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07/02/2023 | FRANCE | N°22/01098

France | France, Cour d'appel de Bourges, Chambre premier président, 07 février 2023, 22/01098


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LRAR aux parties

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COUR D'APPEL DE BOURGES



PREMIÈRE PRÉSIDENCE



ORDONNANCE DE TAXE DU 07 FÉVRIER 2023



N° 6 - Pages





Numéro d'Inscription au répertoire général : N° RG 22/01098 - N° Portalis DBVD-V-B7G-DP52;





NOUS, Alain VANZO, premier président de la cour d'appel de Bourges :



Statuant sur le recours formé par :



I -DEMANDEUR

Madame [Z] [L]

[Adresse 1]

[Localité 2]



ayant Me Jean-marie V

IALA, avocat au barreau de PARIS, pour conseil, non comparants, excusés







II - DÉFENDEUR

Maître [Y]

avocat au barreau de Bourges

comparant en personne,





La cause a été appelée à l' audience...

Notifications par

LRAR aux parties

le :

COUR D'APPEL DE BOURGES

PREMIÈRE PRÉSIDENCE

ORDONNANCE DE TAXE DU 07 FÉVRIER 2023

N° 6 - Pages

Numéro d'Inscription au répertoire général : N° RG 22/01098 - N° Portalis DBVD-V-B7G-DP52;

NOUS, Alain VANZO, premier président de la cour d'appel de Bourges :

Statuant sur le recours formé par :

I -DEMANDEUR

Madame [Z] [L]

[Adresse 1]

[Localité 2]

ayant Me Jean-marie VIALA, avocat au barreau de PARIS, pour conseil, non comparants, excusés

II - DÉFENDEUR

Maître [Y]

avocat au barreau de Bourges

comparant en personne,

La cause a été appelée à l' audience publique du 24 Janvier 2023, tenue par Monsieur le premier président, assisté de Madame Soubrane, greffier ;

Après avoir donné lecture des éléments du dossier, Monsieur le premier président a, pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'ordonnance au 07 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

A la date ainsi fixée a été rendue l'ordonnance dont la teneur suit :

Par ordonnances des 31 janvier 2018 et 16 février 2018, un juge d'instruction du tribunal judiciaire de Bourges a désigné l'association Le Relais en qualité d'administrateur ad hoc pour exercer, au nom des quatre mineurs [B] [I], [N] [I], [S] [I] et [Z] [L], les droits reconnus à la partie civile dans le cadre d'une information judiciaire ouverte contre Monsieur [M] [L] pour des infractions de nature sexuelle et contre Madame [A] [I], leur mère, des chefs de non-dénonciation de mauvais traitements, privations, agressions ou atteintes sexuelles infligées à un mineur.

Monsieur [L] et Madame [I] ont été renvoyés devant la cour criminelle du département du Cher.

L'association Le Relais a été maintenue administrateur ad hoc des quatre mineurs devant la cour criminelle. Maître [D] [Y] y a assisté [Z], [B] et [N], tandis que Maître [H] [V] y a assisté [S].

Par arrêts des 5 juin et 6 juillet 2020, la cour criminelle a acquitté Madame [I], a retenu la culpabilité de Monsieur [L] et l'a condamné à payer les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts :

- 38'451 euros à [B]

- 36'258,50 euros à [N]

- 28'172,50 euros à [S]

- 82'480 euros à [Z].

Par ordonnance du 8 décembre 2020, le juge des tutelles des mineurs du tribunal judiciaire de Bourges, saisi par requête de l'association Le Relais datée du 25 novembre 2020, enregistrée au greffe le 1er décembre suivant, a nommé cette association en qualité d'administrateur ad hoc des quatre mineurs pour procéder au recouvrement et au placement des fonds qui leur avaient été alloués, homologuer les constats d'accord avec le Fonds de garantie dans le cadre de la saisine de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (ci-après dénommée la CIVI), ouvrir un compte au nom de chaque enfant auprès du Crédit Mutuel de Bourges, proposer des placements sécurisés pour ces fonds et signer la convention d'honoraires de résultat rédigée par les conseils des mineurs dans le cadre de la procédure de saisine de la CIVI. Le juge des tutelles a précisé que l'administrateur ad'hoc aurait la gestion des fonds jusqu'à la majorité des mineurs, sauf décision contraire de sa part.

Le 14 décembre 2020, l'association Le Relais ès qualités, d'une part, Maîtres [Y] et [V], d'autre part, ont signé la convention d'honoraires, qui prévoyait un honoraire de base de 500 euros HT (soit 600 euros TTC) couvrant la saisine de la CIVI, la rédaction de conclusions, la transaction et l'audience devant la CIVI et un honoraire de résultat de 10 % de l'intégralité des sommes obtenues HT au-delà de 5 000 euros pour l'ensemble des enfants.

Par arrêt du 22 avril 2021, la cour d'appel de Bourges, saisie d'un appel de Madame [I] ès qualités de représentante légale des quatre mineurs contre l'ordonnance du 8 décembre 2020, a constaté que l'appel n'était pas soutenu.

