SD/SLC
N° RG 22/00601
N° Portalis DBVD-V-B7G-DOWH
Décision attaquée :
du 23 mai 2022
Origine :
conseil de prud'hommes - formation paritaire de NEVERS
--------------------
Mme [B] [H]
C/
S.A.S.
ARTCREALOISIRS (ARTEIS)
--------------------
Expéd. - Grosse
Me PEPIN 10.2.23
Me FINOT 10.2.23
COUR D'APPEL DE BOURGES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 10 FÉVRIER 2023
N° 27 - 10 Pages
APPELANTE :
Madame [B] [H]
[Adresse 2]
Représentée par Me Frédéric PEPIN,substitué à l'audience par Me Pierre PIGNOL, de la SELARL ALCIAT-JURIS, avocats au barreau de BOURGES
INTIMÉE :
S.A.S. ARTCREALOISIRS (ARTEIS)
[Adresse 1]
Représentée par Me Edith FINOT,substituée à l'audience par Me Martine GONCALVES, de la SELAS ELEXIA ASSOCIES, avocates au barreau de NEVERS
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats :
PRÉSIDENT : Mme de LA CHAISE, présidente de chambre, rapporteur
en l'absence d'opposition des parties et conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE
Lors du délibéré : Mme VIOCHE, présidente de chambre
Mme de LA CHAISE, présidente de chambre
Mme CLÉMENT, présidente de chambre
DÉBATS : A l'audience publique du 25 novembre 2022, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience
du 20 janvier 2023 par mise à disposition au greffe. A cette date le
Arrêt n° 27 - page 2
10 février 2023
délibéré était prorogé au 10 février 2023.
ARRÊT : Contradictoire - Prononcé publiquement le 10 février 2023 par mise à disposition au greffe.
* * * * *
EXPOSÉ DU LITIGE
La SAS Artcréaloisirs est spécialisée dans le secteur d'activité des autres commerces de détails spécialisés divers et comptait moins de 11 salariés au moment de la rupture du contrat.
Mme [B] [H], née le 28 mars 1984, a été embauchée à compter du 09 décembre 2013 par cette société en qualité d'assistante administrative, comptable et commerciale, selon contrat de travail à durée indéterminée du même jour, moyennant un salaire mensuel de 1 800 euros bruts contre 35 heures de travail effectif par semaine.
Cet emploi relève de la convention collective nationale de travail des commerces de détails non alimentaires.
Au dernier état de la relation contractuelle, et par avenant à son contrat de travail en date du 12 décembre 2019 signé dans le cadre de la mise en oeuvre d'un congé parental d'éducation à temps partiel de 80%, les horaires de travail de la salariée ont été modifiés pour correspondre à 28 heures de travail hebdomadaires moyennant une rémunération horaire brute de 12,778 euros. Elle occupait un poste d'assistante administrative niveau 4.
Mme [H] a été placée en arrêt maladie du 15 juin au 12 juillet 2020, puis du 21 septembre au 20 novembre 2020 et à compter du 14 décembre 2020.
Par courrier du 25 février 2021, Mme [H] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique, fixé le 08 mars 2021.
Par courrier en date du 16 mars 2021, Mme [H] a été licenciée pour motif économique. La salariée ayant accepté le contrat de sécurisation professionnelle qui lui était proposé, la relation de travail a pris fin le 29 mars 2021.
Contestant notamment son licenciement et estimant avoir été victime de harcèlement moral, Mme [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Nevers le 18 août 2021 en paiement de diverses sommes.
Par jugement en date du 23 mai 2022, le conseil de prud'hommes de Nevers a :
- débouté Mme [H] de l'ensemble de ses demandes,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- mis les dépens à la charge de Mme [H].
