SD/SLC
N° RG 22/00498
N° Portalis DBVD-V-B7G-DOOT
Décision attaquée :
du 11 avril 2022
Origine :
conseil de prud'hommes - formation paritaire de NEVERS
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DÉFÉRÉ
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Mme [O] [Z]
C/
S.A.R.L. TAXY POY
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Expéd. - Grosse
Me THURIOT 3.3.23
Me GAUTHE 3.3.23
COUR D'APPEL DE BOURGES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 03 MARS 2023
N° - 6 Pages
APPELANTE :
Madame [O] [Z]
[Adresse 2]
Ayant pour avocat Me Denis THURIOT de la SCP THURIOT-STRZALKA, du barreau de NEVERS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle numéro 2022/001734 du 07/07/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 3])
INTIMÉE :
S.A.R.L. TAXY POY
[Adresse 1]
Représentée par Me Valery GAUTHE de la SELARL JUDISOCIAL, avocat au barreau de MACON/CHAROLLES
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats :
PRÉSIDENT : Mme de LA CHAISE, présidente de chambre
en l'absence d'opposition des parties et conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE
Lors du délibéré : Mme de LA CHAISE, présidente de chambre
Mme CLÉMENT, présidente de chambre
Mme ALLEGUEDE, conseillère
Arrêt n° - page 2
03 mars 2023
DÉBATS : A l'audience publique du 03 mars 2023, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 03 mars 2023 par mise à disposition au greffe.
ARRÊT : Contradictoire - Prononcé publiquement le 03 mars 2023 par mise à disposition au greffe.
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EXPOSÉ DU LITIGE
Par contrat de travail à durée déterminée, Mme [O] [Z] a été engagée par la SARL Taxi Poy du 1er septembre 2020 au 28 février 2021, puis la relation de travail s'est poursuivie suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er mars 2021 aux termes duquel la salariée a été engagée en qualité de secrétaire administrative polyvalente, moyennant un salaire brut mensuel de 1 554,58 euros contre 35 heures de travail effectif.
Ce second contrat comportait une clause de non-concurrence en son article XIX.
Les parties ont signé le 25 mai 2021 un formulaire de demande d'homologation d'une rupture conventionnelle du contrat de travail de Mme [Z], qui fixait le terme de la relation de travail au 29 juin 2021 et prévoyait le versement à la salariée de la somme de 472,48 euros au titre de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle.
Mme [Z] a saisi le 3 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Nevers d'une demande en paiement de son indemnité compensatrice de non concurrence.
Par jugement contradictoire en date du 11 avril 2022, rendu en dernier ressort, le conseil de prud'hommes a débouté Mme [Z] de ses prétentions et l'employeur de sa demande d'indemnité de procédure et a condamné la salariée aux dépens.
Mme [Z] a régulièrement relevé appel de cette décision le 10 mai 2022.
Le greffe a transmis le 30 mai 2022, aux parties un avis d'irrecevabilité de l'appel au motif que le jugement critiqué a été rendu en dernier ressort et les a invitées à s'expliquer sur l'irrecevabilité encourue.
Par ordonnance du 18 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré recevable l'appel de Mme [Z], dit que la déclaration d'appel n'est pas caduque, débouté les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la SARL Taxi Poy aux dépens de l'incident.
Le 29 novembre 2022, la SARL Taxi Poy a déposé une requête en déféré au greffe de la chambre sociale.
Elle sollicite de la cour par l'infirmation de l'ordonnance déférée :
- De déclarer irrecevable l'appel formé par Mme [Z] à l'encontre du jugement rendu le 11 avril 2022 par le conseil de prud'hommes de NEVERS ;
Subsidiairement :
- de prononcer la caducité de la déclaration d'appel formée par Mme [Z] à l'encontre du
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même jugement ;
- de constater l'extinction de l'instance ;
En tout état de cause :
- de condamner Mme [Z] à verser à la société Taxi Poy la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner Mme [Z] aux dépens du déféré.
Par dernières conclusions sur déféré du 04 janvier 2023, Mme [Z] demande à la cour de confirmer purement et simplement l'ordonnance d'incident rendue le 18 novembre 2022 par Madame le Conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Bourges et débouter la SARL Taxi Poy de tous ses moyens et demandes,
Y ajoutant, condamner la SARL Taxi Poy à lui payer la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens de l'instance en déféré.
SUR CE,
1) Sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel
L'article L. 1462-1 du code du travail dispose que les jugements du conseil de prud'hommes sont susceptibles d'appel. Toutefois, ils statuent en dernier ressort en dessous d'un taux fixé par décret.