Le Fonds de garantie ayant accepté d'indemniser les enfants à hauteur des sommes allouées par la cour criminelle, le président de la CIVI a, le 15 octobre 2021, homologué les constats d'accord entre l'association Le Relais ès qualités et le Fonds de garantie.

Par lettre du 17 janvier 2022, Mademoiselle [Z] [L] a soumis au bâtonnier des avocats du barreau de Bourges une contestation de l'honoraire de résultat perçu par Maître [Y].

Par lettre recommandée du 7 mars 2022, distribuée et délivrée le 15 mars suivant, le délégué du bâtonnier a écarté cette contestation d'honoraires.

Par lettre recommandée expédiée le 4 avril 2022, Mademoiselle [L], par l'intermédiaire de son conseil, a contesté cette décision auprès du premier président de la cour d'appel de Bourges.

Aux termes de ses écritures, elle demande :

- Principalement, d'annuler la convention d'honoraires du 14 décembre 2020 ;

- Subsidiairement, d'annuler l'honoraire de résultat prévu par cette convention et de condamner Maître [Y] à lui restituer le trop-perçu d'honoraires.

Elle fait valoir essentiellement que :

- La mission de l'association Le Relais ès qualités ayant pris fin avec son acquittement, cette association ne pouvait saisir le juge des tutelles afin d'être autorisée à signer la convention d'honoraires ; partant, le juge des tutelles ne pouvait désigner l'association en qualité d'administrateur ad hoc aux fins de signer cette convention ; dès lors, la convention doit être annulée, faute d'avoir été signée par une personne apte à représenter les enfants ;

- A supposer valide l'ordonnance du 8 décembre 2020, celle-ci a autorisé l'association ès qualités à signer une convention d'honoraires de résultat ; l'association ne pouvait donc signer la convention du 14 décembre 2020, laquelle ne prévoyait pas un honoraire de résultat uniquement (ce qui est prohibé) ;

- En vertu du droit à réparation intégrale énoncé à l'article 706-3 du code de procédure pénale, l'indemnisation intégrale des enfants par la CIVI était certaine ; l'honoraire de résultat n'avait donc aucune raison d'être ;

- les diligences prévues dans la convention n'ont pas été effectuées ; les honoraires de résultat prévus dans la convention sont donc disproportionnés au regard des diligences accomplies.

Maître [Y] conclut au rejet de l'intégralité des demandes de Mademoiselle [L].

Elle estime que le recours est irrecevable, faisant valoir à cet égard que :

- En l'absence de communication des actes aux termes desquelles les recours ont été effectués, elles ne sont pas mises en mesure de vérifier que la forme et le délai de recours ont été respectés ;

- La convention d'honoraires fixant un honoraire de résultat a été signée suite à une autorisation donnée par le juge des tutelles des mineurs, par une ordonnance qui est définitive et a l'autorité de la chose jugée suite à l'arrêt de la cour d'appel du 22 avril 2021 ;

- Le juge des tutelles a autorisé la conclusion d'une convention, qui lui a été soumise, prévoyant un honoraire fixe complété par un honoraire de résultat, les conventions d'honoraires ne fixant qu'un honoraire de résultat étant interdites ;

- L'association Le Relais n'a pas été déchargée de sa mission tendant à l'obtention, le recouvrement et le placement des fonds.

- Subsidiairement, elle soutient que l'honoraire de résultat n'est nullement disproportionné au regard du travail effectué, dès lors que l'indemnisation d'une victime de viol dans le cadre d'une procédure devant la CIVI n'est nullement automatique, que le Fonds de garantie conteste habituellement les indemnités allouées par les juridictions pénales et qu'il a en l'espèce accepté de verser l'intégralité des sommes allouées par la cour criminelle au vu des arguments avancés et des calculs présentés.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité du recours

Pour conclure à l'irrecevabilité du recours de Mademoiselle [L], Maître [Y] invoque, d'une part, le défaut de production de pièces permettant de vérifier qu'il a été intenté dans les formes et délais légaux et, d'autre part, la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée de l'ordonnance du juge des tutelles des mineurs ayant autorisé la conclusion de la convention d'honoraires.

En premier lieu, il résulte des dispositions des article 175 et 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 que les réclamations en matière d'honoraires sont soumises au bâtonnier par toutes parties et que la décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d'appel, qui est saisi par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans un délai d'un mois.

Conformément aux règles de droit commun, le point de départ de ce délai se situe au jour de la signature par le destinataire de l'avis de réception de la notification de la décision du bâtonnier.

En l'espèce, il ressort d'une lettre recommandée datée du 7 mars 2022 que Mademoiselle [L] a élevé une contestation des honoraires perçus par Maître [Y], que le délégué du bâtonnier a rejetée.

Par lettre recommandée expédiée le 4 avril 2022, Mademoiselle [L] a, par l'intermédiaire de son conseil, contesté cette décision auprès du premier président de la cour d'appel.

Ces deux correspondances, qui sont versées au dossier de la procédure, suffisent à prouver que le recours a été intenté dans le délai d'un mois prévu par le texte susvisé.

