COPIE OFFICIEUSE
COPIE EXÉCUTOIRE
à : - SELAFA CHANTRIER AVOCATS
- Me ROUET-HEMERY
COPIE CERTIFIÉE CONFORME AUX PARTIES
LE : 09 MARS 2023
COUR D'APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
BAUX RURAUX
ARRÊT DU 09 MARS 2023
N° - Pages
N° RG 22/00011 - N° Portalis DBVD-V-B7G-DPJZ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de CHATEAUROUX en date du 28 Juin 2022
PARTIES EN CAUSE :
I - M. [Y] [E]
né le 26 Septembre 1972 à [Localité 19]
[Adresse 36]
[Adresse 36]
Représenté et plaidant par la SELAFA CHAINTRIER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
APPELANT suivant déclaration du 22/07/2022
INCIDEMMENT INTIMÉ
II - Mme [A] [W] VEUVE [E]
née le 31 Août 1931 à [Localité 35]
[Adresse 18]
[Adresse 18]
Représentée et plaidant par Me Marie-hélène ROUET-HEMERY, avocat au barreau de CHATEAUROUX
INTIMÉE
INCIDEMMENT APPELANTE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme CIABRINI, Conseillère chargée du rapport
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CLEMENT Présidente de Chambre,
M. PERINETTI Conseiller
Mme CIABRINI Conseillère
***************
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme SERGEANT
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ARRÊT : CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
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EXPOSE
Suivant acte authentique reçu le 14 mars 2018, M. [U] [E] et Mme [A] [W] épouse [E] ont consenti un bail d'une durée de 25 ans à compter du 28 août 2017 à leur fils, M. [Y] [E], portant sur un ensemble de parcelles situées sur le territoire des communes de [Localité 32], de [Localité 34] et de [Localité 20], cadastrées section [Cadastre 16], [Cadastre 1], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8],[Cadastre 9],[Cadastre 10],[Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 15], [Cadastre 2], [Cadastre 17], [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5], [Cadastre 42], [Cadastre 43],[Cadastre 11] et [Cadastre 14], [Cadastre 45], [Cadastre 37], [Cadastre 11] et [Cadastre 38], le tout pour 213 ha, 5 a et 19 ca.
M. [U] [E] est décédé le 2 mars 2019.
Suivant requête reçue au greffe le 5 août 2020, Mme [A] [E] a saisi le Tribunal paritaire des baux ruraux de Châteauroux aux fins de voir, en l'état de ses dernières demandes,
A titre principal,
' débouter M. [Y] [E] de sa demande tendant à la faire déclarer irrecevable en sa demande ;
' prononcer la résiliation du bail de 25 ans conclu le 14 mars 2018 portant sur les parcelles cadastrées section [Cadastre 16], [Cadastre 1], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8],[Cadastre 9],[Cadastre 10],[Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 15], [Cadastre 2], [Cadastre 17], [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5], [Cadastre 42], [Cadastre 43],[Cadastre 11] et [Cadastre 14], [Cadastre 45], [Cadastre 37], [Cadastre 11] et [Cadastre 38], le tout pour 213 ha, 5 a et 19 ca ;
' ordonner l'expulsion de M. [Y] [E] et de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique et d'un serrurier si besoin était ;
' assortir cette expulsion d'une astreinte de [Cadastre 8] euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir ;
' condamner M. [Y] [E] au paiement de cette astreinte ;
' condamner M. [Y] [E] à lui payer une indemnité d'occupation mensuelle égale à 3.000 euros à compter de la résiliation du bail jusqu'à complète libération des lieux ;
' condamner M. [Y] [E], en application de l'article L415-3 du code rural et de la pêche maritime, à lui rembourser 20 % des taxes foncières sur les propriétés bâties qui lui étaient louées, outre 50 % de la taxe de la chambre d'agriculture afférente à l'ensemble des biens loués depuis 2018 (ces demandes ayant toutefois été abandonnées lors de l'audience devant le tribunal) ;
' condamner M. [Y] [E] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' condamner M. [Y] [E] aux dépens ;
' dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;
A titre subsidiaire,
' entendre préalablement M. [X] [V] ;
' fixer le montant du fermage des parcelles et bâtiments loués à la somme de 31.987,96 euros annuelle ;
' condamner M. [Y] [E] au versement de la somme de 31.987,96 euros sur deniers et quittances à compter du 28 août 2019 ;
' se réserver toute compétence en cas de difficultés d'exécution de la décision à intervenir ;
' condamner M. [Y] [E] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' condamner M. [Y] [E] aux dépens ;
' dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;
En tout état de cause et avant-dire droit,
' ordonner une mesure d'expertise avec mission pour l'expert de
*prendre connaissance de tous documents utiles à la procédure, au besoin en sollicitant les parties qui auront l'obligation de remettre les documents demandés dans les plus brefs délais,
*se rendre sur les lieux en présence des parties, de leurs conseils et de toute personne dont il estimerait la présence nécessaire,
*constater l'ensemble des dégradations, défauts d'exploitation et d'entretien des biens loués, la capacité d'hébergement des animaux et matériels, l'état des parcelles, les points d'eau, les possibilités d'irrigation, les possibilités de mécanisation, l'accessibilité, l'état des clôtures et haies,
*chiffrer la valeur vénale des terres (libres et affermées),
*chiffrer par référence aux dispositifs légaux et préfectoraux alors en vigueur une valeur locative, portant application de la majoration applicable aux baux de 25 ans au jour de la conclusion du bail,
*déterminer le montant du fermage à devoir par M. [Y] [E], le tout en ventilant entre parcelles bâties et non-bâties,
*chiffrer le prorata de taxe foncière dont le fermier devait remboursement au preneur depuis l'entrée en jouissance,
*proposer un compte entre les parties en répertoriant notamment tous les paiements effectués depuis l'entrée en jouissance.