Mme [H] a régulièrement interjeté appel le 14 juin 2022 de la décision prud'homale, qui lui avait été notifiée le 30 mai 2022, en l'ensemble de ses dispositions ;
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 04 juillet 2022, Mme [H] demande à la cour, par l'infirmation du jugement critiqué de :
- juger qu'elle a été victime d'un harcèlement moral,
Arrêt n° 27 - page 3
10 février 2023
- prononcer l'annulation de l'avertissement du 14 septembre 2020,
- juger le licenciement nul ou, à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la SAS Artcréaloisirs à lui payer les sommes de :
- 16 248 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou, à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse,
- 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
- 83,07 euros à titre de rappel de salaire sur les heures retenues à tort sur le salaire du mois de septembre 2020, outre 8,31 euros au titre des congés payés afférents,
- 4 062 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 406 euros au titre des congés payés afférents,
- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner la SAS Artcréaloisirs en tous les dépens.
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 07 novembre 2022, la SAS Artcréaloisirs demande à la cour de :
- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [H] de toutes ses demandes, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et mis les dépens à la charge de Mme [H].
En conséquence,
- Débouter Mme [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- Condamner Mme [H] à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la même aux entiers dépens et première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 09 novembre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.
SUR CE
1) Sur la demande d'annulation de l'avertissement du 14 septembre 2020
Aux termes de l'article L 1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
Selon l'article L 1333-1 du code du travail, en cas de litige relatif à une sanction disciplinaire, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
En vertu de l'article L 1333-2 du code du travail, le juge peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
L'employeur qui souhaite modifier la durée du travail et sa répartition hebdomadaire ou mensuelle doit prévenir le salarié en respectant un délai minimum dit délai de prévenance et si le contrat ne comprend pas de clause de variation, le salarié peut refuser la modification proposée par l'employeur sans que celle-ci ne constitue un motif de licenciement.
En l'espèce, la SAS Artcréaloisirs, a, le 14 septembre 2020, notifié à Mme [H] un
Arrêt n° 27 - page 4
10 février 2023
avertissement en ces termes :
'Madame,
(...)Nous avons constaté que vous ne respectez pas partiellement vos horaires depuis le 31/08/2020, nous avons donc constaté les absences suivantes :
- lundi 31/08/2020 1h
- jeudi 03/09/2020 1h
- vendredi 04/09/2020 1/2h
- lundi 07/09/2020 1h
- jeudi 20/09/2020 1h
Ces absences ne sont pas justifiées et en conséquence 4h1/2 ne vous seront pas payées.
Les horaires sont affichés dans l'entreprise et vous en avez eu connaissance puisque vous quittez bien l'entreprise à 12h conformément à ces nouveaux horaires. (...)
En conséquence nous avons décidé de vous signifier une sanction disciplinaire et de vous adresser un avertissement.(...)'
Mme [H], qui a contesté cette sanction disciplinaire par courrier du 24 janvier 2021, réplique qu'elle n'avait accepté la modification de ses horaires que pour la période estivale qui devait cesser le 30 août 2020, mais qui a été unilatéralement et sans son accord, prolongée par l'employeur jusqu'au 03 octobre 2020.
Elle produit pour démontrer le caractère injustifié de cette sanction :
- l'avenant à son contrat de travail signé par les parties le 12 décembre 2019 fixant ses horaires de travail dans le cadre de la mise en oeuvre d'un congé parental d'éducation,
- un courriel du 02 juin et sa lettre recommandée du 03 juin 2020 adressée à son employeur par lequel notamment elle refusait de venir travailler les mercredis et samedis,
- un courrier du 15 juin 2020 de M. [N] [W], expert-comptable en charge du dossier social de la société, indiquant notamment... 'Mme [S] vous a simplement proposé et non obligé à venir les mercredis et samedis pour vous éviter les périodes de chômage partiel sur lesquelles vous ne percevez que 84% de votre salaire, nous avons pris bonne note de votre refus. Vos horaires restent donc inchangés, ils seront adaptés sur les horaires d'ouverture du magasin comme l'ensemble du personnel sur la période estivale (...)',
- son courrier adressé à son employeur le 03 juillet 2020 dans lequel elle soutient que ses horaires n'ont jamais été antérieurement adaptés aux horaires d'ouverture du magasin, que dans les faits, depuis janvier 2020, suite à un accord verbal trouvé, les horaires sont habituellement effectués les lundis et mardis 9h-12h30/14h-17h30, les jeudis 9h35-12h30/14-17h30 et les vendredis 10h-12h30/14h-19h05 et propose de venir à la place de la demi-heure de 12h à 12h30 les lundis et jeudis matins à 9h au lieu de 10h si la modification des horaires de l'entreprise concernait tous les jours de la semaine, ou les lundis et jeudis à 9h30 et les mardis et vendredis à 9h05 ne pouvant terminer au-delà de 17h30 les mardis et vendredis soirs,
- le courrier de l'employeur indiquant qu'à compter du 13 juillet 2020, ses horaires de travail seront les horaires convenus dans l'avenant du 12 décembre 2019, sauf exceptionnellement en horaires d'été et compte tenu de sa proposition, à commencer les lundis et jeudis à 9h pour terminer tous les jours à 12h,
- une attestation de Mme [T] [P], salariée, qui affirme que les modifications en horaires d'été devaient s'arrêter le 31 août 2020 et les horaires normaux être repris mais que l'employeur a décidé de les prolonger jusqu'au 21 septembre 2020 puis au 05 octobre 2020.
