SD/OC
N° RG 22/00744
N° Portalis DBVD-V-B7G-DPAV
Décision attaquée :
du 21 juin 2022
Origine : conseil de prud'hommes - formation paritaire de CHÂTEAUROUX
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M. [G] [N]
C/
S.A.S.U. AUCHAN HYPERMARCHÉ
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Expéd. - Grosse
Me PEPIN 3.3.23
Me FOLTZ 3.3.23
COUR D'APPEL DE BOURGES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 03 MARS 2023
N° 33 - 8 Pages
APPELANT :
Monsieur [G] [N]
[Adresse 1]
Représenté par Me Frédéric PEPIN de la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES
INTIMÉE :
S.A.S.U. AUCHAN HYPERMARCHÉ
[Adresse 2]
Représentée par Me Bertrand FOLTZ de la SELARL FILOR AVOCATS, avocat au barreau de NANCY, substitué à l'audience par Me Antoine FOURCADE, avocat au barreau de BOURGES
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats :
PRÉSIDENT : Mme de LA CHAISE, présidente de chambre
et Mme CLÉMENT, présidente de chambre
en l'absence d'opposition des parties et conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE
Lors du délibéré : Mme VIOCHE, présidente de chambre
Mme de LA CHAISE, présidente de chambre
Mme CLÉMENT, présidente de chambre
DÉBATS : A l'audience publique du 13 janvier 2023, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 03 mars 2023 par mise à disposition au greffe.
ARRÊT : Contradictoire - Prononcé publiquement le 03 mars 2023 par mise à disposition au greffe.
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EXPOSÉ DU LITIGE
La SA Auchan France exploite un hypermarché à [Localité 3] (Indre) et emploie plus de 11 salariés.
M. [G] [N], né le 4 septembre 1965, a été embauché à compter du 10 septembre 2018 par cette société en qualité de technicien de maintenance, statut employé, niveau 3B, suivant contrat de travail à durée indéterminée du 6 septembre 2018.
Cet emploi relève de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001.
M. [N] a été promu au poste de responsable maintenance, statut agent de maîtrise, à compter du 1er décembre 2018 puis au poste de responsable d'exploitation technique, statut cadre, niveau 7, à compter du 1er mars 2019. Il était alors soumis à une convention de forfait de 214 jours de travail par an.
En dernier lieu, M. [N] percevait un salaire brut mensuel de 2 573 euros, outre une prime annuelle.
Par courrier du 20 novembre 2020, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire, fixé au 30 novembre 2020.
Par lettre remise en main propre le 3 décembre 2020, M. [N] a été licencié pour faute grave, l'employeur lui reprochant d'avoir soustrait à trois reprises des articles dans le magasin, d'avoir reçu des cadeaux d'un fournisseur sans les déclarer et d'avoir installé des caméras de vidéosurveillance dans l'atelier technique du magasin sans l'en informer.
Contestant son licenciement et la validité de sa convention de forfait en jours, M. [N] a saisi le 8 juillet 2021 le conseil de prud'hommes de Châteauroux, lequel, par jugement du 21 juin 2022 a débouté M. [N] de l'intégralité de ses demandes, l'a condamné à verser à la société Auchan Hypermarché la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Vu l'appel régulièrement interjeté le 12 juillet 2022 par M. [N] à l'encontre de la décision prud'homale, en l'ensemble de ses dispositions ;
Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 décembre 2022 aux termes desquelles M. [N] demande à la cour de réformer le jugement entrepris dans son intégralité, et en conséquence de :
- juger que la convention de forfait en jours est nulle ou, à tout le moins, privée d'effet,
- juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
- constater que le salaire mensuel moyen sur les 12 derniers mois travaillés était de 4 892,61 euros,
- condamner la société Auchan Hypermarché à lui payer :
$gt; 36 893,25 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, outre 3 689,33 euros au titre des congés payés afférents,
$gt; 25 508,13 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos, outre 2 550,81 euros au titre des congés payés afférents,
$gt; 17 124,14 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
$gt; 14 677,83 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 467,78 euros au titre des congés payés afférents,
$gt; 3 155,73 à titre d'indemnité de licenciement,
$gt; 29 355,66 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
$gt; 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Auchan Hypermarché à lui remettre une attestation Pôle Emploi conforme à la décision à intervenir dans un délai de 8 jours à compter de la signification de la
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décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard,
- condamner la société Auchan Hypermarché en tous les dépens ;
Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 décembre 2022 aux termes desquelles la SAS Auchan Hypermarché demande à la cour de confirmer en toute ses dispositions le jugement entrepris, et en conséquence, de :
- débouter M. [N] de ses demandes plus amples ou contraires,
- condamner M. [N] à lui verser la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- laisser les entiers frais et dépens à la charge de M. [N] ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 11 janvier 2023 ;
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.