En réplique, M. [Y] [E] a demandé au tribunal de :
A titre principal,
' déclarer Mme [A] [E] irrecevable en son action ;
A titre subsidiaire,
' débouter Mme [A] [E] de l'ensemble de ses demandes, y compris au titre de l'exécution provisoire ;
En tout état de cause,
' condamner Mme [A] [E] à remédier à l'ensemble des points listés par les constats de Maître [D] [H], de telle sorte qu'il bénéficie d'un libre accès à l'ensemble des parcelles et bâtiments donnés à bail ' ces parcelles et bâtiments devant en outre être remis, lorsque nécessaire, en bon état ' et aux chemins permettant d'y accéder ;
' condamner Mme [A] [E] à déférer à sa condamnation dans les 15 jours à compter du jugement à intervenir et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard dont le tribunal se réserverait la liquidation ;
' prendre acte de ce que Mme [A] [E] allait justifier des sommes concernées par l'exonération de taxe foncière depuis la prise d'effet du bail ;
' condamner Mme [A] [E] à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' condamner Mme [A] [E] aux dépens ;
' maintenir l'exécution provisoire du jugement à intervenir.
Par jugement contradictoire du 28 juin 2022, le Tribunal paritaire des baux ruraux de Châteauroux a :
' déclaré recevables les actions engagées par Mme [A] [E] à l'encontre de M. [Y] [E] tendant, à titre principal, à la résiliation du bail et, à titre subsidiaire, à la révision du fermage ;
' rejeté la demande formée par Mme [A] [E] tendant à la résiliation du bail du 14 mars 2018 consenti à M. [Y] [E] ;
' fixé le montant du fermage des parcelles et bâtiments donnés à bail par Mme [A] [E] à M. [Y] [E] à la somme annuelle de 31.987,96 euros ;
' condamné M. [Y] [E] au paiement de ce fermage en deniers et quittances à compter du 28 août 2019 ;
' rejeté la demande formée par Mme [A] [E] tendant à l'organisation d'une expertise ;
' débouté M. [Y] [E] de sa demande reconventionnelle ;
' condamné M. [Y] [E] à payer à Mme [A] [E] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' laissé à la charge de M. [Y] [E] les frais exposés par lui sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
' condamné M. [Y] [E] aux dépens ;
' dit n'y avoir lieu à ce que l'exécution provisoire du jugement soit écartée ;
' rejeté toutes demandes plus amples ou contraires.
Le Tribunal a notamment retenu que Mme [A] [E] était usufruitière des biens donnés à bail à M. [Y] [E], qu'elle pouvait à ce titre agir en résiliation du bail et en révision du fermage, ces actions constituant un acte d'administration relevant de l'exploitation normale des biens, que plusieurs arbres avaient été abattus sans qu'il soit justifié qu'ils aient été affectés d'une maladie ni que l'autorisation de la bailleresse à cette fin ait été obtenue, en violation des stipulations du contrat de bail, que ce manquement à ses obligations de preneur à bail par M. [Y] [E] ne constituait pas un motif de résiliation du bail de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, que le fermage stipulé au bail était inférieur de 10 % au moins à la valeur du fermage déterminée par l'expert, qu'aucun élément ne justifiait l'organisation d'une expertise judiciaire, et que la demande présentée par M. [Y] [E] tendant à ce qu'il soit remédié à l'ensemble des points listés par les constats de Maître [H] était trop générale pour être exécutable, l'intéressé ne sollicitant l'exécution précise d'aucuns travaux.
M. [Y] [E] a interjeté appel de cette décision par déclaration reçue au greffe le 12 août 2022.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 24 octobre 2022, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens il développe, M. [Y] [E] demande à la Cour de :
À titre principal :
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré Mme [A] [E] recevable en son action
- Déclarer Mme [A] [E] irrecevable en son action ;
Subsidiairement :
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [A] [E] de sa demande de résiliation du bail ;
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le montant du fermage à la somme annuelle de 31.987,96 euros et condamné M. [Y] [E] au paiement de ce fermage en deniers et quittances à compter du 28 août 2019 ;
- Juger qu'il n'y a pas lieu à révision du fermage ;
- Condamner Mme [A] [E] à rembourser à M. [Y] [E] la somme de 21.897,96 euros correspondant à la différence entre le fermage payé le 9 septembre 2022 en exécution du jugement entrepris et le fermage prévu par le bail ;
- Débouter Mme [A] [E] de ses demandes formées en ce sens ;
En tout état de cause :
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [Y] [E] de sa demande reconventionnelle ;
- Condamner Mme [A] [E] à :
- Garantir à M. [Y] [E] la jouissance du chemin d'accès principal, depuis la route départementale RD49, au domaine de [Localité 33], barré par un portail métallique, alors même que le facteur dispose d'une télécommande en permettant l'ouverture ;
- Garantir à M. [Y] [E] la jouissance de différents bâtiments, parties de bâtiments ou cours qui sont, soit encombrés de véhicules ou déchets divers appartenant à Mme [A] [E], soit fermés par des serrures ou cadenas dont la clef n'a pas été remise à M. [Y] [E] ;