En second lieu, l'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'aux décisions par lesquelles le juge dit le droit, tranche une question litigieuse entre plusieurs adversaires, c'est-à-dire les décisions contentieuses, l'article 480 du code de procédure civile précisant que « le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal (...) a, dès son prononcé, l' autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche ».

En revanche, les décisions gracieuses, que le juge rend « lorsqu'en l'absence de litige il est saisi d'une demande dont la loi exige, en raison de la nature de l'affaire ou de la qualité du requérant, qu'elle soit soumise à son contrôle » (article 25 du code de procédure civile), sont dépourvues de l'autorité de la chose jugée, ce qui est le cas des décisions du juge des tutelles des mineurs autorisant certains actes.

C'est donc à tort que Maître [Y] invoque la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée pour en déduire que l'autorisation du juge des tutelles de conclure la convention ferait obstacle à la contestation des honoraires prévus par celle-ci.

Le recours intenté par Mademoiselle [L] est donc recevable.

Sur le bien-fondé de la contestation

Il entre certes dans les pouvoirs du premier président saisi d'une contestation d'honoraires d'avocat d'annuler une convention d'honoraires affectée d'une cause de nullité.

En l'espèce, toutefois, rien n'interdisait à l'association Le Relais, comme elle l'a fait par requête datée du 25 novembre 2020, de saisir le juge des tutelles pour solliciter sa désignation en qualité d'administrateur ad'hoc.

C'est donc valablement saisi à cette fin que, par ordonnance du 8 décembre 2020, ce magistrat a désigné l'association le Relais en qualité d'administrateur ad hoc pour représenter les mineurs afin de procéder au recouvrement et au placement des fonds alloués et l'a autorisée, en cette qualité, à signer la convention d'honoraires litigieuse.

En tout état de cause, le premier président n'est pas autorité de recours contre les décisions du juge des tutelles, de sorte que l'ordonnance du 8 décembre 2020, en ce qu'elle a habilité l'association Le Relais à conclure la convention d'honoraires, s'impose à tous.

Il sera précisé que le projet de convention, qui prévoyait non pas seulement un honoraire de résultat (ce que prohibe l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971) mais la rémunération des prestations effectuées et un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu, a été joint à la requête soumise au juge des tutelles, de sorte que l'autorisation donnée par ce magistrat a bien porté sur ces modalités de rémunération.

La convention d'honoraires litigieuse ne saurait donc être annulée.

L'honoraire de résultat ne saurait davantage être annulé, comme le réclame Mademoiselle [L], seule pouvant l'être un acte juridique.

Il est en revanche admis que l'honoraire complémentaire de résultat convenu peut être réduit s'il apparaît exagéré au regard du service rendu lors de l'élaboration de la facture définitive.

Selon la facture produite, Maître [Y] a perçu 125 euros au titre des honoraires fixes pour l'assistance d'[Z].

Maître [Y] a perçu en outre 7 748 euros HT (soit 9 297,60 euros TTC) à titre d'honoraires de résultat pour l'assistance d'[Z].

Or, s'il est exact que le Fonds de garantie est en droit de discuter les indemnités allouées par les juridictions pénales devant la CIVI, laquelle est une juridiction civile autonome, ce qui peut imposer des diligences aux conseils des victimes, tel n'a pas été le cas en l'espèce, puisque, par lettres des 23 juillet 2021 adressées aux conseils des mineurs, le Fonds de garantie a accepté d'indemniser ces derniers à hauteur des sommes allouées par la CIVI. Maître [Y] a donc dû seulement saisir la CIVI par requête, signer le constat d'accord et transférer les fonds perçus à son conseil (les conclusions de liquidation de préjudice produites par Maître [Y] ayant été soumises à la cour criminelle).

Au regard de ces diligences très limitées, l'honoraire de résultat stipulé dans la convention est excessif et doit être réduit à 1 300 euros HT (soit 1 560 euros TTC).

Maître [Y] devra donc restituer 9 297,60 - 1 560 = 7 737,60 euros à Mademoiselle [L].

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe et par ordonnance contradictoire

DÉCLARONS recevable la réclamation présentée par Mademoiselle [Z] [L] 

Sur le fond,

FIXONS le montant de l'honoraire de résultat dû à Maître [Y] à la somme de 1 560 euros TTC ;

ORDONNONS en conséquence à Maître [Y] de restituer la somme de

7 737,60 euros à Mademoiselle [L] ;

CONDAMNONS Maître [Y] aux dépens.

Ordonnance rendue le 7 février 2023 par Monsieur Alain VANZO, premier président qui en a signé la minute avec Madame Annie SOUBRANE, greffier.

LE GREFFIER, LE PREMIER PRÉSIDENT

Annie SOUBRANE Alain VANZO

SUR CE :

PAR CES MOTIFS :

Ordonnance rendue le 07 Février 2023 , par Monsieur Alain VANZO, premier président qui en a signé la minute avec Madame Annie SOUBRANE, greffier.

LE GREFFIER, LE PREMIER PRÉSIDENT

Annie SOUBRANE Alain VANZO


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : Chambre premier président
Numéro d'arrêt : 22/01098
Date de la décision : 07/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-07;22.01098 ?
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