SUR CE
1) Sur la validité de la convention de forfait en jours
Aux termes de l'article L. 3121-63 du code du travail, les forfaits annuels en heures ou en jours sur l'année sont mis en place par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.
Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; à défaut d'un tel accord, les stipulations du contrat de travail relatives au forfait en jours sont nulles (Soc., 7 juil. 2015, no 13-26.444).
En l'espèce, M. [N] conteste la validité de sa convention de forfait en jours en soutenant d'abord que la SAS Auchan Hypermarché ne prouve pas être signataire de l'accord collectif d'entreprise dont elle se prévaut. Il en déduit qu'à défaut d'accord collectif prévoyant la mise en place d'un forfait en jours, la convention de forfait est nulle.
Les avenants au contrat de travail du 1er décembre 2018 et des 26 et 27 février 2019
stipulent : 'conformément aux articles L. 3121-43 et suivants du code du travail, et aux dispositions conventionnelles applicables, le présent contrat fixe votre nombre de jours de travail à 214 jours (dont la journée de solidarité) pour une année complète d'activité et un droit complet à congés payés'.
Pour justifier de la conclusion d'un accord d'entreprise permettant la mise en oeuvre de conventions de forfait en jours, la société Auchan Hypermarché produit un document intitulé 'accord d'entreprise, organisation et aménagement du temps de travail' conclu le 10 avril 2013 et signé notamment par la SA Auchanhyper.
Elle explique que la société Auchanhyper a changé de nom pour devenir la société Auchan Hypermarché, sans modification de numéro SIRET ou des instances représentatives du personnel.
Elle ne produit toutefois aucun élément pour en justifier.
Il en résulte qu'il ne se trouve pas démontré que la convention de forfait en jours a été conclue à la suite d'un accord collectif permettant sa mise en oeuvre et que dès lors, elle est nulle.
Il convient dès lors d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [N] de sa
demande tendant à voir juger que la convention de forfait en jours est nulle.
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En conséquence de la nullité de la convention de forfait en jours, M. [N] est fondé à réclamer l'application à son égard des dispositions relatives à la durée légale hebdomadaire du travail prévue à l'article L. 3121-27 du code du travail et fixée à trente-cinq heures par semaine.
2) Sur la demande en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires et des congés payés afférents
Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, il appartient au salarié de présenter préalablement, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande et détermine souverainement, au vu des éléments produits par chacune des parties, l'existence d'heures de travail accomplies et la créance salariale s'y rapportant.
Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments à l'appui de sa demande.
En l'espèce, M. [N] sollicite la condamnation de la SAS Auchan Hypermarché à lui payer la somme de 36 893,25 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, outre les congés payés afférents.
Au soutien de sa demande, il verse aux débats un décompte hebdomadaire du nombre d'heures supplémentaires qu'il prétend avoir effectuées de la semaine 48 de l'année 2018 à la semaine 47 de l'année 2020, avec calcul du rappel de salaire afférent, ainsi que ses relevés de pointage, issus du logiciel de l'entreprise, pour la période concernée.