- Reprendre les fissures affectant les linteaux des fenêtres du bâtiment situé en face du
chenil ;
- Débarrasser les parcelles données à bail à M. [Y] [E] des troncs et branchages provenant de parcelles voisines lui appartenant ;
- Débarrasser et laisser libre accès à l'intégralité du bâtiment 1 du domaine de [Localité 33] ;
- Débarrasser et laisser libre accès à l'intégralité du bâtiment 2 du domaine de [Localité 33] ;
- Débarrasser et laisser libre accès à l'intégralité du bâtiment 3 du domaine de [Localité 33] ;
- Remettre en état le bâtiment 4 du domaine de [Localité 33] ;
- Débarrasser et laisser libre accès à l'intégralité du bâtiment 5 du domaine de [Localité 33] ;
- Débarrasser et laisser libre accès à l'intégralité du bâtiment 6 du domaine de [Localité 33] ;
- Débarrasser et laisser libre accès à l'intégralité du bâtiment 7 du domaine de [Localité 33] ;
- Débarrasser et laisser libre accès à l'intégralité du bâtiment 8 du domaine de [Localité 33] ;
- Débarrasser et laisser libre accès à l'intégralité du bâtiment 9 du domaine de [Localité 33] ;
- Remettre en état l'ensemble des toitures du domaine de [Localité 33], selon devis d'intervention de la SARL GUILLOT ;
- Débarrasser et laisser libre accès à l'intégralité du bâtiment 1 du [Localité 25] ;
- Débarrasser et laisser libre accès à l'intégralité du bâtiment 2 du [Localité 25] ;
- Débarrasser et laisser libre accès à l'intégralité du bâtiment 3 du [Localité 25] ;
- Remettre en état le bâtiment 4 du [Localité 25] ;
- Débarrasser et laisser libre accès à l'intégralité du bâtiment 5 du [Localité 25] ;
- Condamner Mme [A] [E] à déférer à cette condamnation dans les quinze jours de la décision à intervenir, et l'assortir d'une astreinte de 100 euros par jours de retard dont la Cour se réservera la liquidation ;
- Condamner Mme [A] [E] à justifier auprès de M. [Y] [E] des sommes concernées par l'exonération de taxe foncière depuis la prise d'effet du bail ;
- Condamner Mme [A] [E] à payer à M. [Y] [E] une somme équivalant au total des sommes concernées, depuis la prise d'effet du bail, par l'exonération de taxe foncière ;
- Infirmer le jugement entrepris en qu'il a condamné M. [Y] [E] à payer 2.500 euros à Mme [A] [E] au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner Mme [A] [E] à payer à M. [Y] [E] 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Infirmer le jugement entrepris en qu'il a condamné M. [Y] [E] aux dépens ;
- Condamner Mme [A] [E] aux dépens de première instance et d'appel.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 12 décembre 2022, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'elle développe, Mme [A] [E] demande à la Cour de :
' confirmer le jugement rendu par le Tribunal paritaire des baux ruraux de Châteauroux du 28 juin 2022 (RG 22/00008) en ce qu'il a :
*déclaré recevables les actions engagées par Mme [A] [E] à l'encontre de M. [Y] [E] tendant à titre principal à la résiliation du bail et à titre subsidiaire à la révision du fermage ;
*fixé le montant du fermage des parcelles et bâtiments donnés à bail par Mme [A] [E] à la somme de 31.987,96 euros ;
*condamné M. [Y] [E] au paiement de ce fermage en deniers et quittances à compter du 28 août 2019 ;
*débouté M. [Y] [E] de sa demande reconventionnelle ;
*condamné M. [Y] [E] au paiement d'une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
*laissé M. [Y] [E] la charge de ses frais de défense et l'a condamné aux dépens.
' Infirmer le jugement rendu par le Tribunal paritaire des baux ruraux de Châteauroux du 28 juin 2022 (RG 22/00008) en ce qu'il a rejeté la demande de résiliation du bail de Mme [A] [E].
' Prononcer en conséquence la résiliation du bail de 25 ans en date du 14 mars 2018 portant sur diverses parcelles et bâtiments, commune de [Localité 32], [Localité 34] et [Localité 20],
le tout cadastré comme suit :
[Localité 32] [Cadastre 16] [Localité 33] 8,3800
[Localité 32] [Cadastre 1] [Localité 33] 38,2230
[Localité 32] [Cadastre 6] [Localité 33] 1,3395
[Localité 32] [Cadastre 7] [Localité 33] 4,6245
[Localité 32] [Cadastre 8] [Localité 24] 1,4560
[Localité 32] [Cadastre 9] [Localité 30] 6,7770
[Localité 32] [Cadastre 10] [Localité 26] 0,7210
[Localité 32] [Cadastre 12] [Localité 33] 2,3803
[Localité 32] [Cadastre 13] [Localité 33] 0,9271
[Localité 32] [Cadastre 39] [Localité 31] 0,1755
[Localité 32] [Cadastre 40] [Localité 24] 18,7293
[Localité 32] [Cadastre 41] [Localité 24] 0,4277
[Localité 32] [Cadastre 43] [Localité 28] 0,6108
[Localité 32] [Cadastre 44] [Localité 28] 1,3000
[Localité 32] [Cadastre 14] [Localité 28] 43,0778
[Localité 32] [Cadastre 45] [Localité 27] 1,7041
[Localité 34] [Cadastre 37] [Localité 29] 13,0933
[Localité 20] [Cadastre 15] [Localité 25] 0,8950
[Localité 20] [Cadastre 2] [Localité 23] 42,9657
[Localité 20] [Cadastre 17] [Localité 23] 2,3052
[Localité 20] [Cadastre 3] [Localité 25] 1,0178
[Localité 20] [Cadastre 4] [Localité 22] 0,0144
[Localité 20] [Cadastre 5] [Localité 22] 0,0109
[Localité 20] [Cadastre 11] [Localité 21] 19,3694
[Localité 20] [Cadastre 38] [Localité 25] 2,5266
total 213 ha, 5 a, 19 ca
'Ordonner l'expulsion des parcelles sus-évoquées.