La SAS Artcréaloisirs répond pour justifier cette sanction que tout le personnel était, en septembre 2020, encore soumis aux horaires d'été que Mme [H] avait acceptés et qu'elle avait suivis pendant la période de juillet, août et septembre pour partie, puis qu'elle s'en est affranchie pour des motifs qui lui étaient propres.
Néanmoins, à défaut pour l'employeur d'avoir produit les dit horaires d'été, ni d'avoir précisément défini le début et la fin de la 'période d'été', la salariée a légitimement pu accepter une modification de ses horaires pour la seule période de juillet et août, la fin de la saison devant
Arrêt n° 27 - page 5
10 février 2023
intervenir le 30 août 2020 ainsi qu'en atteste Mme [T] [P].
L'avertissement notifié à Mme [H] le 14 septembre 2020 sera annulé faute pour l'employeur de justifier du respect d'un délai de prévenance et de l'acceptation de la salariée sur la prolongation des modifications d'horaire, le courrier produit relatif à la poursuite des horaires d'été pour la période postérieure au 31 août 2020 datant du 07 septembre 2020.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Il sera également infirmé en ce qu'il a débouté Mme [H] de sa demande en paiement des sommes de 83,07 euros à titre de rappel de salaire sur les heures retenues à tort sur le salaire du mois de septembre 2020 et 8,31 euros au titre des congés payés afférents, la salariée affirmant sans être contestée avoir effectué les horaires de son contrat de travail.
La SAS Artcréaloisirs sera en conséquence condamnée au paiement de ces sommes.
2) Sur le harcèlement moral et la demande en paiement de dommages et intérêts afférents
Il résulte de l'article L. 1152-1 du code du travail que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l'article L. 1154-1 du code du travail, il incombe au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un tel harcèlement, éléments au vu desquels la partie défenderesse doit prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, Mme [H] prétend que ses conditions de travail se sont fortement dégradées à partir de sa grossesse et plus particulièrement à compter du mois de mai 2020, période à laquelle l'employeur a voulu la contraindre à modifier ses horaires de travail, a procédé à une modification de ses fonctions et lui a retiré du matériel ainsi que formulé des reproches injustifiés.
La salariée verse aux débats l'ensemble des documents déjà examinés soit :
- son email du 02 juin 2020 adressé à son employeur et ses courriers des 3 juin, 3 juillet et 24 janvier 2021 dans lesquels elle reprend l'ensemble des événements, demandes et réponses de son employeur établissant selon elle le harcèlement allégué,
- le courrier du 15 juin 2020 de M. [N] [W],
- le courrier de son employeur en date du 06 juillet 2020,
- la lettre en date du 14 septembre 2020 lui notifiant un avertissement,
- l'attestation de Mme [T] [P] du 03 décembre 2021,
mais également,
Arrêt n° 27 - page 6
10 février 2023
- ses arrêts de travail du 20 septembre au 20 novembre 2020 et du 14 décembre 2020 au 29 mars 2021,
- un courrier du Docteur [G] [J] daté du 16 mars 2021 indiquant recevoir à cette date pour la troisième fois la salariée pour un état anxio-depressif réactionnel en rapport avec des difficultés professionnelles.