M. [N] produit donc des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre.
La société Auchan Hypermarché ne produit cependant aucun élément venant remettre en cause le décompte d'heures supplémentaires établi par le salarié, et admet même dans ses dernières conclusions n'avoir effectué aucun contrôle des heures de travail du salarié, dans la mesure où elle pensait M. [N] soumis à une convention de forfait en jours.
En conséquence, infirmant le jugement entrepris, il y a lieu de condamner la société Auchan Hypermarché à payer à M. [N] la somme de 36 893,25 euros bruts à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, outre la somme de 3 689,33 euros bruts au titre des congés payés afférents.
3) Sur la demande en paiement d'une indemnité au titre de la contrepartie obligatoire en repos et des congés payés afférents
L'article D. 3121-23, alinéas 1 et 3, du code du travail dispose que le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu'il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu'il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis.
Cette indemnité a le caractère de salaire.
L'article 5.8.1 de la convention collective applicable prévoit que le contingent annuel d'heures supplémentaires, à compter de l'année 2003, est fixé à 180 heures.
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L'article 18, IV. de la loi no 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail prévoit que 'la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent prévu aux deux derniers alinéas de l'[ancien] article L. 3121-11 du code du travail dans la rédaction issue de la présente loi est fixée à 50 % pour les entreprises de vingt salariés au plus et à 100 % pour les entreprises de plus de vingt salariés'.
En l'espèce, M. [N] soutient, sans être contesté, qu'il n'a bénéficié d'aucune contrepartie en repos pour les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel de 180 heures.
Conformément à ses décomptes d'heures supplémentaires, il apparaît qu'il a réalisé 551,19 heures au-delà du contingent en 2019 et 657,21 heures au-delà du contingent en 2020.
Il convient donc de condamner la société Auchan Hypermarché à payer à M. [N] la somme de 25 508,13 euros bruts au titre de la contrepartie obligatoire en repos et d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté le salarié de cette demande.
En revanche, dans la mesure où l'indemnité versée au titre de la contrepartie obligatoire en repos, bien qu'ayant la nature d'un salaire, ne correspond pas à une période de travail effectif ou assimilée, elle n'ouvre pas droit à congés payés, de sorte qu'il y a lieu de débouter M. [N] de sa demande en paiement des congés payés afférents, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.
4) Sur la demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé
Aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10 relatif à la déclaration à l'embauche, soit de soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur ces derniers un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie, soit de soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
L'article L. 8223-1 du même code précise qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
En l'espèce, M. [N] soutient premièrement que le fait d'appliquer une convention de forfait en jours irrégulière est constitutif du délit de travail dissimulé, estimant que le caractère intentionnel de l'absence de mention des heures supplémentaires sur le bulletin de paie résulte de l'absence de cet accord écrit et du fait que le salarié travaille régulièrement un nombre d'heures supérieur à la durée légale.
Pour autant, il n'est pas démontré que la société Auchan Hypermarché avait connaissance de l'absence de validité de la convention de forfait en jours de M. [N], de sorte que l'élément intentionnel de l'infraction n'est pas établi.
M. [N] allègue deuxièmement que le fait de l'avoir fait travailler un nombre de jours supérieur à celui prévu dans la convention de forfait en jours sans mentionner ces jours sur les
bulletins de paie caractérise l'élément intentionnel du travail dissimulé.
Toutefois, dans la mesure où la convention de forfait en jours est nulle, le fait de ne pas avoir
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mentionné le nombre de jours de travail sur les bulletins de paie ne permet pas de caractériser l'élément matériel de l'infraction, puisque l'employeur n'était dès lors pas tenu de faire apparaître ces jours sur les bulletins de paie.
M. [N] fait enfin valoir que l'employeur avait en sa possession ses relevés de pointage, de sorte qu'il avait connaissance des heures qu'il effectuait.