' Dire et juger en conséquence que M. [Y] [E] ainsi que tout occupant de son chef sera expulsé dans les délais de la loi et ce avec le concours de la force publique et d'un serrurier si besoin est.
' Dire et juger que cette condamnation sera assortie d'une astreinte de [Cadastre 8] euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification à intervenir.
' Condamner M. [Y] [E] au paiement de cette astreinte.
'Condamner M. [Y] [E] à payer à Mme [A] [E] une indemnité d'occupation mensuelle égale de 3.000 euros à compter de la résiliation du bail jusqu'à la libération complète des lieux.
'Infirmer le jugement rendu par le Tribunal paritaire des baux ruraux de Châteauroux du 28 juin 2022 (RG 22/00008) en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [A] [E] de désignation d'un expert aux fins de chiffrer les préjudices subis par la bailleresse et notamment le coût de remise en état et de replantage à l'identique des arbres abattus par M. [Y] [E].
Pour le surplus,
'Débouter M. [Y] [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions.
'Condamner M. [Y] [E] au paiement d'une indemnité de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.
À titre subsidiaire (si la cour l'estimait nécessaire) :
'ordonner avant dire droit une mesure d'expertise et désigner tout expert judiciaire qu'il plaira à votre juridiction avec pour mission de :
*chiffrer par référence aux dispositifs légaux et préfectoraux alors en vigueur, une valeur locative, portant application de la majoration applicable aux baux de 25 ans, au jour de la conclusion du bail ;
*déterminer le montant du fermage à devoir par M. [Y] [E], le tout en ventilant entre parcelles bâties et non bâties ;
*chiffrer le prorata de taxe foncière dans le fermier doit remboursement au preneur depuis l'entrée en jouissance ;
*proposer un compte entre les parties en répertoriant notamment tous les paiements effectués depuis l'entrée en jouissance.
L'affaire a été fixée à bref délai pour être plaidée à l'audience du 10 janvier 2023.
MOTIFS
A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes tendant simplement à voir « dire et juger », « rappeler » ou « constater » ne constituent pas des demandes en justice visant à ce qu'il soit tranché un point litigieux mais des moyens, de sorte que la cour n'y répondra pas dans le dispositif du présent arrêt. Il en va de même de la demande de « donner acte », qui est dépourvue de toute portée juridique et ne constitue pas une demande en justice.
Sur la recevabilité de l'action engagée par Mme [A] [E] :
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
En l'espèce, M. [Y] [E] soulève diverses fins de non-recevoir à l'encontre de l'action en résiliation de bail et, subsidiairement, en révision du fermage engagée par Mme [A] [E].
Il rappelle tout d'abord les dispositions de l'article 815-3 du code civil, qui exige le consentement de tous les indivisaires pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés en son 3° (vente de meubles indivis pour payer les charges et dettes de l'indivision), pour estimer que l'action en résiliation du bail initiée par Mme [A] [E] serait irrecevable faute d'avoir recueilli le consentement de M. [Y] [E] et de ses soeurs à cette fin.
Toutefois, il est constant qu'il n'existe aucune indivision entre l'usufruitier et le nu-propriétaire, qui n'exercent pas sur le même bien des droits de même nature (voir notamment en ce sens Cass. Civ. 1ère, 11 février 1997, n°95-10.672).
Par l'effet du régime matrimonial de communauté universelle choisi par les époux [E], Mme [A] [E] se trouve usufruitière, depuis le décès de son mari, de la totalité des biens qui dépendaient de la communauté, en ce compris les biens immobiliers affermés à M. [Y] [E]. Le règlement en cours de la succession de [U] [E] est donc sans effet sur le présent litige, l'indivision n'affectant pas les droits de l'usufruitière en ce qu'elle ne concerne en l'état que la nue-propriété des biens.
Si les dispositions de l'article 595 du code civil interdisent à l'usufruitier de donner à bail, sans le concours du nu-propriétaire, un fonds rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal, il n'en va pas de même de l'exercice de l'action en résiliation d'un tel bail, qui constitue un acte d'administration pouvant être poursuivi par l'usufruitier seul (voir notamment en ce sens Cass. Civ. 3e, 4 mai 1976, n°74-13.538) et relevant de l'exploitation normale du bien.
L'exercice de l'action en révision du montant du fermage obéit au même raisonnement.
Mme [A] [E] a ainsi pu valablement engager une action en résiliation du bail à ferme conclu avec M. [Y] [E] et en révision du fermage, en sa qualité d'usufruitière qui lui en ouvrait l'exercice.
Par ailleurs, l'article L411-13 du code rural et de la pêche maritime énonce que le preneur ou le bailleur qui, lors de la conclusion du bail, a contracté à un prix supérieur ou inférieur d'au moins un dixième à la valeur locative de la catégorie du bien particulier donné à bail, peut, au cours de la troisième année de jouissance, et une seule fois pour chaque bail, saisir le tribunal paritaire qui fixe, pour la période du bail restant à courir à partir de la demande, le prix normal du fermage selon les modalités ci-dessus.
La faculté de révision prévue à l'alinéa précédent vaut pour la troisième année du premier bail, comme pour la troisième année de chacun des baux renouvelés.
