevé appel de cette décision, en ce qu'elle a déclaré irrecevables ses demandes, et l'a condamnée aux dépens et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions signifiées par RPVA le 20 février 2023 , la SARL Chenevières Invest demande à la cour de :
- Infirmer l'ordonnance:
- Confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a écarté des débats les conclusions et pièces communiquées par Monsieur [U] [N] le 25 avril 2022 à 17 heures 20
Statuant à nouveau,
- Juger que l'action en responsabilité intentée à l'encontre de M [U] [N] en
sa qualité de gérant de la S.C.C.V. de la Résidence des Lacs de la Châtre n'est pas prescrite, le point de départ de la prescription étant le 29 août 2019 ;
- Juger que l'action en nullité sur le fondement du principe « fraus omnia corrompit » n'est pas prescrite, le point de départ de la prescription étant le 29 août 2019 ;
- Débouter M [U] [N] de l'intégralité de ses demandes et notamment de
sa demande de constatation de la prescription de l'action en responsabilité dirigée à son
encontre et de l'action en nullité ;
- Condamner M [U] [N] à payer la somme de 7.500 euros à la société
Chenevières Invest en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- Condamner M [U] [N] aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 20 février 2023, prises en son seul nom, M. [N] demande à la cour de :
- Confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré irrecevables les demandes de la Société CHENEVIERES INVEST agissant ut singuli pour la SCCV RESIDENCE DES LACS DE LA CHATRE.
- Juger prescrite l'action en responsabilité dirigée à l'encontre de M [U] [N], es qualité de gérant de la société civile de construction-vente de LA RESIDENCE DES LACS DE LA CHÂTRE
Conséquemment,
- Juger irrecevable l'action sociale ut singuli engagée par la SARL CHENEVIERES INVEST agissant pour le compte de la SCCV DE LA RESIDENCE DES LACS DE LA CHÂTRE, dirigée à l'encontre de M [U] [N] au titre de la convention d'assistance à la maîtrise d'ouvrage,
- Juger irrecevable l'action sociale ut singuli engagée par la SARL CHENEVIERES INVEST agissant pour le compte de la SCCV DE LA RESIDENCE DES LACS DE LA CHÂTRE, dirigée à l'encontre de M [U] [N] au titre de la convention de commercialisation,
- Juger prescrite l'action sociale ut singuli engagée par la SARL CHENEVIERES INVEST agissant pour le compte de la SCCV DE LA RESIDENCE DES LACS DE LA CHÂTRE en nullité des conventions d'Assistance Maître d'Ouvrage et de Commercialisation, et, conséquemment juger cette action irrecevable.
- Juger irrecevable l'action sociale ut singuli engagée par la SARL CHENEVIERES INVEST agissant pour le compte de la SCCV DE LA RESIDENCE DES LACS DE LA CHÂTRE en nullité des conventions d'assistance Maîtrise d'Ouvrage et Commercialisation à raison de l'absence à la procédure de la société PNJ PATRIMOINE, cocontractante.
- Condamner la SARL CHENEVIERES INVEST à verser à M [U] [N], la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
MOTIFS
Il y a lieu au préalable de préciser de l'appel ne porte pas sur la disposition écartant les conclusions et pièces de M. [N] du 25 avril 2022 et que les conclusions d'appelant en demandant la confirmation sont sans objet.
Sur le point de départ de la prescription :
En application de l'article 1304 ancien du code civil, applicable à la cause, s'agissant de l'action en nullité de contrats conclus en 2013, 'dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans'.
En vertu de l'article 2204 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En l'espèce, tant pour l'action en nullité que pour l'action en responsabilité pour faute du gérant de la SCCV, le point de départ se situé au moment où la société Chenevières Invest a pu ou aurait dû avoir connaissance des conventions des 7 et 13 janvier 2013, et partant de la faute du gérant.
L'action a été engagée par acte du 8 avril 2021. Le juge de la mise en état a fixé le point de départ de la prescription au 15 mars 2013, date du bilan prévisionnel prévoyant des frais de commercialisation et le coût de l'assistance à maîtrise d'ouvrage.
Sur la découverte de versements injustifiés opérés par M.[U] [N], en sa qualité de gérant de la SC.C.V. au profit de sa société PNJ Patrimoine, la SARL Chenevières Invest fait valoir :
- que le 4 décembre 2018, M [U] [N] transmettait par mail à la société Chenevières Invest, deux bilans prévisionnels relatifs à l'opération, l'un daté de 2017, et l'autre du 20 novembre 2018.
- qu'à la lecture de ce dernier bilan prévisionnel, la société Chenevières Invest découvrait la mention de frais de commercialisation à hauteur de 355.488 euros H.T., et de gestion à hauteur de 296.240 euros H.T., au profit de la société PNJ Patrimoine de [U] [N].
qu'elle demandait des explications par courrier du 1er février 2019 resté sans réponse .
