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10/02/2023 | FRANCE | N°22/00809

France | France, Cour d'appel de Bourges, Chambre sociale, 10 février 2023, 22/00809


SD/CV





N° RG 22/00809 -

N° Portalis DBVD-V-B7G-DPGC





Décision attaquée :

du 13 juillet 2022

Origine : conseil de prud'hommes - formation de départage de CHÂTEAUROUX







--------------------



Mme [G] [L]





C/



S.A.S. AMBULANCES [E]







--------------------



Expéd. - Grosse



Me ODETTI 10.2.23



Me AIGNEL 10.2.23
















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COUR D'APPEL DE BOURGES



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 10 FÉVRIER 2023



N° 21 - 6 Pages





APPELANTE :



Madame [G] [L]

[Adresse 1]



Présente à l'audience

Assistée par Me Julio ODETTI, avocat au barreau de CHÂTEAUROUX







INTIMÉE :



S.A.S. AMBULANCES [E]

[Adresse 2]

...

SD/CV

N° RG 22/00809 -

N° Portalis DBVD-V-B7G-DPGC

Décision attaquée :

du 13 juillet 2022

Origine : conseil de prud'hommes - formation de départage de CHÂTEAUROUX

--------------------

Mme [G] [L]

C/

S.A.S. AMBULANCES [E]

--------------------

Expéd. - Grosse

Me ODETTI 10.2.23

Me AIGNEL 10.2.23

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 10 FÉVRIER 2023

N° 21 - 6 Pages

APPELANTE :

Madame [G] [L]

[Adresse 1]

Présente à l'audience

Assistée par Me Julio ODETTI, avocat au barreau de CHÂTEAUROUX

INTIMÉE :

S.A.S. AMBULANCES [E]

[Adresse 2]

Mme [D] et M. [E], présents, en leur qualité de gérants

assistés par Me Carolle AIGNEL de la SCP CABINET D'AVOCATS AIGNEL & PERRAY-JOSSE ET ASSOCIES, avocat au barreau de l'EURE

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats et du délibéré :

PRÉSIDENT : Mme VIOCHE, présidente de chambre

ASSESSEURS : Mme de LA CHAISE, présidente de chambre

Mme CLÉMENT, présidente de chambre

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme JARSAILLON

DÉBATS : A l'audience publique du 2 décembre 2022, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 13 janvier 2023 par mise à disposition au greffe. A cette date le délibéré était prorogé au 3 février 2023 puis au 10 février 2023.

ARRÊT : Contradictoire - Prononcé publiquement le 10 février 2023 par mise à disposition au greffe.

Arrêt n° 21 - page 2

3 février 2023

FAITS ET PROCÉDURE :

La SAS Ambulances [E] exploite une activité de transport en ambulances.

Suivant contrat à durée indéterminée en date du 1er novembre 2007, Mme [G] [L] a été engagée par cette société en qualité d'ambulancier niveau B 2nd degré, coefficient 150V, moyennant un salaire brut mensuel de 1 409,01 €, contre 35 heures de travail effectif par semaine.

En dernier lieu, Mme [L] percevait un salaire brut mensuel de 1 625 €, outre diverses primes et indemnités.

La convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires s'est appliquée à la relation de travail.

Le 27 juillet 2020, Mme [L] a été placée en arrêt de travail pour accident du travail et n'a plus repris son poste.

Le 3 mars 2021, à l'issue de la visite médicale de reprise, le médecin du travail l'a déclarée définitivement inapte à son poste en ces termes : 'Inapte définitivement à son ancien poste d'ambulancière. Inapte à la conduite VSL. Apte à des tâches administratives sur un poste aménagé ergonomiquement'.

Le 10 mars 2021, interrogé par l'employeur sur les possibilités d'aménagement de poste, le médecin du travail a répondu à celui-ci qu'il fallait 'prévoir un siège ergonomique, un écran réglable en hauteur. Elle peut travailler à temps complet, prévoir des pauses régulières pour pouvoir se lever du poste dès que la salariée en ressent le besoin'.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 mars 2021, la SAS Ambulances [E] a proposé à Mme [L] de la reclasser sur un poste de secrétaire administrative, statut employé, groupe 4, coefficient 115, moyennant une rémunération brute mensuelle de 1 821 euros brut contre 35 heures de travail effectif par semaine, notamment 9 heures chaque samedi.

Par courrier du 25 mars suivant, la salariée a refusé cette proposition, en invoquant que l'emploi proposé ne correspondait ni à ses capacités ni à ses compétences, que les horaires de travail qu'il engendrait étaient de nature à perturber sa vie familiale dès lors que son compagnon était en déplacement durant la semaine et en repos tous les week-ends, et qu'en outre il entraînait une classification inférieure et une perte de primes.

Le 6 avril 2021, le CSE, consulté sur le reclassement de Mme [L], a émis un avis favorable sur les recherches de reclassement effectuées par l'employeur.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 avril 2021, l'employeur a notifié à la salariée l'impossibilité de la reclasser en lui faisant connaître les raisons s'y opposant, puis le lendemain, l'a convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 21 avril suivant.