En l'espèce, M. [Y] [E] estime que le fait que la requête initiale de Mme [A] [E] se soit notamment appuyée sur un rapport d'expertise privée réalisé sur la base de l'arrêté préfectoral du 30 septembre 2019 relatif aux variations de fermage pour les baux conclus entre le 1er octobre 2019 et le 30 septembre 2020 rendrait l'action de l'intimée irrecevable.
Il doit néanmoins être observé que la pertinence des pièces produites par le bailleur à l'appui de sa requête constitue un élément d'appréciation du bien-fondé de ses demandes, mais nullement une cause d'irrecevabilité, étant par ailleurs rappelé que Mme [A] [E] a introduit sa requête le 5 août 2020, soit dans la troisième année de jouissance du bail qui a pris effet au 28 août 2017, conformément aux dispositions légales précitées.
Il y a lieu en conséquence de rejeter l'ensemble des fins de non-recevoir soulevées par M. [Y] [E] et de déclarer recevable l'action engagée à son encontre par Mme [A] [E], ainsi que l'a fait le tribunal.
Sur la demande principale en résiliation du bail présentée par Mme [A] [E] :
Les articles 1103 et 1104 du code civil posent pour principe que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
L'article L411-31 du code rural et de la pêche maritime dispose que :
I.-Sauf dispositions législatives particulières, nonobstant toute clause contraire et sous réserve des dispositions des articles L. 411-32 et L. 411-34, le bailleur ne peut demander la résiliation du bail que s'il justifie de l'un des motifs suivants :
1° Deux défauts de paiement de fermage ou de la part de produits revenant au bailleur ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance. Cette mise en demeure devra, à peine de nullité, rappeler les termes de la présente disposition ;
2° Des agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, notamment le fait qu'il ne dispose pas de la main-d'oeuvre nécessaire aux besoins de l'exploitation ;
3° Le non-respect par le preneur des clauses mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 411-27.
Les motifs mentionnés ci-dessus ne peuvent être invoqués en cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes.
II.-Le bailleur peut également demander la résiliation du bail s'il justifie d'un des motifs suivants :
1° Toute contravention aux dispositions de l'article L. 411-35 ;
2° Toute contravention aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 411-38 ;
3° Toute contravention aux obligations dont le preneur est tenu en application des articles L. 411-37, L. 411-39, L. 411-39-1 si elle est de nature à porter préjudice au bailleur ;
4° Le non-respect par l'exploitant des conditions définies par l'autorité compétente pour l'attribution des biens de section en application de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales.
Dans les cas prévus aux 1° et 2° du présent II, le propriétaire a le droit de rentrer en jouissance et le preneur est condamné aux dommages-intérêts résultant de l'inexécution du bail.
En l'espèce, le bail authentique conclu entre les parties impose au preneur de jouir des immeubles loués à l'exemple d'un bon professionnel, soucieux d'une gestion durable, raisonnablement et comme un agriculteur soigneux et actif, sans commettre ni souffrir qu'il y soit fait des dégâts ou des dégradations.
Il l'autorise par ailleurs à utiliser les chemins et voies d'accès appartenant au bailleur pour accéder au bien loué, tout en lui faisant obligation de les entretenir en bon état d'usage et de viabilité avec toutes les cours et tous les chemins privés des biens loués.
Ce contrat interdit en outre au preneur de supprimer, mutiler ou étêter les arbres et plants se trouvant sur la propriété.
Il ressort du procès-verbal de constat établi le 4 juin 2020 par Me [F], huissier de justice, qu'il a été procédé depuis son précédent déplacement sur les lieux, le 23 avril 2020, à l'abattage de plusieurs arbres de diamètre important, qui se situaient le long de la seconde cour des communs, sur les parcelles affermées à M. [Y] [E].
Ce procès-verbal ne permet pas de caractériser que l'abattage de ces arbres, dont l'huissier précise qu'ils étaient au nombre de quinze, soit de nature à compromettre l'exploitation du fonds tel qu'il a été loué, contrairement à ce que soutient Mme [A] [E]. Il n'est pas davantage démontré que cet abattage procède, ainsi qu'elle l'affirme, de la seule intention de lui nuire.
M. [Y] [E] assure avoir procédé à la suppression de ces arbres en raison de leur contamination par la 'maladie de la cîme', sans fournir d'éléments probants sur ce plan, les seules photographies communiquées par ses soins étant insuffisantes à établir qu'ils aient été affectés par cette maladie. À défaut d'une telle démonstration, il est incontestable que cet abattage a été réalisé en violation des obligations ci-dessus rappelées qui incombaient à M. [Y] [E] en sa qualité de preneur. En revanche, le nombre relativement réduit d'arbres, leur implantation et le défaut de caractérisation par Mme [A] [E] de la compromission, du fait de leur abattage, de la bonne exploitation du fonds ne permet pas de retenir à l'encontre de M. [Y] [E] de manquement suffisamment grave à ses obligations contractuelles pour justifier la résiliation du bail.
Le même procès-verbal laisse par ailleurs apparaître que M. [Y] [E] a déplacé plusieurs véhicules et matériels automobiles, hippomobiles et agricoles sur la propriété de Mme [A] [E], au-delà des limites des biens pris à bail, ainsi que sur les chemins. L'huissier a relevé la présence au sol de divers objets (pneus, phares...).
Par ordonnance en date du 2 septembre 2020, le juge des référés du Tribunal judiciaire de Châteauroux a ordonné la remise des véhicules et matériels placés sur la propriété de Mme [A] [E] dans les bâtiments dans lesquels ils se trouvaient lors de la conclusion du bail rural, situés sur les biens affermés.