Il se trouve matériellement établi et non contesté que l'employeur a souhaité modifier les horaires de travail de la salariée en lui indiquant qu'il lui était proposé de venir travailler à compter du mois de juin 2020 les mercredis et samedis en contradiction avec les horaires mentionnés dans l'avenant à son contrat signé le 12 décembre 2019, puis a adapté ses horaires à ceux du magasin pendant l'été et qu'elle lui a notifié le 14 septembre 2020 un avertissement que la cour a jugé abusif.
Par ailleurs, s'agissant de la modification de ses fonctions, Mme [H] conteste dans ses courriers versés aux débats devoir tenir le poste d'hôtesse de caisse qui ne rentre pas dans les missions fixées par son contrat de travail et qu'elle a dû assumer le 11 décembre 2020 selon l'attestation de Mme [T] [P], de sorte que ce fait est également matériellement établi.
En revanche, la suppression de tâches comptables, administratives, commerciales ou de ressources humaines à compter du mois de juillet 2020, que l'employeur conteste, n'est objectivée par aucun élément de la part de la salariée, ses propres courriers des 03 juin, 03 juillet 2020 et 24 janvier 2021 ne pouvant y suffire.
Enfin, le changement du lieu de pose de ses affaires personnelles par l'appelante est parfaitement démontré par la même attestation de Mme [T] [P] et au demeurant assumé par l'employeur.
Ainsi, pris dans leur ensemble avec les éléments médicaux produits, les changements d'horaires, la modification des fonctions, le changement du lieu de pose des affaires personnelles de Mme [H] et l'impact qu'ils ont eu sur sa santé et ses conditions de travail laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral.
Si la SAS Artcréaloisirs confirme avoir proposé à Mme [H], le 03 juin 2020, de modifier ses horaires de travail pour, si elle souhaitait revenir travailler, être présente les mercredis et samedis du mois de juin, ce que la salariée a refusé, elle explique avoir ainsi voulu éviter à cette dernière une perte de revenus par placement en chômage partiel.
Cette lettre confirmant l'application à son égard du dispositif de chômage partiel à partir du 1er juin 2020, fait en effet suite à l'email envoyé le 09 mai 2020 par Mme [H] informant son employeur de son impossibilité de reprendre son activité professionnelle le 11 mai 2020 pour nécessité de garde d'enfant, le collège de son fils étant fermé.
Il se déduit ensuite du courrier de la salariée en date du 03 juillet 2020, que l'employeur avait depuis, janvier 2020, consenti des aménagements des horaires à l'appelante de manière à lui permettre d'organiser sa vie familiale et notamment de récupérer un enfant à la crèche certains soirs, ce qui exclut toute intention malveillante à la suggestion faite d'une nouvelle organisation.
Enfin, c'est selon des horaires proposés par elle et nécessairement acceptés, que la salariée est venue travailler durant les mois de juillet et août 2020.
Par ailleurs, Mme [H] a été embauchée selon contrat de travail initial en qualité d'assistante administrative, comptable et commerciale, l'avenant au contrat signé le 12 décembre 2019 précisant qu'elle exerçait les fonctions d'assistante administrative. Ses bulletins de paie de janvier 2020 à mars 2021 mentionnent qu'elle occupait l'emploi d'assistante administrative avec le statut professionnel d'employée niveau 4.
Arrêt n° 27 - page 7
10 février 2023
Elle n'avait pas ainsi, dans ses fonctions d'assistante administrative, vocation à être habituellement hôtesse de caisse aux termes de l'annexe au chapitre XII classification des emplois de la convention collective applicable.
Il résulte néanmoins des pièces du dossier que la salariée, qui ne le conteste pas, avait été amenée dans ses fonctions d'assistante commerciale durant la relation contractuelle à remplacer ses collègues en caisse lors de leurs congés, absences, autres occupations ou lors de forte affluence.