Mme [L] a été licenciée le 27 avril 2021 pour inaptitude et impossibilité de reclassement et a perçu la somme de 7 336 euros à titre d'indemnité de licenciement.

Le 1er juillet 2021, contestant le refus de l'employeur de lui allouer l'indemnité spéciale de licenciement équivalente au double du montant versé lors de la rupture, Mme [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Châteauroux d'une demande en paiement de la somme de 7 336 euros, outre d'une indemnité de procédure.

Arrêt n° 21 - page 3

10 février 2023

La SAS Ambulances [E] s'est opposée à ces prétentions et a sollicité elle-même une somme pour ses frais de procédure.

Par jugement du 13 juillet 2022, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé, le juge départiteur du conseil de prud'hommes a débouté Mme [L] de l'ensemble de ses prétentions, l'a condamnée aux dépens, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et a rejeté toutes demandes plus amples ou contraires.

Le 28 juillet 2022, par voie électronique, Mme [L] a régulièrement relevé appel de cette décision.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément à leurs conclusions.

1 ) Ceux de Mme [L] :

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 11 août 2022, poursuivant l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, elle demande à la cour de condamner la SAS Ambulances [E] au paiement des sommes de 7 336 euros au titre du reliquat de l'indemnité spéciale de licenciement et 1 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés par elle en première instance. Elle y ajoute une demande de même montant pour les frais de procédure survenus en cause d'appel, et de condamnation de l'employeur aux entiers dépens.

2 ) Ceux de la SAS Ambulances [E] :

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 25 octobre 2022, elle demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter en conséquence la salariée de l'ensemble de ses prétentions et de la condamner à lui payer 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

* * * * * *

La clôture de la procédure est intervenue le 16 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1) Sur la demande en paiement d'un reliquat d'indemnité spéciale de licenciement :

L'article L. 1226-14 du code du travail dispose que la rupture du contrat de travail survenue en raison d'une inaptitude physique du salarié consécutive à un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ainsi que d'une impossibilité de reclassement ouvre droit pour celui-ci à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.

Toutefois, cette indemnité n'est pas due par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif.

En l'espèce, Mme [L] reproche à la décision déférée d'avoir jugé abusif son refus de la proposition de reclassement que lui a adressée l'employeur, et ce alors que l'emploi proposé n'était pas comparable à celui qu'elle occupait précédemment, qu'il supposait notamment des compétences informatiques qu'elle ne possédait pas ni ne pouvait acquérir rapidement à 57 ans,

Arrêt n° 21 - page 4

10 février 2023

que sa rémunération n'était pas maintenue puisque le poste entraînait la perte de primes et qu'il modifiait ses horaires de travail, puisqu'il supposait de travailler tous les samedis.

La SAS Ambulances [E] réplique que son offre de reclassement n'impliquait pas de fonctions éloignées de celles que la salariée occupait jusqu'à son arrêt de travail, que les horaires qu'elle induisait étaient plus avantageux pour Mme [L] qui travaillait jusqu'ici selon des horaires très variables et aurait pu ainsi bénéficier d'une vie personnelle plus stable, et que la rémunération était quasiment identique. Elle avance que conformément à une jurisprudence désormais ancienne, est abusif le refus que le salarié oppose sans motif légitime à l'employeur qui lui soumet une offre de reclassement sur un emploi approprié et aussi comparable que possible à celui occupé précédemment.

Si le salarié est fondé à refuser tout poste ne correspondant pas aux consignes du médecin du travail, il ne fait pas débat que la SAS Ambulances [E] a interrogé le médecin du travail avant d'adresser à Mme [L] son offre de reclassement et a respecté les préconisations de celui-ci.

Par courrier du 22 mars 2021,la SAS Ambulances [E] a proposé à Mme [L] de la reclasser dans les conditions suivantes :

'- Le poste: Secrétaire Administrative

-Le Type de contrat: CDI

-La durée et les horaires de travail: 35 heures hebdomadaires sur 5 jours, du mardi au samedi

-Horaires du poste:

-lundi: non travaillé

-mardi: 8h-12h/ 15h-18h

-mercredi: 8h-12h/ 15h-18h

-jeudi: 8h-12h

-vendredi: 8h-12h/ 15h-19h

-samedi: 8h-12h/ 13h-18h

-La classification: Statut employé-Groupe 4-Coefficient 115

-La rémunération: 10,72 € bruts de l'heure + 12% de la rémunération brute compte tenu de vos 14 ans d'ancienneté, soit une rémunératon de base brut de 1821€ bruts

-Le lieu de travail: [Adresse 2]

-Descriptif des tâches:

-standard

-prise des RDV des patients en accueil physique et par téléphone

-enregistrement des RDV sur ISIS

-Suivi du planning

-Suivi des consommations de carburants

-Saisie des relevés d'heures

-Saisie des dossiers patients

-Relances clients

-Classements et archivages

-Diverses missions de secrétariat: courriers, notes...'