Ainsi que l'a à juste titre observé le tribunal, ce litige ne concerne pas la bonne exploitation du fonds donné à bail, aucune pièce produite par Mme [A] [E] n'établissant que ces déplacements de véhicules aient pu compromettre les activités agricoles du preneur ou la pérennité du fonds loué, dont le défaut d'entretien n'est pas démontré.
L'implantation par M. [Y] [E] d'une boîte aux lettres à côté d'un chemin privatif, sur une parcelle qui ne lui est pas louée, appelle les mêmes observations, de même que les agissements menaçants, violents ou malveillants que lui reproche la bailleresse, sans que la réalité de ceux-ci ne soit démontrée. Les premiers juges ont avec pertinence rappelé que la mésentente entre les parties ne constituait pas une cause de résiliation du bail.
Mme [A] [E] affirme en outre que la faculté accordée à M. [Y] [E] d'user des chemins privatifs du bailleur 'ne s'entend que dans l'hypothèse où le preneur ne disposerait pas d'autres accès, et où un tel usage serait indispensable à l'exploitation de son fonds'.
Pour autant, aucune limitation de cette sorte ne peut se déduire de l'examen de la clause stipulée entre les parties et ci-dessus rappelée.
L'usage par M. [Y] [E] des chemins et voies d'accès appartenant à la bailleresse s'effectue ainsi en simple exécution des dispositions contractuelles tenant lieu de loi aux parties.
En considération de l'ensemble de ces éléments, il convient de rejeter la demande de résiliation du bail présentée par Mme [A] [E] et la demande d'expulsion sous astreinte qui en découle, ainsi que la demande d'expertise aux fins de chiffrage des préjudices subis par la bailleresse du fait de l'abattage des arbres.
Sur la demande de révision du fermage formée par Mme [A] [E] :
L'article L411-13 du code rural et de la pêche maritime énonce que le preneur ou le bailleur qui, lors de la conclusion du bail, a contracté à un prix supérieur ou inférieur d'au moins un dixième à la valeur locative de la catégorie du bien particulier donné à bail, peut, au cours de la troisième année de jouissance, et une seule fois pour chaque bail, saisir le tribunal paritaire qui fixe, pour la période du bail restant à courir à partir de la demande, le prix normal du fermage selon les modalités ci-dessus.
La faculté de révision prévue à l'alinéa précédent vaut pour la troisième année du premier bail, comme pour la troisième année de chacun des baux renouvelés.
Au soutien de sa demande de révision du montant du fermage, contractuellement fixé à hauteur de 10.000 euros par an, Mme [A] [E] produit un rapport d'estimation de valeur locative établi par M. [V], expert foncier, par référence à l'arrêté préfectoral n°36-2019-09-30-002 du 30 septembre 2019 fixant les valeurs servant de base au calcul des fermages pour les baux nouveaux ou à renouveler conclus entre le 1er octobre 2019 et le 30 septembre 2020.
Elle verse également aux débats un courrier du même expert indiquant qu'il avait à tort supposé que sa mission portait sur l'estimation de la valeur au moment de la demande et non au moment de la prise d'effet du bail, et reconnaissant qu'il aurait dû dans cette dernière hypothèse réaliser son chiffrage en utilisant l'arrêté n°2016-3009-DDT/35 du 30 septembre 2016. M. [V] a de ce fait fourni une nouvelle estimation retenant
- une superficie réellement exploitable de terres nues (inchangée au regard de son rapport initial) de 192,7275 hectares,
- une note moyenne des parcelles (inchangée) de 104,5627,
- une valeur locative des parcelles à hauteur de 24.525,11 euros,
- une valeur locative des bâtiments de la propriété à hauteur de 1.587,51 euros, prenant en compte l'ancienneté, l'état, la fonctionnalité et les aménagements de chaque bâtiment d'exploitation, et après exclusion des bâtiments n'ayant pas d'usage ni d'intérêt pour l'activité agricole (soit sept bâtiments sur le site de [Localité 33] et deux bâtiments sur celui de [Localité 25]),
- une valeur locative totale (terres et bâtiments), après application du coefficient de pondération relatif aux baux de 25 ans, de 31.987,96 euros.
Ces éléments de valorisation ont été communiqués à M. [Y] [E] et débattus dans le cadre des écritures respectives des parties.
La détermination de la supériorité ou de l'infériorité d'un dixième du prix convenu doit s'effectuer au regard de la 'valeur locative de la catégorie du bien particulier donné à bail', selon le texte précité.
Cette valeur ne peut s'entendre qu'au regard des catégorisations des terres et bâtiments fixées par les arrêtés préfectoraux applicables, qui sont retracées en l'occurrence dans l'arrêté n°2016-3009-DDT/35 du 30 septembre 2016
- concernant les terres nues, à l'item 'valeurs monétaires du point', qui permet de prendre en considération les qualités propres à chaque parcelle,
- concernant les bâtiments, sur la base d'un critère d'ancienneté (bâtiments de moins ou plus de 20 ans).
La note moyenne affectée par l'expert à l'ensemble formé par les ilôts de terres qu'il a constitués, pondérée au prorata de la surface totale, et non contestée par M. [Y] [E], est 104,5627.
Aux termes de l'arrêté préfectoral précité, 'les valeurs monétaires du point sont fixées comme suit :
- 36 à 80 1,026 euros
- 91 à 100 1,152 euros
- 101 à 130 1,217 euros'.