Ainsi, la tenue d'une caisse en renfort de Mme [P] de manière ponctuelle, même pendant une demi-journée le 11 décembre 2020, en lieu et place de M. [O] dont c'était l'emploi habituel, sans que soit précisé à quoi il était alors occupé, ne peut être analysé comme un véritable changement de fonctions.
Enfin, l'employeur justifie, au regard de son obligation de prévention des risques dans un contexte de crise sanitaire, la nouvelle organisation mise en place de rangement des effets personnels des employés par l'attribution de casiers personnels permettant de limiter les contacts.
Dès lors, la modification des horaires de travail de la salariée ainsi que la décision prise par la SAS Artcréaloisirs de lui attribuer ponctuellement un remplacement en caisse et de lui affecter un casier personnel ont été justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, en l'occurrence l'exercice par l'employeur de son propre pouvoir de direction et de la nécessité de satisfaire à son obligation de sécurité.
Ainsi, lorsque le seul agissement imputable à l'employeur est un avertissement injustifié, ce seul fait, isolé, ne peut permettre d'établir l'existence d'agissements répétés de harcèlement moral.
Le jugement sera confirmé en ce sens, et Mme [H] déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral.
3) Sur la cause du licenciement
Aux termes de l'article L. 1233-2, alinéa 2, du code du travail, tout licenciement pour motif économique est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article L. 1233-3 du même code que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au
moins égale à un trimestre pour une entreprise de moins onze salariés.
La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.
Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas
Arrêt n° 27 - page 8
10 février 2023
à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.
Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.
En l'espèce, Mme [H] conteste la légitimité du motif économique de son licenciement et soutient en premier lieu avoir été victime de faits de harcèlement le rendant nécessairement nul par application des dispositions de l'article L1152-3 du code du travail.
Le harcèlement moral n'ayant pas été retenu, les développements formés de ce chef par la salariée sont inopérants.
Elle conteste ensuite la réalité du motif économique du licenciement en faisant valoir que l'employeur ne produit des éléments comptables que pour une période antérieure au mois de juin 2020.
La lettre de licenciement du 16 mars 2021, qui fixe les limites du litige, est rédigée comme suit :
'Madame,
A la suite de notre entretien qui s'est tenu le 08 mars 2021 à 14h30, nous vous informons de notre décision de vous licencier pour les motifs économiques suivant dans les conditions posées par le code du travail :
- dernier exercice comptable déficitaire
- perte de 11 % de chiffre d'affaire sur le dernier exercice,
- perte de 5 % de chiffre d'affaires sur les six derniers mois,
- fermeture durant trois mois du magasin dans le cadre du Covid- 19
- application d'horaires restreints dans le cadre du couvre-feu imposé par la crise sanitaire.
En dépit des recherches que nous avons effectuées au sein de notre entreprise, nous n'avons pas trouvé de poste de reclassement. Compte tenu de votre situation familiale identique aux autres salariés de l'entreprise, nous avons décidé de supprimer votre poste, votre emploi étant le dernier créé au sein de notre société (...)'
Il n'est tout d'abord pas contesté que l'emploi de Mme [H] a bien fait l'objet d'une suppression au sein de l'entreprise à l'occasion de son licenciement.
S'agissant ensuite des difficultés économiques invoquées qui s'apprécient dans le cas d'espèce au niveau de l'entreprise dans la mesure où la salariée n'établit pas que celle-ci appartient à un groupe, ce que l'employeur conteste, la SAS Artcréaloisirs produit aux débats, à l'exclusion de tous documents concomitants à la date du licenciement :
- les documents de synthèses de présentation des comptes annuels relatifs aux exercices du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018, du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019, et du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020,
- le compte de résultat et les annexes pour l'exercice du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020 ainsi que les documents de gestion et la liasse fiscale y afférent.
Ainsi, contrairement aux termes de la lettre de licenciement, le dernier exercice comptable n'apparaît pas déficitaire puisque le résultat net comptable est de 3 556 euros.
De plus, si la perte de 11 % de chiffre d'affaire sur le dernier exercice (595 222 euros pour l'exercice 2019-2020 contre 665 600 euros pour l'exercice 2018-2019) se déduit des documents de synthèse produits, la perte de 5 % de chiffre d'affaires sur les six derniers mois n'est objectivée par aucun élément.