La salariée a refusé cette proposition par courrier du 25 mars 2021, en expliquant les motifs de ce refus.

L'employeur qui avait interrogé le médecin du travail le 10 mars 2021 sur les aménagements de postes qui s' avéreraient nécessaires puis avait le 22 mars suivant informé Mme [L] de la réponse du médecin du travail, a, le 31 mars 2021, donné à l'appelante des informations supplémentaires sur son offre de reclassement. Il n'a pas pour autant interrogé à nouveau le médecin du travail après avoir formulé sa proposition.

Arrêt n° 21 - page 5

10 février 2023

Or, d'une part, est abusif le refus du salarié lorsque l'employeur a ainsi pris soin d'interroger le médecin du travail avant et après sa proposition de poste pour se faire confirmer que le poste était conforme à ses préconisations, et qu'il a renouvelé la proposition de poste au salarié en lui communiquant la réponse du médecin du travail.

D'autre part, Mme [L] admet dans ses conclusions que l'emploi proposé pour la reclasser entraînait une baisse de rémunération mensuelle d'une cinquantaine d'euros, c'est à dire une diminution que le juge départiteur a exactement qualifiée de modique au regard du montant du salaire mensuel de base, ce dont il se déduit que la rémunération de l'appelante était maintenue par l'offre de reclassement formulée par l'intimée.

Cependant, il est acquis que la proposition de l'employeur modifiait les horaires de travail de la salariée puisqu'elle l'amenait à travailler tous les samedis au lieu d'un week-end sur trois ou quatre, et ce alors qu'elle démontre que son compagnon partait en déplacement toute la semaine et était en repos chaque week-end. Cette modification était donc de nature à porter une atteinte excessive à sa vie personnelle et familiale.

Par ailleurs, l'offre de reclassement portait sur un emploi de secrétaire administrative alors que Mme [L] était engagée initialement en qualité d'ambulancière, emploi qui consistait pour l'essentiel, au regard de la fiche de poste produite, au transport de malades ou blessés.

Dans sa proposition de reclassement, la SAS Ambulances [E] a décrit ainsi les tâches que Mme [L] devrait désormais assumer en qualité de secrétaire administrative: 'standard, prise des RDV des patients en accueil physique et par téléphone, enregistrement des RDV en ISIS, suivi du planning, suivi des consommations de carburants, saisie des relevés d'heures, saisie des dossiers patients, relances clients, classements et archivages, diverses missions de secrétariats: courriers, notes...'. Même si l'employeur soutient que Mme [L] était déjà amenée, dans le cadre de ses fonctions d'ambulancière, à prendre et suivre les rendez-vous avec les patients, à suivre ses propres plannings et à avoir une connaissance des dossiers des patients, il n'établit pas que ces missions comprenaient des tâches administratives dans une proportion rendant comparables, ou aussi comparables que possible, les deux emplois d'ambulancière et de secrétaire administrative. Au contraire, il ressort des pièces produites que les deux emplois n'étaient pas du tout comparables, et d'ailleurs, le poste de secrétaire administrative entraînait pour la salariée une modification de sa qualification et donc de son contrat de travail.

Il est acquis que ne peut être fautif ni constituer en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement le refus par le salarié du poste de reclassement proposé par l'employeur lorsque la proposition de reclassement emporte modification du contrat de travail (Cass. soc. 3 février 2021 n° 19-21658).

Dès lors, le refus par Mme [L] du poste de Secrétaire administrative proposé par la SAS Ambulances [E] était légitime, si bien que celle-ci ne pouvait refuser de lui payer l'indemnité spéciale de licenciement égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.

Seule la somme de 7 336 euros lui ayant été réglée alors que celle de 14 672 euros lui était due, c'est ainsi à bon droit que l'appelante réclame paiement du reliquat. L'intimée doit dès lors, par voie infirmative, être condamnée à lui payer la somme restante de 7 336 euros.

2) Sur les autres demandes :

L'employeur, qui succombe, est condamné aux dépens de première instance et d'appel et débouté en conséquence de sa demande en paiement d'une indemnité de procédure.

Arrêt n° 21 - page 6

10 février 2023

L'équité commande de condamner la SAS Ambulances [E] à payer à Mme [L], en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et la même somme au titre de ceux qu'elle a dû engager devant la cour.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire et prononcé par mise à disposition du greffe :

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

STATUANT À NOUVEAU DES CHEFS INFIRMÉS :

CONDAMNE la SAS Ambulances [E] à payer à Mme [G] [L] la somme de 7 336 € au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement ;

CONDAMNE la SAS Ambulances [E] à payer à Mme [G] [L] la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et la même somme au titre de ceux engagés en cause d'appel ;

CONDAMNE la SAS Ambulances [E] aux dépens de première instance et d'appel et la déboute de sa propre demande d'indemnité de procédure.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

S. DELPLACE C. VIOCHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00809
Date de la décision : 10/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-10;22.00809 ?
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