Il s'en déduit que les terres données à bail à M. [Y] [E] se situent dans la tranche supérieure de ces valeurs monétaires. Il s'agit là de la 'catégorie' devant servir de base à l'estimation de la valeur locative des biens affermés qui ne se détermine pas, ainsi que le soutient M. [Y] [E], par seule référence aux minima et maxima fixés par l'arrêté préfectoral en cause pour la valeur locative des terres nues, sans prise en considération des caractéristiques réelles des biens concernés.
La valeur locative à l'hectare pour des terres de cette catégorie est donc bien de 127,2528 euros, ainsi que l'a estimé l'expert.
Après application de cette valeur à la surface des terres litigieuses et du coefficient de pondération prévu par l'arrêté préfectoral pour les baux de 25 ans, le montant du fermage peut valablement être évalué à hauteur de 30.043,26 euros, ainsi que le propose M. [V].
Les bâtiments d'exploitation compris dans le bail ne peuvent être valorisés à hauteur de zéro, ainsi que le suggère M. [Y] [E], leur ancienneté (déterminant la valeur monétaire du point retenue), leur état et leur utilité ayant bien été pris en considération par l'expert, qui a écarté de son analyse les bâtiments qui ne pouvaient présenter aucune utilité à l'exploitation agricole de l'intéressé.
Là encore, le calcul réalisé par l'expert inclut la surface des bâtiments concernés et l'application d'un coefficient de pondération pour parvenir à une valeur locative des bâtiments de 1.944,70 euros.
Le fait que certains de ces bâtiments soient encombrés par divers biens (véhicules et matériels agricoles) supposés appartenir aux bailleurs initiaux est sans emport, dès lors qu'il revenait à M. [Y] [E] d'exiger leur évacuation avant son entrée en jouissance du bail s'il n'entendait pas se voir opposer son acceptation en l'état de ces biens.
La valeur locative de l'ensemble des biens donnés à bail par Mme [A] [E] à M. [Y] [E] peut ainsi être justement estimée à hauteur de 31.987,96 euros.
Dès lors, il ne peut qu'être constaté que le fermage stipulé au bail, d'un montant annuel de 10.000 euros, est bien inférieur de 10 % au moins à la valeur locative des biens ainsi déterminée.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a fixé le montant du fermage des parcelles et bâtiments donnés à bail par Mme [A] [E] à M. [Y] [E] à la somme annuelle de 31.987,96 euros et condamné celui-ci au paiement de ce fermage en deniers et quittances.
En revanche, il est admis que le nouveau fermage doit être établi depuis la date de la demande en révision formée par la bailleresse (voir notamment en ce sens Cass. Civ. 3e, 19 mars 1997, n°95-12.261).
Le jugement entrepris sera ainsi partiellement infirmé en ce qu'il a retenu la date du 28 août 2019, et M. [Y] [E] sera condamné au paiement du fermage fixé en deniers ou quittances à compter du 5 août 2020.
Sur les demandes reconventionnelles présentées par M. [Y] [E] :
Les articles 1103 et 1104 du code civil posent pour principe que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
M. [Y] [E] fait grief à Mme [A] [E] de le priver de l'usage du chemin d'accès principal au domaine de [Localité 33] depuis la route D49 par la mise en oeuvre d'un portail métallique qu'il ne pourrait ouvrir.
Le procès-verbal de constat établi le 23 avril 2020 par Me [F], huissier de justice, démontre néanmoins que ce portail métallique ne comporte ni cadenas, ni chaîne, et que ses deux vanteaux se manoeuvrent par deux verrous à queue et se solidarisent par un verrou vertevelle.
Dans ces conditions, M. [Y] [E] sera débouté de sa demande tendant à voir condamner Mme [A] [E] à lui garantir la jouissance du chemin d'accès principal depuis la route départementale RD49 au domaine de [Localité 33].
M. [Y] [E] demande ensuite à voir condamner Mme [A] [E] à lui garantir la jouissance de différents bâtiments, parties de bâtiments ou cours qui sont, soit encombrés de véhicules ou déchets divers appartenant à Mme [A] [E], soit fermés par des serrures ou cadenas dont la clef n'a pas été remise à M. [Y] [E].
Il n'est tout d'abord pas établi que les biens meubles litigieux appartiennent en propre à Mme [A] [E].
L'inventaire après décès notarié, établi le 13 septembre 2019 par Me [R], mentionne néanmoins que les objets inventoriés sont demeurés du consentement de toutes les parties en la garde et la possession de Mme [A] [E] et M. [Y] [E]. Les matériels agricoles et véhicules litigieux figurent à cet inventaire, réalisé en présence de M. [Y] [E], et sont la propriété de l'indivision successorale.
En outre, le contrat de bail notarié du 14 mars 2018 mentionne que le preneur déclare parfaitement connaître, pour les avoir visités, les biens immobiliers affermés. Au vu de leur état d'après les photographies annexées aux différents constats d'huissier, il ne saurait être contesté que ces biens se trouvaient déjà entreposés dans les bâtiments concernés lors de la prise d'effet du bail, le 28 août 2017. M. [Y] [E] ne soutient au demeurant nullement que ces biens auraient été amenés dans les bâtiments litigieux après la prise d'effet du bail.
Il peut être observé, à titre surabondant, que le contrat de bail prévoyait la réalisation d'un état des lieux dans le délai d'un mois mais qu'aucune des parties n'y a procédé, ce qui ne saurait se comprendre de la part d'un preneur à bail qui constaterait, lors de son entrée en jouissance, qu'il se trouve privé de l'usage de certains des biens loués du fait de leur encombrement.
Il y a lieu en conséquence de débouter M. [Y] [E] de la demande qu'il a présentée à ce titre.