Par ailleurs, il n'est pas justifié de l'ampleur des difficultés économiques qui auraient résulté de la fermeture de l'entreprise et l'application d'horaires restreints dans le cadre du couvre-feu
Arrêt n° 27 - page 9
10 février 2023
imposé par la crise sanitaire au regard des éléments comptables versés aux débats.
Enfin, force est de constater que la société Artcréaloisirs qui ne fournit aucun élément comptable relatif à l'exercice au cours duquel elle a licencié Mme [H], ne caractérise aucune évolution significative des indicateurs économiques prévus par l'article L. 1233-3 du code du travail.
La SAS Artcréaloisirs échoue donc à démontrer l'existence de difficultés économiques suffisamment importantes à la date du 14 mars 2021 pour justifier le licenciement de Mme [H] et l'insincérité du motif est corroborée par l'article de presse paru dans le Journal du Centre le 19 juin 2021 dans lequel la gérante indiquait que 'le commerce est rentable mais qu'elle est arrivée au bout de l'aventure et souhaite changer d'horizons.'
Le licenciement pour motif économique intervenu à cette date doit donc être considéré comme sans cause réelle et sérieuse.
4) Sur les demandes en paiement de dommages et intérêts et d'indemnités de rupture
a) Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse survenant dans une entreprise employant habituellement moins onze salariés, le juge octroie au salarié, à défaut de réintégration, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre 2 mois et 8 mois de salaire brut pour les salariés ayant une ancienneté de sept années complètes comme c'est le cas de la salariée.
En l'espèce, Mme [H] était âgée de 37 ans au jour de la rupture du contrat de travail et son salaire de référence sur les trois derniers mois s'élevait sans contestation à 2 031 euros. Mme [H] ne donne aucune précision sur sa situation ni ne démontre l'ampleur du préjudice allégué alors que l'intimée affirme sans être contredite qu'elle a, selon les informations trouvées sur les réseaux sociaux, retrouvé un emploi depuis le 03 mai 2021.
Au regard de ces éléments, la SAS Artcréaloisirs sera condamnée à payer à Mme [H] une indemnité de 8 000 euros, qui viendra réparer l'entier préjudice résultant de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande à ce titre.
b) Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents
En l'absence de licenciement pour motif économique fondé sur une cause réelle et sérieuse, le contrat de sécurisation professionnelle n'a pas de cause et l'employeur est alors tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées à ce titre au salarié en vertu dudit contrat.
Mme [H] demande la condamnation de la SAS Artcréaloisirs au paiement d'une somme de 4 062 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 406,20 euros au titre des congés payés afférents.
Mme [H] n'ayant encore perçu aucune somme à ce titre de la part de l'employeur, il convient de faire droit à cette demande.
Le jugement critiqué sera donc également infirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef, et la SAS Artcréaloisirs sera condamnée à payer à ce titre Mme [H] la somme de
Arrêt n° 27 - page 10
10 février 2023
4 062 euros, outre les congés payés afférents.
5 ) Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement querellé est infirmé en ses dispositions relatives aux dépens.
La SAS Artcréaloisirs, qui succombe à titre principal, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande d'indemnité de procédure.
Elle est condamnée en équité à payer à Mme [H] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,
INFIRME la décision déférée, sauf en ce qu'elle a débouté Mme [B] [H] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
ANNULE l'avertissement du 14 septembre 2019,
DIT que le licenciement de Mme [B] [H] est sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la SAS Artcréaloisirs à verser à Mme [B] [H] les sommes suivantes :
- 83,07 € à titre de rappel de salaire, outre 8,31 € au titre des congés payés afférents,
- 8 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 4 062 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et 406,20 € au titre des congés payés afférents,
CONDAMNE la SAS Artcréaloisirs à payer à Mme [B] [H] la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS Artcréaloisirs aux dépens de première instance et d'appel et la déboute de sa propre demande d'indemnité de procédure.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;
En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
S. DELPLACE C. VIOCHE