- qu'en juillet 2019, la société Chenevières Invest était, pour la première fois depuis la
création de la société en 2013, convoquée par M [U] [N] à une assemblée
générale annuelle des associées de la S.C.C.V. devant se tenir le 29 juillet 2019.
- que le 22 juillet 2019, en l'absence de réponse de M [U] [N] aux questions posées sur la situation de la S.C.C.V. et de transmission des éléments nécessaires au vote des résolutions inscrites à l'ordre du jour de l'assemblée générale, la société Chenevières Invest demandait, par l'intermédiaire de son conseil, le report de l'assemblée générale en vue de « l'obtention préalable d'éléments lui permettant de se forger une opinion sur les perspectives de la société », précisant, par ailleurs, demeurer « dans l'ignorance totale de l'existence ou non de réels engagements signés par la SCCV concernant la commercialisation à venir ».
- que la société Chenevières Invest était, en conséquence, convoquée à une nouvelle assemblée générale le 4 septembre 2019.
- que M [U] [N] refusant, toujours, de transmettre les divers éléments sollicités, et la date de la nouvelle assemblée générale approchant, la société Chenevières Invest faisait valoir son droit d'information, prévu à l'article 1855 du Code Civil, et se rendait au siège social de la S.C.C.V. le 29 août 2019, en compagnie de son expert-comptable, afin de consulter les éléments dont elle réclamait la transmission depuis plusieurs mois.
- que c'est à cette occasion qu'elle découvrait, pour la première fois, l'existence d'une convention de commercialisation, mais également d'une convention d'assistance à maîtrise d'ouvrage, toutes deux prétendument conclues entre la S.C.C.V. et la société de Monsieur [U] [N] « PNJ Patrimoine », les 7 et 11 janvier 2013, et découvrait, en outre, de nombreuses factures émises au titre de ces deux conventions au profit de la société PNJ Patrimoine.
- que lors de l'assemblée générale annuelle du 4 septembre 2019, la société Chenevières Invest interrogeait, par la voie de son représentant M [V] [L], M [U] [N] sur la régularité des versements intervenus au profit de la société PNJ Patrimoine au titre des conventions litigieuses qu'elle venait de découvrir.
- que M. [N] est resté évasif, que la SARL Chenevières Invest a dû agir en référé le 7 novembre 2019 puis s'est rendu au siège social de la SCCV le 9 décembre 2019 pour prendre connaissance des pièces sociales et comptables, ce que M. [N] lui a refusé, et dû présenter une requête aux fins d'obtention de pièces par huissier, ce qui a eu lieu suivant constat d'huissier du 12 mars 2020.
- que c'est par conséquent la date à laquelle la société Chenevières Invest a pu prendre connaissance du contenu des conventions litigieuses, et donc de l'identité du bénéficiaire, qu'il convient de rechercher et de retenir comme point de départ du délai de prescription, soit le 29 août 2019.
M. [U] [N], intimé, réplique que la SARL Chenevières Invest aurait dû se rendre compte de l'existence des contrats dès la communication du budget prévisionnel en 2013 et que cette société savait depuis 2013 que M. [N] était chargé de la recherche du terrain et des entreprises et ne pouvait imaginer que ces missions fussent gratuites.
Il est constant que les conventions des 7 et 11 janvier 2013 sont conclues entre la SCCV et la société PNJ, qui ont toutes deux M. [N] comme gérant.
Si le bilan prévisionnel du 15 mars 2013 dont la société Chenevières Invest ne conteste pas avoir eu connaissance, mentionne au titre des prestations et honoraires, les postes ' gestion de l'opération AMO' rémunérée à 5 % et ' commercialisation' à 6%, il ne peut se déduire de ces seules mentions prévisionnelles, alors même que le terrain n'était pas encore acquis ni les 'acteurs' du projet définis, que des contrats auraient d'ores et déjà été conclus entre la SCCV et la société PNJ sur ces deux missions.
En effet, par courriel du 22 mai 2013, M. [L] propose à M. [N] un contact de commercialisateur, obtenu par une connaissance, ajoutant :' je vais demander à [B] le pourcentage qui est à mettre en face au cas où' puis un courriel du 3 mai 2014 de M. [L] à un tiers en ces termes ' on est preneur d'un contact pour la commercialisation de la Châtre et des autres résidences ( on en a 3 à suivre). Je te donne les coordonnées de M. [U] [N]'. Il en résulte que M. [L] et par conséquent sa société ignorait l'existence du contrat de commercialisation du 7 janvier 2013 puisqu'il était à la recherche d'un commercialisateur, encore en mai 2014.