M. [Y] [E] présente ensuite diverses demandes tendant à la réalisation de travaux et d'opérations d'entretien sur les bâtiments implantés sur les parcelles prises à bail.
Concernant les demandes relatives aux toitures du domaine de [Localité 33], Mme [A] [E] justifie avoir procédé aux démarches nécessaires à la prise en charge par son assureur des désordres résultant de l'épisode de grêle survenu en mai 2022. Il n'y a ainsi pas lieu à condamnation de ce chef.
Concernant les demandes tendant à voir débarrasser et libérer l'accès aux bâtiments dont il est affirmé qu'ils sont encombrés de biens appartenant à Mme [A] [E], il sera renvoyé aux développements précédents relatifs au défaut de preuve de la propriété des biens mobiliers, à l'acceptation selon inventaire notarié de la garde conjointe de ces biens par Mme [A] [E] et M. [Y] [E] et à leur entreposage dans les bâtiments litigieux dès avant la prise d'effet du bail, à la pleine connaissance du preneur.
Il n'est par ailleurs pas démontré que les cadenas apposés sur une partie des bâtiments 1 et 2 du domaine de [Localité 33] ne l'aient pas été avant l'entrée en vigueur du contrat de bail ni qu'ils y aient été placés par Mme [A] [E] postérieurement à l'entrée en jouissance de M. [Y] [E]. Aucun élément ne permet au demeurant de déterminer qui serait à ce jour en possession des clés de ces cadenas.
Il peut être également relevé que l'expert mandaté par Mme [A] [E] a expressément exclu de la valorisation des bâtiments les édifices numérotés1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 du domaine de [Localité 33] et 4 et 5 du [Localité 25]. Par conséquent, M. [Y] [E] ne saurait se plaindre de ne pouvoir disposer de biens pour l'usage desquels il ne verse concrètement aucune contrepartie, même après révision du montant du fermage comme précédemment déterminé.
En outre, l'état de ces bâtiments, tel qu'il ressort notamment des constatations effectuées par Me [H], huissier de justice mandaté par le preneur, les 21 août 2019 et 22 juin 2020, ne permet pas de douter qu'ils se soient trouvés dans un état très voisin lors de la conclusion du contrat de bail. Les bâtiments n°4 du domaine de [Localité 33] et n°4 du [Localité 25], en particulier, sont qualifiés d' 'ancienne dépendance traditionnelle' et de bâtiment mentionné 'pour mémoire' par M. [V], et ne peuvent au vu de leur état voire de leur situation par rapport aux bâtiments fonctionnels n'avoir aucune utilité professionnelle pour M. [Y] [E], ainsi que celui-ci ne pouvait manquer de le savoir dès sa prise à bail.
Il sera également rappelé que l'entretien des chemins d'accès incombe contractuellement à M. [Y] [E], ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, en contrepartie de leur usage.
Enfin, il ne résulte pas des pièces produites aux débats que des 'troncs et branchages provenant de parcelles voisines appartenant à Mme [A] [E]' joncheraient les parcelles affermées à M. [Y] [E].
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté M. [Y] [E] de sa demande reconventionnelle.
M. [Y] [E] sollicite la condamnation de Mme [A] [E] à lui payer une somme équivalant au total des sommes concernées, depuis la prise d'effet du bail, par l'exonération de taxe foncière.
Mme [A] [E] a produit aux débats ses avis de taxes foncières pour les années 2017 à 2020.
Pour autant, M. [Y] [E] n'a pas jugé utile de chiffrer précisément sa demande sur ce point.
Aucune exonération spécifique n'apparaît sur les documents fiscaux communiqués par Mme [A] [E].
Il convient en conséquence de débouter M. [Y] [E] de la demande qu'il a présentée de ce chef.
Sur l'article 700 et les dépens :
L'équité et la prise en considération de l'issue du litige déterminée par la présente décision ne commandent de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Chacune des parties succombant partiellement en ses demandes, conservera la charge des frais exposés par elle en cause d'appel qui ne seraient pas compris dans les dépens. M. [Y] [E] sera par ailleurs débouté de sa demande de remboursement de l'indemnité allouée sur ce fondement à Mme [A] [E] par les premiers juges, eu égard à sa qualité de partie succombante.
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. M. [Y] [E], partie succombante, devra supporter la charge des dépens de l'instance d'appel.
Le jugement entrepris sera enfin confirmé de ces chefs.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
DECLARE recevables les actions engagées par Mme [A] [E] à l'encontre de M. [Y] [E] tendant, à titre principal, à la résiliation du bail et, à titre subsidiaire, à la révision du fermage ;
Au fond,
INFIRME partiellement le jugement rendu le 28 juin 2022 par le Tribunal paritaire des baux ruraux de Châteauroux en ce qu'il a condamné M. [Y] [E] au paiement du fermage révisé en deniers et quittances à compter du 28 août 2019 ;
CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus ;
Et statuant de nouveau du chef infirmé,
CONDAMNE M. [Y] [E] au paiement du fermage d'un montant annuel de 31.987,96 euros en deniers et quittances à compter du 5 août 2020 ;
Et y ajoutant,
DEBOUTE M. [Y] [E] de sa demande tendant à la condamnation de Mme [A] [W], veuve [E] à lui payer une somme équivalant au total des sommes concernées, depuis la prise d'effet du bail, par l'exonération de taxe foncière ;
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toutes autres demandes, plus amples ou contraires ;
CONDAMNE M. [Y] [E] aux entiers dépens de l'instance d'appel.
L'arrêt a été signé par O. CLEMENT, Président et par Mme MAGIS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,
S.MAGIS O. CLEMENT