S'il n'est pas contestable que les heures supplémentaires de M. [N] n'ont pas été mentionnées sur ses bulletins de paie, caractérisant ainsi l'élément matériel de l'infraction de travail dissimulé, le simple fait que l'employeur ait eu en sa possession les relevés de pointage ne permet pas d'établir, à lui seul, l'élément intentionnel de l'infraction, dans la mesure où il n'est pas démontré qu'il savait que la convention de forfait en jours était nulle et que c'est donc de manière intentionnelle qu'il aurait mentionné sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.
Par conséquent, à défaut pour M. [N] de rapporter la preuve de l'intention dissimulatrice de l'employeur, il convient de le débouter de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé et de confirmer le jugement entrepris de ce chef.
5) Sur la contestation du licenciement
Il résulte de l'article L. 1235-1 du code du travail que le juge à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
La cause réelle est celle qui présente un caractère d'objectivité. Elle doit être existante et exacte ce qui oblige le juge à vérifier que d'autres faits allégués par le salarié ne sont pas la véritable cause du licenciement. La cause sérieuse est celle d'une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles.
La faute grave, enfin, est une cause réelle et sérieuse mais d'une gravité telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
Seuls les manquements volontaires à une obligation professionnelle ou les erreurs profes-sionnelles consécutives à la mauvaise volonté délibérée du salarié peuvent être considérés comme fautifs.
L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
En l'espèce, M. [N] a fait l'objet d'un licenciement pour faute grave par lettre remise en main propre le 3 décembre 2020.
La lettre de licenciement comporte trois séries de griefs :
- il est premièrement reproché au salarié d'avoir 'soustrait des articles de la surface de vente pour les emporter dans [... son] bureau', à savoir un lot d'ampoules et des lunettes de lecture le 9 novembre 2020 ainsi que deux lots de masques pour enfants le 13 novembre 2020, violant ainsi l'article 8.1 du règlement intérieur prohibant toute forme de détournement, appropriation ou soustraction de marchandises,
- il lui est deuxièmement reproché d'avoir consommé ou emporté à son domicile des plats offerts par le fournisseur Sushi Gourmet, disposant d'un espace de vente dans le magasin, les 9, 13, 16 et 30 novembre 2020, sans avoir informé l'employeur qu'il bénéficiait de ces cadeaux, et alors
que l'article 6.5 du règlement intérieur interdit précisément d'accepter des cadeaux de la part
de fournisseurs,
- il est troisièmement reproché à M. [N] d'avoir installé deux caméras de vidéosurveillance et un miroir cylindrique dans l'atelier technique du magasin, sans en informer son employeur, et
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sans déclarer lesdites caméras aux collaborateurs et autorités, et d'avoir ainsi violé les articles 1.1 et 2.1 du règlement intérieur.
Pour justifier de la matérialité du premier de ces griefs, l'employeur produit un constat d'huissier établi les 13 et 27 novembre 2020 après visionnage des vidéos de surveillance du supermarché en compagnie de Mme [Z] [W], responsable sécurité de la société.
L'huissier de justice a ainsi pu constater que :
- le 9 novembre 2020, M. [N] a pris en rayon un lot d'ampoules, l'a glissé dans la poche de son pantalon et s'est rendu plus tard sur le parking du supermarché puis dans son bureau avec l'article,
- le même jour, le salarié a pris en rayon une paire de lunettes, l'a dissimulée dans des feuilles enroulées qu'il tenait à la main et s'est rendu dans son bureau avec l'article ;
- le 13 novembre 2020, il a pris en rayon deux lots de masques et s'est rendu dans son bureau avec ceux-ci.
L'huissier de justice rapporte également les propos de Mme [W], qui lui a indiqué que les contrôles physiques d'inventaire effectués après les faits ont démontré une différence entre le stock théorique, tel que résultant du logiciel informatique du magasin, dont l'employeur produit certains extraits, et le stock réel, tel que constaté en rayons.