De surcroît, les conventions litigieuses constituent des conventions réglementées soumises à l'article L 612-5 du code de commerce, M. [N] les qualifiant à tort de conventions usuelles, tant elles sont de nature à engager la SCCV, ainsi que l'avenir l'a démontré puisque les difficultés de la SCCV sont nées du règlement des factures de commercialisation et d'AMO par M. [N] de 2013 à 2019 ainsi qu'il résulte de la note sur les états financiers de la SCCV établie par la COGEP à la demande de l'appelante.
Dès lors, ces conventions, intervenues entre deux personnes morales ayant le même gérant, devaient être soumises à approbation lors d'une assemblée générale, ce qui aurait assuré l'information de la société Chenevières Invest.
Il n'est pas produit le procès-verbal de l'assemblé générale ordinaire relatif à l'exercice clos au 31 décembre 2013.
Dans le précédent exercice, clos au 31 décembre 2012, une convention réglementée avait été mentionnée au rapport spécial de gérance, consistant en l'octoi d'avances financières d'un montant total de 150 765 € par la société PNJ à la SCCV. Du fait de leur date, antérieure au 1er janvier 2013, ces avances sont sans aucun lien avec les contrats signés en janvier 2013 et avec les montants perçus par la société PNJ ultérieurement au titre de ces contrats, comme tente de le démontrer, vainement, M. [U] [N].
Il se déduit de l'absence de production du procès-verbal de l'assemblée générale relatif à l'exercice clos au 31 décembre 2013, et partant du rapport spécial de gérance qui aurait dû mentionner les deux contrats litigieux au titre des conventions réglementées conclues au cours de l'exercice, que la société Chenevières Invest n'a pas pu avoir connaissance desdits contrats.
Il est produit une pièce 11 de M. [N] (une seconde pièce portant également le n°11, s'agissant d' une attestation de Mme [M]-[C], inopérante en ce qu'elle ne date aucun fait) consistant en un courrier du 14 mai 2014 adressé par M. [L] à un établissement financier Bpifrance. A cette pièce est joint un exposé du projet qui mentionne en sa page 3 comme assitant maître d'ouvrage, la société PNJ. Or, le courrier ne fait nullement référence à une pièce jointe et ainsi que le fait valoir l'appelante, ce document n'a pas été joint à son courrier, le constat d'huissier établi à la demande de M. [N] lui-même attestant que seul le courrier adressé à la Bpifrance a été communiqué à la société Chenevières Invest par courriel du 14 mai 2014. A défaut d'être daté, le document en cause est inopérant à démontrer la connaissance de la qualité d'assistant maître d'ouvrage de la société PNJ.
M. [N] fait valoir que M. [L] a signé le procès-verbal d'assemblée générale du 6 mars 2015, approuvant les comptes de l'exercice clos au 31 décembre 2014, que la société Chenevières Invest ne pouvait donc ignorer, du fait de la production du bilan et des comptes de résultat qu'une somme de 100.000 €était portée dans ces derniers au titre des ' Achats Etudes Prestations Service' et que la facture établie par la société PNJ le 14 décembre 2014 était portée au Journal OD de l'exercice, que la société Chenevières Invest ne pouvait donc ignorer la convention d'assistance maître d'ouvrage.
Or, il ne se déduit pas de la seule mention d'une somme de 100 000 € dans le compte de résultat au titre des ' Etudes Prestations' - la preuve de la communication du Journal OD et de la facture à la société Chenevières Invest, pièces qui ne sont pas listées au titre de pièces communiquées aux associés aux termes du rapport de gérance, n'étant pas établie - que la société Chenevières Invest aurait dû avoir connaissance d'un contrat d'assistance à maîtrise d'ouvrage conclu entre la SCCV et la société PNJ.
M. [N] soutient en fin de page 19 et en page 20 de ses conclusions qu'il aurait été remis à la société Chenevières Invest 'le projet pour l'assemblée générale d'approbation des comptes pour l'exercice clos le 31 décembre 2015 comportant le rapport spécial de gérance rédigé en les termes suivants ( pièce 13)'. Suit la copie scannée du paragraphe ' Convention III- Prestations de services' précisant que le montant de ces prestations s'est élevé au 31 décembre 2015 à 122.500 € au titre des deux contrats des 7 et 11 janvier 2013 rappelés de manière distincte. Cependant, la cour constate que la pièce 13 correspond à l'attestation de Mme [M], (laquelle au surplus n'apporte rien aux débats), et que le 'projet de PV' n'est en réalité pas produit par M. [N] au nombre de ses pièces, ce qui met en doute son existence, et qu'au surplus, il n'est pas démontré qu'il aurait été porté à la connaissance de la société Chenevières Invest.