Les dispositions de l'article D1462-3 du même code applicables aux instances introduites depuis le 1er septembre 2020 prévoient que le taux de compétence en dernier ressort du conseil de prud'hommes est de 5 000 euros.
Aux termes de l'article 536 du code de procédure civile, la qualification inexacte d'un jugement par les juges qui l'ont rendu est sans effet sur le droit d'exercer un recours.
En l'espèce, le 03 septembre 2021, Mme [Z] a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande en paiement de l'indemnité compensatrice de non-concurrence prévue par son contrat de travail et la chiffrait ainsi :
- 2 839,14 € (473,19 € x 6 mois) au titre de l'indemnité due pour la période échue du 1er juillet au 31 décembre 2021,outre 283,80 € (47,32 € x 6) au titre des congés payés afférents,
- 473,19 € par mois au titre de l'indemnité due pour la période courant du 1er janvier 2022 jusqu'au mois durant lequel le jugement à intervenir sera rendu, outre 47,32 € par mois jusqu'à ce jugement au titre des congés payés afférents.
Le jugement du conseil des prud'hommes du 11 avril 2022 qui l'a déboutée de ses prétentions a été rendu en dernier ressort.
La SARL Taxi Poy soutient d'une part, que le fait de solliciter le paiement de sommes se rapportant à une période échue ainsi qu'à une autre courant jusqu'à la date de prononcé du jugement ne suffit pas à donner à cette demande un caractère indéterminé, d'autre part, que l'objet du litige portait sur la seule somme de 4 875,33 euros et enfin, qu'il résulte de la jurisprudence constante qu'une demande qui ne peut pas être exactement chiffrée ne constitue pas pour autant une demande indéterminée.
Elle considère que la demande correspondant à des échéances à venir dont l'arrêté était fixé à la date du jugement de première instance étant déterminable, c'est exactement que les premiers juges ont statué en dernier ressort et que l'appel est donc être déclaré irrecevable par infirmation de l'ordonnance d'incident.
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L'appelante soutient que c'est de manière inexacte que le jugement dont appel a été qualifié en dernier ressort dès lors qu'il porte sur une demande évolutive jusqu'au jour où le conseil de prud'hommes a statué, soit le 12 avril 2022. Elle ajoute qu'à cette date, sa demande portait ainsi sur la somme totale de 5 204,98 euros, et qu'en tout état de cause, l'indemnité réclamée et les congés payés afférents sont dus jusqu'au mois de juin 2023, si bien que ses prétentions sont encore supérieures à ce montant. Elle considère en outre, que ne pouvant avoir connaissance de la date à laquelle le jugement de première instance serait rendu, la demande était indéterminée et le jugement susceptible d'appel.
Or, sur le plan numéraire, une demande est considérée comme indéterminée dès lors que le montant n'en est pas chiffré, soit, du fait du demandeur, soit, selon la jurisprudence, lorsqu'une prétention est impossible à chiffrer.
Au jour de l'audience devant le conseil de prud'hommes au cours de laquelle Mme [Z] a maintenu ses demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de non-concurrence et congés payés afférents portant sur la période courant du 1er janvier 2022 jusqu'au mois durant lequel le jugement devait intervenir, la valeur du litige était indéterminée à défaut de date connue du prononcé du jugement.
En application de l'article 40 du code de procédure civile, le jugement qui statue sur une demande indéterminée est, sauf disposition contraire, susceptible d'appel.
Il s'ensuit que le jugement déféré a été inexactement qualifié de dernier ressort alors qu'il estsusceptible d'appel. L'appel est donc recevable et l'ordonnance du conseiller de la mise en état sera confirmée.
2) Sur la caducité de la déclaration d'appel
Il résulte des articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile que l'appelant doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement. En cas de non-respect de cette règle, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue de relever d'office la caducité de l'appel. Lorsque l'incident est soulevé par une partie, ou relevé d'office par le conseiller de la mise en état, ce dernier, ou le cas échéant la cour d'appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d'appel si les conditions en sont réunies.
Cette obligation de mentionner expressément la demande d'infirmation ou d'annulation du jugement, affirmée pour la première fois par un arrêt publié (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, Bull.), fait peser sur les parties une charge procédurale nouvelle.
La Cour de cassation a repris cette exigence dans une récente décision du 9 juin 2022 (2ème civ n°20-22.588) tout en refusant néanmoins d'appliquer la sanction de la caducité de la déclaration d'appel prévue par les textes précités, dans une instance introduite par une déclaration d'appel antérieure à l'arrêt du 17 septembre 2020.