Si ni les pièces produites par l'employeur, ni celles produites par le salarié, ne permettent formellement d'établir que les articles litigieux étaient présents ou manquants de l'inventaire, dans la mesure où elles ne permettent pas de démontrer l'état du stock constaté en rayon, et donc l'existence d'une éventuelle différence, il convient de relever, d'une part, que M. [N] ne conteste pas n'avoir réglé aucun des articles mentionnés et qu'il a cherché à dissimuler le fait qu'il avait retiré en rayon tant le lot d'ampoules que la paire de lunettes.
D'autre part, les explications apportées par le salarié pour expliquer le prélèvement des articles sont en contradiction avec les constatations effectuées par l'huissier de justice lors du visionnage des vidéos de surveillance. M. [N] déclare ainsi, d'une part, avoir utilisé le lot d'ampoules pour remplacer l'ampoule du feu d'un chariot élévateur, mais s'être rendu compte que cela était impossible et avoir replacé l'article en rayon, alors que les vidéos le montrent au contraire se rendre avec l'article sur le parking au coffre de sa voiture puis dans son bureau. De même, si M. [N] expose avoir pris une boîte de masques pour lire le code barre afin d'en donner le prix à la caissière puis avoir reposé l'article en rayon, cela n'explique pas pourquoi il a pris deux de ces boîtes au lieu d'une et ce alors qu'il n'a pas été vu en zone de caisse pour procéder aux opérations qu'il décrit.
Il résulte donc de l'ensemble de ces éléments que M. [N] a soustrait frauduleusement à trois reprises des articles du stock du magasin, ce qui constitue une violation de l'article 8.1. du règlement intérieur de l'entreprise et une exécution déloyale du contrat de travail.
Ainsi, le vol sur le lieu de travail étant constitutif d'une faute grave en ce qu'il ne permet plus à l'employeur de faire confiance à son salarié et donc de le maintenir dans l'entreprise, il y a lieu, sans même analyser les autres griefs allégués au soutien du licenciement, de dire que celui-ci est fondé.
Il convient dès lors de débouter M. [N] de sa contestation de son licenciement et de ses demandes indemnitaires afférentes.
Le jugement entrepris est confirmé en l'ensemble de ces chefs.
6) Sur les autres demandes, les dépens et les frais irrépétibles
Compte tenu de ce qui précède, il sera ordonné à la société Auchan Hypermarché de remettre
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à M. [N] une attestation Pôle Emploi conforme au présent arrêt, dans un délai de quinze jours suivant la signification dudit arrêt, sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte à cette fin.
L'équité commande d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [N] à payer à la société Auchan Hypermarché une somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, de condamner la société Auchan Hypermarché à payer à M. [N] la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles et de la débouter, en conséquence, de sa propre demande d'indemnité de procédure.
Les parties succombant partiellement en leurs prétentions, elles conserveront la charge de leurs propres dépens exposés en première instance et en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,
CONFIRME la décision déférée, sauf en ce qu'elle a débouté M. [G] [N] de ses demandes visant à voir prononcer la nullité de sa convention de forfait en jours et en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, ainsi que de la contrepartie obligatoire en repos, et en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT que la convention de forfait en jours est nulle,
CONDAMNE la SAS Auchan Hypermarché à payer à M. [G] [N] :
- 36 893,25 € à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, outre 3 689,33 € au titre des congés payés afférents,
- 25 508,13 € au titre de la contrepartie obligatoire en repos,
ORDONNE à la SAS Auchan Hypermarché de remettre à M. [G] [N] une attestation Pôle Emploi conforme au présent arrêt, dans un délai de quinze jours suivant la signification dudit arrêt mais DIT n'y avoir lieu à astreinte,
CONDAMNE la SAS Auchan Hypermarché à payer à M. [G] [N] la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles d'appel,
DÉBOUTE la SAS Auchan Hypermarché de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;
En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
S. DELPLACE C. VIOCHE