Par la suite, si le bilan prévisionnel de 2016 mentionne toujours les coûts prévisionnels des prestations de commercialisation et d'AMO, ce document n'établit pas la connaissance par la société Chenevières Invest de l'identité des prestataires retenus pour ces deux types de missions.
M. [N] soutient à tort qu'il appartenait à la société Chenevières Invest de se poser la question de l'identité des prestataires, alors qu'au contraire leur choix devait être décidé entre les deux sociétés associées de la SCCV et qu'à cette date, 2016, les travaux n'avaient pas encore commencé et ne l'ont été que fin 2019 ( facture de gros oeuvre en décembre 2019).
Ce n'est que dans le bilan prévisionnel 2018 qu'apparaît pour la première fois la mention de la société PNJ : ' Gestion de l'opération AMO ( PNJ)' et 'Commercialisation ( PNJ)', pièce qui provoque les demandes de copie des conventions passées entre les différents prestataires et la SCCV, par courrier recommandé du 1er février 2019 adressé par M. [L] à M. [N].
Les courriers de demande de pièces émanant du conseil de M. [L] suivis des procédures engagées au début de l'année 2020 démontrent l'ignorance dans laquelle la société Chenevières Invest avait été tenue antérieurement au bilan prévisionnel 2018.
Par conséquent, le point de départ de la prescription doit être fixé à la date de transmission du bilan prévisionnel du 20 novembre 2018, soit le 4 décembre 2018, date du courriel de transmission, selon les conclusions de l'appelante.
L'assignation ayant été délivrée dans les cinq ans suivant ce point de départ, les demandes de la société Chenevières Invest ne sont pas prescrites et l'ordonnance du juge de la mise en état sera dès lors infirmée.
Sur la demande de M. [U] [N] tendant à voir déclarer irrecevable la demande de la société Chenevières Invest en nullité des conventions d'assistance à maîtrise d'ouvrage et de commercialisation à raison de l'absence à la procédure de la société PNJ Patrimoine, co-contractante :
Aux termes de l'artice 32 du code de procédure civile , 'Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir'.
Ces dispositions imposent de rechercher la qualité du défendeur à être actionné par le demandeur. Constitue une fin de non recevoir le moyen qui tend à faire déclarer que le défendeur n'est pas la personne contre laquelle il fallait agir.
Cette fin de non recevoir peut être soulevée en tout état de cause en application de l'article 123 du code de procédure civile.
M. [N] soulève l'irrecevabilité de la demande de la société Chenevières Invest en nullité des deux conventions AMO et commercialisation au motif que la société PNJ contractante n'est pas dans la procédure.
La société Chenevières Invest demande à la cour d'infirmer l'ordonnance querellée en ce qu'elle a statué sur une prétention non énoncée au dispositif des conclusions d'incident de M. [N], lequel ne l'a présentée que devant la cour, et qu'il s'agit d'une demande nouvelle en appel.
Le juge de la mise en état a en effet surabondamment indiqué dans les motifs de l'ordonnance que la demande en nullité des conventions était irrecevable 'pour défaut de qualité de M. [N] à défendre en justice puisque ce n'est pas lui à titre personnel, mais la SARL PNJ qui a passé ces conventions'. Il s'agit d'une fin de non recevoir qui peut être soulevée en appel par M. [N], dès lors qu'elle peut l'être en tout état de cause, sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages et intérêts la partie qui se serait abstenue, dans une intention dilatoire, de la soulever plus tôt.
Les conventions litigieuses sont intervenues entre la SCCV et la SARL PNJ Patrimoine. Cette dernière devait donc être assignée en qualité de défenderesse à l'action en nullité des conventions (ce qui est encore possible, l'action n'étant pas prescrite).
En conséquence, il y a lieu de déclarer irrecevable l'action en nullité des conventions litigieuses dirigée à l'encontre de M. [N].
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
M. [N], succombant principalement, supportera les dépens de première instance et d'appel.
Il est équitable d'allouer à l'appelante une somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
- Infirme l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Châteauroux du 10 mai 2022,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- Déclare recevable l'action ut singuli engagée par la société Chenevières Invest à l'encontre de M. [N] en qualité de gérant de la SCCV Résidence des Lacs de La Châtre, le point de départ du délai de prescription étant fixé au 4 décembre 2018 ;
- Déclare irrecevable l'action en nullité des conventions des 7 et 11 janvier 2013 engagée par la société Chenevières Invest en ce qu'elle est dirigée à l'encontre de M. [N], demande qui doit être dirigée à l'encontre de la société PNJ Patrimoine ;
- Condamne M. [N] à verser à la société Chenevières Invest une somme de 5 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne M. [N] aux dépens de l'ordonnance d'incident et aux dépens d'appel.
L'arrêt a été signé par O. CLEMENT, Président et par Mme SERGEANT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,
V. SERGEANT O. CLEMENT