La SARL Taxi Poy soutient que l'appelante n'a pas, dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile, mentionné dans le dispositif de ses conclusions qu'elle demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il est recherché l'anéantissement, ou l'annulation conformément aux dispositions des articles 542 et 954 susvisés, ce que Mme [Z] dément.
En l'espèce, Mme [Z] a relevé appel le 10 mai 2022 du jugement du conseil de prud'hommes en date du 11 avril 2022.
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Étant précisé que les conclusions présentes au dossier de son avocat ne sont pas identiques à celles échangées par RPVA, ses conclusions d'appelante régulièrement échangées par RPVA le 08 juillet 2022 contiennent un dispositif ainsi rédigé :
' Par ces motifs
Vu les pièces produites aux débats,
Vu les articles L 1237-11 et suivants du code du travail
Déclarer Madame [O] [Z] recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes,
Y faisant droit et déboutant la défenderesse de tous ses moyens et demandes plus amples ou contraires,
Condamner la SARL TRANSPORT TAXI POY à porter et payer à Madame [O] [Z] la somme totale de 2.839,14 € (473.19 € x 6 mois) correspondant à l'indemnité contractuelle compensatrice de non-concurrence pour la période échue du 1 er juillet 2021 au 31 décembre 2021,
Condamner la SARL TRANSPORT TAXI POY à porter et payer à Madame [O] [Z] une somme mensuelle de 473.19 € correspondant à cette même indemnité pour la période courant du 1er janvier 2022 jusqu'au mois durant lequel le jugement à intervenir sera rendu,
Condamner la SARL TRANSPORT TAXI POY à porter et payer à Madame [O] [Z] la somme totale de 283.80 € (47.32 x 6 mois) correspondant à l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à l'indemnité mensuelle contractuelle compensatrice de non-concurrence pour la période échue du 1 er juillet 2021 au 31décembre 2021,
Condamner la SARL TRANSPORT TAXI POY à porter et payer à Madame [O] [Z] une somme mensuelle de 47.32 € correspondant à l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à l'indemnité mensuelle contractuelle compensatrice de non-concurrence pour la période courant du 1er janvier 2022 jusqu'au mois durant lequel le jugement à intervenir sera rendu,
Condamner la SARL TRANSPORT TAXI POY à porter et payer à Madame [O] [Z] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,
Condamner la SARL TRANSPORT TAXI POY aux entiers dépens de la présente instance.'
Force est ainsi de constater que les premières conclusions de l'appelante ne mentionnent pas dans leur dispositif qu'elle demande l'infirmation des chefs du jugement entrepris, en méconnaissance de l'article 542 du code de procédure civile.
Ce n'est que dans ses conclusions récapitulatives échangées par RPVA le 23 novembre 2022, soit postérieurement à la saisine du conseiller de la mise en état, que Mme [Z] a demandé à la cour de :
' Par ces motifs
Vu les pièces produites aux débats,
Vu les articles L 1237-11 et suivants du code du travail,
Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 11 avril 2022 par le Conseil de Prud'hommes de NEVERS,
En conséquence et statuant à nouveau :
(...)'
Dès lors, l'appelante n'ayant pas déposé dans le délai prévu à l'article 908 du code de procédure civile, des conclusions répondant aux exigences des articles 542 et 954 du même code, la sanction encourue est celle de la caducité de la déclaration d'appel.
L'ordonnance sera infirmée.
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3 ) Sur les dépens et les frais irrépétibles
L'ordonnance est infirmée en ses dispositions y afférent.
Mme [Z], qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens.
L'issue de la procédure et l'équité commandent par ailleurs de la condamner à verser à la SARL Taxi Poy une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et de la débouter de sa propre demande d'indemnité de procédure.
PAR CES MOTIFS
La cour d'appel statuant publiquement, sur déféré et dans les limites de celui-ci ;
CONFIRME l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 18 novembre 2022, en ce qu'elle a déclaré recevable l'appel de Mme [Z] ;
L'INFIRME pour le surplus ;
Statuant des chefs infirmés et y ajoutant ;
CONSTATE que les conclusions de Mme [O] [Z], appelante, notifiées par RPVA le 08 juillet 2022, ne contiennent pas en leur dispositif une demande d'infirmation du jugement dont il a été interjeté appel ;
PRONONCE en conséquence la caducité de la déclaration d'appel formée le 10 mai 2022 ;
CONSTATE en conséquence l'extinction de la procédure d'appel et le dessaisissement de la juridiction ;
CONDAMNE Mme [O] [Z] à payer à la SARL Taxi Poy la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [O] [Z] aux entiers dépens et la DÉBOUTE de sa propre demande d'indemnité de procédure.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;
En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme de LA CHAISE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
S. DELPLACE S. de LA CHAISE